Le chemin vers la rédemption
À genoux devant le monde, il avait la tête inclinée face à sa défaite. Ses vêtements étaient en lambeaux, carbonisés, réduits à néant par les attaques qu'il avait essuyé. Il avait échoué. Sa vengeance avait été détruite par un prêtre aux allures d'enfant. Imhotep l'avait arrêté pour sauver Djéser, son ami. Un ami. Lui n'en avait plus. Thot s'en retournerait dans son royaume sans lui adresser un regard, lui qui avait échoué, lui qui l'avait déçu et trahi. Apophis était seul à nouveau. Malgré son corps retrouvé et ses pouvoirs plus puissants, cela ne lui servaient à rien s'il n'avait pas d'objectif. Se venger de l'Ogdoade n'avait servi à rien, il avait été stoppé. Espérer retrouver ses liens avec Thot, était impossible maintenant qu'il avait vu son vrai visage, celui d'un serpent noir avide de pouvoir et de vengeance, battu par un enfant. Il serait condamné aux ténèbres pour expier ses fautes et ses crimes. Seul.
Apophis était conscient que sa rédemption serait vaine et inutile. Personne ne serait capable de pardonner le mal qu'il avait commis même s'il était puni. Ses longs cheveux noirs de jais étaient rabattu sur son visage tuméfié par les coups reçus et son regard était vide. Ses iris jaunes étaient fixés sur ses mains plaqués au sol au milieu de la poussière. Elles étaient couvertes d'égratignures et de sang séché. Ce n'était même pas le sien, du moins pas entièrement. Son propre sang était étalé sur son dos dénudé. Sa plaie s'était refermée mais le sang qui y avait coulé était toujours là pour témoigner de sa faiblesse. Cela avait été Thot lui-même qui lui avait infligé ce coup au milieu de son dos afin de l'arrêter pour permettre à Imhotep de l'achever, de le mettre hors d'état de nuire. Apophis n'osait relever le regard de peur de tomber sur les iris bleutées de son vieil ami qui le détestait sûrement à présent.
Toutefois, une main douce et chaude vint se glisser entre ses mèches noires, caressant son cuir chevelu. Le serpent noir sursauta quand il sentit cette douceur posée sur sa tête. Il n'osait toutefois pas relevé le regard. Il fixait toujours ses doigts abîmés, les repliant sur eux mêmes, les larmes aux yeux. Cela ne pouvait être que lui. Seul ce maudit dieu du langage des divinités égyptiennes osait s'approcher de son corps immonde pour lui prodiguer quelques caresses. Cela faisait si longtemps qu'il n'avait pas senti cette main dans ses cheveux ébènes.
«- Relève la tête Apophis. Lui intima cette voix si douce contre son oreille.
– Non... Je suis hideux… Je ne veux pas que tu revois mon visage. Lui répondit-il. »
Apophis voulait cacher son corps à Thot. Il ne voulait plus lui dévoiler ses yeux noirs au triple iris jaunes de serpent, ses pomettes couvertes de ses écailles et sa culpabilité. Il avait bien trop honte de dévoiler une telle laideur à ce dieu si respectable et beau.
«- Allons ne fait pas l'enfant. Je sais parfaitement à quoi ressemble ton visage alors laisse moi le revoir encore une fois.
– Je ne veux pas…
– Regarde moi Apophis. Fit Thot avant de tendre une main vers la joue de son ami afin de relever son visage vers le sien. »
Le dieu déchu vit à nouveau le visage du dieu Thot. Il lui souriait tendrement tout en plissant les yeux. Ses yeux bleus-cyan étaient dissimulés derrière ses paupières mis-closes. Il n'avait pas perdu le monocle en or qu'il conservait depuis le premier jour de leur rencontre. Thot était resté le même, beau et magnifique à contempler. Apophis ne se lasserait jamais de détailler ce dieu à la peau caramel. La personne vile qu'il était osait salir la main tendue qui le touchait. Il ferait mieux de s'en éloigner s'il ne voulait pas entacher ses mains si douces et délicates. L'Ogdoade avait eu raison de le condamner à l'oubli derrière les portes de l'enfer. Il ne méritait pas la douceur de Thot.
«- Tu n'as pas changé mon vieil ami. Tu restes adorable lorsque tu rougis, n'est-ce pas ? Sourit tendrement le dieu de la Lune alors que le dieu serpent s'était mis à rougir en dévoilant à nouveau son visage à son ami.
– Ne sois pas stupide… Je suis un être abjecte et hideux…
– Peut-être, mais tes rougeurs lorsque tu es mal à l'aise te donnent du charme.
– Ton monocle ne te sert à rien… Tu restes aveugle…
– Mes yeux sont aptes à percevoir la beauté d'un être tel que toi Apophis, ne l'oublie jamais. Fit-il l'homme aux cheveux noirs avant de se redresser, éloignant ses doigts fins du visage du serpent noir.
– Thot… »
L'ancêtre de Imhotep s'éloigna de son vieil ami après un dernier sourire. Lui disait-il adieu ? Apophis aurait voulu retenir cette main balante le long de son corps en mouvement mais le sien refusait de faire le moindre mouvement à son encontre. Il devait accepter ses adieux et savourer le souvenir de ces derniers moments passés ensemble. Sûrement aurait-il dû profiter plus longtemps de cette main posée contre sa joue, ou de ses yeux bleus plongés dans les siens. Mais c'était trop tard, Thot partait loin de lui. Le moment de sa sanction ne tardera plus. Apophis le savait et le voyait. Harugo s'approchait de lui, épée tendue. Alors c'était la mort que les dieux avaient choisi pour lui. Soit, le serpent noir était prêt à recevoir le tranchant de cette lame au plus profond de son cœur. Le jeune homme de vingt-et-un ans brandit sa lame au-dessus de lui une fois assez proche du coupable, avant de l'abattre violemment à seulement quelques millimètres d'Apophis, manquant de lui couper les mains.
«- Que fais-tu Misora Harugo ? N'es tu plus capable de tuer un homme ? Siffla-t-il en direction du garçon aux cheveux bleus qui se contentait de le fixer avec haine et dégoût.
– Ferme là serpent. Si cela ne tenait qu'à moi, je t'aurais tranché la tête sans la moindre hésitation.
– Eh bien qu'attends-tu ? Je le mérite et je n'essaierai pas de me défendre. Fais-le et vise bien. Fit le serpent tout en fermant les yeux, prêt à recevoir sa mort.
– Tsk. Je ne comprends pas ce qu'il peut bien trouver à un monstre comme toi. Lui dit le membre du Culte d'Amon avant de partir à son tour.
– De qui parle-t-il ? »
Apophis se retrouvait encore seul. Imhotep discutait joyeusement avec Djéser, présentant son ami à Hinome. Et Thot avait disparu, sûrement s'en était-il allé au royaume de la Lune. Le dieu des ténèbres était seul, coupé de tous.
Quelques minutes plus tard, loin des rires partagés après un tel affrontement, un prêtre dont Apophis ne connaissait ni le nom ni la renommé, s'approcha de lui, un collier épais relié à une chaîne entre ses mains. Le serpent noir ne comprenait plus ce que les dieux de l'Ennéade lui reservait comme punition pour ses crimes. Il se laissait mettre l'épais collier en métal autour du cou. Il pesait lourd sur ses épaules, mais là était le prix à payer pour ses crimes. Après avoir infecté le monde avec ses ténèbres afin de noircir le cœur des populations, être enchainé était un bien piètre supplice à supporter en comparaison.
«- Prépare toi à recevoir le baiser de la Lune, monstre. Cracha l'homme après avoir scellé le sceau de ses chaînes pour qu'il ne les retire pas.
– Qu'est-ce que c'est ? Questionna Apophis sans comprendre ce qu'on lui réservait.
– C'est bien trop d'honneur pour une créature du mal tel que toi, serpent. Fit l'homme à la voix grave avant de s'en aller. »
Le monde vivait autour de lui mais Apophis ne comprenait pas. Le baiser de la Lune ? Qu'est-ce que c'était ? Il n'avait rien connu de tel durant sa longue vie. Il en vint rapidement à la conclusion que l'Ennéade avait mis en place une mise à mort spécialement pour lui. Néanmoins, il ne comprenait pas la nécessité de ces chaînes autour de son cou relié à ses poignets. Après sa défaite, il n'avait manifesté aucune volonté de fuir et s'ils comptaient le tuer, l'enchaîner ne servirait à rien.
«- Le baiser de la Lune… Murmura t-il.
– On te l'a annoncé ? Fit la voix douce de Thot à nouveau devant lui. Ils t'ont aussi enchaîné… Je leur avais pourtant dit que ce n'était pas nécessaire.
– C'est à toi qu'on a demandé de me tuer ? Je suis navré pour toi Thot.
– Ne dis pas de sottises. Qui t'a dit que j'allais te ôter la vie après que l'Ogdoade te l'ai prise pendant tout ce temps ?
– Le baiser de Lune est lié à toi. C'est nécessairement une punition au même niveau que mes crimes.
– Tu as raison, c'est une punition mais pas celle à laquelle tu penses. Tu resteras en vie, mais c'est bien moi qui doit m'en occuper.
– Qu'est-ce que c'est alors ?
– C'est un passage ou ce qui permet de l'emprunter. Il permet l'entrée au royaume de la Lune.
– Ton royaume ? Personne n'y pénètre.
– Car je refuse de permettre à quiconque d'y poser un pied. J'ai besoin de calme pour écrire l'histoire de ce monde.
– Alors pourquoi m'offrir le droit de ce passage ?
– Ce sera ta prison. Sans moi tu ne pourras pas en sortir. J'ai choisi moi-même ta punition Apophis. Les dieux désiraient ta mort mais j'ai su les convaincre de te confier à moi. Fit le dieu tout en offrant un sourire doux à son vieil ami.
– Je suis prêt alors. Je n'ai plus rien à faire ici.
– Bien. »
Thot s'accroupit en face du serpent noir, déposant délicatement ses mains sur les épaules de son vieil ami. Le dieu lunaire n'avait jamais prodigué le droit de passage vers son monde. Le processus bien que rapide était embarrassant. L'ancêtre de Imhotep fixait ses iris jaunes qui faisaient de même avec lui. Apophis se questionnait sur les intentions de l'homme en face de lui.
«- Ferme les yeux.
– Pourquoi ?
– Je ne peux pas le faire si tu me regardes comme ça. Fit Thot en baissant sa tête, embarrassé.
– Comment je te regarde ?
– Tu le sais parfaitement Apophis…
– Je te regarde parce que tu es magnifique Thot.
– Ne rend pas les choses encore plus compliquées pour moi… Lui dit le dieu en sentant son visage prendre quelques couleurs.
– Bien… Je ferme les yeux. Fit Apophis les yeux clos. Tu peux me faire le baiser de la Lune maintenant. »
Apophis sentit Thot s'appuyer sur ses épaules. C'était la fin. Il serait envoyé au pays de Thot. Néanmoins, Apophis partait le cœur léger. Il serait avec son vieil ami. Il n'y avait rien pour lui dans le monde des vivants.
Le dieu scribe glissait une main sur la joue d'Apophis, caressant ses écailles sous ses yeux clos.
«- Toi aussi tu es magnifique… »
Apophis était pour Thot l'être le plus beau qu'il ait eu à rencontrer bien loin de l'image de monstre des ténèbres qui le suivait. Seul le dieu lunaire savait à quoi ressemblait vraiment Apophis, il était le seul à voir à quel point il était beau.
Thot déposa dans une douceur si délicate que Apophis crut à une pétale de fleur glissant sur lui, ses lèvres sur les siennes. Le serpent fit teinter ses chaînes lorsqu'il déposa l'une de ses mains sur la hanche de son vieil ami sans comprendre le sens du baiser. C'était si doux qu'il ne se sentit pas transporté dans une autre réalité.
Ce fut lorsque Thot rompit le contact de leurs lèvres, qu'il put voir qu'ils étaient à présent devant les portes du royaume du dieu lunaire. Ils étaient sur une stèle en pierre blanche flottante, entouré d'une sphère reproduisant un Soleil couchant. Leur seul point de sortie - ou d'entrée - était d'immenses portes en bois clair portant le sceau de Thot : un croissant de Lune en or sur chacune d'elles.
«- C'est donc cela le baiser de la Lune… Constata le serpent noir en ôtant sa main du corps de Thot.
– Evidemment. Pourquoi penses-tu que je t'ai embrassé ?
– Par envie ? Fit Apophis en souriant à son ami dévoilant ses canines pointues.
– Ne sois pas stupide. Pourquoi t'aurais-je récompensé d'un baiser après ce que tu as fait aux autres ? Il faut le mériter.
– Si je le mérite, tu m'embrasseras à nouveau ?
– Je te retrouve bien là Apophis. Sourit à son tour Thot, heureux de retrouver le côté taquin du serpent noir. Je t'embrasserai quand tu seras digne de recevoir un baiser de ma part.
– J'ai hâte d'obtenir un vrai baiser de la part du dieu de la Lune. »
Thot leva les yeux au ciel avant de se lever quittant la proximité du corps d'Apophis. Avant qu'Atum-Ra ne naisse, Apophis et lui étaient si proches qu'il en était tombé amoureux. Puis le serpent noir a sombré dans ses ténèbres. Mais maintenant qu'il l'avait retrouvé, son ami qui lui était si cher, Thot pu constater qu'il était toujours aussi faible devant Apophis. Le dieu des ténèbres était sa plus grande faiblesse.
Thot ouvrit ensuite les portes lunaires, dévoilant à son vieil ami le royaume de la Lune.
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