Chapitre 1 [Version éditée]
Venez découvrir les premiers chapitres de ce roman, disponible aux éditions Abeille bleue en juin 2023.
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Chapitre 1
— Elle est lumineuse, autant que toi. Mais pour le monde, je le sens, elle ne sera pas seulement leur étoile, mais aussi leur soleil. Leur lumière.
— Alors, elle ne peut avoir qu'un seul prénom. Lumen. Notre lumière.
— Souverains de Stella, passé
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Les étoiles sont si belles ce soir. Elles brillent aussi fort qu'elles le peuvent, illuminant le ciel de mille petits points argentés. J'observe leurs reflets dans l'eau huileuse de la mer, qui rendent le paysage si particulier. Tout est calme. Seul le bruit de l'eau vient casser le silence environnant. C'est reposant. Le sable vient se loger entre mes orteils. Il est frais, pourtant, je ne ressens aucune sensation de froid. Tout est parfait. Je voudrais rester ici éternellement. Lux. L'air sent la mer. Lux. Et je... Lux !
J'ouvre brutalement les yeux.
— Lux !
La pierre brune de mon plafond tranche avec les étoiles lumineuses que je visualisais un instant plus tôt. Un rêve, évidemment. Un de plus, où je m'évade, où je découvre un paysage que je ne peux qu'imaginer. L'océan, trop loin d'ici pour que je ne puisse faire autre chose que d'en rêver. Ce lieu où j'habite, un palais magnifique, peut être assimilable à une prison dorée.
Je clos mes paupières, choisissant de retourner là-bas encore un peu. Loin de la réalité peu attirante de ma journée. Mais la voix revient, ce surnom aussi. Lux. Une autre façon de signifier « lumière », comme si mon prénom n'était pas déjà assez éloquent, tout autant que la couleur de mes cheveux. Blancs, aussi éclatants que la lueur des astres. Mes parents avaient un sens de l'humour bien à eux. Je ne déteste pas mon prénom. Au contraire, je l'aime parce qu'il me vient d'eux. Cependant, il est tant prononcé depuis quelque temps que je n'en peux plus.
Lorsque quelque chose de mou entre violemment en contact avec mon visage, je me redresse en vitesse. L'auteure du crime récolte un regard noir, auquel elle répond par un petit sourire en coin, fière d'elle.
— Cela fait dix fois que je t'appelle.
— Et cela fait dix fois que je t'ignore.
Je me laisse tomber en arrière, pour lui faire comprendre que j'ai bien l'intention de rester ici. Mais elle ne l'entend pas de cette oreille, et s'assoit à côté de moi, brisant le silence que j'aurais apprécié instaurer.
— Tout le monde t'attend, Lux.
— Ils peuvent bien attendre encore un peu.
— Tu es la reine.
Et au bout d'une année à porter ce titre, j'ai toujours du mal à m'y faire. C'est ma mère, qu'on devrait appeler ainsi. Pourtant, ce n'est plus elle que ce titre désigne. Je n'étais pas prête à le porter. Ni à perdre mon père. Ni à porter le lourd poids de milliers de vies humaines. Je n'avais pas encore acquis assez de connaissances pour tenir un rôle si important.
— Les rois et leurs fils arrivent aujourd'hui. Tu ne dois pas être en retard.
— Raison de plus pour rester au lit. Et je ne suis jamais en retard, Liliana. Les autres sont en avance.
Un des avantages que j'ai très bien intégré, et que je me fais un plaisir à utiliser aujourd'hui.
Son rire emplit la pièce et parvient à me tirer un sourire. Cette fille est une vraie boule d'énergie. J'aimerais parfois être à sa place et avoir sa joie de vivre. Depuis qu'on m'a posé cette couronne sur la tête, c'est comme si j'avais pris dix ans de plus qu'elle. Pourtant, nous avons le même âge. Fille de ma nourrice, dame d'honneur, elle est avant tout ma sœur de cœur. Mon amie fidèle, ma confidente, ma conseillère privée, ma famille. Et, tous les matins, mon réveil. Aussi efficace qu'un coq. Sauf qu'elle, je ne la fais pas égorger si elle me réveille trop tôt, et elle ne finit pas au menu du soir.
— Cesse de faire ta larve, et lève-toi.
Je hausse un sourcil, amusée, et pas un brin choquée par son comportement avec moi. Elle peut se le permettre. Elle peut tout se permettre lorsque nous sommes seules. Même me jeter un seau d'eau froide pour me réveiller. Enfin, cette astuce, elle ne l'a tentée qu'une seule fois. Ma vengeance a été terrible. Et très amusante. Pour moi.
— Comment parles-tu à ta reine ?
Elle me tire la langue, et me donne le premier argument convainquant pour me faire lever.
— N'as-tu pas hâte de fermer le clapet de quelques rois ?
Un sourire étire mes joues et je ne peux la contredire. Dans quelques heures, je ferai face à trois rois, plus âgés et plus expérimentés que moi. Et surtout, des hommes. Je ne doute pas que quelques egos vont se faire entendre quand ils vont devoir écouter les ordres d'une jeune femme. J'ai affreusement hâte de voir ça. Et d'y réagir.
Liliana m'a dit un jour que j'avais un « tempérament de feu ». Comprenant que si l'on me cherche, on ne se brûle pas. On crame.
Et ce n'est pas toujours une bonne chose. Parce qu'une reine doit savoir maîtriser ses nerfs. Un point sur lequel j'ai encore besoin de travailler, comme beaucoup d'autres. J'aurais dû avoir encore plusieurs années pour apprendre tous les rouages du métier de reine.
— Marcel a fait des fondants au chocolat, pour le petit déjeuner.
— Tu ne pouvais pas commencer par ça ?
Je repousse les couvertures et me lève sans rechigner, sous son rire que j'ignore, pour me diriger à ses côtés vers les cuisines. Je réponds simplement aux salutations qui s'élèvent, et m'installe à une épaisse table de bois. Quand Marcel, mon chef de cuisine, dispose devant moi l'objet de tous mes désirs, je me lèche les babines. Il rit et je pousse un gloussement de plaisir, appréciant le chocolat fondant sur ma langue.
— Profite bien, c'est la dernière fois qu'on mange ici.
— Ne gâche pas mon plaisir, sorcière.
Liliana me tire la langue et s'intéresse à son propre petit déjeuner, alors que je rumine un peu, sans écouter un mot de ce qu'elle dit ensuite. Manger dans les cuisines, en robe de chambre, en discutant gaiement avec les cuisiniers, ce n'est effectivement pas une attitude que je vais pouvoir conserver avec l'arrivée de nos invités. J'ai sérieusement réfléchi à n'en avoir rien à faire et continuer mes habitudes, cependant mes Conseillers n'ont pas été du même avis. Quelle bande de rabat-joie, parfois.
Un bruit de casse nous fait stopper notre conversation, ou plutôt le monologue de Lil' sur les princes qui vont arriver.
Je penche la tête pour voir ce qui se passe côté « fourneaux », et remarque qu'une nouvelle recrue a fait tomber un plat. Le chef semble lui passer un savon, à voix basse pour ne pas me déranger, et je vois ses yeux se remplir d'eau. Marcel n'est pas quelqu'un de méchant, mais je le sais stressé par l'arrivée d'autant de grandes figures, et il l'évacue sur cette jeune fille qui a dû ruiner pas mal d'heures de travail.
— Marcel.
En entendant ma voix, il s'arrête net et se tourne vers moi, avant de se pencher pour s'excuser de m'avoir dérangée. Je déteste quand ils font ça, quand ils me donnent l'impression que je suis une reine tyrannique qu'on ne doit pas embêter. Malgré mes demandes répétées pour qu'il cesse ces gestes, ainsi que les révérences pour me saluer, il reste attaché à ces traditions.
— Relève-toi donc, Marc'.
D'aussi loin que je m'en souvienne, ce vieil homme a toujours été là. Comme un grand-père, qui me fourrait des gâteaux dans les poches chaque fois qu'il me voyait passer près de lui. Il fait partie de ces personnes avec lesquelles je me permets une familiarité que je n'ai qu'en moindre mesure avec d'autres. Et s'il a à cœur de respecter l'étiquette depuis que je porte une couronne, il lui arrive encore parfois de glisser des chocolats sous mon oreiller.
— Je sais que tu es stressé pour ce soir, mais ne t'inquiète pas. Tout va bien se passer, et ta cuisine est tellement bonne qu'ils seront obligés d'aimer, sinon je les mets dehors. Et ne t'énerve pas pour un plat cassé, je suis certaine que tu en as fait dix fois trop, « au cas où ».
Il me sourit, signe que j'ai raison. Je le vois aussi sourire à la jeune fille, pour lui montrer que tout va bien. Une maladresse peut arriver, et nous ne sommes pas du genre à virer quelqu'un pour si peu.
Je me dirige vers elle alors que tout le monde retourne au travail. Elle s'affaisse aussi devant moi.
— Relève-toi. Tu veux bien que je te tutoie ?
Elle paraît surprise et bégaie un peu en parlant.
— Oh, bien sûr, Majesté.
— Bien, quel est ton nom ?
— Ariel.
— Enchanté Ariel. C'est ton premier jour, n'est-ce pas ?
Elle hésite avant de hocher la tête. Je mets un point d'honneur à savoir tout ce qui se passe dans ce château. Et ce n'est pas uniquement parce que Liliana est une grande adepte des commérages, mais aussi pour m'assurer du bien-être de chacun. La première chose que mon père m'a transmise, c'est de prendre soin de ceux qui m'entourent.
— Ne t'inquiète pas, personne ne mord, ni Marcel ni moi.
J'appelle une cuisinière qui s'approche de moi.
— Peux-tu expliquer à Ariel tout ce qu'elle a besoin de savoir sur le fonctionnement du château ?
Elle hoche la tête et la jeune femme paraît soulagée.
Je m'éloigne et vais pour me rasseoir à table, mais Liliana m'attrape le poignet et me traîne afin de sortir de la pièce.
— Plus le temps pour ça, il faut qu'on te prépare. Le temps presse, ils vont bientôt arriver.
Satanés rois ! Ils m'empêcheront même de finir mon petit déjeuner.
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