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Le chant des grillons se mélangeait dans une parfaite harmonie avec le vent qui valsait entre les feuilles, les faisant frémir sur son passage, et le son cristallin des flots qui caressait les innombrables galets résidant dans le cours d'eau. Allongée sur l'herbe fraîche, Sakura se laissait bercer par cette mélodie envoûtante et ses yeux clos, empêchant ses billes émeraudes de se laisser distraire par la beauté des astres célestes, décuplait son ouïe. Ainsi, elle put ressentir le moindre frisson qui submergeait la nature, comme si elle en faisait partie. Un souffle tiède vint effleurer son gracieux visage, à l'image des discrètes bourrasques de vent qui s'évertuaient à faire chanter les arbres bordant la rivière. Soudainement, une détonation explosive vint tirer la jeune fille de sa quiétude de manière un peu trop brutale, si bien qu'elle fut secouée d'un léger soubresaut. Elle rouvrit ses paupières et fit face au premier feu d'artifice de la soirée, celui qui invitait tous les villageois à rejoindre la grande place afin d'assister à ce spectacle tous ensemble.
Depuis son enfance, Sakura avait toujours eu l'habitude de partager ce spectacle avec ses amis de l'académie, tous postés sur le toit du bâtiment en question. Le regard vissé sur le cosmos, le groupe d'apprentis partageaient la même vision comme si les yeux de chacun se confondaient et qu'ils ne faisaient plus qu'un tant l'émotion qu'inspirait ce spectacle les rendaient déjà nostalgiques de ces douces années qu'ils étaient en train de vivre. Lors de ses précieux instants, Sakura en profitait pour laisser son regard glisser sur celui qui occupait toutes ses pensées.
Pendant l'une de ces soirées magiques, alors que les bouquets incandescents illuminaient le visage du garçon à intervalles régulières, la petite fille aux cheveux rosés avait senti une bulle de tendresse et d'affection grandir dans son cœur. Si ce moment était gravé dans la mémoire de la douce femme, c'était parce qu'à cet instant là, le visage de Sasuke avait semblé s'être apaisé. Les mains nonchalamment plongées dans ses poches, on aurait pû penser que cette animation l'ennuyait en raison de son visage de pierre. Mais la genin avait apprit à décortiquer les discrètes expressions faciales de son camarade, c'est ainsi qu'elle avait su que, derrière le voile avec lequel il tentait de dissimuler ses émotions, le jeune Uchiha avait accepté d'alléger le poids que portait sa destinée, l'espace de quelques heures. Aucun détail n'était passé à côté des prunelles de la jeune fille. Le regard fumeux du brun qui, d'ordinaire, agissait comme un filtre opaque, semblait avoir laissé le brouillard du reflet de son âme se dissiper, permettant au propriétaire de ses orbes d'observer le brasier qui rongeait le tissu nocturne du ciel, avec le plus de clarté possible. Il était toujours aussi pâle, mais ses traits paraissaient détendus si bien qu'un léger sourire, à peine perceptible, se dessinait au coin de ses lèvres. La ninja s'était surprise, elle aussi, à sentir le bonheur qui émanait d'elle s'exprimer à travers la délicatesse d'un sourire et la tendresse que transmettait son regard d'émeraude. L'objet de sa contemplation avait soudainement tourné les yeux vers elle et, pendant une poignée de secondes, le temps semblait s'être arrêté. Toutes voix ou sons extérieurs s'étaient atténués, le paysage paraissait avoir été flouté et Sakura s'était perdu dans le reflet de l'âme de celui qu'elle aimait. Cependant, réalisant qu'il l'avait surprise dans son observation, la jeune fille s'était reconcentrée sur le spectacle qu'offrait les cieux de Konoha, sans oser jeter ne serait-ce le moindre coup d'œil sur le côté tant elle sentait le regard du garçon peser sur elle.
Ramenant Sakura à l'instant présent en la tirant de ces souvenirs, le ciel fut à nouveau fendu d'une légère fumée qui éclata sur la toile qu'était la voûte céleste, comme si un peintre y avait jeté ses coups de pinceaux les plus acharnés. Un rouge lumineux se déploya face aux yeux brillants de la jeune ninja aux cheveux rosés, et étala son aquarelle à l'image d'une rose pourpre qu'on aurait poignardée. Touchée par le spectacle qui s'offrait à elle, la jeune femme contemplait les nuances qui ornaient les cieux. Alors que son regard se perdait dans l'immensité de cette galaxie, ses pensées derivèrent, de façon inconsciente, vers un monde onirique. Une utopie où, pourtant, tout semblait si authentique. Un endroit, hors du temps, où elle put effleurer, lors d'un instant aussi bref qu'une battement de cil, l'âme du Uchiha. Elle laissa ses doigts fins glisser sur le visage glacé de l'homme au regard vitreux, de la manière la plus délicate possible, comme si elle avait peur qu'il ne soit qu'une illusion aussi fragile que le cristal et qu'il ne se brise sous son toucher. À peine eut elle retiré la main de sa joue blême que la vision du jeune homme solitaire se dissipa pour se fondre dans l'obscurité de l'encre nocturne. Hypnotisée par ce mirage prémonitoire, la jeune fille n'avait même pas ressenti la perturbation que subissait son for intérieur, ce dernier étant lié à la nature qui l'entourait depuis le crépuscule. Une présence venait de briser la quiétude qui reposait aux abords du cours d'eau.
Dans la noirceur de la nuit, au travers de l'astre lunaire qui émanait une pluie de lumière immaculée, une silhouette se découpa. Cette présence, Sakura ne crut pas la reconnaître. Les pulsions haineuses qui broyaient jadis la cage thoracique du nouvel arrivant se trouvaient remplacées par une aura qui se dissipait voluptueusement dans l'air. Comme si la tempête qui sévissait en lui depuis de si nombreuses années commençait à s'apaiser. Son âme ne sera jamais limpide, ayant lavé trop de péchés, mais les remous avaient fini d'exprimer leur rage. La jeune femme eut du mal à reconnaître son unique amour tant ce dernier semblait serein. Seule témoin de cette retrouvaille, la lune berçait les deux shinobis d'une lueur bienveillante, tandis que les feux d'artifices venaient les baigner de leur lumière éphémère, faisant de l'ombre au paysage luxuriant qui les entourait. Ils étaient les protagonistes de cette scène aussi irréelle que véritable, tels les héros d'une histoire tragique ayant surpassé la cruauté de leur destinée.
Et dans un souffle, si discret que seul l'homme qui était la cause de toutes les émotions bousculant la rose à cet instant pu affirmer percevoir, la douce fleur de cerisier au cœur de cristal murmura, alors que ses pupilles s'embuaient :
« Tu es rentré »
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