Chapitre 2 [Version éditée]
Venez découvrir les premiers chapitres de ce roman, disponible aux éditions Abeille bleue en juin 2023.
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Chapitre 2
— Ça ne fera pas mal. Et comme ça, on sera sœurs de sang, Lil'.
Elle m'a crue. Ça a fait mal. Nous nous sommes fait gronder. Mais nous sommes sœurs, peu importe ce rituel raté.
— Lumen, souvenir
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— Tu préfères la robe bleue ou la rouge ?
— J'ai faim.
— Lux ! Concentre-toi !
— Je suis concentrée. Sur mon estomac.
Elle souffle et secoue la tête, mais ne parvient pas à me cacher son petit sourire.
— Tu es éreintante.
— Imagine que mon ventre se manifeste pendant que je les accueille.
— Bien, je vais te faire monter un en-cas, à condition que tu coopères.
Je soupire de soulagement, et me décide à lui répondre, uniquement parce qu'elle m'a promis à manger en échange.
— La bleue.
Liliana dépose la robe sur mon lit et se dirige vers la porte, avant de se retourner vers moi.
— File à la douche pendant que je vais chercher ça. Et ne traîne pas !
Elle ferme la porte rapidement. Qui de nous deux est censée commander ? Enfin, elle a raison, même si je voudrais retarder au maximum cette rencontre, il va bien falloir que je me prépare.
Direction la douche et, pour m'obliger à aller vite, je la prends froide. Voilà qui me met encore plus de mauvaise humeur. Ils n'ont pas intérêt à me chercher, ces rois.
Je n'en reviens toujours pas d'avoir accepté. Quand les Conseillers m'ont présenté ce projet, j'ai d'abord ri, avant de comprendre qu'ils ne cherchaient pas à m'amuser, et de m'étouffer avec ma propre salive.
Je n'aurais pas pensé que notre Constitution incluait la mention « Le souverain – ou la souveraine – a pour devoir de se marier dans les deux années suivant son accession au trône ». J'ai songé à retirer ce paragraphe, mais on m'a gentiment répondu que c'était impossible. Dans un autre contexte, une tâche aussi lourde que modifier une Constitution aurait pu être envisageable. Mais entre mon ascension précipitée et ma formation loin d'être terminée, ce n'est pas apparu comme une priorité. Si mon père a pu échapper à cette règle, grâce à cette âme sœur offerte par les Dieux, ce ne sera visiblement pas mon cas. C'est loin de me plaire. Mais je suis consciente de ce que m'apporte cette couronne. Le peuple, avant moi.
Les derniers mots que mon père m'a adressés résonnent en moi.
« Je t'aime, ma fille. Et n'oublie pas. L'amour ne s'arrange pas ».
Dans quelques heures à peine arriveront à la Capitale de Stella les plus hautes personnalités du continent, dans un seul objectif : me faire rencontrer leurs fils.
J'aurai le temps que je souhaite pour les découvrir, dans une limite raisonnable que mes Conseillers ont fixée à cinq mois. Mais le résultat reste le même : je devrai en choisir un, et l'épouser.
Si les rois cherchent à me présenter leurs fils, c'est dans un objectif précis : le pouvoir. Or, je n'ai aucune intention de céder mon rôle et mon titre à qui que ce soit. L'héritage que m'ont laissé mes parents, ce trône, je ne le donnerai pour rien au monde. J'ai accepté un roi consort, rien de plus.
J'espère que ma nature ne sera pas un frein. Si ma condition particulière ne dérange pas ici, je sais que ce n'est pas forcément le cas pour tous. Ils font tous partie de mon peuple, mais ils ne connaissent de moi que mon titre et l'image que je renvoie.
Je ne veux pas d'un homme que j'attire à cause de l'or qui brille sur mon crâne. Je veux le grand amour qu'ont connu mes parents. Mais je n'ai pas d'illusion. Je ne m'attends pas à le trouver parmi eux. À le trouver tout court. J'ai vécu entourée de ce sentiment en comprenant parfaitement qu'il était insaisissable. Mes parents ne l'ont trouvé qu'avec l'intervention des dieux, et je doute que le dessein se répète.
Quand mon amie passe le seuil de la porte, je me jette presque sur l'assiette de cookie.
— Doucement, ou on va devoir changer de robe.
Son rire est tellement communicatif. Parfois, j'imagine un monde où elle ne serait pas là. Et brusquement, tout paraît plus sombre, plus terne. Elle est mon exact opposé. Mais elle m'est indispensable pour cette raison. Comme deux faces d'une même pièce, différentes mais complémentaires.
Liliana m'aide à nouer ma robe dans le dos, et une fois que la grande armada de maquilleuses et coiffeuses dépêchées spécialement pour l'occasion en a fini avec moi, nous restons seules. Un instant de répit avant que tout mon univers ne se retrouve chamboulé.
— Comment imagines-tu les princes ?
Je l'aide à attacher ses cheveux en soufflant ma réponse.
— Je préfère ne pas trop imaginer, je risquerais d'être déçue.
— Peut-être l'un d'eux t'est-il destiné.
Elle a toujours été rêveuse. Bien plus que moi. Je suis consciente que la plupart de mes rêves ne deviendront rien de plus depuis que je porte la couronne. Liliana a tout le loisir de les réaliser, si elle le souhaite. Et j'espère qu'elle le fera.
— Crois-moi, je m'adapterais, mais ne soyons pas optimistes. J'espère aussi que leurs pères n'ont rien prévu de fâcheux.
— Si tu veux mon avis, tu devras être très prudente. Ils testeront forcément ta capacité à régner et n'hésiteront pas à te déstabiliser.
— Je sais, Lil'. Mais vois-tu, j'ai plus peur de vivre une vie sans amour aux côtés d'un homme qui ne m'inspire rien, que de devoir essuyer une rébellion.
Je ne dépendrai jamais d'un homme. Je suis reine, et je suis moi. C'est suffisant.
Elle passe derrière moi et pose ses mains sur mes épaules.
— Je sais que tu voudrais trouver le même amour que celui que partageaient tes parents, mais promets-moi une chose, Lux. Si tu n'y parvenais pas, prends celui qui t'aimera. Car il te sera fidèle et te protégera.
Je hoche la tête, mais me retiens de lui dire que peut-être aucun n'éprouvera quoi que ce soit pour moi. Il faut déjà qu'ils surmontent les préjugés qu'ont leurs royaumes sur ma condition. Une fille à la fois humaine et étoile.
L'un de ces trois garçons sera celui qui partagera ma vie. J'espère ne pas me tromper.
— Tu choisiras le bon, Lux. Ton cœur t'aidera à choisir.
Sur ces paroles, elle saisit le diadème posé sur ma console, sur son petit coussin. Elle le place sur mes cheveux et remet ses mains sur mes épaules, en me regardant à travers le miroir.
— Il est temps d'y aller, Majesté.
Le trajet jusqu'à la salle du trône ne m'a jamais paru aussi court. Une fois arrivée, je gravis les quelques marches qui mènent jusqu'à ma place et m'assois, avant de contempler la salle.
J'ai toujours trouvé cet endroit magnifique. Le toit de verre ouvrant la voie au soleil, les hautes colonnes le soutenant alignées le long de l'allée centrale, toutes décorées de plantes grimpantes aux fleurs de mille couleurs. La lourde porte de bois, aux détails sculptés absolument sublimes, ou encore les immenses fenêtres laissant apparaître quelques-uns des magnifiques jardins. Et pourtant, aujourd'hui, cet endroit ne m'inspire pas autant de joie qu'au quotidien.
Je me demande bien qui va arriver en premier. Mais je crois que la plus impatiente est Liliana. Elle sautille presque sur place et va finir par me rendre anxieuse, ou me donner mal au crâne, au choix. Je tourne à moitié le visage vers elle, et tente de ne pas envisager sérieusement de lui clouer les pieds en place.
— Où est Nix ?
Je la vois le chercher du regard dans la salle avant de me répondre.
— Aucune idée, cela fait un moment que je ne l'ai pas vu. Il ne doit pas être bien loin.
— Il va sûrement nous faire une entrée renversante.
Elle glousse, réussissant à me faire sourire malgré la boule qui me monte dans le ventre.
Je jette un coup d'œil à l'immense horloge au-dessus de la porte. Il est l'heure convenue du rendez-vous. Ils ne devraient pas tarder. Le retard, quand on est convié par la Reine des rois, est mal venu, même pour les rois eux-mêmes.
Justement, un garde s'approche de moi, avant de se mettre à genoux en bas des marches.
— La famille royale de Naturea et sa suite viennent d'arriver, Majesté.
Au même moment, un autre garde fait son apparition.
— Il en est de même pour la famille royale de Ferrum, Majesté.
Bien, que la fête commence.
— Faites-les entrer.
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