Chapitre 5 ° Au pied du mur (en cours)

Je me tournais vers Maltar.

— Est-ce que je peux avoir cinq minutes avec lui seul à seul ?

Une lueur de victoire s'alluma dans ses yeux verts.

— Une minute.

Je le gratifiais d'un regard noir. Je me jetais au chevet du gamin. Sa lèvre avait triplé de volume et recouvrait son menton d'une croute de sang marron. Il avait l'air résigné. Il me suivit dans un recoin sans rechigner. J'avais besoin d'un peu d'intimité et leurs regards insistants me hérissaient l'échine.

— Abel c'est ça ?

Le gamin hocha la tête.

— Moi c'est Ciara. Pourquoi as-tu besoin d'être ici ?

Il haussa un sourcil.

— Maltar est le seul à traiter ses combattants convenablement. Les autres...

Sa gorge s'étrangla.

— Abel, je suppose que tu n'as jamais combattu avec un catalyst ?

Il acquiesça sans surprise. Je lui pris la main.

— J'ai un secret à te dire mais cela doit rester entre nous.

Toujours aucune lueur dans ses yeux. Je devais vite le convaincre.

— Un catalyst peut tout faire. Je peux tout faire mais il faut que tu y crois et que tu le veuilles.

Je perçus une pointe d'incompréhension.

— Nous pouvons gagner contre Oleck. C'est même très facile. Mais il faut que tu le veuilles de toute ton âme. Tu n'as pas le choix.

Ses yeux retrouvaient un peu de vivacité et la lueur au creux de son plexus s'agrandit légèrement. Il renifla et grimaça alors qu'une de ses blessures saignait.

— Y a des gens qui disent que vous pouvez contrôler nos corps.

Je déglutissais de travers.

— Il existe beaucoup d'histoires...

— Je ne sais pas me battre.

Je paniquais en comprenant ce qu'il attendait de moi. Je lui attrapais délicatement le visage entre mes mains.

— Tu n'as pas besoin de savoir te battre. Tu dois juste vouloir de toutes tes forces et je te donnerais ce dont tu as besoin.

— Il est l'heure !

Je grognais. Je le fixais avec toute ma détermination, espérant lui en insuffler autant que possible.

— On va l'éclater.

Il hocha la tête, un peu de confiance retrouvée. Un peu. Pas assez. C'était trop fragile. Au premier coup, tout risquait de s'effondrer. Les hommes avaient agrandi le cercle. Oleck attendait au milieu. Je sentais sa méfiance envers moi mais lorsqu'il vit l'état d'Abel, son sourire revint. Je serrais les dents. Je m'intégrais au cercle. D'habitude, il n'y avait que Gedd pour observer nos entraînements.

Abel laissa sa luminescence remonter et flotter autour de lui, accessible. Il n'y avait vraiment pas grand-chose à utiliser. Je tâchais de m'y connecter. Je visualisais l'énergie qui circulait dans son petit corps. Au moins, il avait assez de force pour la laisser sortir de lui.

Je déchantais vite. Maltar ouvrit le combat et Oleck se jeta sur Abel. Celui-ci réussit à esquiver la première attaque. Ce fut sa seule réussite. D'un retour de coude, Oleck le sécha à la tempe. La douleur éteignit le peu de lueur qu'il dégageait. Je glapis. S'il s'évanouissait, s'en était fini. Je n'avais même pas eu le temps de faire quoique ce soit. Je n'avais pas l'habitude de me battre dans ses conditions. J'aurais du être plus agressive dès le début. J'avais laissé passé ma seule chance.

"Tu dois y croire"

Les paroles de Gedd raisonnèrent. Si je n'y croyais pas, je n'aurais même pas dû ouvrir le combat. Je pris une inspiration et me concentrais sur le combat. Ou plutôt le massacre. Je percevais la déception chez nos spectateurs. Il était clair que tout était joué. Oleck était en train de défigurer le pauvre Abel. Je refusais de m'avouer vaincue. Etait-ce stupide ? Non. C'est ce qui différenciait les vrais combattants. En tout cas, c'est ce que nous répétait notre mentor. Ne jamais baisser les bras et une faille s'ouvrirait. Elle serait si minuscule que cela tiendrait d'un battement de cil. Alors raison de plus pour me concentrer.

— Je ne suis pas sûr que cela serve à grand-chose, maugréa la montagne.

— Le gamin était déjà foutu, ajouta un autre.

Ils commençaient à parler mais je n'écoutais pas. Abel était jeune. Il devait avoir des réserves. Il était peut-être abattu mais pas au point de se laisser mourir. Cela devrait suffire. Oleck s'arrêta pour contempler son œuvre. Je me crispais. Il se baissa pour souffler quelque chose à l'oreille de sa victime. Impossible d'entendre mais cela n'avait aucune importance. L'éclaire de colère d'Abel le traversa. C'était tout ce dont j'avais besoin.

Je n'allais pas dans la dentelle. J'attrapais sa luminescence, je la concentrais et je la relâchais aussi violemment que possible. Une explosion de lumière sortie de son petit corps et rejeta Oleck à trois mètres comme une vulgaire poupée. Les hommes présents avaient tous sursauté. Certains montraient les dents, furieux d'avoir été pris au dépourvu. Maltar semblait agréablement surpris. Un sourire en coin ourlait ses lèvres. Il s'avança pour surplomber l'enfant.

— On dirait que tu vas avoir le droit de tenter ta chance.

Je retenais ma respiration. Après l'explosion, ma connexion avait été coupée. J'avais fait mon possible pour n'utiliser que le strict minimum pour cette attaque mais j'étais terrifiée à l'idée d'être aller trop loin. Il remua doucement ses mains et se redressa pour vomir. Je soupirais de soulagement.

— Je l'emmène à l'infirmerie, déclara la montagne l'aidant à se relever.

— Trouve lui un lit dans le dortoir des nouveaux.

Maltar se tourna vers moi.

— Et il est temps d'honorer ma part de marché. River, va ouvrir au catalyst.

Le combattant obéit sans un mot. Je n'arrivais pas à me départir de la sensation désagréable d'être en danger. J'étais entourée de tueurs, cela n'aurait pas du me surprendre. Mais celle qui flottait autour de River était différente. C'était comme essayer de deviner une ombre dans l'obscurité. La seconde d'après, elle pouvait se tenir dans votre dos sans que vous ne l'ayez vu venir. C'était particulièrement désagréable. J'avais vécu avec des radiants dont la luminescence les baignait d'un petit halo bien visible. La seule personne qui pouvait me surprendre était Lior et j'avais une totale confiance en lui.

La porte du cachot grinça et River s'écarta. Je me précipitais à l'intérieur. J'attrapais le visage mon ami. Sa peau était brulante et son regard flou. Il fallait le sortir d'ici et vite. Je passais un bras autour de mes épaules et l'aidait à se relever. Heureusement, il se laissa faire et tenait suffisamment sur ses jambes.

La montée des escaliers fut pénible mais plus nous avancions, plus Lior revenait à lui-même. En haut, Maltar nous attendait. Il discutait avec deux combattants. J'aurai voulu échanger avec Lior mais Maltar nous surveillait du coin de l'œil. Impossible pour le moment.

Le marchand nous conduisit dans une pièce que je ne connaissais pas encore. Il y avait un bureau dans un coin accolé à une grande étagère remplissant tout le mur. Elle était composée d'une centaine de petits alvéoles dans lequel s'entassaient des parchemins. Dans le coin opposé, des tapis épais et des coussins étaient répartis pour offrir un coin salon. Maltar me fit signe d'y déposer Lior. Il m'indiqua aussi où trouver une carafe d'eau et des verres. J'apportais le tout au chevet de mon ami. Il avait encore un peu de mal à se tenir droit mais l'air sec de la pièce et la lumière lui faisait du bien. Je lui servis un verre d'eau qu'il bue progressivement. Maltar vint prendre place en face de nous.

— Avant que tu ne décides de me traiter de tous les noms, demande à ton ami ce qu'il faisait dans ce cachot.

Je ne pouvais pas croire une seule seconde que Lior ait tenté quoique ce soit de stupide. Celui-ci fixa durement Maltar avant de s'éclaircir la gorge.

— Maltar veut que nous combattions dans l'arène pour les grands jeux dans trois mois. Nous devrons être capables de faire face à des radiants violents et à leur luminescence agressive. Il m'a présenté à ses gladiateurs pour voir comment je réagissais à leur luminescence. J'étais tout juste capable de ne pas tourner de l'œil en étant dans la même pièce qu'eux.

— Et pourquoi n'ai-je pas eu le droit au même traitement ?

Non pas que j'en avais envie. Je comptais bien trouver une autre façon de m'entraîner.

— Tu n'avais pas encore accepté le contrat, répondit l'homme tranquillement.

Lior avait donc immédiatement accepté le contrat. Je notais l'information. J'étais dérouté par l'importance improbable que cet homme mettait dans ce contrat alors même que nous étions ses propriétés.

— Pourquoi l'enfermer dans un cachot ?

Lior lança un regard lourd à Maltar. Celui-ci soutint et déclara comme si cela était évident :

— Le contrat stipule que vous devez m'obéir.

Mon ami pesta. Je compris qu'il avait été dupé et qu'il s'en voulait de ne pas avoir vu le coup venir.

— J'ai accepté de m'entrainer mais je n'avais pas compris que cela consistait à m'enfermer dans un cachot à côté des autres et à m'intoxiquer de leur luminescence.

La provocation était évidente mais cela ne fit que sourire Maltar.

— Je suis sûr qu'il y a des moyens moins barbares, marmonnais-je.

— Tu pourras évidemment tenter ta chance. Je suis ouvert à toutes proprositions tant qu'elle fait ses preuves.

— J'ai essayé, soupira Lior.

Il y avait de la résignation dans sa voix et je compris qu'il me prevenait.

— Nous n'avons jamais côtoyé des radiants de ce calibre, avoua-t-il.

Il me fixa. Je compris le message. Gedd avait cette puissance et nous nous y étions brulée les doigts. Si tous les combattants présents ici étaient aussi dangereux que notre mentor, je comprenais la complexité de la situation. Pas moyen de se cacher. Ce serait déjà un exploit de ne pas se faire griller le cerveau à cause d'un radiant un peu trop impulsif.

— Cette technique est peut-être un peu barbare mais vous êtes jeunes et résilients, déclara Maltar. Cela à fait ses preuves. C'est douloureux mais c'est la façon la plus rapide de vous mettre à niveau.

—Vous l'avez déjà testé ?

Ma question était stupide. Bien sur que oui. Lui ou d'autres. Nous n'étions pas les premiers catalysts à fouler l'arène du marché des mirages.

— J'ai assisté un ami dans la formation de ses propres catalysts pour les derniers jeux.

— Vous y avez déjà participé ? demanda Lior.

— Non, je n'ai jamais encore amené personnellement mes hommes. Mais il serait malvenue pour moi de ne pas proposer des combattants pour les duels des Catalysts. C'est un évènement très attendu et qui provoque beaucoup d'opportunité. Vous n'imaginez les gens qui viennent chercher ce divertissement.

— J'entends que cela vous apporte des retombés intéressantes mais que gagne les vainceurs ?

Maltar esquissa un sourire ravie de la question de Lior.

— Ceci est à la discrétion de leur maître. Cela donne plus d'intensité aux jeux. Les participants se battent tous pour la chose qu'ils désirent le plus et savoir qui va gagner n'en est que plus palpitant. Il n'y a pas vraiment d'équipe championne. Il y a quelqu'un qui s'élève et quelqu'un qui s'effondre. La tragédie dans sa perfection. Surtout lorsque les deux parties nous tiennet à coeur.

Je surpris un engouement inhabituelle dans ses propos. Les jeux avaient une saveur particulière pour lui.

— Les participants ont donc une opportunité d'obtenir quelque chose ? résuma Lior.

J'avais soudainement l'impression de voir une porte de sortie bien plus facile que prévue. Nous pouvions garder notre intégrité et nous battre pour notre liberté. Je savais que je risquais de déchanter face aux radiants mais nous étions forts. Au moins, cela reposait sur nos compétences. Il y avait de l'espoir. Même Lior semblait intrigué. A ses sourcils fronçés, je voyais bien qu'il n'y croyais pas. Cela semblait trop facile.

— Pour l'instant, si vous n'êtes même pas capable de tenir face à mes hommes, vos adversaires ne feront qu'une bouchée de vous et ce serait pitoyable. J'ai une réputation à tenir. Les combats de catalysts ne sont pas réputés pour leur délicatesse.

— Je dois essayer.

C'était sortie tout seul. Spontanément. Je vis le regard de Lior s'assombrir tendit que Maltar souriait. Je me mordis la lèvre. Je me montrais curieuse, entreprenante. Exactement ce que voulais notre homme. Il nous amenait à vouloir agir sans même qu'il ait besoin de nous l'ordonner. Et c'est ainsi que je finirais par oublier la vérité de mon statut d'esclave.

— Qu'avez-vous essayé ?

Lior lança un regard à Maltar pour savoir s'il pouvait s'exprimer et l'autre lui fit un signe de la main.

— Lorsque tu te retrouves face à eux, un simple élan de colère ou même d'agressivité génère un flux de Luminescence qui peut nous atteindre. Dans le meilleur des cas cela te déstabilise. Dans le pire, cela peut aller jusqu'à brouiller ta connexion et la couper.

Je tombais dénue. C'était la première fois que la luminescence d'un Radiant pouvait m'affecter sans mon autorisation. J'avais l'impression qu'on me dépossédait de la seule chose sur laquelle j'avais toujours eu un minimum de contrôle. Lior me lança un regard. La situation était vraiment mal engagée.

— Si vos radiants sont coopératifs, je suis sur que nous pourrions devenir efficace rapidement.

Maltar éclata de rire, me prenant au dépourvu. Qu'avais-je dit de drôle ?

— Ne surestimes pas mes hommes, petite. La seule chose que vous devez faire, c'est vous débrouiller pour leur survivre.

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