CHAPITRE 1: le début de la fin.
Aujourd'hui, comme chaque jour, je rends visite à Marius, un vieil homme qui vit avec sa femme, Ange. D'aussi loin que je me souvienne, ils ont toujours été là pour moi. Je les ai rencontrés quand j'avais dix ans à l'orphelinat. C'est là bas que je vis d'ailleurs, ils étaient venus apporter de la nourriture et des lampes torche lors d'une longue coupure de courant qui a finalement durée six jours. De nombreux enfants sont sortis de l'orphelinat durant cette panne, espérant certainement qu'à l'extérieur, il y aurait des gens avec de la lumière mais tous ceux qui sont sortis sont morts. Ils étaient trop jeune pour savoir se défendre, c'est ainsi.
Avant de sortir de ce que l'on pourrait appeler ma chambre, je prends le couteau caché sous mon matelas. Sortir sans arme c'est du suicide. J'enfile un sweat à capuche noir bien trop large pour moi mais c'est mieux ainsi, je prends mon sac à dos et pousse la porte sans poignée de ma chambre le plus discrètement possible. Je m'avance dans le couloir aux tapisseries déchirées et aux murs que l'humidité a rongée. Je m'engage dans le vieil escalier en fer rouillé qui menace de s'écrouler et grince à chacun de mes pas, pour la discrétion il faudra revoir. Une fois arrivée en bas, la porte vers la sortie n'est plus qu'à quelques mètres.
"-Où comptes-tu aller comme ça?
Trop tard, Lucinda la directrice de l'orphelinat se tient dans l'embrasure de la porte de son vieux bureau miteux qui se trouve à gauche de la sortie, elle ne loupe personne. Cette femme doit avoir la cinquantaine bien tassée, ses cheveux gris et filasses retombent sur ses épaules frêles recouvertes par un large pull beige qui rend son teint encore plus fade qu'à l'habitude sous lequel ont peut apercevoir ses os. Elle est d'une maigreur folle pourtant, elle mange beaucoup plus que nous. Nous, nous n'avons droit qu'à de petites portions à chaque repas mais sans petit déjeuner, bien entendu.
-Nul part, je sors c'est tout. j'élude avec dédain.
- Crois-tu pouvoir me désobéir encore une fois? raille-t-elle.
-Je ne vous désobéis pas, je sors, ce n'est pas interdit. je me défends en m'avançant d'un pas.
-Ecoute-moi bien jeune fille, tu profites de cet endroit et je te laisse faire alors tâche au moins d'être obéissante. Réplique-t-elle sans ciller.
-Je profite?! Je ne profite pas comme vous dites. Cet endroit est pourri, les portes quand il y en a, n'ont plus de poignée. Les douches sont toujours glacées, alors que nous savons tous que la votre est chaude. Vous prenez toujours la moitié du peu d'argent que nous arrivons à gagner et ce sont nous les profiteurs!? De toute façon ne vous inquiétez pas bientôt je ne vous embêterez plus.
Sur ce, je sors en prenant soin de claquer la porte derrière moi. Cette vieille folle me sort par les yeux. Elle nous condamne de son malheur. Mais pour le moment j'ai plus important à faire.
Je reste sur le trottoir pour éviter de me faire remarquer, il n'y a que les gangs qui marchent sur la route et il vaut mieux ne pas les croiser.
Les rues sont pitoyables, les trottoirs jonchés de saletés et beaucoup trop souvent, de grandes flaques de sang témoignant du dernier combat entre deux gangs ou de la mise à mort d'une malheureuse personne qui à succomber à la folie d'une autre. La folie, la folie a atteinte de nombreuses personnes ici, je dirai que sur dix, seulement deux sont encore fiables. Je rabats la capuche sur ma tête, elle me couvre le visage jusqu'à mi yeux me permettant tout de même d'avoir une bonne vison de mon environnement.
Ici, il vaut mieux se faire petit, très petit.
Je tourne sur ma droite pour rejoindre la grande artère de la ville, c'est peut être le seul endroit où l'on peut espérer être un minimum en sécurité car il y a plus de monde et plus de monde veut dire moins de gang. Ils ne sont pas friands des grandes foules, je n'ai jamais compris pourquoi.
Je dois passer cher Boumeur, le seul commerçant à ne s'être jamais fait braqué. Je n'avais pas la réponse à cette question jusqu'au jour où il m'a embauché pour un petit boulot qui n'était pas vraiment celui que j'espérais mais c'était mieux que rien. La réponse à cette question m'est venue bien assez vite à partir de ce moment là, puisque ce fameux boulot était de livrer de la drogue et toute sorte d'arme à des gangs plus ou moins grand, plus ou moins effrayant. Mais tous aussi dangereux les uns que les autres.
J'arrive enfin devant l'enseigne à demie clignotante où il est inscrit "cher Boumeur et Fils". Bien entendue il n'y a jamais eu de fils puisque Boumeur à la trentaine et est plutôt attiré vers les hommes c'est juste pour "se donner un genre" comme il dit. Je pousse la porte avec prudence, n'entendant aucun bruit suspect -comme le bruit d'une arme qu'on charge - je finis de l'ouvrir mais le carillon de la porte me fait sursauter et décocher mon couteau de la poche ventral de mon sweat. Je l'avais oublié celui-là.
-"Ah c'est toi? me surprends Boumeur à peine étonné de ma présence.
-Oui c'est moi. Je viens chercher ce que je t'ai commandé la semaine dernière.
Il me fait un hochement de tête bien entendu et se baisse derrière son comptoir où se trouve son coffre fort. Il y range toutes ses grosses commandes. Je m'approche lentement vers lui en observant tout ce brique à braque qu'il entrepose depuis si longtemps et qui intéresse certaines personnes parfois. C'est à peine si l'on peut se promener dans sa boutique tellement elle est bondée.
Quand Boumeur se redresse il tient entre ses mains un carton d'environ une vingtaine de centimètres de haut et une trentaine de large.
- Ouvres le s'il te plaît.
-Pas de problème. me dit-il en sortant de sa ceinture un vieux cutter à la lame ébréchée. Il écarte les quatre rabats pour me laisser entrevoir ma commande. Mais au moment où je veux poser les mains dessus il le retire vers lui.
-Tu m'as déjà payé une moitié mais il manque quand même l'autre.
-J'ai ton argent Boumeur ne t'inquiètes pas pour ça je tiens toujours mes promesses. mon ton est plus sèche que je ne le veux mais il doit comprendre que je ne suis pas là pour m'amuser et que je dois faire au plus vite.
- Je sais excuse moi. admet-il en baissant les yeux.
Malgré son manque de confiance en moi, il me fait peine.
J'ouvre mon sac et y sort l'argent qu'il m'a demandé.
-Tiens, il y a le compte, tu peux vérifier si tu veux.
-Non, je te fais confiance. affirme-t-il avec un sourire timide que je rends.
Je pose mes mains sur le carton et y sors son contenu: cinq pistolets semi-automatiques tous identiques et trois boîtes contenant trente balles chacune. Je mets tout dans mon sac.
- Iphigénie?
Je relève la tête.
- Oui?
- J'ai rempli les chargeurs. Tu n'as pas besoin de les payer c'est offert par la maison.
- Merci!
- Il vaut mieux que tu partes maintenant.
- Pourquoi?
- Il va bientôt arriver, il m'a commandé quelque chose ce matin et je me doute que tu ne veuilles le croiser."
La panique monte un peu. Je n'ai pas besoin de le croiser, pas maintenant.
Je remets mon sac sur mes épaules et malgré moi j'entends le carillon de la boutique retentir et comprends avec le regard que me lance Boumeur qu'il est déjà là.
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