Maamor était une région connue pour être l'un des lieux pionniers du monde de Tan. Il s'agissait d'un des plus grands continents, où quatre peuples y résidaient depuis des millénaires : Kurthorn, connu pour sa culture de perles magiques nommées Ytias ; Lamagnac, communauté de sorciers qui s'était retirée dans les montagnes au sud ; Telvahaar dont les habitants vivaient dans les grandes forêts de pins et Rinedel qui peuplait le ciel.

Les quatre royaumes de Maamor avaient presque toujours entretenu une relation de paix. Leurs origines n'étaient pas toutes blanches, mais les quatre contrées avaient rapidement compris que faire alliance les aideraient à éviter tout envahissement par un autre royaume de Tan. Les ennemis de l'inconnu ne s'étaient jamais trop approchés de leur territoire et Maamor avait parfaitement pu se développer sans l'aide de voisins.

Kurthorn était l'un des royaumes les plus puissants. Son pouvoir et sa richesse résidaient dans sa diversité de couleur et son territoire très vaste. Il était souvent raconté que la capitale de Kurthorn était l'une des plus belles de l'histoire de Tan. Ville aux milles et un dédales de marbre, des maisons toutes dotées d'une architecture légère et rêveuse, le tout organisé autour d'un grand arbre central. L'Arbre Sacré faisait une vingtaine de mètres de haut, avait un tronc de plusieurs mètres de large, son feuillage était si grand qu'il couvrait presque l'entièreté de la place centrale de la ville. Sa sève coulait non pas à l'intérieur mais bien sur le versant extérieur du tronc et était la source première d'Ytias de Kurthorn. Ces petites perles, chéries et vénérées par le peuple, glissaient perpétuellement contre son écorce mère avant de rejoindre un bassin créé par les racines de l'arbre.

Cependant, des nuages noirs habitaient le ciel de Kurthorn depuis le début de matinée et menaçaient de porter préjudice à la beauté du royaume. Tous attroupés autour de l'Arbre Sacré, le peuple de la plaine vivait en ce jour l'un des plus grands évènements de leur histoire. Plongés dans un lourd silence, la plupart levaient le regard, retenant leur souffle, tandis que les enfants couraient entre les jambes des adultes pour approcher au plus prêt le spectacle qui était présenté.

Parmi la bande de bambins qui se faufilait entre les plus grands, une jeune fille peinait à suivre le rythme. Ses cheveux, ramassés sous la capuche de sa longue cape en toile, lui cachaient la vue. Elle faisait de son mieux pour suivre ses amis qui avaient un train d'avance mais s'emmêla les pieds dans sa robe en tissu grisâtre, elle tomba brutalement au sol et s'écorcha le genou dans un grand fracas. Elle tira alors une vilaine grimace de douleur tout en posant sa main sur sa blessure qui avait déjà tâché le bas de sa jupe. Elle avait mal et avait envie de pleurer mais ses amis devaient certainement déjà avoir rejoint les premiers rangs, elle n'avait pas de temps à perdre !

Les larmes roulaient silencieusement sur ses joues. Cachée sous sa capuche, personne n'y fit attention. La petite fille avait alors poussé sur ses talons pour se lever et rejoindre les enfants de son âge. Mais un homme s'était approché d'elle. L'enfant avala de travers devant le visage pâle aux dessins noirs que présentait l'inconnu. Béate, elle avait mis quelques instants avant de réaliser que ce monsieur lui tendait gentiment la main pour l'aider à se relever. Timidement, la brunette avait approché le jeune homme qui avait aussitôt posé une main sur son genou blessé et, toujours dans un long silence, elle put remarquer de petites étincelles glisser en direction de sa blessure.

La douleur s'était enlevée, emportant l'homme avec lui. Tournant la tête de gauche à droite, la fillette regardait avec surprise autour d'elle. Elle était seule, au milieu de la foule, entre les jambes d'adultes qui n'avaient pas tenu compte de sa présence. Elle aurait pu repartir en courant, rejoindre ses amis sans penser à ce monsieur, mais une petite question trottait dans son esprit. Venait-il d'utiliser de la magie ? Non. La fillette gloussa naïvement, la magie étant originaire de Lamagnac, seuls les sorciers en connaissait l'usage. Impossible qu'un habitant de sa ville puisse connaître cet art. 

Puis, de soudains ricanements lui rappelèrent que des amis ne l'avaient pas attendu ! Ni une ni deux, la fillette accourut en direction des premiers rangs, oubliant bien vite ses questions et ce mystérieux homme vêtu d'une longue cape noire.

La place centrale du royaume était, en ce jour, pleine à craquer. Tous étaient venus, s'étaient presque précipités, pour ne pas rater le cycle de vie royal. La grande place formait un parfait arc de cercle, cerné de grandes colonnes d'or qui s'élevaient haut dans le ciel et dont l'une des façades reposait contre la pente escarpée d'une paroi de pierres décorée de corniches.

Le peuple de Kurthorn regroupait un mélange de diverses espèces, fruit d'un métissage racial aux lourdes tensions et était l'une des contrées les plus puissantes du pays. Il était rare de trouver des civilisations où trolls, elfes, gobelins, lutins et toutes sortes d'autres créatures, vivaient en harmonie. Ou du moins presque harmonie.

Un cri de douleur de la princesse vint briser le silence qui planait sur leurs épaules. L'heureux événement allait bientôt se fêter. Le travail avait été long, la princesse du royaume de Kurthorn était fatiguée, n'avait pas dormi de la nuit et avait été amenée en urgence à l'Arbre Sacré. L'aboutissement de ces longues minutes de douleur arrivait enfin. Au-dessus de leurs têtes, le ciel se faisait sombre. Des nuages colériques avaient recouvert l'ensemble de l'étendue bleue et les feuilles de l'arbre tombaient, arrachant des pleurs douloureux à la jeune femme qui se tenait devant le majestueux tronc. Ce rassemblement avait été décidé à la dernière minute. Villageois, nobles, enfants, adultes, tous avaient accouru et parcouru les plus grandes vallées pour observer leur princesse pleinement s'offrir aux Ancêtres.

Et puis il y avait Hyunjin, assis en tailleur sur l'une des niches de la crevasse, qui regardait le tronc sacré avec intérêt. De nombreuses perles d'Ytias s'en écoulaient mais leur quantité avait largement diminué, suffisamment pour lui susciter un légère nervosité. Elles étaient leur source première de vie. Sans elles, il était impossible de maintenir les protections de leur royaume. Cet élément vital permettait l'entretien de la fertilité des terres et promettait un avenir de paix à la population. Sans l'Ytias, leur royaume n'était plus qu'une plaine sèche de vie, désertique, où nul ne serait capable de vivre.

Ses cheveux roses lui tombaient tout juste sur ses épaules, ses oreilles étaient revêtues d'un grand nombre de bijoux, tout comme son cou. Il lui était impossible de faire un quelconque mouvement sans qu'ils ne tintent sur son passage. Lorsqu'il baissait le regard, il tombait directement sur le corps de la princesse. Yeji sanglotait, les bras tendus au ciel, perdue dans de longues prières en langue ancienne. Elle avait de longs et splendides cheveux noirs qui roulaient jusqu'au bas de son dos. Nue, son corps avait été toiletté et décoré de multiples colliers d'or, ils suivaient la ligne de son cou avant de s'étendre autour de sa poitrine et glisser le long de son ventre. Les membres du Conseil étaient derrière elle, tous à genoux, veillant à ce qu'elle ne manque de rien.

Sur la place, la plupart des enfants avaient cessé de courir lorsque les prières avaient été entamées. Plus personne n'avait osé faire de bruit lorsque les gémissements plaintifs de la jeune femme avaient recommencé à sonner sous le dôme de l'arbre, plus fréquents, plus étranglés. Certains petits glapissaient de peur, certains adultes pleuraient avec la princesse, les cris d'agonie leur glaçaient le sang et tétanisaient leur corps. C'était un spectacle douloureux, Hyunjin en avait les poils hérissés d'horreur, d'appréhension, de peur. Et si le rituel se passait mal ?

Yeji n'était pas supposée tant souffrir, et de telles festivités n'étaient pas non plus supposées arracher des larmes à la population. Mais il la connaissait, la princesse, et il savait pertinemment qu'elle ne refuserait jamais les protocoles de la famille royale, qu'importe la douleur engendrée par le rituel. Si elle devait souffrir, alors il en était ainsi. Et Hyunjin détestait cela, le nez retroussé et une expression de mépris sur le visage, il ne pouvait s'empêcher de radoter ô combien un rituel en petit comité aurait été plus facile à endurer pour la princesse.

Une énième grimace étouffée s'affichait sur le visage de sa sœur tandis qu'elle poussait à nouveau, il en avait mal au coeur. Elle était très belle, avec les longs bijoux que sa mère avait tressé dans ses cheveux le matin même, des yeux rubis cernés de poudre d'argent et d'un trait de khôl, ses délicates mains étaient parcourues de nombreuses runes peintes au noir âcre et ses pieds nus s'étaient mêlés aux racines de l'arbres. Elle était belle la princesse, très belle. Hyunjin eut un frisson d'envie, lui qui avait les cheveux en désordre, le visage marqué à jamais, des cernes effrayantes sous les yeux, une prestance peu charismatique... Il lui enviait tout, mais il la félicitait également, elle méritait tellement plus que lui. Elle avait tout ce qu'il n'avait pas : patience, maturité, sagesse...

Le corps de sa sœur se mit subitement à trembler, un grognement s'échappait de la gorge du garçon, il détestait la voir souffrir ainsi. Ses genoux cédèrent et elle posa ses mains au sol pour ne pas s'effondrer. Elle ne dit rien, mais il put voir sur son visage que la douleur continue qu'elle subissait commençait à considérablement la fatiguer. L'accouchement arrivait à son but. Le plus dur venait d'être franchi.

Les plus jeunes bouchaient leurs oreilles mais restaient forts, regardant silencieusement la brunette s'affaisser sur les linges qui se tenaient sous ses genoux. À Kurthorn rien n'était plus important que d'assister à la naissance d'un membre de la haute hiérarchie. Et aujourd'hui était un nouveau jour pour la famille royale, l'arrivée d'une nouvelle génération accrochée aux épaules du futur petit prince. Anxieux, l'amant de la princesse se tenait à deux pas d'elle, interdit de se tenir à ses côtés, il observait silencieusement la femme de sa vie s'adonner au travail puisant d'une mise au monde. Hyunjin le voyait danser sur ses pieds et frotter ses mains, celles-ci devaient d'ailleurs être moites tant son visage était tiré par l'inquiétude.

Lorsque la seconde étape du travail fut entamé, les soigneurs se précipitèrent pour accompagner la princesse dans la suite de son accouchement. Elle fut déposée dans un bassin qui se tenait au pied de l'arbre, l'eau claire fut légèrement troublée par ses quelques pertes de  sang. Ses cheveux tombaient en désordre sur ses épaules, sa poitrine s'ouvrait en en rythme saccadé, à la recherche d'air, de forces, de motivation qui l'amènerait au bout de ses dernières contractions. Il y eut un bruissement, provenant de l'arbre et Hyunjin retint aussitôt son souffle. Tous purent alors distinguer différentes branches et racines se glisser dans l'eau du bassin, y déversant suffisamment de perles pour que la princesse cesse subitement de sentir la douleur. L'eau rougeâtre devint bientôt d'or et un soupir de soulagement échappa à la jeune femme tandis qu'elle se décontractait entièrement, la tête basculant lentement en arrière dans un ultime souffle d'apaisement. Fébrile, il vit la princesse murmurer de faibles mots, il n'avait rien entendu, mais y avait su lire le message que tout le monde attendait :

– Le bébé arrive.

Hyunjin, toujours assis sur sa petite corniche, s'était légèrement penché en avant, observant le mouvement un peu plus bas. Il avait une main sur le cœur, tremblant. Comment faisait-elle pour rester forte ? Malgré les nombreuses heures qu'elle venait de traverser ? Comment avait-elle pu tenir tout ce temps sans jamais avoir besoin de soins médicaux, de calmants ou d'accompagnement ?

Le soleil était apparu, chassant à grandes foulées la brume étouffante pour laisser apparaître un sourire rayonnant. Un des soigneurs se précipitait alors en direction de la princesse, entourant son corps dénudé de linges tandis qu'une matrona l'aidait à se tenir assise et qu'une autre apportait, à la surface de l'eau, le bébé mis au monde.

Sautant de sa niche, Hyunjin avait survolé les quelques têtes avant d'atterrir aux côtés de son père. Celui-ci le regardait d'un œil légèrement ennuyé, mais ne releva rien, se contentant d'avancer, engendrant alors une vague de murmures sur son passage. À son bras, se tenait une femme des plus resplendissantes, ses cheveux d'ébènes étaient relevés en un chignon aux boucles d'or, ses yeux verdâtres avaient été habilement décorés de perles de porcelaine aux couleurs de sa longue robe habillée de dentelles frivoles. Il fallait dire que la reine avait un charme qui ne laissait personne insensible. Marchant derrière ses parents, Hyunjin se sentait ridicule face à son père qui était également magnifiquement vêtu et dont l'âge semblait figé dans le temps, malgré la couleur blanche qui commençait à naître dans ses cheveux bruns.

Arrivant au niveau du petit bassin, la famille royale s'était agenouillée devant la princesse qui, fatiguée, se contentait de faire signe au prince jusqu'à présent mis de côté.

— Tu es tout beau aujourd'hui, Hyunjin. Je suis contente de te voir, je voulais que ce soit toi, avait chuchoté Yeji, laissant son regard éreinté glisser le long de la silhouette de son frère.

Elle arborait un de ses plus beaux sourires, celui qu'il adorait plus que tout, celui qu'il avait toujours connu, celui qui perdurait dans le temps et qui ne s'effacerait jamais. Tandis que Hyunjin cherchait quoi répondre, les matronas s'éloignèrent une fois le placenta sorti et tout risque d'hémorragie éloigné. Le père de l'enfant s'était précipité aux côtés de la parturiente, déposant un doux baiser sur le front de sa bien aimée et lui chuchotant de doux mots à l'oreille. Contre la poitrine nue de sa sœur, se trouvait un tout petit bébé, elle le tenait délicatement contre sa peau alors que ses premiers pleurs se faisaient entendre. L'une des soignantes vint lui tendre un linge afin de récupérer le bébé pour rapidement vérifier son état de santé et le laver.

Hyunjin n'avait quitté le regard de sa sœur, intrigué, loin de comprendre ses intentions. Son beau-frère avait alors doucement relevé les yeux dans sa direction. Lui aussi était doté d'une beauté sans nom, une posture élancée, des cheveux qui lui tombaient sur le front, tout juste devant ses yeux aux orbes bleus. Il avait des airs célestes, il était tout aussi beau que la princesse. C'était un couple digne de ce nom, digne de renommée.

La main de l'époux de sa sœur se posait sur son épaule. Le prince avait sursauté, il s'était perdu dans ses pensées.

— Nous voulons que tu le prennes dans tes bras et le mènes aux Ancêtres.

Les mains tremblantes, il écarquilla les yeux et battit des paupières tout en se retournant brusquement vers la princesse, complètement secoué par la nouvelle. Yeji souriait tendrement, elle était fatiguée et se tenait tremblante contre le torse de son époux. Inquiet pour la jeune femme, le tout nouveau père la serra plus fermement dans ses bras, déposant de nombreux baisers contre sa joue.

— Je ne peux pas accepter ça ! C'est à Seungmin de le faire, c'est lui le père, c'est la tradition !

Hyunjin gesticulait des bras en bafouillant des formulations de refus, jamais il ne s'était attendu un jour à présenter à l'Arbre un enfant autre que le sien, c'était insensé !

Mais le regard de sa sœur ne semblait pas lui laisser le choix. C'était toujours ainsi, dans les rites elfiques, il fallait qu'un membre de la famille royale présente le nouveau né à l'Arbre Sacré. D'ordinaire, il s'agissait du géniteur qui présentait avec fierté l'Héritier. Mais sa sœur semblait avoir une préférence pour les nouveautés et demanda à la matrona qu'elle dépose le bébé dans les bras de son frère.

Impuissant et les mains moites, Hyunjin avait bégayé lorsque le minuscule nouveau prince s'était retrouvé entre ses bras. Paniqué, il entendit Seungmin ricaner à ses côtés avant de lui murmurer le nom de l'enfant à l'oreille.

— Tu peux le faire Hyunjin, tu n'as que trois mètres à faire, tu ne vas pas y laisser la vie.

Il déglutit fortement, soutenant le regard de l'elfe. Seungmin, un ami de toujours, aujourd'hui époux de la princesse, et père de la prochaine génération qui mènerait au trône. Le temps passait si vite.

Hyunjin reculait alors de deux pas et prit le temps de détailler le tout petit bébé qui gisait contre lui. Son cœur se mit à s'emballer et un sentiment d'apaisement s'éprit de lui. Le bébé était vraiment mignon... Il avait un large front sur lequel étaient incrustées de nombreuses pierres précieuses, les mêmes qui décoraient les joues de Hyunjin et la nuque de la princesse. Il s'agissait de leurs attributs royaux, les seuls dont émeraudes et diamants avaient percé la peau pour s'y loger à jamais.

Berçant doucement le bébé, il avait grandement souri devant la toute petite pointe de ses oreilles et une expression confiante s'était dessinée sur son visage lorsqu'il avait croisé le regard du nouveau-né. C'était donc le cœur gonflé de joie que le prince s'était détourné de la famille royale, oubliant ses moments d'hésitation pour rejoindre un berceau de branchage que l'arbre venait de matérialiser à quelques mètres de lui.

— Bienvenue à Kurthron, petit Jeongin, lui avait-il alors chuchoté à l'oreille, tout en le confiant à l'Arbre Sacré, là où le petit se ferait bénir par les Ancêtres.

Il avait le cœur qui tambourinait à chaque pas qu'il osait faire en direction du berceau sacré, jamais il n'avait pensé un jour faire ceci. Il en était bouleversé et terriblement fier. À peine avait-il déposé le bébé dans le branchage, que la rivière d'Ytias se ravivait et allait s'écouler le long du tronc en de longs rideaux d'or. Des cris de joie et d'enthousiasme fusèrent aux quatre coins de la place tandis que l'Arbre retrouvait ses feuilles. Le branchage se soulevait doucement, élevant le bébé dans les airs. C'était la présentation, l'instant où l'enfant était reconnu comme membre de la famille royale. Les fleurs poussèrent, les pétales tombèrent et une nouvelle lignée venait de naître, un nouveau descendant.

Jeongin, était le nom que tous criaient, et grand était le sourire qui se dessinait sur les lèvres de Hyunjin.

— Un jour, ce sera son tour.

Seungmin s'était avancé à ses côtés, le regard fier, ne quittant pas son enfant des yeux.

— Tu penses déjà à être grand-père ?

Le prince ricana, donnant un coup de coude à son ami de toujours, pensant que celui-ci s'adressait au nouveau-né.

— Je ne parlais pas de Jeongin.

Seungmin détournait le regard, posant avec sérieux ses prunelles sur Hyunjin. Il y eut tant d'instance dans son expression que l'elfe royal put sentir de violents frissons rouler sur son échine.

— Tu pourras tenter de mentir au monde entier, mais tu ne m'auras pas moi.

Les épaules du rose s'affaissèrent subitement lorsqu'il comprit les insinuations de son ami. Un long soupir s'échappait d'entre ses lèvres et le mari de sa sœur vint discrètement poser une main sur le bas-ventre du prince.

— Je ne dirai rien, si ça peut te rassurer. Mais il va être temps d'en parler. Tu ne pourras pas te cacher indéfiniment.

Un sourire crispé se dessina sur les lèvres du prince tandis qu'il tournait le dos à son ami. Seungmin n'avait pas de commentaires à faire, il s'agissait de son intimité, de ses histoires personnelles. Observant silencieusement l'arbre élever haut Jeongin dans le ciel, il ne put longtemps lutter contre la peine et la honte qui l'habitait. Yeji était l'héritière parfaite, l'ainée investie et déterminée, lui n'était que le petit frère, le petit rejeton un peu trop rêveur et peu concerné par sa fonction. Quel incapable... ne pouvait-il s'empêcher de penser. Si Seungmin avait remarqué, qui d'autre ici se murait dans le silence ?

La cérémonie continuait, le bébé retournait dans les bras de son père, la princesse se retirait dans ses appartements pour se reposer et les festivités continuaient sous les chants de la foule. Mais Hyunjin n'en avait plus le cœur, sa gorge était serrée et sa langue pâteuse, Seungmin venait de raviver une peur qu'il tentait d'oublier.

Trois mois déjà qu'il cachait à son peuple une grossesse inattendue. Lui-même se posait des questions, comment ? Pourquoi ? Qu'avait-il fait pour hériter de tant de différences ? Son avenir ne tenait, depuis peu, qu'à un fil. Il le savait, plus les semaines s'écoulaient et plus les révélations approchaient, le cachot pendait à son nez.

Voici le début de cette nouvelle fiction, j'espère sincèrement que l'histoire de Hyunjin et le monde de Tan vous plaira !! On se retrouve le week-end prochain pour la suite :3