CHAPITRE 2 : dernier au revoir
Je n'ose pas me retourner, il me faisait peur avant, il m'a fait souffrir mais maintenant il ne me fait plus peur ni souffrir - enfin ça c'est encore à voir - et pourtant, je n'ose pas me retourner. C'est sûrement parce que je fais de mon possible pour ne plus le croiser depuis longtemps et que malgré tous mes efforts c'est ce jour là, aujourd'hui que je le revois.
- Boumeur j'espère que tu as ma commande.
Sa voix me procure un frisson, un frisson de dégoût. Je dois partir au plus vite. J'attrape mon sac encore posé sur le comptoir caisse et le met sur mon dos plus vite que je n'aurais dû le faire.
- La demoiselle est pressée de partir à ce que je vois.
Ses deux acolytes rigolent d'un rire gras et démentiel. Il ne m'a pas reconnu, pas encore en tout cas. Je l'entends toucher au débarras de la boutique. Je vais me retourner et partir vers la sortie comme si tout était normal, même si rien ne l'est.
Je me retourne vivement, quand il relève la tête vers moi un sourire franc mais vite remplacé par un sourire carnassier se dessine sur son visage.
-Iphigénie! Sa fait bien longtemps. Comment vas-tu?
-Je n'ai rien à te dire Aydin. je lâche sèchement.
-Peut-être mais moi si. rétorque-t-il de la même façon.
Il se plante au milieu du chemin vers la sortie, les bras croisés sur son torse.
Ses deux gorilles prennent le reste de la place. Il se trouve à deux mètres de moi, et pourtant je soutiens son regard. Personne ne soutiens son regard, à part moi.
Après tout deux mètres et zéro centimètre ça ne change rien.
-J'ai des choses à faire laisse moi sortir.
-Non.
-Si Aydin, tu vas me laisser partir.
-Ah oui et pourquoi ça?
-Je te l'ai dis, je n'ai rien à te dire. Plus je suis loin de toi mieux je me porte.
-Ce n'est pas ce que tu disais il y un an, tu voulais toujours être avec moi, sans cesse collée à moi. On a passé de bon moment avoues le. me dit-il en s'approchant de quelques pas avec un sourire que je voudrais balayer de son visage.
Ses paroles me font mal, tout ce que j'ai fais avec lui me dégoûte, je me suis donnée corps et âme à ce monstre. Je me dégoûte au moins autant que lui me dégoûte.
-J'ai changé depuis un an tu n'es plus rien pour moi.
Je m'avance vers lui et pousse l'un de ses gardes du corps en même temps que lui et réussi à me frayer un chemin. Mais Aydin attrape mon poignet.
-Lâche-moi. j'ordonne en tentant de me libérer.
-Tu mens je représente encore quelque chose pour toi sinon tu serais partie de cette boutique depuis longtemps déjà. Tu es accro à moi mais tu ne peux te l'avouer.
-Tu vois le simple fait de me rattrapper avant que je ne sorte prouve le contraire justement. Peut-être devrais-tu te demander à cet instant précis qui est en train de retenir l'autre. Maintenant lâche moi!
Ses narines enflent et son visage devient écarlate à cause de sa colère. Il déteste ne pas avoir le contrôle. Il me lâche violemment et ni une ni deux je m'empresse de sortir. Je me dirige dans une ruelle tranquille et me laisse glisser par terre dos au mur. Ma respiration est haletante, j'ai aimais ce monstre mais plus maintenant. Pourtant une infime partie de moi continue de le désirer de vouloir être prêt de lui. Comment est-ce possible de détester quelqu'un au point de vouloir sa mort et de tout de même continuer à l'aimer aussi peu soit-il? Je déteste ça, je me déteste. Je sais qu'il ressent encore quelque chose pour moi, mais, avec Aydin on ne peut jamais savoir ce que c'est avant qu'il ne le prouve.
Je ne pleure pas, je ne pleurerais plus pour lui comme je le faisais avant, quand il me jetait comme une ordures avant de revenir vers moi en me disant qu'il m'aimait et de me rejetais encore et encore, pourtant j'aurais de quoi me laisser aller mais, non, je ne dois pas, je ne peux pas, pas pour lui, pas pour ça, pas maintenant. Plus tard je pourrais pleurer tout mon saoul, toute cette frustration qui m'envahit. Je dois repartir maintenant.
Je me relève et retourne sur la grande artère de la ville en marchant d'un pas décidé que plus rien ne pourra arrêter.
Après un long moment de marche j'arrive enfin vers la serre de Marius, j'escalade les poubelles pour me retrouver sur un bout de toit de leur petite maison qui est en partie sous terre.
Je saute de l'autre côté et pousse leur vieille porte en bois qui mène directement à une petite pièce qui sert de cuisine, salle à manger, salon et chambre.
Ange est là, elle épluche des pommes de terre en se déhanchant sur la musique que son vieux tourne disque fait jaillir dans la pièce.
- Salut Ange! Je cris afin de me faire entendre.
- Oh Iphigénie c'est toi! s'exclame-t-elle en me serrant dans ses bras et en embrassant mes joues. Comment vas-tu ma belle?
- Bien, bien et toi?
- Ça va.
- Tu as besoin d'aide pour préparer le repas? Je lui demande en me mettant à coté d'elle.
-Oui, tiens épluches moi ces patates!
-D'accord.
Je me bats avec une pomme de terre qui refuse de se laisser éplucher, elle me glisse sans cesse des mains.
-Iphigénie, je peux te poser une question?
-Oui bien sûr.
-Qui a-t-il? Je vois bien que quelques chose te tracasse.
-Non ce n'est rien, ne t'en fais pas les patates sont plus importantes que mes soucis d'adolescente.
-Tu ne sais rien cacher, alors dis moi ce qui t'embête. m'ordonne-t-elle en prenant mes mains dans les siennes et en me tournant vers elle.
Face à son insistance je baisse les yeux.
-C'est juste que, je l'ai revus, enfin pas revus revus, juste croisé chez Boumeur.
-Il ne t'a pas fait de mal j'espère?
-Mais non, ne t'inquiète pas, il m'a juste un peu parlé mais je suis vite partie.
-Bien, je te fais confiance, n'y pense plus tu veux.
-D'accord. lui dis-je en lui rendant son sourire.
Elle lâche délicatement mes mains et nous reprenons la préparation du repas.
Une fois cela fini nous discutons de tout et de rien.
-D'ailleurs où est Marius? Je lui demande
-Dans la serre, vas le chercher le repas est prêt.
-Oui, j'y vais.
J'emprunte le petit couloir étroit qui mène à la serre, et manque de trébucher à de nombreuses reprises. J'aperçois enfin les lumières artificielle qui permettent aux plantes de pousser.
Quand j'entre dans la serre une agréable odeur de rose envahit mes narines. je ferme les yeux quelques secondes pour profiter de ce doux parfum que j'aime tant. Quand j'ouvre enfin les paupières je vois Marius agenouillé devant des fleurs qu'il replante. Il m'entend arriver et se retourne puis se lève pour me prendre dans ses bras.
-J'ai l'impression que tu as encore grandi.
-C'est peut-être toi qui retrécit en fait. Je le taquine en lui tirant la langue.
-Je crains que tu n'aies raison. rit-il
-Le repas est prêt, tu viens?
-Je me lave les mains et j'arrive tout de suite.
- Pas de problèmes!
Je prends le chemin inverse et aide Ange à dresser la table. Marius arrive une fois cela terminé, comme toujours.
Nous nous mettons à table et commençons à manger le délicieux plat qu'Ange et moi avons préparé. J'en mange si rarement que j'ai presque l'impression de revivre.
Nous parlons et rions, je veux profiter le plus possible d'eux mais je dois leur dire.
-J'ai quelques chose à vous dire. je lance rapidement.
Ils relèvent tous les deux la tête et me regarde pour m'inciter à continuer.
-Et bien, dis nous. m'encourage Ange en posant sa main sur la mienne.
-Ce soir, je...je pars, c'est ce soir.
-Oh mon dieu, alors ça-y-est tu t'en vas? m'interroge Marius un peu choqué par cette nouvelle.
-Oui je vous en avez parlé et je ne pars pas seule nous serons trois.
-Tu es sûre de ton choix? Tu as encore le temps tu sais. me dit Ange avec un doux sourire.
-Non justement je n'ai plus le temps, je n'en peux plus. je me justifie.
-Mais enfin tu n'as jamais vu le soleil comment peux-tu en avoir envie? s'emporte Marius
-Je veux le voir et ici la vie est impossible, comment pouvez-vous accepter de rester ici. Venez avec moi.
-Tu ne sais même pas si Lumière existe, tu pars sur un coup de tête.
-C'est vous qui m'avez parlé de cette ville et je ne crois pas que trois années de préparation puissent s'appeler un coup de tête. je réplique piqué au vif et surtout déçue par leur réaction.
-Mais cette endroit est une légende urbaine pour faire garder aux gens l'espoir d'une vie meilleure. M'explique calmement Ange.
-L'espoir, vous parlez d'espoir alors que vous même n'en avez plus, alors même que cette ville n'en a plus, tout s'écroule je le vois et vous aussi. Alors je préfère mourir en essayant de trouver Lumière, qu'ici dans cette ville fantôme! S'il vous plaît même si vous ne voulez pas venir, soutenez moi, je ne peux pas partir en sachant que pour vous tout ça n'est qu'une mascarade.
Ils se regardent tous les deux et commencent à débarrasser la table sans même me regarder. Mes yeux me piquent je ne sais pas comment réagir, être énervée parce qu'ils ne me soutiennent pas ou être soulagée et me dire qu'ils disent et font ça pour me protéger d'une possible grave erreur.
Une fois la table débarrassée, ils se retournent tous deux appuyés sur le plan de travail en vieux bois de leur cuisine.
-D'accord. dit Marius sûr de lui.
-Quoi? je ne comprends pas. je leur demande un peu déboussolée.
-On te soutiens à cent pour cent ma grande, mais nous ne viendrons pas, tout ce que nous avons construit est ici.
-Je comprends. je les serre aussi fort que je le peux dans mes bras et respire l'odeur de fleur qui imbibe leurs vêtements pour ne jamais l'oublier. Merci!
Je défais mon étreinte et les regarde un long moment, une larme coule sur ma joue mais Marius l'efface d'un coup de pouce ce qui me fait sourire.
-C'est mieux comme ça, tu as un très beau sourire. tu vas faire fureur à Lumière toutes les filles seront jalouse. Me dit-il avec un clin d'oeil.
-Tu es la fille que nous n'avons jamais eu Iphigénie, alors promets nous qu'il ne t'arrivera rien et quoi qu'il advienne ne reviens jamais sauf si tu es accompagnée d'une armée qui fera tomber les tyrans. s'exclame Ange avec quelques larmes qui se perdent sur ses joues rosées.
-Et vous vous êtes mes parents peut importe ce qu'il arrive. Je vous promets que je trouverais un moyen de vous revoir et que tout ira bien. je leur promets et je tiens toujours mes promesses
-Maintenant si tu veux partir tu dois prendre ça. M'indique Marius en ouvrant un torchon remplis de pain de viande sèche et de fromage.
-Non je ne peux pas accepter vous en aurez besoin.
-C'est ça ou on t'enferme dans la cave jusqu'à ce que la moindre idée de nous quitter ne te vienne plus à l'esprit. Me dit Ange en tentant d'avoir un air sérieux. mais qui réussi à nous faire rire tous les trois.
-D'accord, merci.
Je range leur cadeau dans mon sac.
- Je dois y aller maintenant.
- A quelle heure partez-vous? m'interroge Marius avec une lueur d'inquiétude dans le regard.
-Minuit, nous partons à minuit.
-Bien fais attention à toi. On t'aime! Me disent-ils à l'unisson dans une dernière étreinte.
Je me détache d'eux ouvre la porte et ne peux m'empêcher de me retourner une dernière fois. Ils se tiennent la main.
-Moi aussi je vous aime! Merci encore, merci pour tout. Je sors et m'apprête à fermer la porte quand je me dis que finir sur une note triste serait bien dommage, alors avant de la fermer complètement je passe la tête par l'interstice et leur dit.
-Je vous enverrai une carte postale. et enfin je ferme la porte en souriantquand j'entends un petit rire provenant d'Ange.
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