Le royaume de la Lune
Un long chemin dallé de pierres blanches bordées de mousse verdâtre et légèrement fleurie. Des étagères de bibliothèque à perte de vue renfermant en leur sein le savoir de la création du monde et son histoire. Plus il s'avançait, les lambeaux de ses vêtements rampant sur le sol, plus il découvrait son monde. Le ciel était étoilé et la Lune étincelante brillait si fort qu'il n'avait pas besoin de bougeoirs pour y voir. Il pouvait se passer du Soleil pour voir des hiboux voler entre chaque étagère, un livre dans le bec afin d'aller l'y ranger ailleurs. Le royaume de la Lune était incroyable. Le chemin blanc se séparait en plusieurs sentiers vers divers directions au fil de sa marche, découvrant de nombreux détails plus époustouflant que le précédent comme les roches flottantes où le dieu Thot y déposait encore plus d'ouvrages écrit de sa main. Apophis avait même cru voir, l'espace de quelques secondes, une cascade sans fond entre deux étagères. Le monde de Thot vivait sous ses yeux, il lui paraissait vivant. Et malgré ce ciel étoilé qui laissait transparaître qu'ils étaient en extérieur, Apophis avait un sentiment de chaleur et de confort digne d'un foyer. Il suivait Thot jusqu'au centre de son royaume où était disposé un immense télescope dont l'oculaire ouvrait sur une brèche tombant sur le monde des Hommes. Autour de cet immense instrument astronomique étaient disposés divers croquis et notes sur l'évolution des Hommes. Thot s'arrêta à l'un des pieds du télescope et y ramassa une feuille jaunit qui y traînait encore avant de se tourner vers Apophis qui observait toujours les alentours comme un enfant.
«- Tiens. Fit-il en lui tendant le morceau de papier.
– Qu'est-ce que c'est ? Demanda le serpent en saisissant la feuille avec sa main abîmée par son combat face à Imhotep. Un portrait ?
– C'est toi. Enfin le souvenir que j'avais de toi. Je voulais te l'offrir si un jour nos routes se retrouvaient, c'est chose faite. »
Le serpent noir observait le portrait fait par son vieil ami. Cela représentait jadis, un lui sans les mains tachées de sang. Un jeune dieu des ténèbres qui n'avait pas encore connu la déchéance et l'abandon de l'Ogdoade. Apophis posa ensuite son regard sur Thot qui rangeait les livres remplis de feuilles volantes elles-mêmes couvertes de gribouillis ressemblant à des notes. Tout comme son royaume, il ne se lasserait jamais de le regarder, lui et son habituelle expression figée. Le dieu serpent se fit la réflexion qu'il aimerait revoir les rougeurs sur les joues de son vieil ami. Son expression était plus belle lorsqu'elle était contrastée par ses nuances de rouge qui avaient pris place sur ses pommettes. Apophis s'approcha de Thot, glissant sa main gauche le long de son dos nu. Le dieu lunaire sursauta quand il sentit des doigts remonter sa ligne de dos jusqu'à effleurer l'attache de la tunique qu'il portait. Il se tourna vers Apophis mais celui-ci en profita pour l'emprisonner dans une étreinte, ses deux mains à présent sur sa peau nue et douce.
«- Resteras tu toujours un enfant ? Fit Thot en posant son front sur l'épaule dénudée d'Apophis.
– Avec toi, oui. Répondit-il alors qu'il glissait son visage au creux de l'épaule de Thot.
– Tu n'as pas changé… Ajouta-t-il avant de lui rendre son étreinte, ses mains posées sur ses omoplates. Tu m'as manqué Apophis… »
Il avait sa main droite sur le haut de son dos, posée à la base de sa nuque tandis que l'autre avait commencé un léger tour de sa taille, attrapant le côté opposé en bas de son dos. S'il le pouvait, Apophis ne lâcherait plus jamais cette étreinte. C'était trop bon de le sentir à nouveau contre lui. Il ne voulait plus le quitter. Cependant, un hululement força Thot à repousser à Apophis pour se tourner vers le hibou qui volait vers eux. Le serpent noir esquissa un léger sourire quand il revit les rougeurs sur les joues de son vieil ami. Il aurait souhaité le toucher davantage afin d'en voir plus de lui et des expressions qu'il lui dissimulait si honteusement. Thot récupéra le rouleau de parchemin entre les serres du rapace, rompant le sceau qui le fermait.
«- Qu'est-ce que c'est ?
– Un message de l'Ennéade. Il est écrit que tu ne peux plus me toucher sans que je ne t'en donne le droit. Fit Thot en se tournant vers Apophis.
– Tu mens. Sourit-il en voyant le papier se froisser légèrement sous les doigts de son ami.
– … Tu devras m'aider dans ma tâche jusqu'à une certaine date qu'ils décideront plus tard.
– Ma punition est de te servir d'assistant ?
– Oui même si je n'ai pas besoin d'un serpent qui se colle à moi et qui en profite pour me toucher. Dit-il en détournant le regard faussement autoritaire.
– Tu m'as rendu le contact Thot.
– Par politesse.
– Ah oui ? Eh bien soit, je ne te toucherai plus mais tu verras que ça te manquera.
– Ça ne peut pas me manquer si je n'ai pas aimé. Fit Thot sachant que cela blesserait Apophis et sa fierté.
– Oui, c'est vrai tu as raison. Le câlin n'était pas extraordinaire, même ennuyant je dirais. Répondit-il sur le même ton provocateur.
– Il n'y avait même aucun intérêt ! C'était même désagréable d'être tenu par toi !
– Parfait ! Parce que c'était répugnant de te toucher ! S'écria Apophis blessant réellement Thot qui perdit son sourire provocateur.
– Répugnant… Ah oui ? T-tu es sûr ? Fit-il en tentant de garder contenance devant le serpent. Tu ne le toucheras plus ce corps répugnant, sois en sûr.
– Thot… Tu sais bien que je ne le pensais pas…
– Tu l'as dit quand-même !
– Et toi alors ?! Tu as dit que cela avait été désagréable !
– Tu sais parfaitement que c'est faux ! Qui trouverait ça désagréable d'être tenu par toi… ?
– Beaucoup de personnes à vrai dire. Si j'essayais de poser un seul doigt sur Djéser ou Harugo, je me le ferai couper dans la seconde. Il n'y a que toi qui peut apprécier ça.
– Ne le redit plus jamais…
– De quoi ?
– Que mon corps est répugnant ! Maudit serpent… Fit Thot avant de se frotter le visage, honteux d'être autant impacter par les paroles d'Apophis. J-je dois encore te montrer où tu vas dormir.
– Ton corps est magnifique Thot. C'est le plus beau que je n'ai jamais vu.
– Tu n'en as pas vu beaucoup…
– Détrompe-toi. J'en ai beaucoup vu à travers les yeux de Djéser, mais le tiens est mon préféré.
– Arrête de faire l'enfant et suis moi… Fit Thot en tournant les talons pour ne pas laisser Apophis voir son visage cramoisi.
– À vos ordres. »
Les deux hommes empruntaient une autre voie qui allait les mener jusqu'à un immense escalier circulaire qui montait si haut qu'Apophis n'en voyait pas le bout. Une fois là-haut avec sa capacité à respirer correctement en moins, le serpent pu voir le royaume de la Lune dans sa globalité. Il avait quelque chose d'enchanteur et d'irréel. Les deux dieux se trouvaient devant l'immense Lune qu'avait aperçu Apophis à son arrivée. Il observait Thot décrocher une des clefs de sa ceinture en cuir avant de l'enfourner dans un des petits cratères de l'astre. Une porte d'entrée se dessina sous les yeux émerveillés du serpent qui crut rêver.
«- La Lune a une porte ?
– Ne fais pas l'idiot. C'est une fausse. Je vis ici. Ce que tu vois en bas me sert d'atelier ou de bureau.
– Tu me permets de pénétrer chez toi alors ?
– Je n'ai pas le choix. Quand je suis partie d'ici je n'avais pas prévu de revenir avec quelqu'un d'autre alors nous allons devoir dormir… Ensemble…
– Dans le même lit ?
– C'est ce que ça veut dire oui ! J'aurais pu te laisser dormir sur une pile de livres mais tu les aurais abîmés…
– J'aurai sûrement préféré. Tu devrais penser à investir dans cette boîte métallique que les humains appellent ascenseur.
– Idiot. Soupira Thot avant d'entrer suivi par Apophis qui souriait, amusé par sa bêtise. »
En entrant, Apophis ne fut pas surpris de tomber sur une grande pièce dont les murs étaient entièrement cachés derrière des étagères où étaient rangés uniquement des livres écrits par la main de l'Homme cette fois-ci. La pièce ressemblait à une bibliothèque humaine avec une table basse circulaire au milieu et divers coussins disposés tout autour. Il suivit ensuite Thot qui emprunta un autre escalier qui les mena à l'étage. La chambre était à l'image du dieu lunaire. Le sol et le plafond, de même que les murs, étaient une imitation d'un ciel étoilé autour de la Terre, effectuant de lent mouvement pour reproduire la rotation de la planète. Il y avait un tapis blanc au centre la pièce, deux autres étagères avec des bibelots exposés dessus puis un lit double collé sur le mur du fond.
«- Va te laver maintenant. La salle de bain est juste là. Fit Thot en pointant une porte dans un coin de la chambre.
– Tu veux venir avec moi ?
– Prends une douche froide, ça te rafraîchira les idées.
– Dommage. Tu adorerais ça.
– J'en doute fort.
– Une chose est sûre c'est que moi oui. Répondit-il en regardant le corps de Thot.
– Oust ! »
Le dieu serpent rit à nouveau avant de laisser Thot seul le temps qu'il enlève les résidus de sang et de poussière qu'il avait sur le corps grâce à une douche chaude dans la salle de bain qui possédait le même aspect que la chambre.
Le dieu lunaire profitait de l'absence de courte durée de son vieil ami pour utiliser ses pouvoirs sur lui pour ne pas à avoir à aller dans la salle de bain une fois que le serpent aura fini. Qui sait ce qui lui arriverait s'il se retrouvait seul et nu avec Apophis de l'autre côté de la porte ? Une simple planche en bois ne pourrait pas l'empêcher d'entrer. Il préférait la sécurité à la sensation de l'eau chaude pour détendre ses muscles. Il en profitera quand Apophis sera occupé. Pour le moment, le dieu lunaire prépara quelques affaires pour Apophis avant de se changer pendant qu'il en avait encore le temps. Il troqua sa tunique contre un ensemble que portait les humains que lui avait offert Imhotep. Thot portait un pantalon de pyjama noir avec un tee-shirt à manches courtes bleu marine où était dessinée une Lune endormi avec un bonnet pour la nuit. S'il avait su, il en aurait demandé un pour Apophis. Ce dernier sortit d'ailleurs de la salle de bain, nu, ses longs cheveux noir ne couvrant que son torse.
«- J'ai fini.
– Habille t-. Fit Thot avant de violemment rougir tout en jetant les vêtements qu'il avait préparés au visage d'Apophis. Qu'est-ce qui te prend ?!
– Je n'allais pas remettre mes vieux vêtements.
– Tu aurais pu mettre une serviette !
– Oui, oui c'est bon. »
Apophis leva les yeux au ciel alors qu'il enfilait le pantalon ample de couleur rouge que lui avait confié Thot, puis le haut noir qui couvrait seulement son torse, noué grâce à deux petites boucles en or sur sa nuque et sur le bas de son dos. Ses iris jaunes se posèrent ensuite sur le dieu lunaire qui lui tournait le dos et sur les drôles de vêtements qu'il portait.
«- Tu as trouvé ça où ?
– C'est Imhotep… Tu es habillé ?
– Oui alors tu peux arrêter de te couvrir les yeux alors que tu es dos à moi. »
Craintif, Thot se tourna vers Apophis avec lenteur et fut soulagé de le voir décemment habillé. Il était tout de même mieux ainsi, propre, vêtu de vêtements qui n'avaient pas été réduits en miettes par une bataille. Cependant, malgré ses précédentes plaintes, il ne bougea pas quand il vit le serpent noir s'approcher de lui et poser ses mains sur sa taille. Comment pouvait-il riposter alors qu'il avait délibérément choisi une tenue qui dévoilait les atouts de son vieil ami ? Il lui devait bien cela pour soulager sa culpabilité, et puis, il appréciait quand Apophis le touchait.
«- Allons dormir… Fit-il la tête appuyé sur l'épaule du serpent.
– D'accord… »
Les deux hommes se regardèrent quelques instants avant de se séparer. Ils firent chacun le tour du lit avant de s'y engouffrer l'un après l'autre. Thot tournait le dos à Apophis mais ce dernier ne perdit pas de temps avant de venir se coller à lui, enroulant ses bras forts autour de la taille du dieu lunaire, tel un serpent piégeant sa proie.
«- Bonne nuit dieu de la Lune. Murmura-t-il contre l'oreille de Thot.
–… Bonne nuit. »
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