XXXIV.
Ça fait maintenant plusieurs fois que j'essaie de trouver les bonnes formulations pour pas que tu t'emmerdes à lire cette lettre et que tu t'en ailles pour passer à autre chose dès la deuxième phrase. C'est pourquoi j'ai décidé de faire au plus simple.
Des phrases assez courtes. Je ne divaguerai pas (du moins je vais essayer), je te parlerai du 'plus gros', et moins des éléments secondaires, pour ne pas oublier de te parler de quelque chose que j'ai besoin d'évacuer. Ça serait vraiment con, non ?
Donc, je commencerai par LE sujet n°1 qui me prend la tête en ce moment. Je pense être trans. Je me visualise de plus en plus en tant qu'homme, alors que je 'ne le suis pas'. Et, je me pose énormément de questions (en vrai pas tant que ça) par rapport à ça. Je ne sais pas, par exemple, comment en parler à quelqu'un, en face à face. La seule fois où j'en ai parlé à quelqu'un, j'ai été très déçue. Mais ce passage, c'est une autre histoire. Je ne sais pas comment les gens vont réagir, s'ils me regarderont différemment, mal. Ou s'ils me soutiendront (même si je pense que parmi ma famille il n'y aura aucun souci et que les élèves de ma promo ont l'air d'être assez ouverts d'esprit). Mais, s'ils s'en foutent ? Ben je sais pas, ça me fait ressentir comme un vide. Tu dois trouver ça bizarre, non ? Que je trouve ça vide, déprimant, que les gens s'en foutent que je sois trans. Peut-être que c'est parce que déjà aujourd'hui je ne les intéresse pas. Peut-être que ça ne changera rien du tout. Et c'est ce que je crains un peu aussi. Un changement physique et mental pour devenir qui j'aimerais être, mais à côté ne pas gagner d'ami.
Je ne veux pas devenir un mec pour avoir des amis. Si je veux devenir un mec, c'est pour me sentir moi. Pour avoir une plus belle voix (je déteste la mienne), pour avoir plus de confiance et d'estime de moi. En bref pour me sentir bien. Mais je crains aussi de ne rester seul. Que ce soit en tant que fille ou en tant que garçon. Mais, justement, est-ce que si je deviens plus 'moi', et que du coup j'aurai plus confiance en moi, j'irai plus facilement vers les autres, je serai moins introverti (ce que je suis énormément aujourd'hui), est-ce que ça sera pas plus facile de me faire des amis ? Je ne sais pas. Si tu as une réponse, n'hésite pas à m'éclairer. Parce que là, j'y vois flou.
Comme je te l'ai dit, j'oublie sans doute des trucs, des idées, mais je dois quand même continuer.
Je t'en ai parlé pendant le premier paragraphe. C'est la solitude. Le fait que je n'ai aucun ami. Ça commence à me faire un peu chier. Et encore pas toujours...
Je m'explique. Je regrette souvent, surtout en ce moment depuis un bout de temps, de ne pas avoir d'ami à proprement parler. Je parle avec des gens, je sur la conversation de groupe etc. mais à côté il ne se passe rien. On ne se fait pas de soirées. Ils le font, mais entre eux. Je suis toujours à l'écart. Bon, pour les fêtes et les soirées, c'est pas mon truc du tout. Mais du coup je me retrouve souvent seule. Mais en fait ce que je voudrais, c'est surtout un ou une ami, ou deux, à qui je pourrais confier n'importe quoi sans me faire trahir. Qui saurait me remonter le moral. Devant qui je n'aurais pas à cacher ma mauvaise humeur et qui saurait quoi faire pour y remédier. Quelqu'un qui appelle à l'improviste pour qu'on sorte en ville, au ciné, ou n'importe, tant qu'on est ensemble, qu'on se dit tout, et qu'on veut simplement passer du bon temps. Bref un ou une meilleure amie ; mais je n'ai évidemment toujours pas trouver cette personne. Enfin, je l'avais plus ou moins trouvé...
J'avais une meilleure amie jusqu'à l'année dernière. L, disait que j'étais aussi la sienne, qu'elle est moi c'était pour la vie, qu'on avait un contrat d'amitié d'au moins vingt ans. On devait être le témoin au mariage de l'une et de l'autre. On s'est offert un grand week-end à Londres rien qu'elle et moi pour fêter se 19 ans, je l'ai hébergé chez moi plusieurs fois pour lui remonter le moral parce qu'elle déprimait un max. je suis allée chez elle pour les même raisons. Etc. Mais l'été dernier, elle m'a foutu hors de sa vie. Et elle m'a dit ce qu'elle pensait réellement de moi. Donc pour elle, je suis : une pourriture égoïste, une pauvre merde lâche et débile qui mérite de crever dans un coin. Je suis la pire amie qu'on puisse avoir et elle regrette de m'avoir connu.
ENJOIE (rèf à monsieur antoine daniel). Ça fait un peu mal de me remémorer ces mots. Parce que ça a beau faire plus d'un an maintenant, je m'en remets pas vraiment. C'est débile je sais, surtout que dans son cas, je n'existe déjà plus. Mais j'aurais pu donner ma vie, pour sauver la sienne. J'étais à deux doigts de lui dire ce qui me tracassait à l'époque. Mais elle ne m'en a pas laissé le temps. Je me sentais seule même parmi mes amis. Et ouais, elle a loupé le scoop du siècle. Plus sérieusement, je m'en suis énormément voulu, entre autres, depuis cette rupture. Je me disais, et me dis encore parfois, que si je lui avais parlé, si j'avais eu leu courage de lui avouer plus tôt que je n'allais pas bien, et que j'avais besoin de son aide, à elle, et ben j'aurais pu sauver notre amitié. Je me suis aussi demandé si j'étais vraiment sa meilleure amie.
Et même avec les propos qu'elle m'a tenus, je pense sincèrement que oui. Il y a des choses qu'elle m'a raconté qu'on ne raconte qu'à sa meilleure amie. Je voudrais tellement me confier à elle maintenant, mais je ne peux plus. C'est trop. Parce que j'ai tout foutu en l'air. C'est de ma faute, si on n'est plus amies. Par ailleurs, sa mère m'a dit qu'elle était mieux sans moi. Et je me trouve parfois idiote de tenir encore à la personne qui me hait le plus au monde.
Mais je suis comme ça, faut que je m'attache toujours beaucoup trop vite. Que je veuille rapidement confier tout ce que j'ai sur le cœur. A travers une lettre, bien sûr, parce qu'il n'y a que comme ça que j'arrive à communiquer.
L, ne l'avait pas compris. Peut-être que personne ne comprend ça, d'ailleurs. Ou finit par se lasser. Et peut-être que c'est vrai quand on me dit que je suis trop différente pour intéresser les gens et leur donner envie de me parler... car oui, on me dit souvent ça.
Je pourrais aussi te parler du fait que ma vie entière repose sur une complexité de dingue mais ça prendrait un autre chapitre. Ça fait toujours du bien de se confier, même si ça reste anonyme, ou sous un pseudo.
A-L.
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