Chapitre 36 : Alan Carl Donovan
Bonjour à tous ! Je poste maintenant parce que demain ce ne sera juste pas possible (fête avec 80 personnes, gros préparatifs).
Bienvenu dans l'un des chapitres les plus longs de Lucy (25 pages) ! J'ai hésité à le couper en deux ... Mais la seconde partie aurait été courte et sans intérêt, je trouve, alors vous l'avez en entier. Lisez le à votre rythme !
Félicitation à Miss_Ema et AmalJbr pour avoir trouver le point de vue *applaudissement nourris* Donc explication : nous sortons de Poudlard ! Nous sortons même du monde de la magie ... pour nous glisser dans celui du grand frère d'Adam Scampers, Alan ! Vous vous souvenez, le grand frère qui est parti?
Ce chapitre était normalement pensé comme un Bonus, il n'aurait pas dû être dans le script - une des scènes de fin que j'avais envisagé était Adam et Lucy au bas de la porte d'Alan, Adam toque et ... Vous plantez là. Mais j'ai été charitable et je l'ai intégré plus tôt !
Voilà c'est différent, mais j'espère que ça vous plaira - et que ce ne sera pas trop long ! Bonne lecture !
(Indication : on est au chapitre 36, et cette fanfiction en contient 44 et un épilogue ... faites le calcul).
Chapitre 36 : Alan Carl Donovan.
-Je sors voir ma mère, elle fait encore une crise d'exéma je dois aller la voir !
Alan Donovan releva les yeux sur sa fiancée, Eve, son petit ange aux cheveux bruns et aux yeux rieurs. Un sourire se dessina sur les lèvres de la belle quand elle s'accouda à la porte.
-Ne fais pas de bêtise en mon absence. Comme aller à la recherche de ta famille sans moi ....
-Eve ! On en a déjà parlé.
-Oui et si je me souviens bien, je t'ai clairement spécifié que si je ne rencontrais pas ta mère ... (elle agita les doigts d'un air moqueur, où brillait la bague de fiançailles qu'il lui avait offerte). Je ne t'épousais pas ! Alors à toi de faire le choix, chéri. A tout à l'heure !
Avec un dernier sourire provocateur, Eve claqua la porte et Alan se laissa aller sur le dossier de sa chaise, exténué. Depuis trois mois elle le harcelait pour enfin connaître sa famille, après trois ans de relation et depuis trois mois, il lui répondait inlassablement qu'il n'avait plus de famille. Il l'avait quitté, il y avait cinq ans sous une pluie battante, quand un homme étrange nommé Dennis Crivey était apparu à leur porte. C'était lui qui lui avait ouvert et avait fait entrer l'étrangeté dans leur maison. La goutte d'eau qui avait fait déborder le vase.
Un soupir passa ses lèvres quand cet épisode lui revint à l'esprit. Il agrippa sa béquille, son amie fidèle depuis des années qui ne le quittait pas, et se leva de sa chaise, avant d'avancer clopin-clopant jusqu'au canapé. Eve se moquait souvent de lui en lui trouvant une ressemblance marquante avec le Docteur House, et lui avait même acheté une canne pour ses vingt-deux ans. Il ne s'en était jamais servi, lui préférant la béquille qu'il avait emmenée de l'hôpital, cinq ans plus tôt. Il préférait la rafistoler cent fois plutôt que de la jeter. La seule chose qu'il avait prise en partant du Pays de Galles. Elle, ses souvenirs, et son amertume.
Alan se laissa tomber lourdement sur le canapé et massa son genou meurtri. Il ne se souvenait pas des circonstances de l'accident. Il se souvenait juste des pleurs d'un enfant, des cris d'un adulte, d'une forte odeur d'alcool et de sueur. L'adulte qui renverse un autre enfant à terre. Il s'était mis à la rouer de coup, avant qu'Alan n'intervienne. Puis ça avait été la chute brusque et vertigineuse dans les escaliers. Mais ça ne lui avait pas suffit. Les coups avaient plu, au point qu'il perde conscience. Quand il s'était réveillé, sa mère était penchée sur lui, le visage ruisselant de larme, lui assurant que s'était terminé. On ne lui ferait jamais plus de mal. Alan avait tout de suite su que c'était un mensonge illusoire et sa jambe se chargeait de le lui rappelait chaque jour que Dieu faisait.
Il soupira et prit la télécommande. Il fallait résolument qu'il se change les idées. La télé noire et vide lui renvoyant son visage blafard, ses traits tirés, ses cheveux bruns hérissés, et surtout ses yeux, ses yeux noisettes qu'il désirait par dessus-tout oublier. Malgré tout, son père le poursuivait encore, deux yeux noisettes et rieurs fixés sur lui à chaque fois qu'il se regardait dans une glace.
-Et encore j'ai de la chance, marmonna-t-il à lui-même en allumant la télé derechef. Comment tu fais pour te regarder dans le miroir, Adam ?
Evoquer son frère à haute voix lui faisait un drôle d'effet, comme remonter sur un vélo après des années d'inactivité. C'était ça. Il n'était plus habitué à dire le nom de son frère à voix haute. Même Eve ne savait pas le prénom de ses frères et sœurs.
-Meredith, décompta-t-il alors, avec une espèce de nostalgie. Adam. Morgan. Et ... Gethin.
Gethin. Il avait six ans quand il avait quitté la maison, en pleine nuit sous une pluie battante, sans un mot ni une lettre. Il avait pris le bus pour Liverpool et ... plus rien. Gethin, cet enfant chétif et bizarre qu'il s'était juré de protéger. Il savait que son petit frère avait un problème, il était évident qu'il n'était pas un enfant comme les autres. Il était calme, pour un enfant, trop calme. Il ne parlait pas, jamais. Alan se souvenait à peine du son de sa voix, si ce n'était ses cris. Des choses étranges arrivaient autour de lui. Il disait voir des choses, sentir les choses. Il paraissait toujours ailleurs. Leur mère, Meredith et lui s'étaient toujours pris à part eux que l'enfant avait sans doute un problème d'ordre mental, et que tout ces dessins, toutes ses choses qui arrivaient, n'étaient que des coïncidences. Ils songeaient à l'autisme et il avait été plusieurs fois question d'aller consulter un spécialiste. Mais leur père avait pris peur de Gethin. Il en avait eu peur de la pire des manières, faisant passé la différence de Gethin comme une tare, une faiblesse, une sorte de magie noire qu'il fallait corriger à coup de poings. Si diminué qu'était son frère, cela avait scandalisé Alan, qui était devenu le principal rempart de Gethin à la colère paternelle. Il n'y avait rien de pire qu'un homme qui avait peur. Mais Alan admettait qu'il y avait quelque chose d'effrayant dans son frère. Un jour, se fameux jour, leur mère était partie faire les courses avec Meredith et Morgan, et avait laissé Adam et Alan avec Gethin. Adam dormait dans le canapé : Gethin lui avait fait passé une mauvaise nuit. Le benjamin, lui dessinait tranquillement sur la table basse du salon. Puis il s'était redressé et avait fixé son intense et transperçant regarde gris sur Alan. « Il arrive. Il vient chercher Adam. », avait-il déclaré avant de s'en retourner à son dessin.
Quelques secondes plus tard, la sonnette sonna dans son propre appartement. Une coïncidence, se répétait Alan en allant ouvrir. Mais pourtant, quand il ouvrit la porte, il fut presque surpris que ce soit simplement le facteur, et non un homme en robe tenant une baguette magique. Il signa son recommandé avec difficulté, et le facteur repartit un instant plus tard. Il pleuvait sur Londres en cette fin de mois de mai et pourtant quelques personnes bravaient le temps pour boire un café dans l'établissement en face de lui. Alan scruta sa vitrine et se rembrunit.
-C'est pas vrai ...
Il venait de remarquer la rousse. Elle s'asseyait à la même table depuis trois jours et il avait plusieurs fois remarqué les coups d'œil fréquents qu'elle jetait sur son immeuble. Dans les premiers mois qui avaient suivis son départ du Pays de Galles, Alan avait vécu dans la crainte que sa famille (et pire que tout, son père), ne le rattrape. Alors il avait s'était efforcé de repérer les gens, leurs têtes, sentir s'il était suivi, et développé un véritable sixième sens. Un instinct de survie. Même des années plus tard, quand la peur s'était estompée, les vieux reflexes de sonder le paysage étaient restés. Et elle, cette fille, elle était particulièrement repérables, avec ses cheveux de feu et son air propre sur elle. Décidant d'en avoir le cœur net une fois pour toute, Alan s'arma de sa béquille et de son coupe-vent, et s'engouffra dans la rue, sous la pluie. Il poussa la porte du café et commanda une boisson avant de s'asseoir à une table non loin de la jeune femme. Elle ne devait pas être beaucoup moins vieille que lui, et était assez élégante. Ses cheveux roux étaient attachés en un chignon soigné, elle portait un foulard bleu au cou, et son visage était tourné vers la rue. Pourtant, Alan l'avait vu, son petit regard surpris quand elle était entrée. Il ne comprenait pas pourquoi cette fille était là, ni pourquoi elle semblait s'intéresser à lui. Même de près, son visage ne lui disait absolument rien. La cloche d'entrée teinta doucement et une femme d'un âge plus mûr s'installa à la table de la rousse.
-Je viens te relayer, l'entendit-t-il dire. Désolée, j'étais bloquée au Département avec ta mère ...
-Elle va bien ?
-Oh, comme d'habitude, tu sais. Elle est nerveuse en ce moment. Le vote pour la Loi d'Amnistie a lieu à la fin du mois ...
-Ça doit te demander du temps ... Je peux m'en charger seule, si tu veux, Susan ...
-Oh, non, ne t'en fais pas ! Au contraire, ça me fait du bien, et je n'ai pas fait tous ces efforts pour rien. Il est sorti, tu as pu le reconnaître ?
Alan sentit son cœur se serrer. Il sentit le regard que la rousse posa sur lui plus qu'il ne le vit, car il fit mine d'être absorbé par sa boisson. Les chuchotements lui indiquèrent qu'elles avaient décidé d'être plus en privé, sans doute pour se soustraire à lui. Plus de doute, ces deux femmes le surveillaient. Et il voulait savoir pourquoi. Résolu, il agrippa à nouveau sa béquille et alla s'installer sans vergogne à la table des deux indiscrètes, un sourire moqueur aux lèvres. Sa mère l'avait un jour qualifié de « véritable emmerdeur » et sur ce point, il n'avait pas changé.
-Alors, entonna-t-il d'une voix faussement joyeuse. Comme ça vous me chercher ?
La rousse le dévisagea avec de grands yeux horrifiés qui lui firent le plus grand plaisir. Quant à l'autre femme - Susan ? - elle se contenta de soupirer l'air blasé. De près, Alan ne sut trop quoi penser d'elle. Elle avait de longs cheveux auburn à la limite du roux, un grand nez et de remarquables yeux verts. Mais la chose qui attira le plus son attention fut une cicatrice, assez récente, qui barrait sa tempe et dépassait sur sa joue. Elle s'adressa à sa compagne :
-Tu vois que tu aurais dû m'écouter ... Tu es bien la fille de ta mère. (Elle se tourna vers Alan, et ajouta d'un ton professionnel : ) Alan Carl Garett Scampers, je présume ?
Alan eut l'impression qu'on lui enfonçait un pique glacé dans les entrailles. Il avait une éternité qu'il n'avait plus entendu son vrai nom au complet et très honnêtement, il s'en serait passé.
-Vous jartez le Garett. Et c'est Donovan, pas Scampers, merci.
-Oui oui, éluda Susan d'un air distrait. C'est d'ailleurs ses changements qui nous ont causé tant de soucis. Vous n'êtes pas facile à retrouver, Mr. Donovan.
-Sans doute parce que je ne voulais pas être retrouvé, répliqua sèchement Alan, comprenant dans les déclarations de son interlocutrice tout ce qu'il avait redouté. Qui vous envoie ? Mon père, ma mère, ma sœur ?
La rousse fit un vague geste pour prendre quelque chose dans sa poche, mais Susan lui attrapa le bras et secoua la tête. La plus jeune eut l'air contrariée mais se ramena contre le dossier de sa chaise.
-Aucun d'entre eux, répondit alors la rousse avec un soupir. Peut-être pourrions-nous discuté dans un endroit plus ... discret ?
Un sourire cynique retroussa les lèvres d'Alan. Si elle avait voulu de la discrétion en le filant, elle aurait pu au moins dissimuler ses cheveux.
-Ce n'est pas assez discret pour vous ? Moi je me sens très bien ici.
Pour attester ces dires, il but une lampée du café de la rousse, sans gêne et se délecta de son air scandalisé. Susan parut faire tous les efforts du monde pour ne pas sourire. Elle fouilla dans son sac et posa doucement un objet sur la table. Alan ne vit bientôt que ça, et son sang se figea dans ses veines. Susan le rangea presque aussitôt, mais cela cette brève vision suffit à faire perdre à Alan toute sa superbe.
-Qui ... Vous êtes ... Pourquoi ... ?
-On veut juste pour parler, Mr. Donovan, expliqua posément Susan. Pourrions-nous aller chez vous pour discuter ?
Non, fut sa première réponse. Certainement pas. Sortez de ma vie. Pourtant, le regard tranquille et maternel que posa Susan sur lui le fit hésiter et il se surprit à hocher la tête en signe s'assentiment. Ils se levèrent et la rousse régla sa boissons avant qu'il ne traverse la rue pour retourner chez Alan.
-Asseyez-vous, bougonna le jeune homme en tirant une chaise dans la cuisine.
Il s'y assit avec un gros soupir. Sa jambe le faisait souffrir quand il marchait trop, mais ce n'était rien par rapport au bazar que les deux femmes avaient apporté dans sa tête. Il n'en revenait pas. Après des années d'évitement et de prière, il était rattrapé de plein fouet parce qu'il avait fuis.
Des sorcières.
Malgré son cœur qui battait à la chamade et l'état de grande perplexité dans lequel il était plongé, Alan fixa les cheveux de la rousse avec un faux intérêt. Cela parut l'irrité car elle cingla :
-Qu'est-ce qu'il y a ?
-Oh, rien je vérifiais juste si les légendes étaient vraies.
-Quelles légendes ?
-Celles qui disent que vous êtes en réalité des femmes chauves aux pieds sans orteils qui transforment des enfants en souris*.
Si la rousse eut l'air plus confuse qu'indignée, un éclat de rire sortit de la bouche de Susan.
-Ma fille a lu Sacrée Sorcières de Rohal Dahl quand elle était jeune. Elle en a pleuré toute la nuit que les moldus nous considère si mal.
-Moldu, répéta Alan d'un air sceptique. J'ai déjà entendu ça. C'est pas pour désigner les gens comme nous ?
-C'est cela, si, confirma Susan avant de désigner la rousse. Je vous présente Molly Weasley. Moi je m'appelle Susan Finnigan. Vous devez vous demander pourquoi nous surveillions votre appartement ?
Alan n'eut la force que d'émettre un vague grognement qui fit lever les yeux de Molly au ciel. Décidemment, elle lui en voulait encore pour avoir bu dans son café.
-En réalité, entonna alors Susan d'une voix prudente. Nous sommes ici à la demande de ma fille.
-Et ma sœur, précisa Molly en fronçant du nez. Quelles idées elle n'a pas celle la ...
-Votre fille et sa sœur ? douta Alan, surpris. Des sorcières aussi je suppose ?
Son ton ironique ne parut pas plaire à ses interlocutrices. Le regard de Susan se durcit et elle ressortit l'objet qu'elle lui avait montré dans le café. Une longue baguette de bois claire. Une baguette magique.
C'était tellement ridicule. Pourtant, Alan sentit une sueur froide couler le long de sa nuque.
-Mr. Donovan. Tout à l'heure, Molly voulait vous effacer la mémoire pour que vous oubliez que vous nous aviez vu. Je l'en ai dissuadée parce que je suis persuadée que vous ne méritez pas cela et qu'une explication vous ferez le plus grand bien.
-Ce n'est pas ce qui était censé se passé, répliqua Molly.
-Les plans changent, Molly. Et je déteste l'utilisation abusive des sorts d'oublis.
-Désolée. Déformation professionnelle.
-Toujours est-il, poursuivit Susan avec un regard d'avertissement pour la jeune femme. Que je vous ai laissé une chance. Donnez-moi raison et épargnez-nous cette peine.
Alan scruta les deux femmes qui se trouvaient devant lui, l'une l'air renfrogné mais vaincu et l'autre calme et posé. La perspective de se faire effacer la mémoire ne lui disait rien qui vaille, aussi décida-t-il de hocher la tête et de laisser une chance à ses interlocutrices de s'expliquer.
-Bien, soupira Susan avec un certain soulagement. Bien bien. J'ai reçu il y a quelques jours une lettre de ma fille, Shannon. Elle est à Poudlard - vous savez ce qu'est Poudlard ?
-Le gars qui est venu chercher mon frère m'a vaguement expliqué.
-Votre frère. Oui, c'est de lui dont Shannon m'a parlé, dans sa lettre. Adam, c'est cela ? Il se trouve qu'elle est dans la même année que lui et qu'ils seraient devenus amis. Assez en tout cas pour qu'elle sache quelques détails pour ce qui vous est arrivé dans votre enfance.
Alan sentit son rythme cardiaque s'accélérer et s'efforça de garder contenance. A son plus grand soulagement, Susan n'exprima pas de pitié et ne s'appesantit pas sur ce sujet.
-Alors elle m'a demandé de vous trouver. Son idée première était qu'on trouve votre adresse et qu'on la donne à Adam. C'était quelque chose de juste, je trouvais. Ne pas entrer en contact avec vous et laisser votre frère prendre la décision. Alors nous avons commencé des recherches qui se sont avérées difficiles - et les changements dans votre nom n'y sont pas pour rien. Quant à savoir si c'était bien vous à l'adresse que nous avions trouvé ... Vous ne sortez jamais travailler, Mr. Donovan ?
-Non, je travaille depuis mon appartement à cause de ça (il prit sa béquille pour tapoter sa jambe). Alors non, vous n'avez pas dû me voir beaucoup sortir.
Cette fois, les yeux bleus de Molly s'adoucirent et Susan se trémoussa, mal à l'aise.
-Nous n'avions pas connaissance de tous les détails ...
-Sans doute Adam n'a-t-il pas tout dit à votre fille. Ça m'étonnerait fort, même.
-Qu'on se le dise, intervint Molly avec un sourire. Ce n'est pas Shannon, le cerveau de l'opération. C'est ma sœur, Lucy. Je suis vraiment désolée, elle a une légère tendance à ... se mêler de ce qui ne la regarde pas.
-Dixit la grande sœur qui a passé les derniers jours à me surveiller.
Maintenant que la surprise était passée et que toutes les cartes étaient mises sur la table, Alan balançait entre colère et confusion. S'il était parti, ce n'était pas pour que des sorcières se mettent à ses trousses. Elles encore moins que les autres. Il avait précisément fuis tout ça, toute cette folie qui était entrée dans sa vie de manière inopinée, au moment où tout s'arrangeait. De quel droit se permettaient-elles d'intervenir dans son intimité et de foutre à nouveau sa stabilité en l'air ? Mais malgré tout, leur présence soulevait des questions et des sentiments qu'ils avaient depuis longtemps refoulé.
Qui qu'elles étaient, ces Lucy et Shannon n'auraient pas demandé à le retrouver si Adam n'en n'avait pas émis le souhait.
Il s'était efforcé de maintenir la culpabilité à distance. Pour autant, à présent, elle lui rongeait les entrailles. Ce fut pour cela qu'il ne sut réagir aux explications des deux femmes. Elles parurent le sentir car elles échangèrent un regard et Susan dit doucement :
-Vous ne voulez pas avoir des nouvelles de vos frères ?
Vos frères. Ça n'aurait pas dû le surprendre, pourtant c'était une information en soi. Un rictus amer déforma ses lèvres.
-Alors Dennis Crivey est aussi venu chercher Gethin ?
-En réalité, on n'envoie personne pour le second enfant, si second enfant il y a, lui apprit alors Susan. Toutes les explications avaient déjà étaient faites quand Adam a reçu la lettre. Mais oui, Gethin est bien à Poudlard. Il a été réparti comme Adam à Gryffondor.
-Griffon d'or ? répéta Alan, incrédule.
Soudainement, il se retrouva cinq ans en arrière, quand il était un garçon de dix-huit ans à peine sorti de l'adolescence, impressionné par un sorcier qui venait lui expliquer que tout ce qu'il croyait être la réalité n'était qu'en fait qu'un mirage. Il fut presque aussitôt saisi de la même peur irrationnelle qui s'était emparée de lui, il y avait cinq ans. Il secoua la tête d'un air buté.
-En fait, non, je veux rien savoir.
-Pourquoi ? s'étonna Molly.
-Ça ne m'intéresse pas. Tout cela ... C'est tellement ... absurde ... La magie ... Ce n'est pas censé exister !
Il avait tout parié, sur cette affirmation. Il en avait pris des coups, pour cette affirmation. « Ce que Gethin fait, ce sont des diableries », répétait sans cesse son paternel avec une haleine imbibée d'alcool, une ceinture à la main. « Je vais la faire sortir, moi, la magie noir du corps de ce gamin ». Alan avait tout essayé : lui parler quand il était sobre, montrer le diagnostic du médecin traitant, lui hurler qu'il n'était qu'une brute superstitieuse et que Gethin n'était pas possédé par le diable parce que la magie n'existait pas.
Sauf que si. La magie existait.
Ça avait ruiné ses perceptions et son existence.
Putain de magie.
Il s'en était pris des bleus, des fractures, des séjours à l'hôpital, à cause de la magie. Il avait perdu sa jambe à cause de la magie. Et Adam, ça n'avait été guère mieux - si ce n'était qu'il n'en gardait que des séquelles psychologiques. Sauf qu'Adam faisait parti de ce monde.
Pas lui. Lui voulait rester à l'écart de ce qu'il l'avait fait souffrir durant toute son adolescence et l'avait définitivement privé de sa jambe.
Non, vraiment, il ne voulait rien savoir.
Molly ouvrit de grands yeux éberlués.
-Mais ... C'est la vie de vos frères. Leur univers, le monde dans lequel ils vivent. Comment ... Comment vous pouvez ne rien vouloir savoir ?
-Ça me regarde, ça, répliqua vertement Alan, les doigts crispés sur sa béquille. Tout ce que je sais, c'est que je veux rien à voir avec ... ça.
-Ça, lâcha Susan, le visage impassible. Alors c'est ce que sont devenus vos frères pour vous ?
Alan s'efforça de ne pas laisser paraître sa gêne. La cicatrice qui s'animait quand elle parlait sur le visage de Susan le troublait, ainsi que la profondeur de son regard. Il avait également remarqué d'autres marques d'anciennes blessures sur ses mains. Elle semblait avoir vécu tant de choses, elle aussi. Des choses qui avaient brisé son corps mais pas son esprit. Elle avança sa main et poussa le vice à la poser sur le bras d'Alan.
-Ecoutez, Mr. Donovan. Je sais que vous avez vécu des moments difficiles, précisément parce que vos frères n'étaient pas des enfants comme les autres.
-Gethin, se sentit obliger de préciser Alan. C'était Gethin qui était différent.
C'était ça aussi, qui l'avait détruit, ce jour là. Toute sa vie, il s'était inquiété pour son plus jeune frère, s'était angoissé jusqu'à s'en arracher littéralement les cheveux et frappé contre les murs. Il aurait tout donné pour protéger sa famille, il s'en ruinait la santé. Meredith, sa grande sœur, avait toujours été là pour l'apaiser, mais c'était d'Adam de qui il s'était toujours senti le plus proche - sans doute parce qu'Adam encaissait les coups comme lui. Il s'était érigé bouclier de Gethin, et Alan les avait pris tout les deux sous son aile. De manière inexplicable, son père ne s'était pas intéressé à ses filles : elles étaient une source de déception qui ne méritait pas ses coups. Alan savait que c'était pour cela, qu'ils étaient beaucoup dans la famille : son père avait souhaité avoir le plus de garçon possible. Même quand Morgan hurlait ou que Meredith tentait de faire barrage, il n'y avait que les garçons qui gardaient son attention. Gethin était trop petit pour se rendre compte, mais Adam commençait à avoir conscience de tout cela. Il avait un esprit vif et curieux qui avait toujours plu à Alan - il avait toujours été persuadé que son frère avait un grand avenir devant lui et s'était juré de tout faire pour que cet avenir ne lui échappe pas.
Puis on lui avait pris. On était venu chercher une des choses pour lesquelles il s'était battu. Adam.
Pas Gethin. Adam.
Car lui non plus n'était pas normal.
Une voix invisible le souffla de s'en arrêtait là, pour Gethin. Il n'était pas encore prêt à parler de ses soi-disant visions. Susan eut un menu sourire.
-Certain enfants sont plus précoces que d'autre - sans que cela ne signifie quoique soit. Ma Shannon a passé son enfance repliée sur elle-même sans montrer le moindre talent magique alors que son petit frère faisait voler ses jouets dès le berceau. Pourtant quand on regarde leur bulletin de note ... Bref. Ce n'est parce que Adam n'y paraissait pas qu'il n'était un sorcier. Peut-être même y-a-t-il eut quelques signes, mais vous les avez ignoré car vous étiez trop concentrés sur Gethin. Toujours est-il qu'ils étaient déjà des sorciers quand vous les aimiez encore. Pourquoi le simple fait de savoir cela a-t-il tout changé ? Ils restent vos frères.
-Et ils restent humain, enchérit Molly avec dignité. Vous pensez que parce que nous sommes des sorciers nous sommes foncièrement différents de vous - chauve avec des pieds sans orteils, comme vous le dites ? Bien sûr que non. Nous avons un corps comme le votre, avec le même métabolisme. Nous mangeons, nous dormons, nous vivons, nous aimons, exactement comme vous. J'ai plusieurs fois vu une jeune femme sortir d'ici. Votre petite-amie ? Ça vous intéresserait de savoir qu'Adam en a une aussi ?
Cette fois, Alan ne put masquer sa surprise de voir une telle information - légèrement décalée, dans le contexte - arriver ainsi sur la table. Molly eut un pauvre sourire.
-Non, vraiment, la seule chose qui nous différencie, c'est que l'on puisse faire de la magie. Et je ne dis pas que c'est une bonne chose : un monde magique n'est pas un monde meilleur. Nous restons humain, avec nos faiblesses. Nous faisons la guerre comme vous, nous commettons des massacres comme vous, nous sommes pourvoyeurs d'horreur comme vous. C'est un monde différent, avec ses institutions et ses infrastructures distinctes des votre, mais qui reste sommes toute juste un reflet magique de votre monde.
-Le mot « magique » fait tout, dans votre phrase, répliqua Alan en s'efforçant de masquer le doute que les paroles de Molly introduisait en lui. C'est ce que nous différencie.
-C'est la seule chose qui nous différencie, rectifia la jeune femme en dressant un sourcil. La magie n'est pas mauvaise. En refusant de ne serait-ce essayer de la comprendre, vous mettez effectivement une barrière entre vous et moi, qui vous paraît infranchissable. Mais si vous faites l'effort de comprendre notre monde, vous verrez que cette barrière s'amenuisera. Peut-être même que vous pourriez reprendre contact avec vos frères.
-Et qui vous dit que j'en ai envie ?
La phrase lui parut dure, même à ses propres oreilles. Lui aussi était curieux. Et elles en avaient trop dit : Gethin à Poux-de-lard, Adam et sa petite amie ... Ces questions qu'il s'était posé un jour et qu'il avait enfouis au plus profond de lui. Pour la première fois il s'autoriser à s'imaginer ce qu'était devenu sa famille, sans qu'il ne grogne, ou que l'image de son père ne s'impose à son esprit. Susan pinça des lèvres.
-J'ai accepté de vous parler et de ne pas vous oublietter parce que je pense que si vous avez pris peur, il y a des années, c'est parce que vous n'avez pas pris la peine de comprendre notre monde - ce que je peux potentiellement comprendre, vu votre passé. En revanche, j'ai pensé qu'avec l'âge, peut-être que vous auriez choisi de cesser de fuir. Peut-être que vous auriez eu l'intelligence d'ouvrir votre esprit.
-Ouvrir mon esprit ? répéta Alan, incrédule. Parce que vous croyez que c'est une question d'ouverture d'esprit ?
-Exactement. Vous refusez de nous comprendre, vous bordant à songer que la magie n'existe pas et par conséquent à ignorer vos frères. Ce que vous faites, ça frise l'intolérance la plus totale.
Elle le toisa de haut en bas, la désapprobation emplissant son regard.
-Je suis désolée de vous le dire, mais cela fait que dans les faits, vous ne valez pas mieux que votre père.
Alan était déjà secoué avant. Mais à cette phrase, il se dressa sur ses pieds, s'appuyant fermement sur la table pour jeter un regard incendiaire à Susan. Il vit à peine le regard choqué de Molly ; il sentit à peine la douleur qui traversa sa jambe quand il se soutint sur elle. Susan gardait un regard calme où pointait le mépris, ce qui attisa sa rage.
-Dégagez.
-Veuillez rester poli, répondit-t-elle sèchement. Je vous rappelle juste que votre père croyait à la magie, il a refusé de vous écouter et ça a détruit votre famille. Vous ne croyez pas à la magie, vous avez refusé de nous écouter et vous avez aussi brisé votre famille. Votre intolérance égoïste vous empêche de voir plus loin que vos pensées. Vous avez décidé que la magie n'existe pas, et pour cette affirmation vous avez quitté votre famille sans songer en conséquences. Je suis mère, moi aussi, et ça m'aurait crevé le cœur de voir mon enfant partir.
-Parce que vous pensez tout savoir ? persiffla Alan avec hargne. Par ce que vous pensez que ça ne m'a crevé le cœur à moi de partir de chez moi, de tout ce que j'ai toujours connu ?! Vous croyez que je n'ai pas pensé aux conséquences ?
-Si vous y aviez pensé, il y a longtemps que vous auriez recontacter votre famille.
Alan avait envie de frapper quelque chose. D'effacer cette lueur affreuse dans les yeux de Susan, ce dédain, cette incompréhension. Parce qu'elle croyait que c'était simple, que parce qu'elle connaissait une infime partie de son histoire, elle pouvait se permettre de le juger, de le comparer à son père ?! Avant qu'il n'ait le temps de s'indigner d'avantage, elle se leva à son tour, drapée de toute sa dignité.
-Je pense que c'est bon. Nous dirons à Shannon et Lucy que nous n'avons rien trouvé. Si vous avez envie de revoir votre famille, allez voir votre mère. Au revoir.
Elle jeta un regard à Molly et s'en fut sans plus de mot vers la sortie. La rousse eut un instant d'hésitation, avant de se lever. Pour autant, elle ne sortit pas tout de suite : elle fouilla son sac et en sortit une photo qu'elle posa sur la table.
-Lucy m'a envoyé ça, pour qu'on ait une idée - même vague - de ce à quoi vous ressemblait. Je pense ... Bref.
Elle le toisa un instant, un regard où se mêlait désappointement et perplexité. Puis elle secoua la tête et s'engouffra à l'extérieur. Alan fixa la porte avec rage, le cœur battant la chamade. Sa jambe finit par lui rappeler qu'il devait se rassoir et il se laissa tomber sur la chaise, toujours tremblant de fureur et de trouble. Ses yeux se posèrent alors sur la photo que Molly avait posée devant lui. Après une minute d'hésitation déchirante, il n'y tint plus et attrapa l'image.
C'était une photo de famille.
De ma famille.
C'était dans une chambre à l'hôpital. La première personne qu'il reconnut fut son grand-père, Adda Donovan, son visage rond et bienveillant. Il était assis sur une chaise à coté du lit, une adolescente sur les genoux, aux cheveux bruns et aux yeux gris qu'il eut de la peine à reconnaître comme Morgan. Quel âge avait-elle ? Douze ans, peut-être treize ? Qu'elle avait grandi ... Il avait l'impression de voir le reflet de sa propre malice dans les yeux de sa jeune sœur. De l'autre coté, près de la fenêtre, une fille rousse qu'il ne connaissait pas ne regardait pas la caméra. Il put juste discerner son visage. Elle avait un nez un peu trop long pour qu'il soit qualifié de joli, mais Alan lui trouvait tout de même un certain charme. Elle fixait le lit avec un sourire attendri. Les yeux d'Alan s'écarquillèrent quand il vit ce qui se trouvait sur le lit. Meredith. Elle n'avait presque pas changé, avec ses boucles cuivrées et ses yeux gris rieurs. Elle tenait sur ses genoux une enfant blonde d'environ deux ans, qui suçait une tétine et lorgnait un homme à coté d'elle, blond lui aussi - et avec une alliance à la main gauche.
Meredith. Elle s'était mariée. Et elle avait un enfant.
Il avait une nièce.
Les larmes commencèrent à lui monter aux yeux et il caressa le doux visage souriant de sa sœur. Elle avait l'air tellement heureuse, entre sa fille et son mari. Comment était-il ? Les traitait-t-il bien, elle et la petite ? S'il en jugeait par le regard tendre qu'il réservait à l'enfant, oui. Il discernait à sa gestuelle que la fillette était son trésor. Il crut qu'il avait passé le pire quand il observa qui était non loin de Meredith sur le lit. Les cheveux cuivres qui tombaient sur ses yeux noisettes, son nez droit et un sourire en coin sur son visage, Adam le regardait, tenant entre ses bras un nourrisson. Alan bloqua un instant sur l'image, avant de se dire que cela ne collait pas.
Voilà pourquoi ils étaient à l'hôpital. Le deuxième enfant était celui que Meredith avait mis au monde.
Rectification. Il avait une nièce et ... Une nièce ou un neveu, il était incapable de déterminer sur la photo.
En revanche, ce qu'il déterminait, c'était combien Adam avait grandi - et combien la ressemblance avec leur père s'était accentuée.
Oh Adam ... Comment fais-tu pour te regarder dans le miroir ?
Son pique d'émotion parvint quand il remarqua qui se tenait au bout du lit. Cette fois, les larmes coulèrent à flot sur son visage quand il croisa le regard gris de Gethin. Il avait six ans quand il avait quitté le Pays de Galles. Il avait à présent devant lui un adolescent d'une douzaine d'année, un immense sourire sur le visage. Il n'avait jamais vu un air aussi épanoui sur le visage de l'enfant.
Il lâcha soudainement la photo, comme si elle lui brulait les doigts, et enfouit son visage dans ses mains, désespéré.
Il n'aurait jamais pensé resonger à tout cela ...
***
-Tu es de mauvaise humeur.
Eve lui jeta un regard mauvais depuis son bureau. Ses lunettes à épaisse monture étaient posées sur son nez retroussé et ses doigts tapotaient son ordinateur avec nervosité.
-J'ai du travail à finir, marmonna-t-elle en se remettant à taper. Madame Merrywather a fait son testament la semaine dernière et ses fils me harcèlent pour me demander une mise sous tutelle.
Alan eut un vague sourire. Eve travaillait comme avocate dans un cabinet dans Chelsea et avait toujours prit son travail très à cœur. Pourtant, dans le cas présent, son fiancé la trouvait un peu trop absorbée - et beaucoup trop boudeuse. Mais il n'avait pas forcément la force d'y remédier à l'instant. Sa conversation qu'il avait eue avec les sorcières ce matin lui trottait particulièrement dans la tête et il ne s'était pas remis de son émotion après l'étude de la photo. Quand Eve était rentrée de chez sa mère, elle s'était directement mise à son bureau sans décrocher un mot, si ce n'était une longue litanie de plainte concernant sa mère trop protectrice.
-Et toi ? fit l'effort de demander Eve d'un air distrait. Ça a été ta journée ? Tu as peu avancé dans ton projet ?
Alan grimaça. Il travaillait en tant qu'ingénieur généraliste en télétravail, sur une ligne TGV entre Londres et Manchester. Mais avec la journée qu'il venait de passer, il n'avait pas songé une seule seconde à se pencher sur ce projet.
-Non. Pas vraiment.
-Il faudra que tu t'y mettes, le prévint Eve, un sourire relevant néanmoins la commissure de ses lèvres. Sinon ils vont exiger que tu reviennes travailler au bureau.
-J'aimerais bien les voir m'y obliger, ricana-t-il depuis le canapé. Allez viens, le match va commencer ... Tu vas me faire croire que tu ne veux pas voir un derby londonien ?
Eve marmonna quelque chose d'inintelligible mais claqua son ordinateur et s'en fut vers la cuisine chercher les nouilles chinoises qu'ils avaient commandé. Alan sourit doucement. Ils s'étaient rencontrés dans un pub de Londres, pendant une soirée étudiante. Le match qui était retransmis opposait Liverpool, son équipe de cœur qu'il n'avait pas abandonné, à Arsenal, l'équipe Londonienne que soutenait Eve. Rien ne valait une bonne vieille engueulade sportive pour forger les premiers liens. Cela faisait près de deux ans qu'ils vivaient ensemble et ils avaient rarement raté un match de Premier League. Eve revint de la cuisine, son écharpe écarlate frappée du canon d'Arsenal autour du cou, les nouilles dans les mains et un foulard bleu dans l'autre.
-A qui c'est, ça ?
Alan s'efforça de rester calme quand il reconnut le foulard que Molly portait ce matin.
-Oh ... La voisine, la vieille Dawson, elle m'a tenu la jambe une heure, ce matin ... Elle a dû oublier ça ... J'irais lui rendre demain.
-Tu lui demanderas son parfum, dit Eve en humant le tissu. Ça sent vachement bon !
-Ce sera ton prochain cadeau d'anniversaire, railla Alan. Promis.
Pour toute réponse, Eve lui jeta le foulard à la figure, faisant sourire son fiancé. Elle s'installa sur le canapé, mit tranquillement ses jambes en travers de celles d'Alan, et lui tendit sa boite de nouille. Etant une naturelle râleuse, elle se mit à pester contre l'attaquant d'Arsenal dès les premières secondes de jeu.
-Bon sang Lacazette il sait vraiment mettre que des pénalty, râla-t-elle alors qu'il venait de rater une occasion. Je te jure ...
-Il vous a déjà sauvé la mise plusieurs fois, ma chérie ...
-Alan, ce n'est pas le moment de me contrarier, laisse-moi rager comme je veux j'ai besoin d'évacuer.
Le jeune homme lui jeta un regard surpris et elle consentit à se taire le temps d'enfourner quelques bouchées de nouilles. Eve était d'un naturel tumultueux, mais en ce moment, ses humeurs avaient tendances à être changeante. Alan mettait ça sous le compte de sa frustration qu'il ne veuille pas parler de sa famille et qu'elle ne savait pas comment réagir face à ça.
Ma famille ...
La photo que Molly lui avait laissée flotta un instant dans son esprit - tout ses changements dont il n'avait pas été témoin, les membres qu'il n'avait pas vu venir ... Cela lui retournait toujours les entrailles.
Tout comme les accusations de Susan.
Vous ne valez pas mieux que votre père.
-Mais bon sang, on ne te paie pas des millions pour que tu loupes ça ! gémit Eve alors qu'un joueur envoyait le ballon dans le décors. Oh mais je te jure le mercato on a fait n'importe quoi ...
-Un peu, répondit machinalement Alan.
Eve étouffa sa rage et sa déception en enfournant une autre bouchée de nouille. Alan ne toucha pas aux siennes. Cette journée absurde lui avait coupé l'appétit et il donna volonté sa boite à Eve quand elle la réclama.
-Dis donc, tu manges pour deux, la taquina Alan.
Eve s'en étrangla avec ses nouilles et lui donna un coup de poing dans le bras. Ils passèrent un moment tranquille devant le match, avec les extravagances d'Eve à chaque occasion d'Arsenal, son euphorie à chaque but de son équipe, son désespoir quand elle se fit rattraper au score. Elle en avala deux yaourts. Eve avait toujours fait passer le stresse en mangeant mais là, Alan commençait réellement à s'affoler : elle avait l'air dans un pire état que lui. Quand le match se finit sur un score de deux à deux, il éteignit directement la télé et se tourna résolument vers sa fiancée.
-Bon, dis-moi. Qu'est-ce qui ne va pas ? Ta mère a encore dit que j'étais un incapable et qu'elle refusait que tu m'épouses ?
-Tu n'as pas oublié la condition à laquelle je veux bien qu'on se marie ?
Alan sentit une main invisible lui tordre les entrailles. Etrangement, parler de son mariage futur ne fit que lui rappeler le mariage auquel il n'avait pas assisté. Celui de Meredith, avec l'homme blond de la photo. Le père de ses deux enfants. Il avait ressenti un mélange d'étonnement et un étrange sentiment de perte.
Il avait regretté de ne pas avoir assisté au mariage.
Et connaissant sa chère Meredith, elle sera capable de le tuer si elle n'assistait pas au sien.
Merci beaucoup, Susan et Molly. Merci.
-Non, je n'ai pas oublié, souffla Alan en se rapprochant doucement d'elle. Eve, c'est ... compliqué d'en parler, je ne veux pas ...
-Je suis enceinte.
Des larmes perlèrent à ses yeux bruns. Elle ne le regardait pas : elle fixait la télé noire comme si elle venait de lire ses mots sur l'écran. Alan resta un instant à la contempler, interdit, incapable d'articuler quoique soit. L'information eut du mal à se frayer un chemin dans son esprit, et ce fut sans doute pour cela qu'il bredouilla de façon stupide :
-Tu ... Tu ... enfin, tu es ...
-En-cein-te, articula Eve d'un ton dur. J'ai un bébé dans mon ventre. Ton bébé.
Mon bébé. Alan peina à intégrer cette information. Elle lui apparaissait presque plus absurde que tout ce qu'il avait pu entendre et découvrir aujourd'hui.
Il s'était découvert un beau-frère, avec des neveux et nièces. Il avait découvert tout ce qu'il avait raté : la croissance de Morgan, les débuts de la vie amoureuse d'Adam, la rentrée de Gethin.
Et maintenant un bébé.
Le sien.
Ce fut trop. C'était beaucoup trop intense pour une seule journée.
Il craqua.
Il enfouit son visage dans ses mains et sanglota éperdument.
Eve eut l'air déroutée, complétement déroutée par sa réaction. Elle abandonna sa mine courroucée pour prendre Alan dans ses bras, et caresser doucement ses cheveux alors que son corps entier était secoué par les sanglots.
-Alan ..., s'étonna-t-elle avec douceur. Calme-toi, s'il te plait ... Je sais qu'on n'en n'avait pas parlé, je sais que ça arrive ... Oh Alan, je ne sais pas quoi faire ...
Il reçut quelque chose d'humide sur la nuque et comprit que les larmes avaient commencé à dévaler le visage d'Eve. Elle le serra un peu plus fort et il sentit qu'elle tremblait également.
-Je sais que c'est trop tôt ..., haleta Eve, tentant désespérément de reprendre contenance. On ne travaille que depuis quelques mois, on loue encore cet appartement ... On n'a rien pour accueillir un enfant ... Et ... De toute manière je ne veux pas d'enfant si tu n'en veux pas non plus ...
Alan hoqueta et trouva la force de se redresser un peu. Le beau visage de Eve était humide de pleurs et ses yeux couleur chocolat avaient rougis. Il caressa son visage, essuya ses larmes sans cesser de pleurer.
-Ne pas en vouloir ...
Il n'avait jamais réfléchi à la question. Il avait demandé Eve en mariage parce qu'il l'aimait, sur un coup de tête alors qu'ils étaient en week-end à Brighton. Pendant une soirée chaude et parfaite durant laquelle, en un éclair, il s'était rendu compte qu'il ne pourrait pas trouver plus parfaite qu'elle. Elle n'était pas parfaite en soi : c'était une vrai râleuse avec un tempérament de feu. Mais elle était parfaite pour lui. Sans se rendre compte de ce qu'il faisait, ni des conséquences, ni de rien, il lui avait alors demander de l'épouser, ce soir-là sur la plage. Sa surprise de s'entendre formuler sa demande n'avait eu que d'égal que son immense bonheur quand elle avait accepté.
Mais cette demande, elle avait été faite comme leur relation : au jour le jour, sur l'instant, spontanément. Un bébé, ce n'était pas un coup de tête. Un enfant, ça se préparait.
Pourtant, quand il posa ses yeux sur le ventre d'Eve, une boule brulante se forma dans sa gorge. Ne pouvant s'en empêcher, il posa sa main sur le bas du Tee-shirt, comme s'il pouvait faire la connexion entre lui et ce minuscule être, si fragile, si tangible, qui dormait au sein de sa fiancée. Eve posa les mains sur les siennes et les pressa contre son ventre. Il sut alors qu'il se refuserait à faire le moindre mal à cette petite chose, issue de sa chaire et de son sang. Cet être qui était une partie de lui comme il était une partie d'elle.
Je ne suis pas mon père.
Etait-il prêt à l'être, père ?
-Ma sœur, Meredith, entonna-t-il alors d'une voix étranglée, les mains toujours plaquées sur le ventre d'Eve. Elle s'est mariée. Elle a deux enfants ... Et je n'étais pas là ...
Eve se tut religieusement, les larmes se figeant sur ses joues. Alan s'efforça de contrôler ses tremblements. Sa famille, celle qu'il avait quitté, se mélangeait à celle qu'il était en train de former avec Eve. Il éprouvait le besoin de parler à voix haute pour dénouer tout cela. Le souhait de sa fiancée était en train de se réaliser.
-Comment tu le sais ? s'enquit Eve avec douceur.
Pour toute réponse, il extrait la photo que Molly avait laissée sur la table et la donna à la jeune femme. Elle détailla l'image avec des yeux fascinés qui séchèrent définitivement ses larmes.
-Mon dieu ... Mais tu as combien de frères et sœur ?
-Deux sœurs. (Il désigna les désigna sur la photo). Meredith et Morgan. Là ça doit être les enfants de Meredith - et son mari. Et puis mes deux frères, Gethin et Adam. Et grand-père.
-Vous vous ressemblez tellement, s'émerveilla Eve. Mais Alan ... Depuis combien de temps ... depuis combien de temps tu ne les as pas vu ?
Alan scruta le visage de sa fiancée, ses yeux chocolat, son nez retroussé, la fine courbe de ses lèvres. Comment lui expliquer ? Comment lui expliquer à elle, son amour si délicieusement normale, toute l'absurdité qui avait fait basculer sa vie ? Il continua de la dévisager, à graver ses traits dans sa mémoire, la main toujours tout contre son ventre. Il prit alors une décision. Une décision qui risquait de mettre le peu de stabilité, le semblant de vie qu'il avait créé ses dernières années à bat.
Mais il se refusait à construire une famille sur des mensonges et des cachotteries.
-Eve, souffla-t-il alors, le cœur brisé de tout jouer ainsi. Eve, il faut que je te parle de quelque chose. La seule chose que je te demanderais ... C'est de garder ... l'esprit ouvert, d'accord ?
Déboussolée, Eve hocha néanmoins la tête, docile. Alan soupira alors et se jeta à l'eau, corps et âmes, pleurant d'avance tout ce qu'il avait construit. Il lui raconta tout : les bizarreries de Gethin, les violences du paternel, l'arrivée de Dennis Crivey et la révélation de la véritable nature de ses petits frères, sa lâcheté quand il avait refusé de comprendre et mit le cap sur Londres, ses longues années où elle avait son seul repère, la chose la plus précieuse qu'il avait eu, et l'intervention des deux sorcières, Molly et Susan ce matin, et tout le fouillis qu'elles avaient mis dans sa tête.
Eve écouta patiemment, et Alan se souvint alors, le cœur en miette, pourquoi elle lui avait tant plu. Quand il l'avait rencontré dans ce pub, elle n'avait pas regardé sa béquille ni ses vêtements bons marchés. Elle ne jugeait pas sans avoir toutes les cartes en main. Même quand il évoqua la magie, elle tressaillit à peine. Il acheva son récit sur le fait qu'il refusait qu'elle l'épouse sans avoir connaissance de tout cela, et qu'il comprendrait si elle quittait l'appartement maintenant pour ne plus jamais y revenir. Mais Eve resta clouée au canapé, un air perplexe peint sur le visage.
-Si ça ne venait pas de toi, commença-t-elle avec prudence. Je trouverais ça ... Complétement fou. Et j'appellerais l'hôpital le plus proche pour te faire interner.
-Mais ? devina Alan avec un regain d'espoir.
Eve se mordit la lèvre inférieure. Elle resta un temps silencieuse. Ses doigts étaient toujours noués à ceux d'Alan sur son ventre.
-Mais c'est toi qui me parles et ... Je te connais, Alan, je te connais comme si c'était moi qui t'avait fait. Ces histoires de violences parentales, je les avais deviné depuis longtemps - et pour ça pas besoin de ta béquille, crois-moi. Je suis spécialiste du droit des affaires familiales alors j'en ai vu passé quelques uns des enfants battus et vous avez tous la même lueur brisée dans les yeux. Quant à cette histoire de magie ...
-Eve, plaida Alan avec désespoir. Je te jure que c'est la vérité, aussi incroyable que cela puisse te paraître ...
Soudainement, il regretta de ne pas savoir comment contacter Molly et Susan. Sans doute auraient-elles pu lui prouver ... La jeune femme soupira profondément.
-Tu as un esprit cartésien qui est parfois intolérable. Une des raisons pour lesquelles ma mère te déteste c'est que tu es athée. Et tu as un manque criant d'imagination.
-Euh ... D'accord.
-Donc je ne te vois pas inventer une histoire à dormir debout comme quoi ton frère voyait un peu l'avenir et ton autre frère est un sorcier qui étudie dans je-ne-sais quelle école de magie ...
-Poux-de-lard, je crois.
A sa plus grande stupéfaction, Eve fut secouée d'un petit rire.
-Rien que ça, tu n'aurais pas pu l'inventer ! Poux-de-lard !
-J'avoue que je ne comprends pas bien, admit Alan, ne sachant pas quoi penser de l'hilarité de sa fiancée. C'est même assez ridicule.
Eve sourit et son regard s'accrocha à son visage comme celui d'Alan l'avait fait un peu plus tôt. Ses doigts se crispèrent un peu plus sur les siens.
-OK. Bon. Même si je sais que tu ne mens pas ... Oh Alan, c'est tellement ... tellement difficile à assimiler ...
-Je sais ... Je sais et je suis désolée de te raconter cela, de te précipiter dans cette merde ... Mais si ça doit être mon monde, alors je m'imagine pas que tu n'en ais pas connaissance. Que tu n'en fasses parti.
Eve parut vaguement gênée et serra un peu plus ses doigts. Il ne sut ce que ça voulait dire mais il s'accrocha à sa main comme si sa vie en dépendait. Bientôt il ne resta que cela : la chaleur de leurs doigts entrelacés, et le ventre plein de promesse d'Eve sous eux.
-Qu'est-ce qu'on fait ? s'inquiéta-t-elle en baissant les yeux. Qu'est-ce qu'on fait pour le bébé ?
Alan eut un petit sourire. Raconter tout cela à Eve lui avait éclairci les idées et pleurer l'avait purgé de tout son trouble. Il caressa le dos de la main de la jeune femme.
-Je veux du bébé - si tu veux toujours de moi.
Les yeux d'Eve pétillèrent et se remplirent à nouveau de larme. Elle dénoua les doigts des siens pour prendre son visage en coupe et l'embrassa, délivrant ainsi sa réponse. Alan crut qu'il allait défaillir de soulagement. Il prit délicatement la nuque d'Eve pour lui répondre, dégustant ce baiser au goût de larme, où il pouvait sentir la détresse et la joie. Ils se séparèrent doucement et Eve ramena son front contre celui d'Alan, haletante, mais souriante.
-Evidemment que je veux de toi, imbécile. Tu crois vraiment que quelqu'un d'autre serait capable de me supporter pendant les matchs ? Ou mes crises de nerfs avant une plaidoirie ? (Elle s'interrompit, et perdit quelque peu son sourire). Laisse-moi simplement le temps ... C'est ... tellement fou, ce que tu m'as raconté ... Il faut le temps que j'intègre ... que je comprenne ...
-Tu sais, je ne comprends pas moi-même, lui apprit Alan, euphorique. Si seulement j'avais gardé de quoi contacter les sorcières ... Aïe !
Eve venait de lui donner une tape sèche derrière la tête, et la perplexité dans ses yeux fit place à un feu qui lui était plus familier.
-Elles étaient prêtes à t'expliquer, persiffla-t-elle. A t'aider à comprendre, ça aurait pu tout arranger ! Comment tu as pu être aussi buté, Alan ?
-C'est compliqué ... Je ... Je ne voulais pas entendre.
-Tu ne voulais pas entendre ? (Elle agrippa la photo de famille et l'agita sous le nez de son fiancé). Putain, Alan ! Ta sœur a eu le temps de se marier et de fonder une famille le temps que t'en ailles ! Et ta mère ! Je peux comprendre que tu en veuilles à ton père, c'est naturel mais ta mère ? Tu as pensé à elle quand tu es parti ? Et tes frères ? Tu ne t'es pas dit qu'ils pourraient se sentir coupable de ton départ ? Tu te rends compte ou pas du mal que tu as pu faire ?
A bien des égards, Eve était une rose, une rose rouge : belle, passionnée et passionnante, mais piquante et douloureuse. Elle savait appuyer là où ça faisait mal et même le moins scrupuleux des êtres éprouvait des remords après avoir croisé son regard flamboyant.
-Je t'aime, Alan. Et me marier et élever cet enfant avec toi, j'en serais très heureuse. Mais il est hors de question que j'épouse un homme qui abandonne sa famille à chaque fois qu'il prend peur.
Ça, il le savait parfaitement bien. Eve était habituée à la stabilité et exécrait l'abandon. Ses parents étaient certes divorcés, mais elle entretenait d'excellentes relations avec son père. Sa propre grand-mère était l'archétype de la mama italienne qui n'était heureuse qu'une fois l'intégralité de sa famille réunie autour d'une table garnie de ses plats. Cependant, elle avait souffert de précédentes relations, mélanges de tromperies et de d'abus, qui avaient déjà abouti à un avortement. Alan ne doutait pas que vivre une seconde situation de ce genre aurait sans doute détruit Eve, mais même sans son passé, Alan aurait eu dans l'idée de garder le bébé. Avec tendresse, il posa sa main sur le ventre d'Eve et se pencha pour l'embrasser. Eve passa une main douce dans ses cheveux.
-Jamais. Je ne vous abandonnerais jamais.
***
Quand il se réveilla le lendemain matin, Alan crut que ce qui s'était passée la veille était un mélange étrange de cauchemar et de rêve, une sorte de songe aux sentiments contraires issu du passé. Il voulut se retourner sur Eve et l'enlacer pour se rendormir et oublier ce rêve, mais la jeune femme semblait déjà être sortie du lit. Alan s'efforça donc d'ouvrir un œil et de se redresser, frissonnant et grommelant. Il enfila un tee-shirt qui trainait et agrippa sa béquille pour sortir du lit. Eve était effectivement sur la table de la cuisine, une tasse de thé dans une main et son autre main tapant sur son ordinateur, ses lunettes plantées sur son nez. Alan lut l'heure sur l'horloge du four et poussa un grondement sourd.
-Eve ... Il est sept heures, tu es au courant de cela ?
-Je suis enceinte, mon chéri. Mon corps a sa propre horloge. (elle releva un regard brun et rieur sur son fiancé). J'ai envie de pancake. Tu peux me faire des pancakes ?
-Tu détestes les pancakes.
-Oui, mais j'ai envie d'essayer.
Alan leva les yeux au ciel et finit par céder à sa belle. Les mots « je suis enceinte » provoquèrent des espèces de fourmillement au sein de son estomac et il picora un baiser sur les lèvres d'Eve.
-Je suis presque sûr que tu profites de la situation, dit néanmoins Alan en prenant les ingrédients.
-Absolument pas, je profite de ce répit pour regarder les prix pour le Pays de Galles.
Alan fit tomber de la farine sur le sol, pris de court. Eve eut un sourire méchant.
-Dommage qu'on n'ait pas une baguette magique pour nettoyer tout cela, pas vrai ?
-Très spirituel, ma chérie. Tu ... Pourquoi tu cherches des billets pour le Pays de Galles ?
-Bien ... Tu disais que ce qui te dérangeait le plus, c'était cette histoire de magie - ce que je peux parfaitement comprendre. Mais les garçons doivent être à l'école, non ? Alors je trouve que ça serait une bonne idée d'aller voir ta mère, un week-end. Briser la glace, faire les retrouvailles, tout doucement ... Avant que les garçons ne reviennent et que le rush commence ?
Sur le papier, le plan d'Eve se tenait et était censé. Mais pourtant, entendre ça lui tordit les entrailles.
-Eve ... ça va trop vite. Moi aussi j'ai besoin de digérer tout cela ...
Il posa les yeux sur le ventre de sa fiancée, qui soupira profondément. Elle retira ses lunettes pour les pointer sur lui.
-OK, je te laisse une semaine pour t'en remettre. Après on va voir ta mère. Ça ne t'intéresse peut-être pas, mais moi je veux des détails sur la magie.
-J'en doute pas, ironisa Alan en se reprenant. Allez, tais-toi un peu que je me concentre pour vous nourrir.
Eve eut un sourire presque attendri et caressa son ventre d'un air rêveur. Alan se mit aux fourneaux, songeur. Il n'en revenait toujours pas qu'Eve ait accepté de rester avec lui, après tout les folies qu'il lui avait racontées.
Et qu'ils allaient avoir un enfant.
Après la journée qu'il venait de passer, il se sentait euphorique, sur un petit nuage. La détresse et la stupeur étaient passées. Maintenant, il était décidé à profiter. Et à arranger les choses. Il finit par servir ses pancakes à Eve et ils déjeunèrent ensemble, plaisantant légèrement. Toute la mauvaise humeur de la veille était passée. Elle se remettait même à râler et ragea contre l'un de ses clients copieusement quand la sonnette retentit dans l'appartement. Alan laissa sa fiancée à sa hargne, craignant qu'elle n'agresse le pauvre facteur si elle ouvrait la porte. Mais ce n'était pas le facteur qui se retrouvait sur leur seuil.
C'était Molly Weasley.
La jeune femme eut un sourire penaud. Elle portait toujours son long manteau et ses cheveux étaient cette fois lâchés sur ses épaules.
-Je sais que vous ne voulez sans doute plus me voir ... Mais il se trouve que j'ai oublié mon écharpe.
Alan la dévisagea un instant, hébété. Il n'aurait pas pensé la revoir si tôt. Mais à dire vrai, ça tombait assez bien. Malgré son empathie envers cette jeune femme - il n'avait pas apprécié d'être pisté, ni le fait qu'elle avait souhaité lui effacer la mémoire - il décida d'être aimable.
-Je sais. Eve demande votre parfum, d'ailleurs.
-Je doute qu'elle ne le trouve chez nous, fit valoir Molly, visiblement prise de court. Je l'ai acheté sur le Chemin de Traverse.
-Qu'est-ce que c'est ?
Molly dressa un sourcil surpris et son regard s'assombrit.
-Pourquoi ? Ça vous intéresse maintenant ?
Alan prit la remarque comme un pique glacé dans le ventre. Oui, il le méritait un peu, après tout ce qu'il avait dit la veille.
-Ma petite-amie est enceinte.
Il ne savait pas pourquoi il lui avouait cela. Sans doute parce que cela lui avait complétement retourné l'esprit. Qu'il avait besoin de s'exprimer - d'essayer de se faire comprendre. Molly parut déboussolée, mais eut assez de contenance pour lancer :
-Mes félicitations.
-Et je pense ... enfin ... que ma mère aimerait bien connaître ses petits-enfants.
Le sourire de Molly se fit plus franc, et ses yeux étincelèrent. Sans doute cernait-t-elle mieux les changements qui avaient eu lieu pendant la nuit.
-Oui, ça me paraît naturel. Ce qui veut dire ... que vous êtes prêts à nous écouter ... ?
A l'approbation d'Alan, le sourire de Molly s'élargit. Elle coinça une mèche rousse derrière son oreille.
-Vous voulez que je vous en parle maintenant ?
-Vous ne travaillez pas ?
-Nous sommes dimanche, rappela Molly avec amusement. Et les sorciers respectent le week-end. Quand je vous disais que nous n'étions pas si différent de vous ...
Alan se sentit quelque peu stupide. Et ce fut pire quand il se rappela l'entretient de la veille. Si Eve l'avait vu ainsi ... Peut-être l'aurait-elle vraiment quitté.
-Donc ? insista Molly.
Alan jeta un coup d'œil à l'intérieur. Il apercevait Eve depuis la cuisine, savourant ses pancakes et pianotant sur son téléphone. Son visage s'empourpra quand il songea à la réaction qu'elle aurait en considérant Molly. La jeune femme était assez belle en soi et Eve avait toujours détesté qu'on l'approche de trop près - c'était lourd à supporter, mais il acceptait pour la rassurer.
-Euh ... Ce n'est pas que je ne veux pas mais ... Ma petite-amie est assez jalouse.
-La mienne aussi, répliqua Molly avec un sourire amusé. J'espère que votre amie n'est pas trop jolie.
Alan dévisagea la jeune femme, qui le fixait avec des yeux étincelants. Il la considéra avec des yeux nouveaux. Rien ne laissait supposer en elle qu'elle était homosexuelle - mais rien n'indiquait non plus qu'elle était une sorcière et de toute manière de n'était pas censé être marqué sur le front. Mais cette information donnait une autre dimension à Molly, une dimension qui atténuait son coté sorcière. Cela attestait de ce qu'elle démontrait la veille : elle était normale. Il reprit alors contenance et eut un sourire sarcastique.
-Navrée pour votre copine, mais si, Eve est très jolie.
-Daphnéa fera avec, alors. Et vous lui ... avez parlé de nous ?
-Hier soir. Il ne fallait pas ?
Mais Molly secoua la tête pour le rassurer.
-Non, non, c'est très bien. Si vous avez été capable d'assumer la bizarrerie de vos frères devant elle, c'est que vous êtes en bonne voie de guérison.
-Très drôle. Bon, vous voulez rentrer ?
-Volontiers.
Alan s'effaça et Molly entra dans l'appartement avec plus de légèreté et moins de rage que la veille. Quand elle déboucha dans la cuisine, le visage d'Eve se ferma immédiatement et elle la jugea de ses yeux plissés.
-Chérie, entonna alors Alan, amusé par la cocasse situation. Je te présente la propriétaire du foulard bleu.
Le regard d'Eve ne s'adoucit pas et se fit agressif quand il se posa sur Alan. « C'est qui elle ?! » semblaient-t-ils hurler.
-La vieille Dawson, marmonna-t-elle en secouant la tête. Tu n'as définitivement aucune imagination.
-Je m'appelle Molly, en réalité, se présenta la sorcière d'un ton presque professionnel. Je travaille au Ministère de la Magie au département de la Coopération Magique Internationale, et j'ai une petite-amie Daphnéa qui est journaliste sportive. Ma petite sœur m'a demandé de retrouver Alan pour son ami Adam.
Les yeux d'Eve s'écarquillèrent à mesure qu'elle emmagasinait les informations. Elle lâcha son téléphone et son visage blêmit tellement qu'Alan était persuadé qu'elle craignait que Molly ne la change en crapaud.
-Je ..., bredouilla-t-elle, déroutée. Je suis désolée ...
-Et au cas où vous vous poserez la question, poursuivit Molly avec un sourire affable. Non, nous ne sommes pas chauves et nous n'avons pas les pieds carrés.
-Et vous ne volez pas sur des balais ? s'étonna malgré tout Eve.
Les yeux de Molly roulèrent dans leurs orbites et Alan pouffa sous cape. Ça promettait d'être un moment épique.
-Certains d'entre nous le font, mais c'est plus sportif qu'autre chose.
-Donc les balais c'est vrai !
Molly lui jeta un regard éberlué. Eve parut soudainement honteuse et se tordit les mains de gêne.
-Désolée pour l'air désagréable.
-Pas de problèmes.
Pour se racheter, Eve consentit à se lever de sa chaise pour faire un café à Molly. La sorcière récupéra son foulard et s'installa sur une chaise, les mains dignement posées sur la table. Eve posa une tasse fumante devant elle et ils s'assirent devant elle.
-Dites, commença alors l'avocate avec indécision. Euh. Alan ne m'a mis au courant pour la magie que ... y'a pas longtemps. Alors ... j'ai du mal encore à y croire. Est-ce que vous pouvez juste me faire ... Une petite démonstration ? ça m'aidera peut-être ...
-Bien sûr, accepta Molly avec amabilité. Bien, euh ... Je vais faire léviter ma tasse, d'accord ?
Eve hocha la tête et la jeune femme fouilla ses poches pour en sortir une longue baguette de bois sombre. Elle s'éclaircit la gorge et gazouilla des mots aussi ridicule qu'Alan se l'était imaginé. Pourtant, il resta cloué sur sa chaise quand la tasse s'éleva de quelques centimètres, suivant les mouvements la pointe de la baguette. Eve ouvrit de grands yeux tétanisés alors que Molly reposait tranquillement sa tasse et rangeait sa baguette.
-D'ac...cord, souffla alors l'avocate, figée. Euh ... C'est ...
Visiblement, Eve ne savait pas réellement c'était, car elle n'acheva pas sa phrase et fixa la tasse comme si elle allait s'envoler à nouveau. Alan avait vécu bien pire avec Gethin - toutes ses choses qu'il avait semblé voir avant qu'elles ne se passent - mais pourtant, cette autre forme de magie le glaça jusque la moelle. Molly parut gênée par leur malaise.
-C'est un sortilège qu'on apprend aux premières années. Gethin doit sans doute savoir le maitrisé, à l'heure qu'il est.
-Gethin c'est celui du milieu ? chuchota Eve à Alan.
-Non, le plus petit.
Molly eut un petit sourire indulgent.
-Bien. Si je peux vous être utile pour vous aider à mieux comprendre mon monde, j'en serais ravie.
-Est-ce que vous pouvez faire apparaître de l'argent ? s'enquit immédiatement Eve. J'essaie justement d'acheter des billets pour le Pays de Galles.
Alan la foudroya du regard alors que Molly souriait patiemment.
-Non, l'argent fait partie des exceptions des lois de Gamp sur la Métamorphose Elémentaire. Comme la nourriture, l'amour ou la vie.
-Et vous avez un sport où vous volez sur des balais ?
-Ça s'appelle le Quidditch. Et j'aimerais être plus précise, mais ça n'a jamais été ma passion. Il faudrait que vous parliez à Daphnéa ou à mon cousin Fred ... La seule chose que je peux vous dire c'est qu'Adam y joue à Poudlard et qu'il a fait faire une chute à ma sœur. Elle en a ragé tout l'été.
Alan esquissa un petit sourire attendri. Adam avait toujours aimé le sport : le foot, le rugby, il avait tout testé quand il était petit. Rien d'étonnant qu'il ait adopté le sport des sorciers. Molly demanda s'ils avaient d'autres questions mais ni Eve ni Alan ne savaient par où commencer. La sorcière sourit alors avec douceur.
-Bien. Je vais peut-être vous expliquer la magie en général. Ce qu'on fait, ce qu'on n'a pas le droit de faire, nos institutions. Ce sera peut-être un bon commencement, non ?
Alan acquiesça et Eve hocha vivement la tête, piquée par la curiosité. Les yeux de Molly pétillèrent.
Il était temps de s'ouvrir l'esprit.
***
Molly vint presque tous les jours, dès qu'elle rentrait du « Ministère de la Magie », leur gouvernement au sein duquel elle travaillait. Alan fut choqué d'apprendre qu'elle était la fille de l'équivalent sorcier du Premier Ministre. Les ramifications de la Communauté le fascinaient, à sa plus grande surprise. C'était plus facile d'imaginer et d'accepter une fois que l'on avait des détails qui rendaient la chose plus concrète, moins effrayante. Le lendemain de leur première discussion, Molly était revenue mais elle n'était plus seule. Un homme l'accompagnait, d'environ le même âge qu'elle - la petite vingtaine - la peau mate et les cheveux noirs attachés en catogan sur sa nuque.
-Je vous présente mon cousin Fred, l'avait-t-elle introduit avec un sourire penaud. Je vous demande d'avance d'excuser son comportement, il est assez démonstratif. Mais comme on va parler de Poudlard aujourd'hui, je me suis dit que ce serait mieux d'avoir un spécialiste.
Fred l'était effectivement, démonstratif, mais Alan apprécia immédiatement son franc parlé et son sens de l'humour. Il leur expliqua que pendant ses études, il était connu comme était le Chahuteur-en-chef de son école, mais également pour être un « grand Capitaine de Poudlard », ce à quoi sa cousine lui répondit par un long regard dubitatif. Il leur raconta ses pires frasques à Poudlard, faisant s'étrangler d'indignation Molly, qui eut l'air d'en apprendre autant qu'Alan et Eve. Fred leur vanta également les louanges d'Adam, un des meilleurs joueurs qu'il eut sous son aile - mais le sorcier avait une telle proportion à l'exagération qu'Alan ne sut s'il devait le croire. Ils les avaient alors interrogés sur leur famille, les Weasley. Ils étaient à présent très nombreux - les enfants de sept frères et sœurs - presque tous roux et très soudés. Malgré leur tableau qui faisait chaud au cœur, une ombre demeurait sur leurs visages et Molly finit par avouer à Alan en privé qu'un de leur cousin, James, était dans le coma depuis quelques semaines, conséquences d'attaques qui avaient lieu à l'école.
-Mais je ne pensais que Poudlard était dangereux ! s'étonna Alan, effaré.
-Ça ne l'est pas, habituellement, répondit tristement Molly. C'est juste que cette année ... Mais ne vous en faites pas pour vos frères, des Aurors - euh, notre police d'élite si vous voulez - sont à Poudlard et depuis il n'y plus d'attaque.
La détresse avait percé son regard - sans doute, malgré ses paroles rassurantes, s'inquiétait-t-elle pour sa propre sœur. Vu son émotion apparente, Alan préféra ne pas insister. Malgré cela, ils rirent beaucoup, ce soir là et les cousins restèrent même mangé chez eux.
Quand ils ne parlaient plus magie, Alan et Eve essayaient d'organiser leur nouvelle vie : fixer une date pour le mariage, premiers rendez-vous gynécologiques, éplucher internet pour trouver un nouvel appartement (le leur était trop petit pour un enfant) ... Cela leur fit deux jours bien vifs et chargés.
Fred revint avec Molly le mardi matin - Eve avait pris sa mâtinée et les sorciers ne travaillaient pas ce jour - et tentait désespérément de leur expliquer les règles du Quidditch.
-Mais c'est pourtant simple ! Le match se finit quand un Attrapeur attrape le Vif d'Or.
-Ce n'est pas les Poursuiveurs qui attrape ça ? se récria Eve avec un froncement de sourcil.
Fred soupira avec agacement et se tourna vers Alan :
-Dis-moi, c'est être enceinte qui la rend aussi stupide, ou bien c'est comme ça tout le temps ?
-Fred, siffla Molly en le frappant derrière la tête. Je ne t'ai pas demandé de te tenir ?
-Si tu voulais quelqu'un qui se tienne, t'avais qu'à demander à Teddy !
La sorcière abandonna son cousin avec un soupir et se réfugia dans le salon. Alan eut pitié d'elle et la suivit, laissant Eve s'échinait à comprendre le sport sorcier. Molly détaillait la pièce avec intérêt quand il la rejoignit.
-Ça doit différer de chez vous, non ?
-Beaucoup, confirma la jeune femme avec un petit sourire. Tout ce qui marche à l'électricité on ne l'a pas - ou alors différemment. Et nos photos bougent, aussi.
-Elles bougent ?
Molly opina du chef et sortit un porte-monnaie de son sac. Elle en extrait une photo qu'elle montra à Alan. Il y avait deux filles sur l'image, deux rousses qui effectivement étaient animées. Molly était reconnaissable et se tenait dignement, jetant un regard réprobateur à l'autre fille. Elle était plus petite, le visage plus mince et le nez long, mais respirait la vie avec ses grimaces et des éclats de rires qui se devinaient.
-Votre sœur ?
-Lucy, oui. Elle est intenable, elle aussi.
Alan eut un demi-sourire. Ça, il n'en doutait pas une seule seconde, cette gamine avait la malice qui se lisait sur le visage. Molly rangea la photo.
-Alors ? Vous ne regrettez pas d'apprendre à nous connaître ?
-Non, évalua Alan avec sincérité. Non, je pense que j'avais besoin de savoir. J'aurais fait une crise de conscience, un jour ou l'autre. A l'approche du mariage, etc ... Votre arrivée et celle du bébé ... On va dire que ça a accéléré le processus. Je ne dis pas que j'ai tout intégré. Je dis juste que ça m'aide à avoir les idées claires.
-C'est toujours mieux de comprendre, ça atténue la peur et l'appréhension. Eve m'a dit que vous essayez d'aller au Pays de Galles ?
Alan hocha doucement la tête. Oui, il commençait sérieusement à y songer. Depuis deux jours, il commençait à se remémorer les choses. La douceur de sa mère, le rire de Meredith, la moue boudeuse de Morgan, les histoires d'Adda, les plats de Gwen. Pour la première fois depuis cinq ans, il s'autorisait à effleurer ce vide qui s'était creusé dans son cœur depuis son départ de chez lui. Et de ce fait, il ressentait atrocement ce manque, cette perte qui saignait en lui.
Il fallait qu'il rentre chez lui.
-C'est une bonne chose, se réjouit Molly. Ce ne sera sans doute pas simple au début mais sur le long terme ...
-Oui, je sais - et c'est pour ça que je le fais. Il est temps que je répare mes tords, non ?
Molly eut un sourire penaud et hocha doucement la tête. Elle l'interrogea sur quelques objets dans la pièce et Alan s'arma de patience pour tout lui expliquer - comme elle avait dû ronger son frein en lui présentant son monde.
-C'est fascinant, souffla Molly quand il eut fini de lui expliquer le rôle de l'ordinateur. Daphnéa adorerait.
-Ça fait combien de temps que vous êtes ensemble ?
-Trois mois, presque quatre. Sa mère est une moldue alors quand elle retrouve les trucs de son enfance, elle est euphorique. Et elle aime beaucoup le foot.
-Une sainte personne.
-Une affreuseté, intervint Fred en revenant avec Eve de la cuisine. Elle m'a privée de la coupe pour ma dernière année, cette gourde. Saloperie. Non, en fait la saloperie c'était Lucy. Et Montague. Et si, quand même Daphnéa.
Molly leva des yeux désabusés au ciel. Eve annonça fièrement qu'elle avait enfin compris quelque chose au Quidditch et exigea qu'il l'emmène voir un match de son frère.
-Et la deuxième femme dont tu m'as parlé ? s'enquit alors la jeune femme. Elle ne vient plus ?
-Susan ? devina Molly. Oh, elle a énormément de travail en ce moment, avec la Loi d'Amnistie qui ne va pas tarder à être votée ... Les débats ouvrent aujourd'hui d'ailleurs, Fred ?
-J'en sais rien, répliqua vertement son cousin. Mon père déteste cette loi et moi aussi.
Molly fusilla Fred du regard, mais ne parut pas vouloir entrer dans la polémique sans y parvenir.
-Pour la millième fois, Freddy, Rookwood restera bien au chaud derrière les barreaux, cingla-t-elle avant de se tourner vers Alan avec un sourire. En tout cas, j'ai quand même parlé à Susan de nos réunions, poursuivit-t-elle néanmoins. Et elle est très contente.
Alan fut soulagé d'entendre cela. La déception qu'il avait lue dans les yeux de Susan le jour de leur seule rencontre l'avait blessé et il était heureux de redorer son blason auprès d'elle. Ils s'assirent dans le salon avec l'intention de boire l'apéritif et Fred leur sortit fièrement l'une de leurs spécialités sorcières, la « bière au beurre » - comment avaient-ils pu décemment faire une bière au beurre ? Eve eut un sourire malicieux.
-Bien, puisque j'ai fait l'effort de comprendre les règles du Quidditch ... Fred, laisse-moi te rendre la pareille ! Tu as déjà entendu parlé du foot ?
Molly parut désespérée d'avance et Alan éclata de rire devant une Eve enthousiaste de les inviter au dîner pour regarder un match de Premier League au soir. Fred était déjà en train de négocier son départ quand on toqua à la porte. Eve alla ouvrir et ramena derrière elle, pour leur plus grande stupeur, Susan Finnigan.
-Ah Molly, tu es là, constata-t-elle avec crispation. Je ne m'y attendais pas.
-Je te l'ai dis pourtant, s'étonna Molly en se levant. Tu dois avoir l'esprit agité avec la loi ...
Agitée, Susan avait l'air de l'être tout particulièrement. Ses doigts tripotaient son sac à main avec nervosité et ses yeux détaillaient la pièce sans jamais se poser nul part. Alan dressa un sourcil, perplexe.
-Vous allez bien, Mrs. Finnigan ?
Susan le scruta un instant, se mordant la lèvre inférieure. Eve l'interrogea du regard, mais Alan ne put qu'hausser les épaules. Puis la sorcière soupira profondément :
-Je ne pense pas que c'est utile de vous le cacher ... (Elle posa des yeux résolus sur Fred et Molly). Ils ont enfin trouvé un antidote.
Les deux cousins ne réagirent pas dans un premier temps. Puis Molly plaqua brutalement ses mains sur sa bouche, les yeux brillant et Fred poussa un cri de victoire en sautant du canapé. Son euphorie était telle qu'il prit la première chose qui se trouvait sous sa main - en l'occurrence, Eve - et la souleva de terre pour plaquer un baiser sur sa joie, comme si c'était de son fait. L'avocate jeta un nouveau regard déboussolé à Alan, mais son fiancé était tout aussi perdu qu'elle.
-Donc ... Donc ils vont soigner James ? haleta Molly, les larmes aux yeux.
Susan se dandina, passant d'un pied à l'autre et finit par lâcher :
-Cela a été testé sur James. Et c'est parce que ça marche qu'on sait que l'antidote est viable.
Alan comprit alors que cela concernait ces affaires d'agression à Poudlard. Il sentit son cœur s'envolait de soulagement. Quoiqu'il arrivait, si ça arrivait à ses frères, ils seraient sauvés.
-Mais c'est une formidable nouvelle ! s'écria Fred, surexcité. Quand est-ce qu'on peut aller le voir ?
-Pourquoi vous faites cette tête, alors ? s'enquit Molly au même moment.
-Il faut que j'aille voir tante Hermione pour l'embrasser, là !
-Hermione n'a rien à voir là dedans, finit par avouer Susan. Ce sont des élèves qui ont trouvé l'antidote.
Un silence s'abattit alors sur le salon. Eve continuait de chercher le regard d'Alan. « Mais de quoi ils parlent ? » articulait-t-elle silencieusement. « Je t'expliquerais », tenta de lui répondre son fiancé. Puis après un instant de silence pesant, Molly finit par lâcher en toute brutalité :
-Je vais la tuer.
-Ce n'est peut-être pas ..., voulut dire Fred.
-Si, bien sûr que si c'est elle ! (Molly se leva de frustration et se mit à faire les cents pas devant le canapé). Par le caleçon de Merlin, elle fait tout de travers depuis le début d'année, qu'est-ce qui lui prend ?!
-C'est elle ? demanda Fred à Susan, qui lui servit un regard éloquent. D'accord, c'est elle. Bien dans ces cas là, elle vient de sauver James alors je ne crois pas que tu puisses lui en vouloir pour ...
-D'abord il y a eu ce qu'il s'est passé sur le terrain de Quidditch ! cria Molly, visiblement hors d'elle. Et James qu'elle découvre ! Elle me fait ensuite le coup du dragon dans Poudlard, puis elle va jouer les héroïnes en allant sauver une gamine dans son dortoir inondé ! Et maintenant elle risque le renvoi !
-Avoue que c'est moins pire que le dragon, le renvoi ...
Mais cela ne parut pas calmer Molly, qui passa ses mains dans ses cheveux avec hargne. Eve se rapprocha discrètement d'Alan et lui glissa :
-Des dragons, des inondations dans les dortoirs ... Chouette école, Poudlard.
C'était précisément ce à quoi était en train de penser Alan. Il avait deviné que « elle » contre qui la sorcière était si en colère était sa petite sœur, encore à Poudlard. Susan leva les mains au ciel pour apaiser les tensions et précisa :
-Il n'y pas que Lucy, Molly. Ils étaient cinq, de ce que la directrice m'expliquait dans sa lettre.
-Luke Zabini, devina immédiatement Fred. Lucy ne saurait pas faire un coup sans lui.
-Lysander, ajouta Molly en s'efforçant de rester calme. Si elle a fait un antidote - non mais je vous jure ... Bref. Ça me paraît impensable qu'elle n'ait pas associé Lysander.
-C'est qui, les deux autres ?
Susan se mordit la lèvre.
-Shannon. Ça explique pourquoi elles trainent ensemble maintenant alors que je n'ai pas entendu parler de Lucy en quatre ans.
-Oh par Merlin ..., gémit Molly. Susan, je suis désolée que ma sœur ait mêlé votre fille à ça ...
-Shannon est grande, elle sait prendre ses propres décisions. Elle aurait pu refuser. Quant au cinquième ... C'est la raison de ma venue, à vrai dire. C'est Adam.
Alan s'en était douté, dès que Susan avait avoué qu'ils avaient été cinq dans la confection de l'antidote. Il devinait facilement, à la gêne de Susan et la fureur de Molly, que ce qu'ils avaient fait n'étaient pas franchement autorisé par le règlement intérieur de l'école. Les yeux de Susan tombèrent sur lui et Alan lui renvoya un regard dérouté.
-Je pars pour Poudlard, expliqua-t-elle alors en prenant place sur le fauteuil, près de lui. La directrice, Minerva McGonagall, à demander à voir les parents pour expliquer ce qu'il s'est passé. Je ne sais pas si Molly vous a parlé du contexte actuel à Poudlard ...
-Vaguement. Des attaques, un cousin agressé ?
-Trois personnes, en réalité, sans lien apparent. L'enquête piétine, et personne n'arrivait à trouver d'antidote au poison qui mettait les garçons dans cet état.
-Mais ils ont réussi à trouver un antidote, comprit Alan avec un hochement de tête. Une bande de gosse qui a surement allégrement transgresser le règlement. Donc ils convoquent les parents pour une sorte de conseil de discipline, jusque là je pige. En quoi ça me concerne ?
Car il était clair maintenant qu'elle était venue pour lui. Pour lui parler d'Adam. Les doigts de Susan se tordirent un peu plus quand elle entonna :
-Je sais que ce serait beaucoup vous demander ... Enfin si nous avions un autre choix, je ... Minerva savait que j'avais commencé des recherches sur votre famille et m'a demandé d'aller prévenir votre mère - pour les moldus, on préfère envoyer quelqu'un plutôt qu'une lettre. Mais votre mère est malade. Oh ce n'est rien de grave, le rassura-t-elle quand il ouvrit des yeux paniqués. Vos grands-parents s'occupent d'elle, mais elle ne peut pas se déplacer, elle est coulée au lit. Elle m'a dit d'aller chercher sa fille, votre sœur, mais là encore ... Mrs. Barry - car elle s'est mariée, vous l'avez su ? - était débordée à son travail, et quand je suis arrivée vers elle, elle m'a beuglé d'aller voir quelqu'un d'autre, qu'elle n'avait pas le temps. (Susan secoua la tête). Les hôpitaux moldus ... C'est à la limite de l'inhumain, autant pour les patients que pour le personnel.
-Vous voulez que je vienne avec vous ? saisit Alan avec stupeur. Que je vienne avec vous dans cette école et que je représente mon frère que je n'ai pas vu depuis cinq ans ?
Susan parut comprendre l'absurdité de la situation. Pourtant, elle hocha la tête.
-Oui, Mr. Donovan. C'est à peu près cela.
Alan n'en croyait pas ses oreilles. Il faisait des efforts pour un jour reprendre un contact avec sa famille, mais ... Il n'était pas prêt. Il ne se sentait déjà pas encore armé pour revoir sa mère, alors Adam ... Et Gethin, réalisa-t-il soudain. Parce que je ne peux pas aller là-bas sans voir Gethin.
-Je ne sais pas ... Mrs. Finnigan, ça va trop vite, je ...
-Je sais que vous avez juste commencé à vous ouvrir à notre monde, le coupa Susan. Et c'est admirable. Mais il faut un adulte présent pour représenter Adam. Je ne dis pas que ce sera facile ...
-Lui ? douta alors Molly. Face aux Zabini ?
-C'est justement ce qui me fait peur, avoua Susan avant de se tourner vers Alan. Il y a des courants assez ... anti-moldu, au sein des sorciers. Ils ne sont pas dominants, loin de là, mais ils existent. La famille Zabini fait parti de ce mouvement et sera sans doute hostile ...
Comme c'est rassurant ...
-Mais vous êtes la troisième personne à demander en cas d'urgence, si les circonstances l'exigent, lui apprit alors Susan avec un pauvre sourire. Et oui, même après votre départ, votre mère vous a mis sur cette liste qu'elle a confié à Poudlard. Et de toute manière, vous être le seul autre adulte qui puisse vous présenter ...
-Mes grands-parents ? tenta Alan avec la force du désespoir. Grand-père serait comme un gosse à Poudlard ...
-Ils s'occupent de votre mère, lui rappela Susan. Et ils sont âgés ... Je ne préfère pas prendre le risque de confronter de vieilles personnes moldues à la magie. Vous n'êtes pas obligé d'accepter, je peux toujours aller kidnapper Mrs. Barry à l'hôpital ...
Meredith la tuerait sans doute pour cet affront - elle était réellement du genre fougueuse, dans les souvenirs d'Alan. Il aurait voulu éviter cette peine à Susan, sincèrement. Mais la perspective d'aller à Poudlard revoir ses deux frères - qui devaient cordialement le haïr - le clouait sur place et lui glaçait les veines. Il crut qu'il allait faire une véritable crise de panique, acculé de toute part, quand la voix d'Eve emplit l'espace :
-Il faut que tu y ailles, Alan.
Il la dévisagea avec de grand yeux, un regard qui devait être (à sa plus grande honte) dominé par l'effroi. Eve ne sourcilla pas et posa distraitement la main sur son ventre. Sur leur enfant.
-Ton frère a besoin de toi, déclara-t-elle avec fermeté. Et laisse-moi te rappeler que si ce n'est pas toi, ni ta sœur, ni ta mère, on serait capable d'aller chercher ton père.
Alan ne dit rien, mais il savait que c'était impossible, pour la simple et bonne raison que son père était derrière les barreaux depuis trois ans pour avoir tué quelqu'un. D'après la lettre qu'il avait reçue de son avocat, il était alcoolisé au volant et n'avait pas vu la personne découcher sur le passage piéton. Cet enfoiré avait eu le culot de lui demander de venir à la barre prendre sa défense. Il avait brulé la lettre sans en parler à personne, pas même à Eve. Laquelle poursuivit sa plaidoirie avec la ferveur de l'avocate :
-De toute manière, ça allait bien arriver un jour, cette rencontre. Je sais que ça paraît tôt mais dis-toi que ... c'est comme arracher un pansement. Ça va faire mal sur le coup, mais une fois que ce sera fait, tu seras tranquille. Tes frères t'en veulent peut-être, c'est vrai et qui pourraient les blâmer ? Mais si tu fais ça pour eux, que c'est toi qui vas vers eux ... Alan, ça pourrait bien se passer. En plus avec les cours intensifs sur le monde magique que tu suis depuis deux jours, tu baignes dedans. Tu pourras les comprendre et peut-être que tu pourras aussi te faire comprendre. De toute façon, il faut bien que tu te jettes à l'eau un jour ou l'autre.
Alan la dévisagea, les yeux écarquillés. Il était terrifié à l'idée de revoir ses frères, de subir leurs yeux accusateurs posés sur lui, d'être inondé de leurs reproche. Non, il n'était pas prêt à cela.
Mais en même temps, le serait-il un jour ?
Ses yeux se posèrent sur la photo de sa famille, qu'Eve avait encadrée et posée sur un meuble. Les yeux d'espoir de ses frères le fixaient, figés. Alan pensa à tout ce qu'il avait appris ses derniers jours, à toutes ses choses qui s'étaient passées et qu'il avait raté, et à toutes celles qui venaient et qu'il refusait de ne pas voir, à la curiosité qui le rongeait de voir comme toute sa famille avait évoluée. Ça le rongeait : il fallait qu'il les voit.
Mais il avait peur de les voir.
Il chercha la réponse dans le regard intraitable d'Eve. Dans ses yeux chocolat il lut ses inquiétudes et ses espoirs. Sa main était toujours crispée sur son ventre.
C'est comme arracher un pansement. C'est comme arracher un pansement...
Sans savoir ce qu'il faisait, sur pilotage automatique, il hocha doucement la tête. Oui. Oui, il allait à Poudlard voir Adam. Et sans doute Gethin.
Susan soupira de soulagement et frappa une fois dans ses mains.
-Parfait. Merci beaucoup, Alan, merci pour eux ...
-Tu es sûr ? s'enquit Molly, soucieuse. Les Zabini ne seront vraiment pas faciles, ils ...
-Ils ne seront pas pires que mon père.
-Euh ...
Molly se tut, mais son silence parut éloquent à Alan. Il dressa un sourcil, interloqué, le cœur battant à la chamade.
-Lucy m'a toujours dis qu'elle soupçonnait des sortes de violences chez eux, admit alors Molly dans un filet de voix. Donc bon ...
-Oh génial ... Vous en avez encore d'autres, comme ça ?
-Bien ... La mère de Lysander - si elle est là. Elle est bizarre, ne faites pas attention et si elle vous parle de Ronflaks Cornus, ne répondez pas. Au fait ... (elle se tourna vers Susan avec un froncement de sourcils). Je dois venir aussi ? Pour Lucy ...
-Inutile, ton père se déplace.
Un air de profonde stupeur se peignit sur le visage de Molly. Alan se souvint que leur père était le Premier Ministre moldu et il s'imaginait son propre chef de gouvernement se déplacer lui-même pour les frasques de ses enfants. Hautement incongru.
Pas autant que se déplacer pour des frères qu'il n'avait pas vu depuis cinq ans.
Alan attrapa sa béquille et se leva avec difficulté, prétextant qu'il allait chercher ses affaires. Arrivé dans sa chambre, il s'écroula sur son lit, le visage entre ses mains. Ce fut ainsi qu'Eve le trouva un instant plus tard, toujours prostré. Elle le prit doucement entre ses bras et embrassa ses cheveux avec douceur.
-Mais qu'est-ce que je fais ? gémit-t-il en se blottissant contre sa fiancée.
-Quelque chose de bien, lui assura-t-elle en le caressant doucement. Ça ne sera pas facile, mais il faut que tu le fasses ...
Alan expira profondément pour se calmer. Eve le serra un peu plus fort.
-Moi je suis fière de toi. (elle prit sa main pour la poser sur son ventre). On est fiers de toi.
Alan eut un petit sourire et Eve l'embrassa doucement pour lui insuffler du courage. Il finit par avoir la force de se lever, de prendre ses papiers d'identités et de mettre son menton. Son cœur s'emballait sous le coup l'appréhension. Quand ils sortirent de la chambre, Alan fut surpris de voir que Fred et Molly s'étaient rhabillés et s'insurgeaient contre Susan : celle-ci ne voulaient pas qu'ils les accompagnent quand les cousins souhaitaient se rendre à Poudlard (pour voir James ou tuer Lucy, le suspens était entier). Susan finit par céder devant leur air buté et ils s'empressèrent de s'excuser à Eve. Celle-ci gratifia son fiancé d'un sourire rassurant.
-Ne t'en fais pas, je vais allez voir ma mère. Il faut bien que je lui dise que je vais avoir un bébé avec son athée de beau-fils.
-Vous allez avoir un bébé ? se récria Susan, un immense sourire retroussant ses lèvres. Toutes mes félicitations !
Eve en rougit quand la sorcière l'enlaça pour la congratuler. Puis elle se tourna vers Alan avec une mine plus sérieuse.
-Vous êtes prêt, Mr. Donovan ? Bien, ajouta-t-elle quand il eut acquiescé. Molly vous a expliqué ce qu'était le transplanage ?
-Vaguement, oui. C'est de la téléportation, en fait ?
-On va dire ça. Et bien nous allons vous faire transplaner. Il se peut que vous ne vous sentiez pas bien pendant l'opération mais n'ayez nulle honte, c'est normal. Nous atterrirons près de Poudlard.
-La directrice c'est Minerva McGonagall, précisa Molly. Appelez là « Madame » ou « Professeur ».
-Faites attention à Peeves, l'esprit frappeur, enchérit Fred avec un sourire de coin. La dernière fois que ma mère est venue pour une de mes conneries, il lui a balancé une bouteille d'encre dessus.
-Dites donc, vous, vous ne tentez pas de lui faire peur, par hasard ?
-Non, répondirent les cousins en un ensemble harmonieux.
Alan eut un sourire indulgent. Bien au contraire, les babillages et les soins de Molly et Fred lui faisaient chaud au cœur. Il y avait longtemps qu'on ne s'était pas intéressé à ce qu'il ressentait, qu'on n'avait pas tenté de le protéger, lui. Susan lui prit doucement le bras.
-Vous êtes prêt ?
-Oui, répondit-t-il fermement. Allons-y.
Susan sourit tranquillement, et salua Eve. Alan contempla un instant son petit ange aux cheveux bruns et aux yeux rieurs et leva la main pour lui dire au revoir. Il y eut juste le temps de voir Eve lever la sienne avant que le décors ne s'efface et qu'il ne se sente aspirer dans un tourbillon de magie et s'étrangeté.
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