1. Entre les pailles et les problèmes
L'été ne laisse pas sa place à l'automne aussi facilement que les autres années. Les journées restent chaudes, parfois même un peu trop, et le soleil rayonne sans fail jusqu'à ce qu'il aille se coucher. Malgré tout, on ne peut pas parler d'été indien, les températures frôlent trop facilement la canicule pour que ça en soit un.
Qui dit prolongement de l'été, dit beaucoup de monde dehors que ce soit à la terrasse d'un café, dans le parc, dans les rues piétonnes, impossible d'éviter qui que ce soit. Le problème majeur lorsqu'il fait ce temps est le plastique. Lorsque les températures poussent votre corps à se vider de son eau, l'envie de boire en se promenant est très présente en toute logique, mais ce qui est moins logique ce sont les pailles qui jonchent les pavés des trottoirs et non le fond des poubelles.
- Encore une, soupire une jeune femme en jetant à la poubelle une paille qui trainée par terre. Si chaque personne perd cent points pour chaque paille jeter par terre, le Paradis doit être bien libre.
- Ludmila chérie, ne soit pas si sévère avec eux, lui répond la femme à ses côtés.
- Maman, la ville a installé une poubelle tous les cent mètres et ils ne sont pas capables de balancer leur fichu paille dedans !
Chaque sortie est comme une épreuve pour elle. Certains ont des difficultés à sortir dans la rue à cause de la foule ou du bruit, mais pour Ludmila, chaque geste contre la nature c'est comme un coup de poignard dans le dos. Elle bouillonne et aimerait avoir le cran de leur faire avaler la paille.
Ludmila a l'impression d'être bipolaire. Une action loin d'être écologique lui donne des envies de meurtre, alors qu'un acte en sa faveur c'est comme si elle venait de rencontrer un nouvel ami. Depuis toute petite, la nature est comme sa meilleure amie. Qui laisse sa meilleure amie se faire marcher sur les pieds ? Pas grand monde, Ludmila non plus. Dans sa ville, où le nombre d'habitants frôle le million, la nature est mise à l'honneur avec ses nombreux arbres verts dessinant le parcourt du tram, ou encore le parc avec son étang, mais aussi les nombreux pots de fleurs géants qui ornent les trottoirs, ou encore les toits végétaux des immeubles. Cette ville est verte, ou presque, elle contraste comme Ludmila aime l'appeler. Nettoyer les façades en briques rouges ou blanches est bien plus important pour la ville que de nettoyer les rues. Même si les commerçants ont exigé à la mairie d'obtenir plus de poubelles dans la ville, les habitants eux préfèrent en ignorer l'existence. Peut-être qu'une fois la ville nommée décharge publique du pays, ils réagiront.
- Rentrons maintenant, soupire sa mère en l'entrainant jusqu'à l'arrêt du tram.
Ludmila grimace en passant une main dans sa chevelure rousse, sa mère vient d'écourter leur après-midi en centre-ville sans raison valable selon elle.
Alors qu'elles s'installent sur un banc de l'arrêt de tram le proche et le préféré de Ludmila, Natalia se tourne vers elle, une légère moue sur son visage.
- Ma chérie, tu as encore eu des ennuies ce matin au lycée ?
Le lycée, cela fait deux mois qu'elle y est, et la joie d'y entrer à vite laissé place au désespoir. Malheureusement pour elle, Ludmila se retrouve dans la même classe que Mélusine sa pire ennemie depuis la primaire et tout ça pour une histoire de fleurs. Même si son lycée est sympa, qu'il propose de nombreuses activités extra-scolaire, des options intéressantes, qu'il ressemble à un manoir victorien, rien que le fait d'y retrouver Mélusine efface tous les points négatifs.
Les attaques de la blonde sont virulentes, mais très contrôlées, elle sait jusqu'où elle peut aller, elle connait les limites à ne pas franchir. Personne ne s'en rend compte, ou alors ils préfèrent se joindre à elle dans les rires, ou encore ignorer comme certains professeurs.
- Encore et encore, comme toujours, maman, rien ne change et rien ne changera.
- Ecoutes Ludmila, je t'ai dit à de nombreuses reprises que je pouvais retourner voir ses parents, je peux aussi en discuter avec le proviseur et tes professeurs s'il le faut, propose Natalia en posant une main sur l'épaule de sa fille. Avec ton père on ne veut pas que tes histoires au collège se poursuivent au lycée.
- On peut changer de sujet ? Rien ne changera, maman. Tu le sais pertinemment, lui répond Ludmila. La preuve, si tu retournes voir ses parents, ce sera quoi, la dixième fois ?
Sa mère se contente de froncer les sourcils tandis que Ludmila promène son regard autour d'elle. L'arrêt de tram Middletown est de loin le plus beau de la ville. Le tram parcourt l'avenue sur une route pavée encadrée par de hauts trottoirs que les petites jambes de Ludmila ont parfois du mal à enjamber. De grands lampadaires noirs avec une large base qui s'élance avec élégance vers le ciel pour s'affiner et se courber. C'est au bout de ce support que pend le lampadaire, se balançant parfois au rythme du vent, dont le métal sombre est décoré par différents motifs. Plusieurs bancs permettent aux habitants de patienter confortablement ou d'admirer la végétation qui habille cet arrêt. Entre les arbres qui offrent de l'ombre lors des fortes chaleurs ou un abri lors des journées de pluie, et les nombreux parterres de fleurs qui changent en fonction des saisons, les habitants régalent leurs yeux à coups sûrs.
- Quand est-ce que tu commences à décorer la ville ?
- La semaine prochaine, mais je pense que ce sera ma dernière année, soupire Natalia.
- Hein ?
- La boutique me prend beaucoup de temps, les clients sont de plus en plus nombreux, commence Natalia. Je ne peux pas gérer la boutique et m'occuper des décorations florales de la ville à chaque saison. C'est bien trop de travail pour une seule personne.
Natalia est la seule fleuriste de la ville depuis plusieurs années maintenant. Sa boutique commence à avoir de plus en plus de clients, car les fleurs redeviendraient à la mode apparemment, et c'est une très bonne chose. A côté de cela, Natalia s'occupe aussi des parterres, des pots et autres décorations pour la ville comme par exemple les parterres de fleurs aux arrêts de tram, les décorations florales de la mairie, d'autres commerces aussi. Elle se retrouve donc à devoir créer, penser, et superviser les travaux chaque saison tout en s'occuper de sa boutique.
- Tu devrais vraiment prendre quelqu'un pour t'aider à la boutique tu sais, maman.
- Je peux m'en sortir seule, la magie devrait m'aider non ?
- Tu crois vraiment qu'avec tes cristaux et ton thé tu vas réussir à tout gérer, demande Ludmila.
- Evidemment, et puis ne fais pas ta sceptique. Je te rappelle que tu y tiens aussi !
Natalia se lève lorsque le tram se fait entendre tandis que Ludmila cherche rapidement sa carte d'abonnement. Pour rentrer chez elles, il faut environ une vingtaine de minutes, donc un certain nombre d'arrêts avant de pouvoir descendre au leur. Ensuite dix minutes de marche version Zinger, c'est-à-dire, marche lente, pour atteindre la maison.
Ludmila pousse la porte en premier pour vite s'abriter de cette chaleur presque insoutenable qui règne à l'extérieur. Elle quitte ses chaussures tandis que Natalia la prend dans ses bras.
- Ma petite princesse des fleurs, tu veux bien m'aider à arroser les plantes de la maison, s'il te plaît ?
- Après un cookie et un grand verre de lait frais au chocolat alors, propose Ludmila. Et puis, maman, s'te plaît, arrêtes de me donner ce surnom à rallonge ! J'ai quinze ans.
Sa mère se contente de hausser les épaules avant de disparaitre dans la cuisine. Ludmila et elle sont assez proches et complices, cette passion pour la nature qu'elles ont en commun en est la principale cause ou raison. Depuis son plus jeune âge, Ludmila se sent proche des plantes, un peu trop parfois. Lorsqu'une plante meurt, le moral de la jeune femme baisse en flèche, alors qu'un environnement composé simplement de fleurs en bonne santé la rend heureuse, encore plus qu'une sortie à DisneyWorld.
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