4. Le maquillage ne trompe pas


Ludmila se met légèrement à trembler. Pourquoi pense-t-elle à deux extraterrestres actuellement ? Peut-être qu'ils sont simplement malades ? Elle doit en avoir le coeur net, sa mère se trouve avec eux, elle ne peut pas faire comme si de rien n'était. 



- Courage Lud', courage, se murmure-t-elle à elle-même. Ton imagination te fait surement défaut, tout comme ta vue.



Un pied devant l'autre, lentement, elle avance vers l'arrière-boutique. Plus elle en approche plus son coeur menaceé d'exploser sous sa poitrine. Son souffle se fait rapide et court, au bord de la crise d'angoisse, elle tourne la poignée et pousse la porte. A cet instant, deux situations peuvent s'offrir à elle. La première ferait d'elle une addict des films et séries de science-fiction. Natalia serait là, derrière le plan de travail à expliquer le fonctionnement de la boutique à ses deux nouveaux employés. La seconde est plus complexe et mériterait de la faire interner dans un hôpital psychiatrique. Monlosa, confortablement installé sur le plan de travail du fond, se gratte le sommet du crâne chauve avant de toucher ses cornes. 



- Elles sont toutes irritées par la perruque, se lamente l'homme.


Deux petites cornes ornent le devant de son crâne dont le front délimité le bleu du sommet et le blanc pateu du reste du visage. Bouche-bée, les yeux écarquillés, Ludmila vient se pincer le bras. La scène est réelle, beaucoup trop réelle, mais elle l'est. Elle se tourne rapidement vers la plante carnivore qu'aime chouchouter sa mère en temps normal. Et si elle assumait le premier avec le pot de la plante ? Monlosa ne tient pas sur ses talons, avec un peu de chance elle pourra le maintenir au sol en attendant la police ou encore les services secrets du pays. Trop tard, la plante - surnommée Cookie par Natalia - grandit encore et encore jusqu'à atteindre le plafond de la pièce. Ses feuilles poussent sur le côté tandis qu'elle se déhanche comme un cobra. Complètement hypnotisée par Cookie, Ludmila secoue la tête en entendant le cri aigüe et perçant que Monlosa arrive à produire avec ses fines cordes vocales.

- C'est la gamine, cri Monlosa en pointant Ludmila du doigt.


Ludmila reste figée, n'osant plus bouger. A sa droite, Cookie prête à entourer Salomon et son ami à l'aide de ses lianes. Face à elle, deux inconnus qu'elle soupçonne de ne pas être des humains. A première vue, cette situation est complètement folle, elle ressemble plus à un curieux rêve qu'à la réalité. 


- Natalia c'est le moment, lui hurle Salomon en s'éloignant. 


C'est à cet instant précis que la plante brise le pot en terre dans lequel elle se trouvait grâce à ses racines avant d'attraper Monlosa. Ce dernier se retrouve suspendu par les pieds et la tête en bas, rapidement suivit par Salomon.

- Qu'est-ce qu'elle fou, s'agace Salomon.


Alors que Ludmila s'approche de sa mère, les yeux de cette dernière deviennent jaunes et Ludmila s'écroule. Elle a le temps de sentir sa tête cogner lourdement contre le carrelage gris qui lui vient refroidir son corps. Un voile blanc se dresse de chaque côté de ses yeux avant qu'elle ne sombre.
 Salomon tranche la racine de la plante qui le suspendait par les pieds avant d'en faire autant pour Monlosa. Il s'approche de Natalia, le regard noir.



- Tu m'expliques ?


- Je l'élève depuis cinq ans, c'est toujours compliqué pour moi de lui faire ça. 



Salomon lève les yeux au ciel avant de s'approcher de Ludmila toujours inconsciente. 



- Elle va se réveiller dans combien de temps, demande-t-il en fixant la jeune fille.


- Généralement, elle met trois minutes. 



Un délai court, bien trop court, mais ils n'ont pas le choix. Aujourd'hui, ils doivent agir, récupérer toutes les informations dont ils ont besoin. Alors qu'il approche sa main de son front, le contact est coupé par une vive lumière verte qui le repousse à l'autre bout de la pièce. 


- Oops on dirait que c'est un nouvel échec, rigole Monlosa. 


Les yeux de Salomon s'assombrissent comme si ses pupilles se dilatent pour recouvrir la sclérotique, plus souvent appelé partie blanche. Cet effet peut être dû à l'énervement. Cela fait des mois, et même des années qu'il attend ce moment, ce grand jour. S'il rentre de nouveau sans les informations que sa patronne souhaite, Salomon sait qu'il n'appréciera pas la punition qu'elle lui aura réservée. 


Déterminé, il retourne auprès de Ludmila. A présent, il faut trouver un moyen de contourner cette barrière de protection qui l'empêche d'accéder à ses souvenirs, à sa mémoire.

*


Lentement, Ludmila ouvre les yeux. Le regard encore légèrement brouillé, elle cligne plusieurs fois des yeux. A ses côtés, Natalia conduit paisiblement - bien trop - jusqu'au domicile familial. 


- Courte sieste, fait-elle remarquer à sa fille.


Sieste ? La mémoire de Ludmila lui joue des tours, elle est incapable de se souvenir. Que s'est-il passé entre la plante géante et le trajet en voiture ?
La seule personne au courant n'est autre que Natalia qui préfère faire mine de ne rien comprendre et user de l'imagination de Ludmila pour faire comme si rien ne s'était passé. 



- Lud' chérie, soupire-t-elle. Tu as sûrement fait ce rêve pendant ta sieste voyons. Quelle imagination débordante tu as. 



Ludmila fronce légèrement les sourcils avant de se détendre. C'est vrai, son imagination prend un peu trop de place dans sa vie, dans ses rêves, dans ses cauchemars. Une fois de plus, ce n'est pas la Team Rockett qui joue un mauvais tour à Sacha, mais son imagination qui s'amuse d'elle. 


Sur le chemin du retour, Natalia s'arrête au Café de Ninette pour prendre un smoothie mangue et un brownien à sa fille sous prétexte de vouloir la remercier pour son aide. Ludmila accepte en haussant les épaules, sirotant déjà son smoothie. 


Natalia s'arrête dans l'allée de la maison et tire sur le frein à main avant de couper le moteur. Elle sort silencieuse et presque soucieuse avant d'attendre sa fille sur le pas de la porte. 


- Vas-y entre, lui dit Ludmila en veillant à ne pas renverser sa boisson ou perdre son brownie. 


Pourtant, sa mère insiste pour l'attendre. Elle est différente, et ce changement de comportement éveil en Ludmila quelques soupçons. Une fête surprise ? Impossible, elle n'a pas assez d'amis pour ça, voire aucun. A moins que son père soit rentré plus tôt du travail avec les délicieux plats du restaurant chinois A la baguette. 


- Vous en avez mis du temps pour rentrer. 


Ludmila s'arrête net dans le salon. Assis dans un des fauteuils moutarde, Salomon patiente, les bras croisés contre son torse. Le regard de la rousse se promène sur sa peau bleue puis ses petites cornes. Derrière elle, sa mère se crispe tandis que dans la cuisine, Monlosa se prépare un sandwich digne de celui que Scooby-Do et Sami mangent.


- Pourquoi la ramener ici si tu veux la protéger ? demande Salomon d'un air agacé. 

Silencieuse, Natalia vient s'installer sur le canapé gris qui trône face au mur du salon. Pendant ce temps, Ludmila reste plantée là, ne sachant pas trop quoi faire. 


Elle aimerait pouvoir fuir, monter dans sa chambre ou quitter la maison. Elle aimerait pouvoir crier, hurler pour avertir les voisins. Appeler la police pour les avertir que deux extraterrestres sont chez elle et s'en prennent à sa mère. Ne vont-ils pas la prendre pour une folle ? 


- Lud', vas faire du thé, ordonne Natalia. 


C'est le signe qu'elle ne doit pas rester planter là. Alors qu'elle s'affaire en cuisine, Monlosa rejoint Salomon et Natalia qui discutent à voix basses. Le comportement de sa mère est à des années-lumière de ce qu'elle pensait. Pourquoi ne pas fuir avec sa fille ? Pourquoi chuchoter des choses à ce monstre ? 


Légèrement tremblante, Ludmila apporte le plateau de thé qu'elle dépose sur la table basse. Elle distribue les tasses avant d'en renverser sur la main de Salomon par maladresse. 


- Pardon pardon, je ... 


Tandis que Salomon hurle comme à la mort, la peau de sa main noircie avant de s'effriter pour laisser place à des muscles et des nerfs. Ludmila entrouvre la bouche choquée avant d'être tiré en arrière par Monlosa qui la force à s'assoir. 


Ce n'est qu'après de longues minutes que la douleur s'apaise, laissant Salomon reprendre son attitude normale. Le regard noir, il se tourne vers Natalia pour l'accuser de l'avoir prévenu de sa faiblesse. Sa faiblesse ? De l'eau un peu trop chaude qui désintègre totalement sa peau ? En effet, c'est une faiblesse, mais c'est surtout quelque chose de totalement dingue. Ludmila n'en croit pas ses yeux.


- Etant donné que tu as cherché à la protéger et qu'on n'arrive pas à obtenir les informations qu'on souhaite, commence Salomon. On va l'enfermer dans sa chambre en attendant Hyrin. 


- Pardon ? s'esclaffe Ludmila en se levant brusquement.
D'un mouvement de tête, Salomon ordonne à Monlosa d'enfermer Ludmila dans sa chambre. Ce dernier soupire et pose son sandwich avant d'attraper la jeune fille par les bras. 


- Maman ... 


Pas un mot, pas un regard. Natalia laisse Monlosa trainer sa fille jusqu'à sa chambre. Cette dernière freine avec ses talons, marche dans la direction opposée, s'accroche à ce qu'elle peut au point d'attraper une lampe et de la balancer sur Monlosa. Le bruit du verre qui s'écrase contre son crâne, le regard noir de la victime, Ludmila tourne les talons pour courir vers la porte d'entrée. Elle touche la poignée du bout des doigts lorsque le bruit du verrou qui se ferme se fait entendre tandis que Monlosa l'attrape par la cheville. D'une main, sans trop de mal, il traine la jeune fille qui résiste en vain avec de nombreux coups de pied, des hurlements. Elle finit par s'accrocher à la rambarde de l'escalier comme à la vie, Ludmila ne lâchera pour rien au monde.

Derrière elle, de nombreux gros mots sortent de la bouche de la créature, il en a marre. A l'aide de sa deuxième main, il la tire de toutes ses forces la faisant enfin lâcher prise jusqu'à ce que la tête de sa victime heurte une marche la faisant sombrer. 


Ludmila ... 

Ludmila ... 


- Ludmila, réveille-toi ma belle. 
 


Dans un grognement, elle se tourne et retourne avant de se redresser une douleur vive à la tête. Grimaçant, elle porte sa main sur son front où une légère entaille et surtout une grosse bosse se sont formées après la rencontre entre son front et la marche. De longues secondes plus tard, sa vue redevient normale et elle se retrouve nez à nez avec une femme d'une quarantaine d'années. Surprise, elle recule brusquement avant d'attraper sa lampe de chevet en guise d'arme. 


- C'est vous Tasnari ? demande Ludmila sur la défensive. 


- Mme Tasnari doit venir ? demande l'inconnue surprise. Nous devons partir d'ici tout de suite Ludmila ! Tes affaires sont prêtes, suis-moi ! 


C'est sûrement un sketch. Salomon, Monlosa, elle, ils n'existent pas, ce sont des comédiens. Qui peut bien être aussi fou pour lui faire ce genre de blague ? Est-ce qu'il y a des caméras partout dans la maison ? 


Alors qu'elle s'apprête à asséner un coup de lampe à cette femme, celle-ci se tourne face au mur et trace un cercle imaginaire avec son index. C'est à cet instant précis que Ludmila laisse tomber sa lampe sur le sol, clouée par ce phénomène paranormal qui se déroule sous ses yeux. Le cercle imaginaire devient réel, formant alors un portail entre sa chambre et un endroit inconnu qui attise sa curiosité. Violet avec des touches de bleu, de rose et d'argenter tournent à grande vitesse et provoquent une lumière vive. 



- Ludmila, tu dois me suivre, je t'en supplie. 


Brusquement, la porte de sa chambre se retrouve au sol. Salomon entre avec Natalia, tous les deux surpris par la présence de cette femme. 


- Qu'est-ce qu'elle fout ici elle ? hurle Salomon. Lorelei Svon !


Natalia reste muette préférant se tourner vers Ludmila. Elle s'approche d'elle, attrape ses mains en soupirant. 


- Lud', il y a quelque chose que j'aimerais te dire avant que tout cela ne s'arrête, commence-t-elle. Tout ça n'est pas la réalité. Pour le bien de mon monde, nous avons besoin d'informations, des informations qui se trouvent là, Natalia pose son index sur le front de Ludmila avant de poursuivre. Je-



Salomon pousse brutalement Natalia tandis que Lorelei attrape Ludmila pour l'entrainer à l'intérieur du portail qui se referme automatiquement derrière elles.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top