Partie 8

Chan.

La randonnée m'a achevé, et en outre, nos trouvailles sont maigres. Les rayons du soleil se font discrets, aujourd'hui. Le bleu du ciel laisse finalement place à un océan indigo où voguent des poissons dorés.

Mon regard converge vers la table de Seungmin ; une assiette pleine à la main, je décide de les rejoindre, lui et Felix. Minho a mangé plus tôt, ce soir. Il profite de la distraction de la foule pour prendre une bonne douche. Nous ne sommes pas autorisés à y aller, excepté un seul soir précis de la semaine, mais Minho a un côté maniaque. Il abhorre la poussière, la terre, la boue et tous ces trucs répugnants. Je peine à l'imaginer se coucher un soir sans s'être décrassé au préalable après une randonnée en forêt.

Son expression de dégoût à chaque fois qu'il salit ses chaussures blanches, ou lorsque l'on croise un chien qui s'est roulé dans la terre me fait bien rire. C'est ce genre de choses bénignes qui le tracassent jusqu'aux tréfonds de son âme. J'ai une petite pensée pour mon ami quand j'aperçois les flaques d'eau souillées sur le chemin du bungalow. J'ai quitté les autres pour gagner un instant d'intimité. J'adore le contact social, mais j'ai besoin de ce genre de moments pour me ressourcer et recharger mes batteries.

J'enfile un tee-shirt lavé que j'ai étendu la veille et m'empresse vers la fontaine pour me brosser les dents. La sensation de froid sur celles-ci me gèle sur place, et le dentifrice me brûle la langue. Le sentiment que toutes mes dents vont tomber et l'air glacial qui parcourt mes gencives me pétrifient sur place.

Le ciel est dégagé ; toutefois la température est nettement moins clémente, aujourd'hui. Mes plans sont désormais changés. J'accours presque à la porte, ma brosse à dents toujours coincée entre mes lèvres. J'agrippe violemment la poignée pour la fermer, mais suspends mon geste quand j'aperçois la silhouette sombre de Minho au loin.

Il entre dans le bungalow, frigorifié. Ses cheveux mouillés effleurent son front, son corps qui tremble comme une feuille est enrobé d'une serviette trempée. Je lui lance mon linge et lui apporte un sweatshirt. Nous nous emmitouflons dans nos sacs de couchage respectifs et nous commençons à discuter, assis sur le sol.

Mes yeux ont du mal à rester ouverts, et je vois que Minho lutte lui aussi contre le sommeil. Nos regards se croisent et l'envie de dormir se prononce davantage encore. Mes paupières se rapprochent, encore, encore, encore. Mes cils s'entrechoquent et mes yeux se ferment. Là, sur le sol, je manque de m'assoupir. Avant de m'abandonner définitivement à un sommeil plus profond, un léger courant d'air m'effleure doucement. Sans doute un rêve, me dis-je, mais les frissons m'envahissent. Le froid a cet effet de bombe chez moi, et je me lève en sursaut. Mes pupilles disparaissent sous la puissante lumière qui éblouit mon visage épuisé.

Deux jeunes adolescents que je connais bien désormais se tiennent devant moi, l'air déconcerté. Minho avait quitté le sol pour son matelas, mais moi, je m'étais endormi. J'ignore combien de temps, néanmoins, c'est juste assez pour que je me sente perdu. Les deux autres reprennent leur train de vie et se préparent pour aller se coucher. Mais soudain, ils s'asseyent en tailleur autour de moi. Felix sort de ses bagages un tas de cartes qu'il dispose, éparses, sur le sol froid. Nous commençons alors à jouer au UNO. Les cartes bleues s'enchaînent sans pitié. La bataille est épique entre Felix et moi : il tente de m'asséner un « +2 », et aussitôt, je contre-attaque avec un « +4 ». Ma fatigue finit par s'estomper, car la partie n'est pas près de se terminer.

Mon dos me brûle, mes membres sont engourdis, mes oreilles bourdonnent. Le réveil de ce matin est difficile. Mes paupières, lourdes, peinent à s'ouvrir. Adossé à un pied de lit, je tente tant bien que mal de reprendre mes esprits. Des cartes colorées gisent sur le sol, tentent de lui donner une touche de joie. Je m'extirpe de mon sac de couchage afin d'enfiler un training et m'empresse de rejoindre le réfectoire. D'habitude, je suis plutôt du matin, mais aujourd'hui, le réveil est une véritable torture. Parfois, je me demande pourquoi on ne nous a pas surnommés marmotte, moi et mes neuf heures de sommeil.

De retour dans la bâtisse rose, mes colocataires et moi découvrons toute une panoplie de tissus. Nous nous empressons de démêler tout cet attirail et nous en ressortons des combinaisons, elles aussi incarnates. Nous soupirons de désespoir – enfin, sauf Felix, qui se met à sautiller.

Une cloche retentit, suivie d'une voix résonnant dans le haut-parleur du mégaphone. L'activité du jour diffère des autres années. Nous sommes tous séparés par couleur ; chaque bungalow forme une équipe. Tous les groupes vont s'affronter dans une succession de petits jeux au cours de la journée.

La première épreuve n'est pas aussi difficile que ce que l'on avait escompté. Il suffit de courir, l'un après l'autre, afin de piocher une pièce au hasard dans un sac. Si elle correspond au puzzle que nous devons reconstituer, bingo ; si non, il faut la reposer et courir vers l'équipe pour que le prochain puisse partir à son tour. Par stratégie ou par mauvaise foi, nous plaçons Seungmin à la table. Il se chargera de trier les bouts de cartons et de les assembler pendant que Minho, Felix et moi courrons chercher les pièces dans cette course infernale.

Nous finissons le jeu au bout d'une heure et gagnons un écusson. Nous sommes complètement fourbus, mais c'est loin d'être terminé. La seconde épreuve est « un, deux, trois, soleil », mais nos pieds sont liés. Cela ne manque pas de me rappeler la course d'obstacles avec Seungmin, et je commence à paniquer. Néanmoins, en apercevant la marque de l'appréhension sur son visage, je décide de le prendre comme coéquipier. Minho et Felix n'arrêtent pas de jouer au plus malicieux, et Felix finit immanquablement par trébucher sur une racine. Ils se font éliminer, et tous les espoirs du bungalow Barbie reposent alors sur Seungmin et moi.

La pression n'arrange vraiment pas mon état d'esprit, et je remarque que c'est pareil pour Seungmin. Nous nous mettons d'accord en nous décidant d'avancer gentiment. Nous finissons ainsi égalité avec deux fillettes de dix ans, ce qui nous permet de remporter un nouvel écusson.

La journée se déroule dans une atmosphère compétitive, mais toujours aussi amicale. Les rivaux prennent un plaisir sournois à se lancer des piques provocatrices. Heureusement, notre équipe est plus soudée que jamais. Les silences embarrassés se sont transformés en rires, et les inconnus en amis. Autour de la table du repas, les anecdotes fusent. Mais toute cette bonne humeur se change en espérance. La nuit tombe et la remise des prix va débuter. Les doigts croisés et les dents serrées, nous attendons l'annonce des vainqueurs.

~ Celesta_ 🎈🐛

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