Chapitre 11 ° Intrus

Comme l'avait prédit Maltar, la Briseuse souffla sur le marché jusqu'à la nuit tombée. Après cet évènement, mes journées se résumèrent à un entrainement perpétuel. Torri ou Gorth venait me chercher, j'avais le droit d'avaler un petit déjeuné frugale et nous rejoignions le terrain d'entrainement de l'autre côté de la porte dérobée. Lior était là aussi. Nous passions nos journées à amadouer la Luminescence. Nos corps n'étaient pas habitués à jongler aussi longtemps avec l'énergie d'un radiant et les débuts furent éprouvant. Je découvris qu'il m'était difficile de garder mes arceaux plus d'une dizaines de minutes hors de moi. Mais comme un muscle, nous nous endurcîmes.

Torri tint à ce que nous soyons capable de les faire apparaître et disparaître en un claquement de doigt. Les premières tentatives nous envoyèrent, Lior et moi, au tapis en moins d'une heure. Après plus d'une semaine d'entrainement sans relâche, c'était devenu aussi facile que respirer.

Si déployer mes arceaux s'avéraient facile, me connecter avec la Luminescence d'un radiant était d'un tout autre niveau. Avec le temps, j'appris à distinguer les énergies de Gorth et de Torri. Je serais même capable de les différencier les yeux fermer après tous ce temps passer avec eux. Si celle du roux était lumineuse et intense, faite pour impressionner et éblouir, celle de son acolyte était bien plus lourde et puissante. J'avais essayé de discuter de la Luminescence avec eux mais leur connaissance et leur intérêt étaient très limité, me frustrant au possible. Je voyais bien que Lior avait les mêmes interrogations mais impossibles d'échanger.

J'avais remarqué que la consistance de leur Luminescence n'avait rien à voir avec celle des adolescents de notre camp. Leur énergie était souvent vaporeuse et j'avais toutes les peines du monde à m'en saisir et à la modeler tandis que celle des deux combattants étaient denses. J'aurais tellement voulu avoir l'avis de Lior. Mon ami jouait des coudes pour essayer de nous trouver un instant de répit mais il y avait toujours quelqu'un pour nous surveiller. Maltar avait eu vent de l'intervention des Carrys et de notre petite escapade avec River. Depuis ce jour, le marchant ne nous lâchait pas d'une semelle si ce n'était pas Torri ou Gorth. Je prenais mon mal en patiente et je m'appliquais dans mes entrainements.

A vrai dire, je mentirais en disant que je n'appréciais pas un peu la situation. Je passais mes journées à apprivoiser la Luminescence et à devenir plus forte. La situation était loin d'être terrible. Il fallait simplement fermer les yeux sur certains détails.

Alors que les jours se succédaient, l'absence de River se faisait de plus en plus suspect. Je ne comprenais pas pourquoi il ne s'entrainait pas avec nous. J'avais essayé de soustraire des informations à Torri mais il avait habillement esquivé la question.

Je savais qu'il n'avait pas quitté la demeure. Je l'apercevais parfois au détour d'un couloir ou en train de se battre dans la grande cour. Pas une seule fois, il ne croisa mon regard et le pincement qui m'enserrait le cœur n'était pas normal.

J'avais eu tout le loisir de l'admirer pendant ces quelques instants enfermés. River avait un corps sans équivoque qui ne me laissait pas indifférente sans parler de ses traits anguleux ou encore de son regard pénétrant. J'avais eu le temps d'y réfléchir. J'étais attirée par lui comme une abeille par une belle fleur. Je l'avais été dès la première fois que je l'avais vu.

Pour autant, cela était resté au second plan jusqu'à ce qu'il flirte avec moi. Car c'était ce qu'il avait fait. Je ne pouvais pas me voiler la face. Il avait ouvertement joué avec moi et cherché à me séduire. Alors pourquoi m'ignorait-il depuis ce jour ? Pourquoi s'était-il amusé à titiller ma curiosité ? Plus les jours passaient, plus je me persuadais qu'il avait simplement fait ça par ennui. De toutes les manières, je n'avais aucun moyen d'interagir avec lui et j'étais à peu près certaine qu'il valait mieux que cette affaire en reste là.

Parfois j'arrivais à l'observer à la dérobée. Je laissais mon regard glisser sur son corps affuté qu'il maniait en combat avec une précision mortelle. Agile, rapide, efficace. L'effort tirait ses traits et la sueur perlait dans sa nuque. Il enchainait les passes avec ses adversaires jusqu'à leur faire mordre la poussière. Systématiquement. Alors, je me rappelais que c'était un tueur avant tout, forgé à se battre et que les sentiments étaient le dernier de ses soucis. Encore plus envers une catalyst destinée aux Jeux.

Alors j'essayais de faire abstraction et je me concentrais sur mes priorités. J'appris à connaître un peu mieux Gorth et Torri et j'oserais dire qu'un début d'affection naissait. Nos progrès étaient toujours salué par l'euphorie du rouquin et mes tentatives de blague commençaient à dérider Gorth. De son côté, Lior avait laissé la discussion s'ouvrir avec Torri et de loin, on aurait dit deux amis. Je finissais presque pas prendre plaisir à me lever le matin pour retrouver les deux radiants.

Mais ce matin, Torri n'avait pas fait son habituelle entrée fracassante. Cela faisait maintenant plus de deux heures que personne n'était venu me chercher et je me demandais bien ce qu'il se passait. Il finit par se pointer alors que le soleil arrivait à son Zénith. Je mourrais de faim.

— J'espère que tu as profité de la grasse matinée ?

Il arborait un sourire curieux.

— J'ai la dalle, oui !

Il rit et me fit signe de le suivre. Je fus surprise de trouver la demeure bien silencieuse. Il n'y avait pas une âme qui vive.

— Où sont les autres ?

— Un entrainement particulier. Les jeux arrivent à grand pas.

Dans la cuisine, il y avait ma gamelle et celle de Lior qui nous attendait.

— Tu ne devrais pas y être aussi ?

Il haussa les épaules.

— Il en fallait bien un pour vous garder. Je vais chercher Lior, sois sage.

Je savais que Torri était sans doute le plus insouciant de la bande mais ça me surpris qu'il me laisse seul. Je ne risquais pas de m'enfuir, je ne laisserais jamais Lior derrière moi. Maltar l'avait bien compris. Mais cela ne m'empêchait pas d'en profiter. Je me levais et partais farfouiller en quête du moindre objet utile. Je dégotais un petit couteau que je glissais dans un pli de ma tunique. Je lançais un regard par la fenêtre dont les volets étaient rabattus. Je pouvais voir la chaleur onduler au-dessus de la cours d'entrainement.

Des pas résonnèrent dans mon dos et je me jetais à ma place comme si de rien n'était, enfournant un bout de pain précipitamment dans ma bouche.

— Morfale, se moqua Lior en apparaissant.

Il me fit un clin d'œil et vint s'asseoir en face de moi. Je déglutis en essayant de ne pas m'étouffer.

— Puisqu'on a un peu de temps, ça te dirait de nous en dire un peu plus sur l'organisation des jeux justement ? demanda Lior.

Les deux hommes se défièrent du regard un instant et finalement, après un soupir, Torri prit une chaise et s'assit à califourchon appuyant son menton sur le dossier.

— Je ne comprends pas pourquoi Maltar ne vous à pas déjà expliqué. Les jeux vont se dérouler en trois étapes. La mêlée, les duels et le massacre.

— Charmant, marmonnais-je.

Il continua.

— La mêlée est une sorte de grosse baston générale entre radiants. Cela permet d'écrémer les candidats. Il y a vingt rubans accroché à un piquet. Il faut en récupérer un et ressortir de l'arène. Tout ça avec un bande de tas de muscle prêt à te réduire en bouilli. Un jeu d'enfant.

Il se tourna vers moi avec un air narquois.

— Tu verras, River est le meilleur.

Je ne compris pas tout de suite cette allusion. Je pris conscience que River avait racontée notre petit face à face dans l'antichambre de Maltar. Aussitôt, son corps vautré au milieu des coussins me revint en mémoire. Je sentis un coup de chaud me traverser. Je tâchais de soutenir son regard sans broncher. Torri ne s'attarda pas et passa à la suite.

— Une fois ces petites joyeusetés passées, on passe au sérieux. C'est à votre tour de rentrer en scène. Chaque gagnant de la mêlée va rencontrer un autre gagnant, pas de la même équipe bien sûr. De jolis petits duels ou vous aller pouvoir nous montrer toute l'étendue de vos pouvoirs.

— Tu connais un peu le niveau des autres catalysts ? demanda Lior.

— Absolument pas. C'est bien là toute la surprise. De sacrée surprise d'ailleurs.

Il avait le regard rêveur.

— Tu as déjà participé aux jeux ?

Son regard tomba sur moi.

— Et pas qu'une fois ! Même il n'y a que River qui a atteint la dernière étape et sans catalyst en plus. J'espère bien lui couper l'herbe sous le pied cette année.

Il fit un clin d'œil à Lior qui l'ignora. Je fronçais les sourcils.

— En quoi consiste la dernière étape ?

— On rassemble les gagnants des duels soient dix participants s'il n'y a pas eu d'accident. Chacun choisit son allégeance : la Princesse qui représente le marché ou l'un des nobles empiriens encore en lisse. Et que le meilleur gagne !

— Avec des catalysts dans les deux camps ?

— Exactement ! Ça fait de sacrées étincelles.

— Et qu'il y a-t-il à gagner à la clé ?

Cette fois, le visage de Torri se referma mais il ne se départit pas de son humour.

— Toi et tes questions, grommela-t-il.

Il fut sauvé par un mouvement dans la cour. Il fronça les sourcils. Une deuxième ombre glissa sur le sable. Torri nous intima le silence et son inquiétude évidente nous alerta. Il nous fit signe de le suivre. Il nous fit emprunter les dortoirs dont les chambres au rez-de-chaussé donnaient directement sur la cour.

— Sors de ta cachette, on sait que tu es là !

Torri pesta.

— Qui s'est ? souffla Lior.

— De la compagnie venue s'occuper de vos fesses.

— On ne peut pas essayer de s'échapper ? proposais-je.

Il devait bien y avoir des portes dérobés dans cette foutu demeure.

— On peut tenter un truc. Lior et moi allons faire diversion pendant que toi tu essayes de sortir.

— Et qu'est-ce que je fais dehors.

— Va voir le marchand de bougies bout de la rue, il saura quoi faire. Il travaille pour nous.

Lior n'avait pas l'air emballé mais Torri ne nous laissa pas le temps de le contredire. La seconde d'après, il ouvrait en grand la porte de la chambre et sortait sous le soleil brulant.

— T'es venu chercher une nouvelle humiliation, répliqua-t-il avec une assurance que je lui admirais.

Je croisais le regard de Lior. J'y lus le doute. Qu'est-ce qui nous empêchait de le planter là et de tenter notre chance ? Je fis non de la tête. J'étais incapable de l'abandonner. Torri ne nous avait rien fait et qui sait ce que ces inconnus pourraient lui faire. Et puis, soyons raisonnable, je doutais fortement de réussir à quitter la demeure alors qu'une bande de mercenaire était justement à notre recherche. Dans le plan tordu de Torri, je misais sur la puissance de Lior pour nous tirer de ce mauvais pas. Mon ami soupira et emboita le pas du radiant avant de fermer la porte.

Je priais pour que tout se passe bien pour eux. Torri était un radiant puissant. Avec Lior, il ne risquait rien. Je n'arrivais pas à l'envisager autrement. En attendant, il me fallait effectuer ma partie du plan. Mes yeux réhabitués à l'obscurité, je m'élançais dans les couloirs. Le silence était pesant. Il y avait forcément des hommes dans le patio d'entrée. Malheureusement je ne connaissais pas d'autres entrée. Je ne pouvais qu'envisager qu'une des fenêtres du premier étage soit praticable. Je trouvais un escalier et le gravissais en quelques enjambées. Toujours aucun signe d'intrus. Je me glissais dans la suite de Maltar. Malheureusement chaque fenêtre était fermée par des barreaux. Prévisible. Je ne lâchais pas l'affaire et persévérais dans ma recherche. Ouvrant la porte entre deux pièces, je tombais nez à nez avec un molosse deux fois plus grand que moi. Il baissa la tête en me découvrant et un sourire mauvais étira ses lèvres.

— Te voilà ! 

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