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Cela fait quelques heures que je marche, et je n'ai toujours rien vu. La fée avait disparu, tout comme la fontaine. Désorientée, j'ai pris le chemin qui s'ouvrait devant moi.

Les Chiens-Rongeurs sont toujours présents le long du sentier, comme s'ils me suivaient. J'écarte vite cette pensée bien terrifiante de mon esprit.

Au loin, se dresse soudain une tour immense. Elle est toute de pierre blanche, couverte de lierre. Un pont-levis permet de franchir une douve.

Je me dirige vers cet endroit complètement inattendu. Après tout, c'est ici que me mène le chemin, qui s'arrête pile devant le pont.

Une fois devant le bâtiment, je lève la tête vers le sommet, écrasée par la taille de l'édifice. Je pousse finalement la porte et entre dans le hall.

Il est très grand, mais contrairement à l'apparence romantique de l'extérieur, il est complètement abandonné. Des toiles d'araignée pendent depuis le plafond. Les meubles sont brisés, gisent par terre en mille morceaux. Le silence est mortel.

Je m'avance en tentant de ne pas toucher aux multiples débris au sol. Mon pied bute quelques fois sur des éclats et je peste en silence. Je ne sais pas ce qui se cache dans la tour, et si ce qui s'y tapit est bienveillant ou non...

J'atteins une porte, et décide de visiter les pièces jusqu'à trouver cette clef pour trouver Nath'. Après tout je n'ai pas de détecteur à clef...

La porte grince affreusement lorsqu'elle pivote, et je me retrouve dans une pièce aux allures de salle de bal abandonnée, de celles qui font un décors théâtral parfait pour les scènes d'horreur. Le sol à l'origine poli comme un miroir ne ressemble plus qu'à une vitre couverte de saleté. Les tentures cachent les fenêtres, et la pièce ronde se fait plus menaçante au fur et à mesure que la journée passe. Je fouille dans tous les tiroirs, tas de tissu et coffre qui me passent sous la main sans trouver une quelconque clef... Je commence à désespérer.

Alors que je me redresse après avoir encore une fois fait chou blanc, remis mes cheveux à peu près normalement, je vois une fillette debout devant moi, à seulement un mètre. Ses cheveux pendent devant mon visage, et ses yeux me fixent de leur teinte rouge rubis. Sa robe déchirée pend jusqu'à ces pieds.

Je sursaute en poussant un petit cri, puis considère ce nouvel obstacle. La fillette ne dit rien, elle se contente de me regarder.

- Qui es-tu ? je lui demande finalement.

- La Gardienne.

Sa voix toute frêle et aiguë résonne dans la salle sombre. Le soleil est en train de se coucher dans ce monde. Minuit approche à grands pas !

- Et que gardes-tu ?

- Ce que tu es venue chercher.

Elle sait où se trouve Nath' ou la clef ? Ou alors elle garde la sortie du Monde des Rêves et Cauchemars. Comment savoir ?

- Que suis-je venue chercher ? je dis alors.

- Il n'y a que toi qui le sait, répond-elle avec un sourire.

Perturbée, je ne sais quoi répondre à mon tour. Son sourire s'agrandit, et elle me dit :

- Si tu réponds correctement à mon énigme, je te laisse accéder à ce coffre.

Sa main minuscule se tend vers un minuscule coffre ornementé qui est apparu juste derrière elle. Comme elle se retourne vers moi, j'aperçois une lame tachée de sang dans son autre main. Je frissonne. Je n'ai pas le droit à l'erreur.

- Vas-y, lui intimé-je.

Elle commence son énigme d'une voix grave tout en roulant des yeux. Une volute de fumée s'échappe du sol sous ses pieds, et je recule prudemment. Tout ce spectacle est complètement effrayant...
 
- Tu es face à deux portes à battants. L'une, te mènera à la sortie, l'autre, à la mort. Devant ces portes, une inscription dit : "Quiconque pousse ces portes périt." Que fais-tu ?

Je réfléchis un moment. L'inscription est catégorique : je pousse les portes, je meurs. Mais l'une m'enverra dehors. Comment est-ce possible ?! Je suis perdue, là. De plus, mes capacités de réflexion ne sont pas extraordinaires... Et je n'ai pas tout mon temps ! Je dois être dehors à Minuit...

Complètement angoissée, je me mets à faire les cent pas. La fillette ne se départit pas de son sourire. Elle passe même son doigt sur la lame maculée de sang pour le faire goutter au sol dans un bruit répétitif et stressant.

Je me répète l'énigme dans la tête encore et encore. La solution est logique, mais je ne la trouve pas avant quelques longues minutes. Lorsque je la tiens, je manque de me frapper le front pour tant de stupidité. La réponse est évidente !

- Je les tire.

Le sourire carnassier de la fillette meurt et elle se décale furieusement vers la droite, puis s'évapore dans les airs. Je me précipite vers le coffre et l'ouvre d'une main tremblante.

- Un passage ?!

En effet, je fond du coffre... N'est pas un fond. C'est un trou qui semble s'enfoncer dans le sol dans l'obscurité.

Je n'hésite pas plus longtemps et passe mes pieds dans le coffre. Il est tellement petit que mes hanches et mes épaules frottent douloureusement contre les bords lorsque je descends en glissant. Heureusement, les bords semblent lisses, aussi les vêtements restent dans un état correct.

J'atterris au sol et m'effondre sous le choc. Je respire profondément et observe les alentours. Je ne suis pas sortie du Monde, pas encore. Je dois trouver Nath' avant.

Justement, il semblerait que la clef dont j'ai besoin ait été la fillette. Elle m'a permis d'accéder à cet endroit logique pour trouver mon ami : les cachots..
Des dizaines de pièces faites de barreaux bordent l'allée centrale où j'ai atterri.

La phrase suivante du poème me revient en tête :

"Trouve la sortie pour ne pas être retenue"

Et la Sirène m'a révélé que Nath' se trouverait dans l'antre de l'ennemi vaincu auparavant : j'ai "vaincu" la fillette qui voulait me tuer et son antre doit être cette prison. Il ne me reste plus qu'à trouver Nath' puis sortir. C'est bientôt fini...

Je marche dans l'allée en fouillant les cellules du regard. Enfin, je tombe sur une pièce où est couché un jeune homme. J'agrippe les barreaux et passe la tête entre deux :

- Nath'?

Il relève la tête, et je reconnais mon ami.

- Lully ?! s'exclame-t-il avec joie.

Il se lève et s'approche de moi.

- Tu as réussi !

- Oui ! Je ne vais même pas te demander comment tu es au courant ni comment tu es arrivé ici, mais viens il faut sortir avant Minuit !

- J'aimerais bien, mais la porte ne s'ouvre que de l'extérieur.

Je tire sur les barreaux et libère Nath'.

On se serre un court moment dans les bras, heureux d'avoir retrouvé l'autre. Puis, je dis :

- Cherchons la sortie.

Nous reprenons l'allée qui semble interminable. Nath' est plutôt en bon état, et m'explique que Ara, la fillette, l'a nourri et lui a expliqué ce qu'il sait de ce Monde.

À ces mots, mon ventre proteste vivement. Je n'ai pas mangé depuis quelques heures maintenant...

Enfin, nous arrivons devant deux portes. Une rouge, une bleue. Une pierre est plantée dans le sol juste au milieu.

"Si vous tenez à votre compagnon, inévitable est la séparation. Prenez la porte qui danse sous vos yeux"

Comment ?! Encore une énigme ?

- Oh non... je gémis.

- Attend.

Nath' a toujours été fort pour découvrir les réponses aux devinettes. Je me repose sur lui, entièrement, car je suis complètement perdue et très fatiguée par ce périple dans ce monde. J'en ai assez... L'image de ma mère me revient en tête et une larme coule en silence. Je ne l'essuie pas.

- Lully, quelle porte danse sous tes yeux ? me demande subitement Nath'.

- La rouge. Pourquoi ?

En effet, le bois semble gondoler et se trémousser devant mes yeux. Aussi bizarre que cela paraisse, je ne dis rien et laisse Nath' m'expliquer sa théorie.

- Nous devons nous séparer et prendre chacun la porte qui danse sous nos yeux.

Je suis très réticente à me séparer de lui, à peine lorsque je l'ai retrouvé. Mais c'est le seul moyen, n'est-ce pas ?

Je soupire, et il me fait un sourire encourageant. Je le lui rends avec plus de difficulté.

Nous nous dirigeons chacun vers notre porte et je la pousse après avoir lancé un dernier regard à mon ami.

Nous nous retrouvons de l'autre côté, mais malheureusement je reconnais l'endroit. La vallée ! Non ! Le désespoir m'envahit, avant que Nath' ne me dise avec angoisse :

- À Minuit, les Chiens-Rongeurs redeviennent humains. Nous devons partir !

- Et nous, à Minuit ? je lui demande quand même, un sombre pressentiment m'étreignant le cœur.

- Nous devenons comme eux, dit-il sombrement.

Je me mets à courir sur le chemin, alors que les Chiens-Rongeurs nous suivent du regard d'un air gourmand. Quelques-uns se mettent à courir à nos côtés, mais ils semblent incapables de toucher le chemin. Pour l'instant ?...

Nous courons à perdre haleine. Une porte se dessine au loin, et s'illumine, comme pour nous guider dans la pénombre qui commence à nous entourer complètement. La peur m'envahit lorsque les Chiens-Rongeurs de mettent à grandir à une vitesse folle. Nath' me crie s'accélérer, et je le tente mais je suis à bout.

Un Chien-Rongeur saute devant moi, sur le chemin, et sa tête commence à ressembler à celle d'un homme barbu.

Je hurle et lui donne un coup de pied avant de reprendre ma course.

Les Chiens-Rongeurs ne cessent d'empiéter sur le chemin à présent. Des visages apparaissent sur leurs museaux et je hurle à chaque fois. Nath' m'aide à les faire partir à coups de pieds, mais ça nous ralentit énormément.

Mon souffle est saccadé, j'ai du mal à respirer, et mes muscles me font souffrir. Nath' n'est pas mieux, et nous arrivons à deux mètres de la porte lorsqu'un Chien-Rongeur plus grand que les autres bondit sur le dos de mon ami. Il crie en tombant au sol, et je lui attrape un bras pour le retenir tant bien que mal.

Il repousse son adversaire péniblement, et se relève avec quelques griffures au dos. Nous reprenons notre course chancelante, fatigués et malades de peur.

À un mètre de la porte, je bondis sur sa poignée et la pousse en tombant dessus...



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