Chapitre 42 : La prophétie de ...


Bonjour à tous!

J'espère que l'attente n'a pas été trop insoutenable, ahah ! Allez, cette fois on plonge dans le drama avec les derniers chapitres, j'espère que celui-ci vous plaira !

Bonne lecture ! (et accessoirement bonne rentrée à tous !)


Chapitre 42 : la prophétie de Gethin Scampers.

Lucy ignora complétement combien de temps elle resta seule et immobile, pleurante et tremblante face contre terre. Son cœur cognait contre sa poitrine et un cri de détresse restait coincé dans sa gorge, formant un bouchon douloureux chauffé à blanc. Le visage de Luke hantait son esprit. Elle n'arrivait pas totalement à comprendre tout ce qui c'était passé, mais ces vagues silhouettes blanches lui étaient familières. C'était l'une d'entre elles qu'elle avait vu sur le terrain de Quidditch, tentant d'injecter le Sérum à Maeve Macmillan. C'était également elle qu'elle avait aperçut dans le couloir à coté du Hall, alors qu'elle venait d'agresser James. Mais elle n'était pas seule. Elle avait réussis à compter au moins trois personnes qui embarquaient son meilleur ami, leur cagoule masquant leurs traits.

Ils avaient emmené Luke. Qu'allaient-ils lui faire ?

L'envie d'hurler reprit à nouveau Lucy et elle tenta vainement de se débattre dans ses liens magiques. Il fallait avertir quelqu'un : oncle Harry, McGonagall ... A quoi pensait Luke quand il l'avait immobilisé ainsi ? En réalité, elle le savait, et c'était l'une des choses qui faisaient couler en abondances les larmes sur ses joues. Il s'était sacrifié pour elle. Par Merlin, oui, c'était ce qu'il avait fait.

Elle entendit soudainement des bruits de pas dans le couloir et se figea totalement, le cœur battant à la chamade. Un peur irrationnelle s'éprit d'elle et elle craignit un instant que les silhouettes blanches soient revenues. Mais c'était avant que les voix ne s'élèvent :

-La carte dit qu'elle est quelque part par là ...

James. Lucy aurait reconnu cette voix entre mille. Et la seconde fit bondir d'autant plus son cœur qu'elle l'identifia comme celle d'Adam :

-Brillant, vraiment. Tu la vois, là ?

-Scampers ..., soupira (Lucy le reconnut aussitôt) Louis. Tu es censé être meilleur que nous en sortilège, non ? Finite !

Lucy sentit ses liens magiques tomber, et son sang se remettre à circuler dans ses veines. Elle se redressa vivement, hors d'haleine, et eut le temps de prendre conscience que le Sortilège de Désillusion avait été également brisé avant que quatre personnes ne se précipitent vers elle. Roxanne Weasley fut la première à l'atteindre et la serra à rompre les os. Lucy agrippa son pull, désespérée, et les pleurs la reprirent sans qu'elle ne puisse les réprimer.

-Calme-toi, Luce ..., lui souffla-t-elle doucement.

-Luke ... Oh Roxy ils ... Ils ont pris Luke ...

Roxanne garda un instant le silence, et Lucy eut vaguement conscience du regard qu'elle échangea avec les Mousquetaires par dessus sa tête. James s'accroupit à hauteur de Lucy et lui pressa doucement l'épaule.

-On sait, Luce. On l'a pour ainsi dire, vu en direct (il secoua la Carte du Maraudeur sous le nez de Lucy). Et on a vu qu'ils te laissaient derrière et comme tu ne bougeais pas ... Oh par Merlin pendant un instant ...

La voix de James se brisa et Lucy comprit que son inactivité sur la carte leur avait laissé craindre le pire. La jeune fille tenta d'avoir un sourire rassurant pour son cousin, mais il lui semblait que les muscles de son visage étaient entièrement atrophiés. Alors qu'elle reprenait ses esprits, elle remarqua alors des détails qui ne lui avaient d'un prime abord pas sauté aux yeux. James avait l'air profondément agité : ses yeux étaient rouges, son regard nerveux, et ses mains tremblaient presque. Et en relevant la tête, elle remarqua Adam, de l'autre coté du couloir, le visage entre les mains, à coté d'un Louis qui lui parlait à voix basse. Son cousin aussi paraissant angoissé : ses doigts étaient crispés si fort sur sa baguette que Lucy voyait d'ici la blancheur de ses jointures. Elle se tourna alors vers Roxanne, dont les grands yeux noirs luisaient.

-Vous ... Vous avez vu en direct ? Qu'est-ce qu'il s'est passé ? Pourquoi vous regardiez la carte ?

-Lily, répondit alors James d'une voix aux accent étouffés qui inquiétèrent Lucy. Je cherchais Lily ...

Le cœur de Lucy se serra quand elle vit, à sa plus grande horreur, les yeux de James se remplir de larme. De l'autre coté du couloir, Louis passait une main nerveuse dans ses cheveux.

-Elle nous avait emprunté des objets de Farces et Attrapes la semaine dernière et on en avait besoin pour faire un dernier coup d'éclat ..., expliqua-t-il alors. Alors on a regardé où elle était ... Sauf qu'elle n'était plus sur la Carte.

-Et malheureusement, ce n'est pas la seule anomalie qu'on ait vue, poursuivit Roxanne en caressant la main de Lucy, comme si ce geste pouvait rendre ses paroles moins pénibles. On a remarqué ... Des gens qu'on ne connaissait pas, qui n'étaient pas des professeurs ni des Aurors, se balader en groupe dans l'école ... Et parfois, on les voyait emmener des élèves avec eux. Et quand on regardait quelques minutes plus tard ... Ils n'étaient plus sur la carte.

Lucy sentit son cœur dévaler sa poitrine en comprenant ce que cela voulait dire. Son souffle se raccourcit et le sang lui monta brusquement à la tête.

Luke n'était pas la seule victime.

-Qui ? s'enquit-t-elle dans un filet de voix. Pas ... Pas Lily.. ?

-On pense que si, répondit James en détournant les yeux, les poings serrés.

-La deuxième personne qu'on a vu disparaître, c'était Maeve Macmillan, reprit Roxanne, la voix plus aigue qu'ordinaire. Elle était près des cuisines et ... Deux femmes je crois, sont venues la chercher et ... Quand j'ai remis les yeux sur la Carte, le temps que je les cherche ... Elles avaient disparues.

-Qui d'autre ?

Roxanne échangea un regard avec James, avant de laisser ses yeux glisser jusque Louis et Adam. Lucy remarqua alors une absence, et pas des moindres. Elle sentit à nouveau les larmes lui monter aux yeux.

-Où est Scorpius ?

Roxanne se mordit la lèvre, avant de secouer la tête. Lucy sentit que l'air lui manquait. Luke. Lily. Maeve. Scorpius. Pour l'instant, la logique était tenue mais ...

-Encore d'autre ?

-Shannon.

La voix de Louis était dure, sèche, abattue. C'était un cauchemar. Lucy ne voyait pas d'autre solution, elle était en plein cauchemar. Comment n'avait-elle pas pu y penser ? Laureen était dans le coup, et la mère de Shannon travaillait aussi à la Loi d'Amnistie. Comment n'avaient-ils pas pu la mettre sur la liste des victimes potentielles ? Shannon, si gentille, si intelligente, qui au fur et à mesure des longs moments passé dans la Salle sur Demande, était devenue son amie ... Roxanne serra la main de Lucy, et la jeune fille comprit dans cette pression que ce n'était pas tout.

-Après ce qu'on a vu avec Maeve, on a couru quand on a vu des gens approcher Shannon, mais on est arrivé trop tard et le temps qu'on regarde à nouveau sur la Carte ... Alors après on ne l'a pas quitter des yeux mais la Carte est immense ... On a juste eu le temps de faire un inventaire et de voir qui manquait ... C'est là qu'on a remarqué que Scorpius n'était pas sur la Carte. On a vérifié tout les endroits incartables : les passages secrets, la Salle-sur-Demande ... On l'a trouvé nul part.

-D'autres personnes ?

-A priori, oui. Deux. Deux premières années.

Lucy comprit alors. Elle porta son regard sur Adam, toujours prostré le visage entre les mains, les doigts tremblants. Il ne s'était pas précipité vers elle, trop soulagé pour bouger, sans doute, mais également trop angoissé.

Gethin.

Lucy crut qu'elle allait faire une crise d'angoisse.

-Oh non par Merlin ...

-Oh si, répliqua sombrement Louis. Bien sûr que si.

-Et le dernier ... On n'en avait aucune idée, en réalité, on ne connaît pas tout le monde à l'école. C'est une fille de première année à Gryffondor, Ariane Nott ... Elle cherchait son frère jumeau, Erwan, et ça nous a interpellé. Et effectivement, il n'était pas sur la carte.

Le cerveau de Lucy était paralysé, mais elle comprit néanmoins la logique qu'avait les agresseurs. Théodore Nott Senior était connu pour être un Mangemort et ce que Lucy savait il était toujours à Azkaban. Pas étonnant que son petit-fils soit une cible.

Erwan Nott, Scorpius Malefoy, Luke Zabini, enfants de Mangemort. Maeve Macmillan, Shannon Finnigan, Lily Potter, enfants de défenseurs de la Loi d'Amnistie. Ça ne tenait horriblement, inéluctablement.

En revanche, elle ne s'expliquait pas Gethin.

-Gethin ... Vous l'avez vu ... ?

-La dernière fois qu'on l'a remarqué il était avec Crivey.

Lucy ne reconnut pas la voix d'Adam, tant elle était étouffée. Il avait retiré ses mains de son visage, mais de tous, il devait être celui qui était dans le plus piteux état. Et Lucy comprit pourquoi - outre l'enlèvement de son frère - il était tant touché un instant plus tard, quand il reprit :

-Et on a vu Laureen Bones dans les gens qui emmenait Shannon.

Lucy retint un cri de rage. Ils auraient dû parler de cette folle dès le début à Oncle Harry, si seulement Gethin les y avait autorisé ... Elle se releva brusquement pour faire les cents pas dans le couloir, ses mains enfoncées dans ses cheveux avec l'intention de les arracher.

-Il faut aller prévenir quelqu'un ..., gémit-t-elle en se tournant vers James. Il faut aller voir ton père, on n'a pas le choix ...

-Déjà fait, répliqua Roxanne en se levant à son tour. On est allé le voir quand on a vu des gens emmener Charlotte ...

-Shannon.

-Oui, bref, elle. C'est pour ça qu'on a perdu du temps ... Et après il voulait retourne dans la Tour mais on a remarqué ce qui s'est passé avec Luke alors ...

Roxanne s'interrompit et se mordit la lèvre inférieure. Elle n'avait jamais eu de tendresse pour Luke, mais Lucy comprenait que ce qui était en train de se passer dans l'école ne lui l'effrayait. Des élèves emmenés qui disparaissaient de la Carte.

Par Merlin, où avaient-ils bien pu aller ?

-On ferait d'ailleurs mieux d'aller le voir, proposa James d'une voix décidée. Il faut qu'on lui dise qu'un autre élève a disparu.

-Il n'y a eu personne d'autre ? s'enquit difficilement Adam en désignant la Carte.

James secoua la tête avant de prendre la tête du groupe dans le couloir. Roxanne ne lâcha pas Lucy et la préfète s'appuya sur sa cousine, encore ébranlée par l'attaque surprise. Louis et Adam arrivèrent de l'autre coté d'elle.

-Bon, entonna fermement son cousin d'une voix dure. Là, c'est réellement grave, Luce. Qu'est-ce qu'il s'est passé ?

Tremblante et luttant contre les larmes, Lucy narra ce qu'elle avait vu : comment Luke l'avait immobilisé, les trois personnes qu'elle avait vu le poursuivre, puis l'emmener. Elle vit d'Adam pâlir au fur et à mesure, et se passer la main sur le visage. Louis lui donna une vague tape dans l'épaule.

-Arrête de torturer, Scampers, ce n'est pas de ta faute. (Il se tourna vers Lucy, les sourcils froncés). Qu'est-ce qu'ils ont dit ? « On a ce qu'il faut » ?

-Ils ont enlevé six autres élèves, c'est peut-être à ça qu'ils font références, rétorqua sèchement James. Ah tiens ...

Victoire arrivait en face d'eux, les cheveux agités, les yeux brillants, à baguette tirée. Son pas était grave, et quand elle agrippa le bras de Louis, sa voix se fit furieuse.

-Par Merlin, je peux savoir ce que vous faites là ? siffla-t-elle en secouant son frère. On vous a dit de retourner dans la Tour !

-Mais Vic ..., tenta de se défendre Louis.

-C'est grave, ce qu'il se passe, il faut vraiment que vous vous mettiez à l'abri, on a d'autre chose à penser que de s'inquiéter pour vous !

-Mais Victoire, ils ont pris quelqu'un d'autre !

Les doigts de Victoire se figèrent sur la manche de Louis, et Lucy vit passer dans ses yeux un éclat de rage et d'impuissance. Son regard se promena sur le petit groupe et se posa sur Lucy. Ses sourcils de froncèrent.

-Oh mon dieu ... Qui ?

-Luke Zabini, répondit Roxanne avec des accents étranglés. Lucy dit qu'ils étaient trois, Luke a juste eu le temps de la cacher avant ...

-Bref, ça fait sept, la coupa James, abattu. Victoire, dis-nous que tu as des nouvelles ...

Victoire se mordit douloureusement la lèvres, et serra un peu plus ses doigts sur le bras de Louis, si bien que celui-ci grimaça.

-En réalité ..., entonna-t-elle doucement. On pense que ça fait huit.

-Huit ?

Le cri était unanime, incrédule et se répercuta dans tout le couloir. Le cœur de Lucy s'écroula dans sa poitrine quand elle constata que le regard de Victoire s'attardait sur elle. Shannon, Gethin, Luke ... Qui d'autre méritait que Victoire lui serve un tel regard ?

-Mais c'est impossible ..., protesta Adam d'une voix morte. On ... On a fait trois fois le tour de la Carte, personne d'autre ne manque.

-Ce n'est pas quelqu'un qui est sur la Carte, expliqua Victoire. C'est quelqu'un de l'extérieur. Mais en l'occurrence, elle correspond assez bien au profil ...

« Elle ». Ses yeux étaient resté fixés sur Lucy, comme appréhendant sa réaction. « Non, on a ce qu'il faut ». Elle comprit. Un gémissement s'échappa de ses lèvres sans qu'elle ne puisse le retenir.

-Luce ? s'inquiéta Roxanne en la prenant par les épaules. Ça va, tu as mal quelque part ? C'est ta blessure de Quidditch qui se réveille ?

Lucy ne parvint pas à répondre, tout occupée qu'elle était à réprimer ses larmes d'angoisse. Elle se prit le visage entre les mains et inspira brusquement, pour remplir ses poumons et comblé le vide. Malgré tout il lui semblait que l'air lui manquait.

-Molly, devina alors Louis d'une voix éteinte. Ouais. Je suppose que ça tombe sous le sens. Quoi de mieux que de kidnapper la fille du Ministre ?

-Comment vous l'avez su ? s'enquit James.

-Daphnéa. Elles étaient ensemble quand elles ont été attaquées par des silhouettes blanches.

-Mais qui c'est bon sang ?! s'écria Roxanne, perdant visiblement patience. Par Merlin, on a une petite idée, au moins ?

-Oui, Roxanne, on a les noms qu'on a pris sur la Carte, tenta de la rassurer Victoire.

-Crivey, que vous avez relâché ...

Victoire se mordit d'autant plus la lèvre, et Lucy accusa le coup. Par Merlin oui, Crivey, incapable de lacer ses chaussures, qui se prenaient les pieds dans sa robe et s'étalait de tout son long, Crivey qui n'avait d'yeux que pour ses précieux parchemins ... Crivey qui avait perdu son frère dans la Bataille de Poudlard. Crivey qui avait enlevé Gethin.

Par Merlin, Gethin.

-Mais qui ils sont ? Et qu'est-ce qu'ils veulent, par Merlin, qu'est-ce qu'ils leur veulent ?

-Se venger, apparemment. Ecoutez, je ne peux pas vous en dire plus, l'enquête ...

-Mais putain, Scorpius n'est pas responsable de ce que son père a fait ! s'agaça Louis en se dégageant de sa sœur. Qu'est-ce qu'ils risquent par Merlin ?

-Je n'en sais pas plus que vous ! Maintenant retournez dans la Tour, les Aurors s'occupent de ça !

Mais personne ne bougea. Louis et Roxanne tremblaient d'indignation, Adam et Lucy d'angoisse, Victoire et James de rage.

-Où est papa ? demanda justement celui-ci.

-Il dirige les opérations dans le parc, et à Pré-au-Lard. Ne t'en fais pas, la zone est quadrillée. Qui que ce soit, il n'ira pas loin. Maintenant dans la Tour ! Et je vous raccompagne.

Ils protestèrent, mais Victoire fut intransigeante et menaça d'utiliser ses pouvoirs de Vélane sur eux. Dépités, ils prirent tous le chemin de la Tour de Gryffondor, l'Auror à leur tête. Lucy trainait à l'arrière, déboussolée, la tête pleine des derniers mots de Luke, des noms de ses amis enlevés, de l'air sévère de Molly quand elle lui avait fait juré de ne pas se mêler de cette enquête ... Un sanglot monta dans sa gorge mais elle se refusa à lui faire passer ses lèvres. Une main se posa sur son bras et elle sursauta pour se retrouver face à Adam. Ses yeux luisaient de crainte.

-Lucy ... Je ... Je suis vraiment désolé ...

C'était les premiers mots qu'il lui adressait directement depuis qu'il l'avait retrouvé. Et Lucy fut prise d'une folle et terrible envie de le gifler à toute volée, et de marteler son torse de coups de poings rageur. Cette partie d'elle lui hurlait que ce qui se passait était de sa faute, lui et sa prudence absurde. Elle ne sut comment elle se maitrisa, mais sa voix était teintée de colère quand elle répondit :

-Ce n'est pas comme si on ne t'avait pas prévenu.

Adam ferma les yeux et Lucy vit dans la crispation de son visage que ses paroles le blessaient presque physiquement. Ses doigts tremblaient.

-Je sais. Lucy, je ... Je sais, que c'est de ma faute, d'accord ? Je n'arrête pas d'y penser depuis que ce cauchemar a commencé. Et mon dieu, quand j'ai vu que Gethin n'était plus sur la Carte ...

Sa voix s'étouffa et ses mots restèrent bloquées dans sa gorge. Lucy ne sut si c'était le ton ou les paroles d'Adam qui la touchait, mais elle sentit les larmes lui monter aux yeux et sa colère fondre doucement. L'heure n'était pas aux reproches. Elle était aux solutions et il fallait absolument qu'elle se reprenne.

-Gethin, personne ne l'avait vu venir, souffla-t-elle en tentant vainement de reprendre le contrôle de son esprit. On ... On pensait qu'ils en voulaient seulement à son carnet.

-Ils ont sans doute compris qu'ils n'auraient pas le carnet sans avoir Gethin. Il dort carrément avec. Par Merlin, je ... J'aurais dû parler de Laureen à ton oncle, je n'aurais pas dû l'écouter, je ....

-Arrête, le coupa Lucy en lui prenant derechef la main. Arrête, on n'a pas besoin de ça, personne. On a juste ... Besoin de comprendre.

-Je comprends tout. Sauf Gethin. Sauf ...

Il s'interrompit, et Lucy dressa un sourcil.

-Oui ?

-Je ne sais pas. C'est Crivey qui a enlevé Gethin. Gethin parlait avec son frère, le fantôme. Et c'est Crivey qui est venu nous annoncer que j'étais un sorcier ...

-On l'a déjà évoqué, ça, se souvint Lucy en hochant la tête.

Réfléchir apaisait son esprit, et chassait les images terribles qui lui venaient en tête. Il fallait qu'elle continue de se concentrer sur cela si elle ne voulait pas perdre pied.

-Tu penses qu'il aurait pu voir quelque chose ? Quelque chose qui aurait découvert Gethin ?

-Je ne sais pas ... Je vous l'ai dit, c'est assez flou, cette journée, je ne me souviens de quasiment de rien. C'est comme un brouillard.

-Adam, c'est le moment où tu as su que tu étais un sorcier, par Merlin, ça doit rester graver dans ta mémoire ! Tous les élèves de cette école se souviennent du jour où ils ont reçu leur lettre !

-Je sais Lucy, j'y réfléchis, j'essaie de me souvenir mais ... La lettre, oui, la colère d'Alan aussi, Crivey sur le bas de la porte, la discussion sur moi ... Mais rien concernant Gethin.

-Tu es sûr qu'il était là ?

-Mais oui ! On était tout les trois, avec Alan. Il venait juste de sortir de l'hôpital après que ...

Le visage d'Adam se crispa un peu plus, et Lucy lui pressa la main. La situation était déjà assez pénible, cela ne servait à rien qu'il se torture d'avantage l'esprit avec un autre souvenir douloureux. Ils venaient d'arriver au septième étage, et, à la grande stupéfaction de Lucy, ils se dirigèrent vers la Tour des Serdaigles.

-Ils ont préféré tous nous rassembler au même endroit, expliqua Adam devant la perplexité de Lucy. Et la Salle Commune de Serdaigle est la plus grande.

-Et la plus haute et éloignée des entrées principales, enchérit sombrement Louis, qui semblait lui aussi à la traine. Et je ne sais pas en quel but : empêcher d'autre gens de nous attaquer, ou nous d'aller à la recherche des autres.

-Comment on pourrait ? lâcha sombrement Roxanne. On n'a pas la moindre idée de où ces enfoirés ont pu les emmener. Après bien sûr ... (Elle lorgnant Adam et Lucy). Si les enquêteurs ont une idée lumineuse, je suis preneuse.

-Personne ne prendra rien du tout, les interrompit Victoire avec un œil venimeux pour Roxanne.

Elle s'était immobilisée devant la gargouille de Serdaigle et Lucy remarqua que l'entrée était ouverte. Elle précipita les élèves à l'intérieur dans ménagement. La pièce était effectivement plus grande que celles de Gryffondor, Serpentard et Poufsouffle, que Lucy avait plus fréquemment visité. La hauteur sous plafond était très haute, ce qui donnait cette impression de grandeur, et des coussins avaient été ajoutés pour que tout le monde puisse s'installer.

-Ah ce monde, c'est insensé, pesta Victoire, on s'approchant d'un homme de grande posture à l'œil vitreux. Alors Dawlish ?

-Rien dans le parc, d'après Harry, répondit l'Auror. Il est persuadé qu'ils ont décalé sur Pré-au-Lard, ils sont tous là-bas. La plupart des profs ont suivi.

Il lorgna avec suspicion le groupe derrière Victoire, qui écoutait la moindre de ses paroles. Mais ils n'étaient pas les seuls. Derrière lui, Edward Smith se leva et s'écria :

-Quoi ? Ça veut dire que vous n'êtes que deux pour nous protéger ?

-Oh par Merlin, Smith, ne me dit pas que tu ne sais pas te protéger seul ? persiffla Jina, qui s'était rapprochée de James. Tu es un grand garçon, j'espère pour toi que tu sais lancé quelques maléfices.

-Parfaitement, gronda quelqu'un d'autre, et Lucy reconnut le frère de Shannon, Zephan. Je pense qu'on peut se protéger seuls et que les Aurors peuvent aller descendre chercher ma sœur.

Lucy remarqua ses yeux rougis et la façon dont Rose et Teddy Vardy le couvait d'un regard inquiet. Elle détailla la pièce et ses camarades. Will était assis sur les marches menant aux dortoirs avec Albus, lui aussi les yeux rouges et regard fiévreux. Théa, la petite première année que Lucy avait sauvé des eaux, consolait une Gryffondor qui pleurait éperdument - la sœur jumelle d'Erwan Nott, sans doute. Lysander et Lorcan discutaient à voix basse à coté des bibliothèques, et pour la première fois depuis qu'elle les connaissait, aucun des deux ne semblait serein. Mais ce fut Eléonore Zabini qui brisa le cœur de Lucy, en arrivant vers eux en courant, les yeux fous.

-Où est Luke ?

Personne n'eut le cœur de lui répondre, mais elle fut assez intelligente pour lire dans leur silence.

-Non, souffla-t-elle en portant les mains à sa bouche. Non, non ce n'est pas possible ...

-Norie ..., intervint Lucy d'une voix étouffée. Je suis désolée Norie ...

-Arrête Lucy, ce n'est pas ta faute, dit Louis. Ce n'est de la faute de personne alors arrêtez de culpabiliser. Trouvons plutôt une solution.

-Une solution ? répéta Zephan Finnigan. Comment tu veux qu'on la trouve ?

-Et ce n'est pas à vous de la trouver, rappela Victoire avec agacement. De toute façon, ni Dawlish ni moi ne vous laisseront sortir d'ici.

Après un dernier regard d'avertissement, elle s'en fut patrouiller dans le château. La pièce entière échangea un regard et un murmure inquiet et indigné se mit à gronder.

-Le château est vide, qu'est-ce qu'elle est allée vérifiée ? s'agaça Eléonore. Par Merlin, c'est dehors que mon frère est !

-Elle nous laisse tout seul alors qu'on est en danger ! râla Edward Smith.

-Toi, la ferme !

-Tu as parlé d'une solution ? s'enquit Zephan à Louis. S'il y en a une je suis partant.

-Qui a fait ça ?

-Viens, souffla Lucy à Adam. J'ai une idée.

Elle le prit par la main, et ils traversèrent la foule qui s'agglutinait autour de James et Louis - sans doute les figures d'autorité dans cette pièce pleine d'esprits perdus. Elle marcha sur le pied de Leroy Oxlade, et faillit prendre un coup de coude de la part de Catherine Jones, mais ils arrivèrent entier devant les jumeaux Scamander, qui parlaient toujours d'un air conspirateur, la tête penchée l'un sur l'autre. Lorcan fut le premier à les remarquer et attrapa le bras de sa cousine.

-Lucette, dis-moi qu'ils sont sept disparus !

-Aïe !

-Ils sont huit, répondit Adam à la place de Lucy, qui se contentait de foudroyer Lorcan du regard. Il y a Molly en plus.

Il résuma ce qu'il s'était passé avec les victimes et comment ils avaient trouvé Lucy. Les jumeaux pâlirent en parfaite synchronisation et échangèrent un regard.

-Logique, en soit, fit valoir Lysander. Mais ça change nos plans.

-Quel plan ? s'enquit Lucy, intérieurement ravie.

Son intuition n'était pas aussi fiable que celle de Gethin, mais elle fonctionnait plutôt bien quand il s'agissait des Scamander. S'il y avait bien dans cette pièce des esprits intelligents, pragmatiques et avide de réponse, c'était eux.

-Sept, Lucette, fit Lysander en hochant la tête. Sept est un nombre puissant et mystique dans le monde des sorciers.

-Et on le retrouve au sein même de Poudlard, enchérit Lorcan. Sept années, sept étages ...

-Et sept photos. On a retrouvé sept photos, Lucette, et ce n'est pas une coïncidence. Gethin lui-même l'a admit.

Adam jeta un regard suspicieux à Lysander, puis à Lorcan, qui n'était pas au courant des particularités de Gethin. Mais le petit-ami de Dominique ne releva rien et ne demanda pas d'explication.

-Sept photos, reprit alors Adam - et Lucy lui fut reconnaissant de ne pas s'énerver. Et bien, Lys ?

-Alors, notre persécuteur reprend son œuvre. On l'a dit, non ? Une fois un antidote trouvé, le Sérum devient obsolète donc il peut dire adieu à sa mise en scène. A partir de là, deux solutions : soit il s'occupait de ses victimes manquantes avec une autre méthode, soit il reprend une autre méthode pour que sa vengeance soit belle, ritualisée et uniforme.

-D'accord, comprit Lucy. Mais rien de nouveau, là-dessus, qu'est-ce qu'on fait ?

-Et ils sont huit, insista Lorcan. Il change ses plans, donc ?

-Non, évalua lentement Lysander. Je pense que Gethin est une victime à part, qu'il ne fait pas parti de la vengeance. Ça n'a pas de sens, pourquoi il voudrait se venger de lui ? Il est né-moldu, ses parents n'ont jamais connus la Guerre des Sorciers. Crivey doit plus s'identifier à lui que vouloir le tuer. Non, Gethin ça n'a pas de sens. Alors je pense qu'on a sept vraies victimes et Gethin ... (il jeta un regard pénétrant à Adam). On en reparlera.

-Le tuer ? releva Lucy d'une petite voix. Parce que tu crois que c'est ça, son but ?

-Lucette, le Sérum de Basilius est une potion qui plonge éternellement dans le coma, et à laquelle il n'y avait alors jusque là aucun antidote. Alors oui, je pense que ce gars ne veut pas que du bien aux gens qu'il a enlevé.

Lucy accusa le coup, et le visage de tous les disparus se remit à hanter son esprit. Lysander avait l'art de dire de façon pragmatique toutes les vérités que les gens ne voulaient pas entendre. Même Lorcan avait tiqué aux mots de son jumeau. Il s'éloigna doucement, et annonça qu'il allait rejoindre Dominique. Il n'en fallut pas plus à Lysander pour sauter sur Adam :

-Bon, maintenant c'est grave, et on est trois ici à savoir pour Gethin alors va falloir activer vos méninges. Le seul lien que je vois entre Gethin et Crivey, c'est que c'est lui est venu t'annoncer pour Poudlard. Adam, il a forcément dû se passer quelque chose ce jour-là !

-On en parlait justement, mais Lys, je te jure que je me souviens de rien par rapport à Gethin ! Non, je ne crois pas qu'il y ait eu quelque chose, je l'aurais vu, sinon ?

-A l'époque, tu n'avais pas conscience que les visions de Gethin étaient exceptionnelles, même pour un sorcier, rappela Lucy. Peut-être que tu t'es simplement dit que c'était normal ce que Gethin avait fait et que Crivey n'aurait pas relevé.

-Adam c'est forcé, il n'y a que ça qui expliquerait que Crivey en ait après le carnet de Gethin, insista Lysander. Ce n'est pas forcément Gethin. Ton autre frère ou toi, vous avez parlé de quelque chose à Crivey ?

Adam paraissait véritablement perdu et ça semblait l'agacer. Il fronçait les sourcils, comme s'il fouillait profondément sa mémoire sans rien y trouver de probant. Lucy ne comprenait pas. Elle se souvenait parfaitement du jour où elle avait reçu sa lettre de Poudlard, dans les moindres détails. Tous les sorciers s'en souvenaient : ils avaient attendu cela leur enfance durant. Cela devait d'autant plus marquer lorsque l'on était un né-moldu, non ? Adam secoua la tête.

-Non je ne vois pas. Après, c'était il y a longtemps, c'est dans le brouillard. Et de toute façon en quoi ça nous aiderait ? Trouver ce qui a attiré Crivey ne nous aidera pas à les retrouver !

-Oh je ne sais pas, on peut trouver énormément de réponse dans le passé aux questions du présent.

-Une énigme digne d'un Serdaigle, railla Lucy. Qu'est-ce que tu proposes alors, qu'on demande à Enoboria Zabini de forcer son esprit pour arracher le souvenir ?

-Je préférerais éviter, déclara Adam en fronçant du nez.

Mais une lueur s'était allumée dans les yeux de Lysander, une lueur brillante et démente qui annoncé le germe d'une idée. Et même après des années, Lucy ne savait si cette lueur était de bonne ou de mauvaise augure.

-Arracher le souvenir ... Lucette en voilà une idée qu'elle est bonne !

-Oh mon dieu non, Lysander, je n'y pensais pas vraiment !

-Arracher est un terme un peu trop fort mais on peut quand même isoler le souvenir, c'est faisable bien sûr ! J'ai vu ça en cours de Sortilège cette année, attendez-moi ici !

Et il grimpa dans ton dortoir, bousculant Albus et Will au passage. Adam et Lucy échangèrent en regard chargé d'appréhension.

-Brillante idée, vraiment, fit ironiquement remarquer Adam. Franchement, j'ai beau tourné ça dans tout les sens dans ma tête, je ne vois toujours pas en quoi ça peut nous aider.

-Parce que tu as une piste, toi ?

Le silence d'Adam était éloquent. Malgré elle, Lucy était d'accord avec lui : avoir les précisions sur le souvenir d'Adam les aideraient peut-être à comprendre pourquoi Crivey en voulait à Gethin, mais pas à les trouver. Lysander revint quelque seconde plus tard avec son grimoire de Sortilège, extatique, fouillant frénétiquement les pages.

-Tiens ! (il jeta le livre dans les bras d'Adam). Lis et fais !

-Je connais ce procédé, avoua alors le Gryffondor alors que ses yeux parcouraient les lignes. Extraire un souvenir de son esprit, oui je vois. Je ne sais pas si je saurais faire, mais je vois. En quoi ça peut nous être utile ?

-On pourrait voir ton souvenir ?

-Le souvenir seul ne suffit pas, Lys, il faut un réceptacle.

-On en a un !

Adam dévisagea Lysander, incrédule. Le regard de Lucy alla de l'un à l'autre sans réellement comprendre de quoi ils parlaient. Lysander rayonnait.

-Quand on a fait ce cours, le prof a laissé échapper que les directeurs de Poudlard avaient utilisé cette technique et qu'une Pensine était dans leur bureau depuis des décennies !

Lucy contempla son cousin sans comprendre, mais une étincelle s'était embrasée dans les yeux d'Adam.

-Tu es sûr ?

-Certain ! Ça colle avec des choses que ma mère m'a dite sur Dumbledore et tout ... Si tu arrives à extraire le souvenir de ta tête et qu'on le met dans la Pensine ...

-On pourrait voir le souvenir, comprit Adam. Et potentiellement, ça pourrait nous aider. Mais Potentiellement, peut-être qu'il n'y aura aucune réponse ...

-Ou peut-être qu'il y en aura. En tout cas, c'est notre seule piste, en attendant que j'en trouve une meilleure.

-Je n'ai rien compris, admit Lucy avec un froncement de sourcils. La seule chose que j'ai compris, à vrai dire, c'est que vous voulez aller dans le bureau de la directrice alors qu'on est coincé ici.

Le regard d'Adam et Lysander tomba sur Lucy. Leurs yeux étaient tellement équivoques que Lucy soupira :

-Je suppose que c'est moi qui devrais nous faire sortir ?

-Toi, tes cousins, peu importe, confirma Lysander. Mais il faut qu'on sorte d'ici.

Cela effleura l'esprit de Lucy que ce n'était pas à elle de gérer cela. Que les Aurors étaient déjà sur le coup, et qu'elle se mettrait plus en danger inutilement en se lançant là dedans. Pourtant, le regard de Lysander était tellement confiant, porteur d'espoir ... Et elle se savait incapable de rester ici, les bras croisés.

-D'accord, je vais voir, céda-t-elle avant d'enfoncer son doigt dans la poitrine de Lysander. Mais trouve une vraie idée brillante en attendant.

-J'ai le droit à Lorcan ? On réfléchit mieux ensemble.

-Tu as le droit à toutes les ressources possibles, du moment que tu restes discret sur Gethin. Toi (elle se tourna vers Adam, avant de jeter un œil a grimoire de Lysander). Tu penses que ça peut marcher ?

-Je ... Je ne sais pas, Lucy. J'ai peur que ça ne serve à rien.

-Peut-être, mais on serait idiot de ne pas essayer. Peut-être que Gethin a dit quelque chose d'important, ce jour-là. Alors concentre-toi et extraie-moi ce souvenir, d'accord ?

Adam hésita un instant, avant de hocher la tête, sans réelle conviction. Lucy le remercia en l'embrassant doucement sur la joue. Ce simple contact parut légèrement détendre Adam, et après une dernière pression de la main, Lucy s'échappa vers ses autres cousins. Ils s'étaient éloignés de la foule et regroupés, entre Weasley, au pied des escaliers des dortoirs garçons. James était assis, la tête entre les mains, Jina à ses cotés lui murmurant des paroles rassurantes à l'oreille. Albus était avec Rose, Will et Zephan Finnigan plus haut, tout aussi abattu. Dominique et Louis parlaient vivement et Hugo regardait tristement autour de lui. Même Eléonore et Marcus n'étaient pas si éloignés de ce groupe, la jeune fille pleurant dans les bras de son petit-ami. Louis fut le premier à l'apercevoir.

-Alors, les Scamander ont une idée brillante ?

-Lorcan m'a dit des trucs sur sept personnes, je n'ai pas bien compris, dit Dominique.

-Je n'ai pas très bien compris leur plan, avoua Lucy. Ce que j'ai compris, c'est qu'on a besoin d'une « pensine » dans le bureau de la directrice.

Si ses cousins la gratifièrent d'un regard surpris et perplexe, James et Albus relevèrent la tête, intrigués.

-La Pensine de Dumbledore ? devina Albus.

-C'est quoi ça ? s'enquit Jina en fronçant les sourcils.

-Je t'expliquerais, mon cœur, lui promit James avant de se tourner vers Lucy. En quoi ça pourrait t'aider ?

-On ne sait même pas si ça pourra nous aider. Ecoutez, ne posez pas de question, je ne comprends pas moi-même. Il faut juste qu'on sorte. Je ne sais pas ce que ça va donner - peut-être rien. Mais on doit essayer. Vous nous couvrez ?

Louis et James, les Mousquetaires restant, échangèrent un regard avec Roxanne, leur d'Artagnan. Mais ce fut Dominique qui répondit :

-Si le seul problème c'est l'Auror, je m'en charge. Victoire dit que c'est un blaireau. Je n'aurais pas de mal à l'embobiner.

-Euh ... Lorcan serait d'accord avec ça ?

Dominique jeta un regard acéré à Lucy.

-Tu veux que je t'aide ou non ?

-Bien sûr, affirma précipitamment Lucy.

-Alors tiens-toi prête.

***

Dominique fut efficace. Elle eut simplement à secouer sa chevelure rousse, battre une seconde des cils et dire deux mots pour que Dawlish s'éloigne de la porte. Une porte de Salle Commune n'était jamais verrouillée de l'intérieur, et Lysander, Adam et Lucy purent s'élancer dans les couloirs sans être inquiétés. Ses cousins avaient été au delà de ses espérances : James connaissait le mot de passe de la gargouille qui menait au bureau de McGonagall. Il se faisait un devoir de chaque année trouver le mot de passe, soit en suivant les professeurs, soit en tentant lui-même. Après tout, « un Mousquetaire doit tout savoir de Poudlard », comme l'avait dit Louis. Le bureau n'était pas si éloigné de la Tour de Serdaigle et ils se retrouvèrent rapidement dans l'escalier qui montait jusqu'à McGonagall.

-Qui est Robert ? s'enquit Lysander, pensif.

-Aucune idée, mais il nous a sauvé la vie, commenta Lucy. Tu demanderas à James.

-Il doit vraiment respecter McGonagall. Il connaît son mot de passe, et il n'a jamais tenté d'y mettre le feu ?

-Pitié Lysander, soupira Adam. Ne parle pas de feu, s'il te plait.

Il parvinrent jusqu'au bureau de McGonagall. Fort heureusement, comme ils l'avaient supposé, elle n'était pas là, sans doute avec les autres professeurs à Pré-au-Lard. Le bureau avait quelque chose de sinistre quand il était désert. Mais cela ne parut pas déranger Lysander, qui se mit immédiatement à fouiller la pièce.

-Bon, s'enquit Lucy, le cœur battant la chamade. Ça ressemble à quoi une Pensine ?

-Une sorte de bassine, je pense, hasarda Adam en parcourant la pièce des yeux. Avec un liquide à l'intérieur.

Ça n'aidait pas particulièrement Lucy, et elle laissa les deux garçons chercher, les entrailles rongées par l'angoisse. Chaque seconde passée, elle ignorait toujours ce qu'il était advenu des disparus, et plus le temps s'écoulait, plus l'effroi montait en elle. Ce fut finalement Lysander qui la sortie de sa torpeur :

-Je crois que je l'aie.

Il se tenait devant un placard qu'il avait entrouvert et une lumière claire et spectrale éclairait son visage. Lucy et Adam s'approchèrent et leur regard tomba sur une bassine de pierre finement ouvragée, dans laquelle tournait un liquide argenté, telle une spirale sans fin qui s'enfonçait dans la pierre sans jamais trouver le fond. A sa surface, Lucy distinguait des visages, et un murmure semblait monter de la bassine.

-Whao, laissa-t-elle échapper, fascinée.

-On n'a pas le temps de s'extasier. Adam, il nous faut ton souvenir.

Adam hocha la tête et extrait sa baguette de sa poche pour la pointer sur sa tempe. Il ferma les yeux et son visage se crispa. Quand il éloigna sa baguette, avec une lenteur calculée, un mince filament argenté était accroché à sa pointe. Lysander fronça les sourcils, et fixa le filament, intrigué. Il s'entortillait toujours de la baguette d'Adam, brumeux, un véritable fil de brume. Adam paraissait troublé.

-J'ai eu un mal fou à l'extraire. C'est ... bizarre.

-Oui, confirma Lysander. Oui, ça l'est. Ce souvenir est falsifié.

-Comment tu vois ça ?

-La texture du souvenir. Il est censé être plus lumineux. Plus compact ... ça expliquerait pourquoi ce souvenir est brumeux pour toi, Adam.

-Un sortilège de Confusion ? proposa Lucy.

-Vous voulez dire que ... Crivey m'a jeté un sortilège de Confusion ce jour-là ?

-Je pencherais plus pour Oubliette, personnellement. Mais ... C'est ce qui rend le souvenir encore plus inestimable ! Adam, il s'est vraiment passé quelque chose ce jour là qui a justifié que Crivey te jette un sort ! Tu serais capable de le briser ?

Adam fronça du nez. Il n'était visiblement pas à l'aise avec l'idée de trafiquer son propre souvenir - ni avec le fait qu'on lui ait probablement jeté un sort sans qu'il ne s'en souvienne. Ses yeux étaient rivés sur le filament, concentrés et perplexes. Lucy comprenait son malaise : tout allait beaucoup trop vite. Pourtant, il fallait que ça aille vite, et ce fut pour cela qu'elle lui donna un coup de coude.

-Aucune idée. Je ... Je n'ai jamais essayé, c'est compliqué de briser un sortilège.

-Shannon te pensait capable de le faire, se souvint Lucy avec nostalgie. Elle dit que tu as d'excellentes intuitions en Sortilèges. Et elle a raison.

Adam soupira profondément et demanda sa baguette à Lucy. Il se servit de celle-ci pour tenir le souvenir, alors qu'il armait la sienne sur le filament. Après quelques essaies, le souvenir brilla de façon plus nette et sa texture se fit moins brumeuse, plus veloutée. Lysander eut un sourire satisfait.

-Excellent. Maintenant, dans la Pensine.

-Euh ..., sembla hésiter Adam. Ce n'était pas un souvenir agréable. Je ... Si en plus ... Oh Par Merlin, ça doit être pire que ça.

-On sera indulgent, promit Lysander avec indifférence. Maintenant il faut qu'on regarde ce souvenir avant qu'il n'arrive quelque chose à quelqu'un. Si ce n'est pas déjà fait.

Les derniers mots de Lysander firent trembler Lucy et Adam d'effroi, mais ils eurent pour mérite de réveiller le Gryffondor, qui laissa tomber le filament argenté dans la Pensine. Aussitôt, le liquide s'illumina, et des images apparurent à sa surface. Elle entendit vaguement un « toc toc » qui la fit sursauter, avant qu'elle ne comprenne que le son émanait de la Pensine.

-OK, souffla Lucy. Qu'est-ce qu'on fait maintenant ?

Lysander prit sa main et la plongea derechef dans le liquide. Lucy se sentit alors aspirée par la bassine et n'eut le temps de retenir son cri avant de basculer. Quand elle releva la tête, étourdie et déboussolée, elle était de retour dans la maison d'Elen Donovan.

Mais c'était une maison forte différente de celle qu'elle avait connu. Les canapés étaient vieux et usés. La télévision n'était pas la même également, et le son faisait mal aux oreilles. Une couche de poussière s'était accumulée sur les meubles, et des papiers d'emballage de gâteau jonchaient la table. Mais plus que tout, c'était l'ambiance qui était différente. Pesante et sinistre, comme si un Détraqueur était entré dans la pièce.

-Qui c'est tu crois ?

Lucy sursauta en entendant cette voix, si familière et différente à la fois. Elle se retourna vers le salon et son cœur eut un élan d'attendrissement en reconnaissant un petit Adam de onze ans, se frottant les yeux comme s'il émergeait d'une sieste. Les cheveux châtains en bataille, le teint pâle, et maigre, si maigre ... Lucy ne se souvenait plus de l'avoir connu si maigre.

-Oh mon dieu.

-Ça va, tu m'as connu deux mois plus tard.

Adam - celui du présent - avait atterri à ses cotés, Lysander sur ses talons. Le visage de son petit-ami était fermé, ses yeux durs et glacés, alors qu'il détaillait la pièce. Il désigna le garçon dos à eux, penchés sur la table basse, un crayon à la main.

-Lui en revanche, tu ne l'as pas vu comme ça.

Lucy se pencha pour découvrir le visage du très jeune Gethin Scampers. Cela lui fit d'autant plus un choc qu'il ne faisait pas les six ans qu'il était censé avoir. Gethin était plus maigre encore qu'Adam, maigre et l'air malade, le teint très blanc. Ses cheveux étaient plus clairs, d'un blond assez sale, tout en épis. Il dessinait tranquillement, sans se soucier du monde extérieur. Une autre voix fit sortir Lucy de sa contemplation.

-Aucune idée, Adam. Attends je vais ouvrir.

-Non ! protesta le petit Adam en se levant sur ses pieds. Maman a dit que tu ne devais pas bouger, j'y vais.

Lucy se retourna voir Alan se laisser retomber dans ses coussins. Elle étouffa un cri en voyant son visage. Un pansement lui couvrait toute la tempe, et une terrible ecchymose s'étalait sur la pommette gauche, d'une couleur peu ragoûtante qui ressortait de sa peau blafarde. Ses cheveux étaient bruns, mal coiffés, son visage creusé. Un plâtre lui couvrait entièrement la jambe. Comme ses frères, il était maigre, et faisait plus jeune que son âge, mais c'était sur lui que les maltraitances paternelles étaient le plus visible.

-Voilà pourquoi c'est un mauvais souvenir, expliqua sombrement le grand Adam. Ça fait a peine un mois que mon père est parti. Et dans deux semaines, ce sera le tour d'Alan. Le pire contexte pour m'annoncer que je suis un sorcier.

-Tout s'explique, lâcha Lysander, les yeux plissés.

Il était concentré sur le dessin que faisait le petit Gethin, mais fut vite déçu : apparemment, ce n'était rien d'autre que des dessins d'enfant. La porte claqua et le petit Adam revint, le regard troublé.

-Il dit qu'il vient me voir.

Alan dévisagea son frère sans comprendre, et Gethin releva la tête pour la première fois. Son crayon se figea sur sa feuille, et un grand sourire fendit son visage.

-Tu as vu, déclama l'enfant de sa voix fluette. Je te l'avais dit.

-Gethin ! siffla Alan en se redressant vivement.

Le benjamin retourna à ses dessins, sans se formaliser du regard méfiant de son grand frère. Adam eut l'air déboussolé.

-Qu'est-ce qu'il t'a dit ?

-Rien. T'inquiète.

-Qu'est-ce qu'il t'a dit ? insista néanmoins Adam, l'air buté.

-Bon, qui c'est, Adam ?

Adam plissa ses yeux bruns. Apparemment, il n'aimait le ton de son frère, mais répondit tout de même du bout des lèvres :

-Il dit qu'il s'appelle Dennis Crivey. Il veut me voir. Il est toujours derrière la porte, je le fais rentrer ?

Alan parut hésiter, avant de hocher prudemment la tête. Adam disparut dans l'entrée, laissant seul Alan et Gethin. L'ainé avait son regard rivé sur le benjamin, avec un éclat qui mettait Lucy mal à l'aise, mélange de méfiance et d'inquiétude. Une sorte de peur, également, de peur inexplicable. Quand Alan était revenu, c'était Gethin qui avait eu le plus de mal à lui pardonner. Peut-être sans doute se rappelait-il de ces regards que lui jetait son aîné. Des regards tous sauf amicaux. Gethin effrayait Alan comme il avait effrayé son père.

-Il le regarde comme s'il s'attendait à ce qu'il explose, commenta Lysander, et Lucy sut que ses pensées avaient suivi les siennes. Je me demande encore comment il a fait pour ne pas développer d'Obscurus.

-Ne recommence pas avec ça !

-Je pense que c'est parce que ce n'était pas lui qui prenait les coups, intervint Adam avec froideur. Et que ce pourquoi on lui en voulait, ce n'était pas sa magie en tant que telle, mais à son don. C'est ça qui effrayait mon père et Alan. Peut-être que son cerveau faisait inconsciemment la différence.

Le petit Adam revint un instant plus tard avec Denis Crivey derrière lui. Même son professeur d'Arithmancie paraissait différent de celui que Lucy connaissait. Elle ne l'avait connu qu'aigri et désagréable, et là il affichait un sourire avenant, qui soulignait des yeux rieur. C'était incroyable.

-Attends, tu es sûr que c'est Crivey ? Qu'est-ce qui se passe, il a une crampe à la mâchoire ?

-Tais-toi !

Alan avait l'air aussi sceptique que Lucy. Il dévisageait l'inconnu avec une suspicion accrue. Crivey lui présenta vivement sa main.

-Dennis Crivey, enchanté ! Vous devez être le grand frère d'Adam ?

Même son ton plein d'entrain manqua de se faire étrangler Lucy. Peut-être que s'il avait parlé ainsi en cours, elle aurait réussi à aimer l'Arithmancie. Alan serra prudemment la main de Crivey.

-Je m'appelle Alan. (Il désigna sa jambe). Vous m'excuserez si je ne me lève pas.

-Aucun problème ! Vos parents sont là ? Je dois leur parler de votre frère.

-Maman est partie en course avec nos sœurs, répondit Alan d'un air contenu. Et elle ne reviendra que ce soir.

-Ah. (Crivey parut déçu). Et votre père ?

Les trois garçons tiquèrent à leur manière. Alan eut un mouvement d'agacement, comme s'il chassait une mouche. Adam regarda la porte, comme si son père allait soudainement et se mettre à le frapper à nouveau. Gethin quant à lui accéléra la fréquence de ces coups de crayons, si bien qu'il perça sa feuille. Il releva timidement la tête sur Adam et secoua son dessin troué.

-Je peux en avoir un autre s'il te plait ?

Adam cligna des yeux, et disparut dans la cuisine alors qu'Alan répondait sèchement à Crivey :

-Notre père est parti. Et pour le coup on espère qu'il ne reviendra pas, si vous voyez ce que je veux dire.

-Ah. Oui, je vois, excusez-moi, mais ... Je dois parler absolument avec l'un de vos parents.

-Je suis là, moi.

-Non, vous ne comprenez pas, je dois parler avec un responsable légal. Quelqu'un de majeur.

-J'ai dix-huit ans.

Crivey contempla Alan avec stupeur. Il était vrai que sous les ecchymoses, la maigreur et l'air défiant, il était difficile de voir l'adulte en devenir. Alan n'avait pas l'air d'avoir plus de seize ans. Crivey crispa ses doigts sur le parapluie trempé qu'il tenait à la main. Son sourire se figea sur ses lèvres.

-Bien. Je ne puis rester jusque ce soir ... Ah !

Il dévisagea encore un peu Alan, avant de porter son regard sur Adam, qui venait de revenir avec un dessin pour Gethin. L'enfant se remit à colorier sans se soucier d'Adam qui se tordait les mains, ni d'Alan qui rivait un regard peu amène sur Dennis Crivey. Celui-ci soupira, et prit un siège.

-Bien. Malheureusement, je ne peux attendre votre mère et si vous êtes adulte ... Oui, au pire je pourrais revenir, oui ...

-Bon lâchez-vous, répliqua durement Alan. Qu'est-ce que vous voulez à Adam ?

Le petit Adam se cachait presque dans l'embrasure de la cuisine, les bras croisés sur sa maigre poitrine. Ses yeux luisaient d'appréhension. Crivey jeta un regard grave et pénétrant à Alan.

-Bien. Bien. Je ... Je suis venu... (Il sortit un parchemin de sa poche) remettre une lettre, à vrai dire.

-Une lettre ? répéta Alan, soupçonneux. Vous n'auriez pas pu juste ... nous l'envoyer par la poste ?

-Non, il faut les explications avec.

-Les explications ?

Cette fois c'était Adam qui venait de parler, toujours à moitié caché dans la cuisine. Crivey eut un sourire indulgent pour l'enfant.

-Tu avais peur de quoi ? s'enquit Lysander en remarquant qu'Adam se recroquevillait un peu plus. Il ne faisait pas peur à cette époque là, Crivey.

-Lys, tu as le tact d'un Eruptif.

Le grand Adam eut un léger sourire, qui n'atteignit pas ses yeux. Son regard restait fixé sur la version miniature de lui-même, avec un mélange de mélancolie, et de raideur.

-Adam ? dit doucement Crivey en se tournant vers l'enfant. Est-ce que tu as remarqué qu'il y avait quelque chose de ... différent, chez toi ?

-Différent ?

Ce fut peut-être inconscient, mais les yeux d'Adam se posèrent brièvement sur Gethin avant de retourner sur Crivey.

-Euh ... Bien, non. En quoi je devrais être différent ?

-Où est-ce que vous voulez en venir ?

La voix d'Alan était sèche. Crivey parut comprendre que sa tâche serait difficile car il soupira profondément en se tournant vers l'aîné des Scampers :

-Vous n'avez rien remarqué d'inhabituel chez Adam ? Des choses, des événements qui vous aurez paru anormal ? Presque de l'ordre du ... surnaturel ?

Alan et Adam dévisagèrent Crivey avec stupeur, avant de poser leur regard sur Gethin. Toujours indifférent à la scène, le benjamin coloriait tranquillement son dessin.

-Non, répondit alors Alan avec brusquerie. Non, pas Adam.

-On est tout, sauf discret, gronda le grand Adam, l'air en colère contre lui-même. Regarde comment on le fixe.

-C'était il y a longtemps, Adam, tu ne pouvais pas savoir.

-Rien ? insista Crivey. Pas la moindre chose que vous avez pu qualifié de ... magique ?

Le mot magique parut littéralement terrifié les trois garçons, qui eurent des réactions très vive. Alan se redressa vivement dans ses coussins, et Adam sortit de sa cachette pour se précipiter vers son petit frère.

-Viens Geth, fit-il précipitamment en forçant l'enfant à se lever. Tu vas dessiner dans la chambre, d'accord ?

-Pourquoi ? s'étonna Gethin en se dirigeant avec Adam sur l'escalier.

-Allez-vous en, cracha Alan à Crivey. Si c'est pour venir nous parler de chimère, vous pouvez vous casser.

-Whao, laissa échapper Lucy. Violent.

-Vous paniquez un peu, là, approuva Lysander.

-Il faut nous comprendre, expliqua difficilement Adam. Notre père nous frapper parce qu'il pensait Gethin magique. Alors la magie ... Oui, ça nous faisait peur.

Crivey semblait déboussolé par la soudaine nervosité et l'agressivité des frères Scampers. Gethin était au pied de l'escalier quand il reprit enfin la parole d'une voix déroutée que Lucy lui connaissait un peu plus.

-Mais ... Mais qu'est-ce que j'ai dit ? Non ... C'est le mot « magie » qui vous dérange ?

-Ça n'existe pas, la magie, rétorqua Alan. Sortez.

-Oh si, elle existe Alan. Et il va falloir vous habituer parce votre frère est un sorcier.

-Aïe, commenta Lucy, anticipant la suite.

Car évidemment, la remarque ne serait pas prise pour Adam, mais pour Gethin, et le spectre de leur père allait à nouveau flotter au-dessus d'eux. Adam écarquilla les yeux, et cessa de pousser Gethin vers l'escalier, tétanisé. Alan tenta d'aller agripper ses béquilles pour se lever.

-Arrête ! protestant le petit Adam, sortant de sa torpeur. Arrête Alan, tu ne peux pas marcher !

Mais Alan n'écouta pas son frère et s'éleva en grimaçant. Adam parut excédé par l'attitude de son frère et passa sa rage en hurlant au second :

-Gethin, je t'ai dit de monter !

-Et vous sortez ! répéta Alan, avec moins de force. Sinon je vous mets dehors à coup de béquille.

-Mais enfin ... (Crivey semblait scandalisé). Alan, je ... je vous dis la vérité, c'est ce que je suis venu vous dire. Adam est un sorcier, et il ...

-Adam ?

Alan ne semblait pas comprendre et se laissa retomber sur le canapé, à bout de force. Visiblement, il ne s'était pas remis de son passage à l'hôpital. Crivey profita de la hébétude des garçons pour marteler :

-Ce n'est pas un terme négatif. Absolument pas, même, je suis un sorcier moi-même ! Nous sommes juste différents, dans le sens où nous pouvons pratiquer la magie ! Et ce n'est ni bien, ni mal, nous sommes juste différents ! Il existe une école nommée Poudlard, et c'est de cela que je suis venu te parler, Adam. (Il lui tendit la lettre à l'encre verte, bien connue de chaque sorcier de onze ans). Tu es inscrit dans cette école depuis ta naissance parce que tu es un sorcier.

Le petit Adam dévisageait Dennis Crivey avec de grands yeux affolés. Lucy porta ses mains à sa bouche, tant cet enfant perdu lui faisait mal au cœur. Le regard d'Adam passa ensuite à Alan, puis à Gethin - qui était toujours bloqué à la première marche, crayons et feuilles à la main - de façon frénétique. Il finit par reculer en secouant la tête.

-Non, souffla-t-il d'une voix étouffée. Non, non ce n'est pas possible. Ce n'est pas moi qui suis bizarre, c'est Gethin, c'est impossible ...

-Oh mon dieu, siffla le grand Adam en se passant une main rageuse dans ces cheveux. Par pitié, dites-moi que je n'ai pas dit ce que je viens de dire.

-Tu avais onze ans, Adam, le rassura Lysander en mettant sa main sur son épaule. On fait tous des conneries à onze ans. Je suis tombé amoureux d'une fille à onze ans - une belle connerie, d'ailleurs, ma plus grosse à ce jour.

Adam contempla Lysander, l'air de ne pas franchement savoir si c'était une plaisanterie, ou s'il était sérieux. De l'autre coté de la pièce, sa version plus jeune continuait de secouer la tête en se prenant le visage dans ses mains.

-Gethin, répéta Crivey d'une voix douce. Oui, Gethin David Garrett Scampers. Lui aussi est sur nos listes. C'est un sorcier comme toi, et il viendra te rejoindre dans quelques années à Poudlard.

-Arrêtez-ça.

Cette fois, la voix d'Alan était presque suppliante. Sa posture avait également changé : de défiant, il était passé à prostré, comme un animal blessé. De l'attaque à la défense.

-La magie, ça n'existe pas. Adam ... Adam ne peut pas être un sorcier, c'est impossible. Aucun des deux. Parce que ça n'existe pas. Gethin ... Gethin a seulement un problème ...

-Goinoid*, persiffla le grand Adam.

-Un problème qui n'en est pas un, répliqua Crivey. Cela vous paraît problématique parce que vous ne le comprenez pas, mais je peux vous expliquer, c'est pour cela que je suis là. Donc si je vous suis bien, la magie est plus marquante chez Gethin que chez Adam ?

Aucun des garçons ne répondirent. Au contraire, ils se emmurèrent dans un silence, lorgnant Crivey avec méfiance et crainte. Seul Gethin ne semblait ni surpris, ni terrifié. Il penchait la tête, intrigué.

-Montrez-nous, proposa-t-il alors. Si vous dites que la magie existe et que ce n'est pas mal ... Montrez-nous.

C'était quand il ouvrait la bouche que l'on se rendait compte que Gethin avait plus de quatre-cinq ans. Son regard était curieux et éveillé. Crivey eut un léger sourire et fouilla dans ses poches pour en extraire une courte baguette de bois sombre.

-Orchideus !

Une gerbe de fleur apparut alors au bout de sa baguette magique. Adam poussa un cri de stupeur, et recula jusqu'à heurter le mur. Alan se redressa vivement, si vivement qu'il s'appuya sur sa jambe et réprima une plainte. Ses yeux luisaient d'effroi et d'incompréhension.

-Que ... Comment ... ?

-Je vous l'ai dit, la magie n'est pas mauvaise, reprit doucement Crivey en posant les fleurs sur la table. Elle permet également d'offrir des fleurs. Tu les donneras à ta petite-amie.

-C'est quoi votre truc ?

-Mon truc ?

-Oui, votre truc de magicien. Votre arnaque, quoi.

-Je n'ai ...

Un bruit sourd interrompit la protestation de Crivey. Lucy se retourna pour voir Gethin Scampers à terre, à plat ventre, ses crayons éparpillés autour de lui. Il tremblait de tous ses membres.

-Geth ?

Adam était sorti de sa léthargie pour se précipiter sur son petit frère, et le retourner. Il posa doucement sa tête sur ses genoux et caressa ses cheveux avec des gestes mesurés et tremblants. Les yeux de Gethin se révulsaient complètement.

-Par Merlin ..., souffla Lucy en portant une main à sa bouche. Qu'est-ce qu'il passe ?

-Je ne sais plus trop ... (Adam semblait le premier troublé). Je l'ai rarement vu comme ça, c'est plus arrivé depuis ...

-Adam, qu'est-ce qu'il passe ? s'enquit Alan, qui s'était dressé sur ses bras.

-Besoin d'aide ? s'enquit Crivey, dérouté.

Il avait amorcé un mouvement en avant, mais le petit Adam protesta vivement :

-Non il faut lui laisser de l'air, reculez !

Crivey se figea en plein mouvement, ce qui laissa une image assez ridicule. Adam murmurait des paroles douces et rassurantes à son frère alors qu'Alan les couvait du regard. Lucy s'apprêtait à se rapprocher quand une voix qui lui glaça le sang s'éleva :

-La noirceur du passé par le sang continuera de s'écouler ... Car jamais les esprits d'auront oublié. Sur le bucher du passé flamberont les erreurs d'autrefois et libérerons des rancœurs et douleurs. Ainsi le venin sera éradiqué et le futur purifié.

Lucy mit un très long moment à comprendre que cette fois folle et spectrale émanait de Gethin. Ces mots avaient gelé la pièce. Plus personne ne bougeait, ni ne respirait, pas même les trois intrus dont le sang s'était glacé dans leurs veines. Puis les tremblements de Gethin cessèrent, et il ouvrit ses grands yeux gris sur Adam, désorienté.

-Je suis tombé ?

Le petit Adam fixait son frère comme s'il le voyait pour la première fois. Néanmoins, son regard s'adoucit au son de sa voix et il lui caressa doucement le visage.

-Oui, tu es tombé. Ce n'est pas grave, viens.

-Pas grave, répéta Lysander, l'air ébranlé comme rarement Lucy l'avait vu. Par Merlin Adam, comment tu as pu dire ça ? Tu ... Tu te rends compte de ce qui viens de se passer ?

Petit Adam ne s'en rendait peut-être pas compte, mais Crivey, lui, semblait avoir compris. Il regardait Adam relever Gethin avec une expression avide presque indécente. Il pointa Gethin d'un doigt tremblotant :

-Ça ... ça lui arrive souvent ?

-Des crises comme ça c'est rare, avoua Adam en aidant Gethin à se relever. D'habitude, il fait plus des dessins qui se réalisent ...

-Adam !

La voix d'Alan claqua comme un fouet et Adam rentra la tête dans les épaules. Gethin jeta des regards déroutés à ses frères. Il semblait cette fois au bord des larmes.

-Quoi ? Qu'est-ce que j'ai fait, cette fois ?

-Rien, dit Adam en ramassant les crayons. Allez, va dessiner en haut, Gethin.

-Mais ...

-Qu'est-ce que vous faites ?

Obnubilée par les larmes de Gethin qui commençaient à couler sur son visage, Lucy n'avait pas vu Crivey brandir sa baguette et la pointer sur Adam et Gethin. Alan voulut s'élancer, mais il ne parvint pas à prendre ses béquilles à temps : la baguette rivée sur le front de Gethin, Crivey déclama d'une voix désincarnée :

-Oubliette.

-On y est, leur souffla Lysander en les prenant par les bras. On a ce qu'il nous faut.

Les images s'effacèrent devant les yeux de Lucy, et en un clignement de cil, elle vit se reconstituer le bureau de Minerva McGonagall autour d'elle. Elle s'agrippa à la bassine en pierre le temps de reprendre le contrôle de ses émotions.

-Oh par Merlin.

-Ouais, lâcha Lysander. Je pense que ça résume tout.

Adam s'était immédiatement écroulé sur une des chaises en face du bureau de la directrice pour se prendre la tête entre les mains. Ses doigts tremblaient. Lucy reprit contenance pour s'avancer et s'agenouiller devant lui. Elle lui prit doucement les mains.

-Tu ne pouvais pas deviner, tenta-t-elle de le rassurer d'une voix sourde. Il t'avait effacé la mémoire Adam. Personne n'aurait pu deviner, pas même Gethin.

-Ça ne change rien, répliqua-t-elle d'une voix dure. Bon sang Lucy ... C'est Gethin qui lui a donné l'idée, c'est ... Il s'est inspiré de ce que Gethin a dit ...

-D'ailleurs aidez-moi ! (Lysander s'était emparé sans vergogne d'un parchemin vierge et d'une plume sur le bureau). On a peu de temps, il faut qu'on soit efficace. Qu'est-ce que Gethin a dit ?

-On reconstituera sur la route, proposa Lucy en se relevant vivement. Il faut qu'on retrouve les autres, ils nous aideront peut-être à réfléchir.

Adam hocha mollement la tête et se leva à son tour. Ils quittèrent la tour, les mots de Gethin hantant leurs pensées. Entourant un Lysander survoltés, ils parvinrent avec leurs souvenirs à reconstituer les paroles de Gethin et contemplèrent leur résultat, tout trois ahuris.

-J'en reviens pas, laissa échapper Adam, toujours hébété. Par Merlin ... Mon petit frère a fait une prophétie et Crivey a décidé de la réaliser.

***

-Qu'est-ce qu'il se passe ?

La voix de Lysander arracha Lucy à sa contemplation, et elle leva les yeux sur le couloir. Ils arrivaient en vue de la gargouille qui gardait l'entrée de la Salle Commune de Serdaigle. Et visiblement, certains élèves avaient décidé de lui tenir compagnie. Elèves qui se précipitèrent vers eux dès qu'ils les aperçurent.

-Mais qu'est-ce que vous faites là ? s'étonna Lucy en reconnaissant un grand nombre de ses cousins et amis.

-Oh on a fini par assommer Dawlish, expliqua Roxanne avec flegme. Il nous gênait plus qu'autre chose.

-Vous avez trouvé quelque chose ? demanda avidement Zephan, avant de désigner le parchemin. Qu'est-ce que c'est ?

Lysander et Lucy échangèrent un regard avec Adam. C'était toujours lui qui décidait concernant Gethin. Le Gryffondor se mordit la lèvre et parut hésiter, avant de prendre le parchemin des doigts de Lucy et de le tendre au groupe. La jeune fille retint un soupir de soulagement.

-On pense que Crivey essaie de réaliser cette prophétie.

-Comment vous l'avez eue ? s'étonna Jina alors que les autre s'arrachait le parchemin.

-Aucune importance, coupa fermement Lysander. L'importance, c'est que cette prophétie peut potentiellement nous conduire à l'endroit où ils ont emmené les autres. Allez lisez, je veux que les idées fusent. Il nous faut un éclair de génie !

Lucy jeta un regard surpris à son cousin, ses yeux déterminés, la fermeté dans sa voix. Pour la première fois, elle lui trouva l'âme d'un préfet-en-chef. Le parchemin passa de main en main pendant plusieurs minutes. Lucy reconnut l'ensemble de ses cousins, Zephan, Jina, Will, Eléonore, Marcus, Stephen, Lorcan, Henry, Alexandra, Dorothy ... et même d'autre personne dont elle était moins proche, comme Daniel Chambers, Gloria et Athénaïs Stones, Charles Corner, Juliet Shelby, Erin Flint-Fletcher, Aurora Kimberland, Teddy Vardy ... Ce fut cette dernière qui grogna :

-C'est vraiment obscur.

-Je trouve même que ça ne sert à rien, grogna James avec un certain agacement. C'est pas ces vers qui ne veulent rien dire qui vont me dire où est ma sœur !

-Ça doit être en dehors du château, rappela Albus en tentant d'avoir l'air posé.

-Oui mais comment ils en sont sortis ? Ils ont transplané ?

-On ne peut pas transplaner dans l'enceinte de Poudlard ! s'excéda Rose. Tu n'as jamais lu l'Histoire de Poudlard, Will ?

-On est sûr qu'ils ne sont pas dans le château ? s'assura Daniel en se tournant naturellement vers les Mousquetaires.

James, Louis et Roxanne hochèrent la tête à l'unisson. Les mains de Louis étaient enfouies dans ses poches et Lucy le soupçonnait de caresser la Carte du Maraudeur.

-On a vérifié partout, assura Roxanne sans évoquer la Carte. Les passages secrets, Salle-sur-Demande ... Partout, tout les endroits secrets de Poudlard. Partout.

-Même la Chambre des Secrets ? sembla railler Zephan.

Si tout le monde fusilla le frère de Shannon du regard, Lucy, Lysander et Adam posèrent sur lui des yeux intrigués et hébétés. Ils étaient les seuls assez imprégnés de cette affaire, plongés si profondément dans la chose que chaque lien se faisait instinctivement. Chaque information faisait sens. Et là, ça faisait sens dans celle de Lucy. Un lent et satisfait sourire s'étira sur les lèvres de Lysander.

-Et la première idée de génie est signée Zephan Finnigan.

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