XXII.


         Mon cher globe terrestre,

notre passé ne regarde que nous et il en est de même pour notre présent. Nous sommes les seules à décider qui de cette masse d'humains trop curieux pourra nous connaître. Nous et notre humour improbable. Nous et notre laideur légendaire. Nous et notre banalité affligeante. Nous et nos personnalités fellées. Nous et notre peur des autres. Nous et notre angoisse d'un abandon mutuel. Nous et nos passés chaotiques. Nous et notre présent désastreux.

Tout cela ne les regarde nullement. Tant que je n'ai pas ton consentement, il est hors de question de leur révéler quoique ce soit. Mais là est tout le problème mon trésor. Il n'y a que toi à qui je peux en parler. C'est ce que nous nous sommes promis. Mais comment faire quand c'est de toi dont j'ai besoin de parler ? Je sais que tu m'en voudrais de raconter tout ça sur internet. Mais juré, rien de notre passé ou de notre présent ne fuitera. Et si je ne peux rien raconter de tout ça, alors parlons du futur.

Je sais pertinemment que j'ai perdu la plupart d'entre vous, mais pour le peu -quasi inexistant- de gens qui s'intéressent aux vies d'autrui, laissez moi vous dire : j'ai peur. Bordel qu'est-ce que j'ai peur.

Pardonne-moi femme de ma vie, je devais être un pilier, je devais te montrer le monde, je devais te faire rire et pleurer, je devais faire danser ton corps sur nos voix qui chanteraient faux, je devais t'écouter crier ta détresse et te soigner. Parce que j'ai toujours été cette amie. Celle sur qui on se repose. Celle à qui on se confie. Celle à qui on demande de l'aide. Celle qui retrouve notre sourire, peu importe pourquoi, où et comment on l'a perdu. Celle que tout le monde apprécie. Celle qui sauve tout le monde de tout depuis toujours.

J'ai toujours été cette personne. Et j'ai toujours voulu l'être. Je vis pour vous rendre le plus heureux possible, tous autant que je vous connais, mes proches adorés. Alors pourquoi je n'y arrive pas cette fois ? Putain ça me ronge. J'ai tout fait, tout dit, tout écouté. Mais peu importe la force que j'y mets, tu ne me reviens pas.

Depuis un mois, tu disparais un peu plus à chaque heure qui passe. Ton sourire reste un vieux souvenir figé sur une ancienne photo. Ton rire reste une merveilleuse chanson dont je ne retrouve plus le nom, pour l'écouter à nouveau. Tes vêtements noircissent comme ton esprit. Et tes larmes, mon dieu, tes larmes ! Sans cesse, elles dévalent ton visage aux cernes violacées, sans te laisser une seconde de répit. Le matin, le soir, le midi, l'après-midi. Tu pleures, tu sanglotes. Tu me parles de la mort, de notre existence insignifiante, de la vie qui est inutile.

J'ai tout renversé pour t'enlever ces idées. Dans la vie, sur internet, j'ai cherché sans m'arrêter moi aussi. Mais rien. Je te vois, tous les jours, disparaître un peu plus. Je te vois mourir sous mes yeux. Ça fait tellement mal. S'il te plaît, mon bébé, ne m'en veut pas trop. Je ne voulais pas, mais notre présent m'a échappé. Et si tu veux que je te parle du futur, je ne peux que dire que j'ai peur. Mais merde, quand on l'évoque, tu ne fais que répondre que tu ne seras plus là, que tu n'as pas de place dans l'avenir, que ce qui arrive pour toi, c'est la mort.

Eh ! Stupide Chose, tu as une maigre idée de ce que tu me fais ? Mon futur à moi, il est beau, il est heureux, il est déjà planifié et je veux que tu te battes avec moi pour l'avoir. Je sais que nos vies sont dignes d'une fiction wattpad complètement clichée, avec les persos au passé horrible et qui vont se battre pour un avenir meilleur grâce à l'espoir. Mais c'est comme ça que je vois ma prochaine vie ! et je veux que tu crois en moi, en notre futur, en tout ce qui peut te raccrocher au monde réel.

Putain, je me sens inutile, pourquoi je sais pas comment te ramener ? Pardon, pardon, pardon. Tu étais la plus précieuse des vies que je protégeais, et j'ai failli à ma mission.

On entre à peine dans ce nouveau monde, et Dieu que c'est dur, je sais. Mais fais confiance au temps, tout va s'arranger, nous devons y croire. Je sais qu'il y a ce garçon du monde que nous venons de quitter qui s'est suicidé lundi. Il était plus jeune que nous. Et quand je te dis qu'il n'aurait pas dû, et que tu me réponds qu'il doit sûrement être mieux et qu'il avait bien raison de faire ça, tu me fais tellement peur bordel.

Alors je sais, ce n'est pas bien de raconter ça ici, mais comprends moi mon petit cœur, tu comptes trop pour que je garde tout en moi. Je voulais te prévenir que demain, je vais voir quelqu'un de professionnel pour demander de l'aide. Je sais que tu vas m'en vouloir. Et j'en suis désolée. Mais elle a dit que si ça devenait trop lourd comme poids sur nos épaules, elle était là. Et te voir mourir devant moi, c'est trop lourd. Je t'ai laissé un mois comme promis, mais maintenant j'ai trop peur de ce que tu as en tête.

Pardon, je voulais l'écrire comme si je te le disais pour de vrai, pour déculpabiliser de te faire ça. On devait tout garder pour nous. Mais après tout, en souhaitant m'abandonner, c'est toi qui a rompu notre promesse pas vrai ? Et puis, je t'avoue que sur internet, les " symptômes " de la dépression te décrive parfaitement, alors je me sens encore plus poussée d'y aller. Je ne veux pas apprendre ta mort un beau matin.

voilà c'est tout. Je t'aime et je suis désolée d'être une mauvaise amie pour toi.


little-mad-doll

pour son globe terrestre préféré.

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