Chapitre 29 : Une vie de cousine




Bonjour à tous !

Nouveau chapitre ! Au programme, un peu de Quidditch (pas encore les matchs, navrée), des réconciliations, et des disputes ! J'attends toujours vos réactions :)

J'ai remarqué que le nombre de vote avait baissé de moitié depuis la fin des chapitres au Pays de Galles, il y a quelque chose qui vous dérange, ou ces justes que les chapitres chez Adam étaient vraiment mieux?

Ah et encore un grand merci à Annabethfan pour la couverture ! <3 (Vous n'avez toujours pas été lire Au Temps des Maraudeurs? Qu'est-ce que vous attendez?)

Bonne lecture à tous !


Chapitre 29 : Une vie de Cousine.

-C'est pas comme ça qu'on va écraser Gryffondor, bougonna Oxlade.

Il était penché sur la caisse des balles de Quidditch, se débattant avec un cognard qui refusait d'y rentrer. Autour de lui, une Eléonore pleine de boue ramenait le souafle et Henry se faisait soigner sur un bout du terrain par Luke, qui était venu assisté à l'entrainement. Aa avait été épouvantable. Pourtant, un immense sourire fendait le visage de Leroy Oxlade.

-Pourtant ça devrait être facile ... Avec Potter qui est à l'infirmerie et la moitié de l'équipe paralysée par le chagrin ...

Lucy ferma les poings en entendant ça, et ouvrit la bouche pour répliquer quelque chose de bien cinglant, mais Marcus Montague la devança :

-Arrête avec ça. Non seulement parce que ça paralyse aussi notre équipe, et que je refuse d'avoir une victoire mutilée, mais aussi parce que la situation est bien assez triste comme ça. Je te rappelle qu'Alexandre Wallace est dans le même état que James Potter.

Oxlade lança un regard torve, mais également gêné à son aîné, avant de se remettre à se débattre avec le cognard récalcitrant. Lucy se rapprocha de Montagne et lui mit une main sur le bras. Les yeux clairs du Poursuiveur se posèrent sur elle.

-Désolée pour cette séance, murmura-t-elle, pour que personne de l'entende. C'était vraiment atroce ... Je comprendrais que tu veuilles reprendre le brassard.

Montague la sonda un instant, impassible. Lucy sentit la pression monter en elle de façon incontrôlée. Elle ne savait pas ce qui s'était passé, mais cette séance avait été un désastre. Ses passes étaient d'une imprécision inacceptable, et elle avait été d'humeur tellement nerveuse que cela avait déteint sur l'équipe : Mark Ashon, son batteur, avait fini par envoyer un cognard sur Henry, de frustration quand sa Capitaine lui avait répété une fois de plus, d'une voix criarde et désagréable, même à ses propres oreilles, de bien tenir sa batte. C'était Montague qui avait fini par mettre fin à cette épreuve après qu'Henry ait commencé à saigner abondement du nez et que Mark ne pique une véritable crise de nerf. Il avait alors accordé à Lucy un long regard pénétrant qui l'avait faite frissonnée d'effroi. Elle attendit donc le verdict de l'ancien Capitaine, trépignant devant son regard insondable. Puis, finalement, il lâcha un mot pour le moins surprenant :

-Non.

Lucy releva la tête sur son coéquipier, surprise de cette courte réponse. Les yeux de Montague étaient bien moins glacés qu'elle ne croyait. Bien au contraire, un sourire retroussa ses lèvres et vint réchauffer son regard.

-Tu es une bonne capitaine, Weasley. Ces gars, c'est toi qui les as choisi. Bon, pas Will - je garde l'honneur d'être celui qui l'a inclus dans l'équipe ... Mais tu as dégoté un super gardien, et t'as réussi à me faire revenir. Ashon s'améliore de jour en jour. On est sans doute la meilleure équipe de Poudlard actuellement, et ça c'est en grande partie grâce à toi. Tu as redonné de l'honneur à cette équipe, et ils te suivront toi - même Oxlade, c'est dire. Tu es dans une mauvaise passe, on l'est tous. Mais depuis qu'on a repris les entrainements, c'est la seule séance qui se passe vraiment mal, et dans le contexte actuel, je pense qu'on peut s'en féliciter. (Il donna une tape dans l'épaule de Lucy) Alors ne démissionne pas maintenant. On a besoin de toi pour soulever la coupe.

Lucy dût faire un effort incommensurable pour ne pas lui sauter au cou, tant les paroles de Marcus Montague la touchait. Lui, qui avait d'abord refusé de la voir dans l'équipe de Serpentard, qui avait passé les premiers mois de leur collaboration à la regarder de travers, qui l'avait tant intimider ses années durant ... A présent, il se mettait naturellement sous le commandement de Lucy et la regardait avec un sourire qu'elle pensait réservé à Norie. Lucy refoula son émotion pour articuler :

-Tu es quelqu'un de bien, Marcus. Norie a vraiment de la chance.

Montague dressa un sourcil, surpris par l'utilisation de son prénom. Ça devait être la première fois que Lucy le prononçait.

-Merci Lucy. Malheureusement, je ne peux pas te retourner le compliment parce que je continue de penser que tu as un caractère épouvantable et que tu dois donner des cheveux blancs à Scampers.

-Je me disais bien que la séance émotion ne pouvait pas durer, railla Lucy en se détendant, rassurée par les mots de son ami. Et du reste, tu es aussi gelé que le souffle d'un Détraqueur, alors je n'ai pas de leçon de caractère à recevoir de toi.

Montague ouvrit la bouche pour répliquer, mais avant qu'il ne puisse le faire, Eléonore avait passé un bras sous le sien et souriant d'un air espiègle à Lucy.

-Mais je peux t'assurer que ses baisers sont bien meilleurs, plaisanta-t-elle, faisant rosir les joues de son petit-ami. Vous devenez enfin ami, c'est bien !

-N'exagère pas, Norie, marmonna Montague, l'œil néanmoins amusé. Je disais juste à Weasley que si on ne gagnait pas la coupe, je la jetais très personnellement dans le Lac Noir.

-Oh Marcus ! déclama Will en arrivant de l'autre coté de Montague. Montre nous ce que tu ressens, sinon je vais croire que ton cœur est aussi velu que celui du conte*.

-Beurk, marmonna Eléonore en fronçant le nez. Pas mon conte préféré.

-De toute façon vous avez tous loupé votre enfance, bande de Sang-Pur incultes, marmonna Will en plissant ses yeux. Je suis sûr que personne ne connaît Pokémon.

-Si ! répondit fièrement Lucy en levant la main comme à l'école.

-Je vois. Rappelle-moi de remercier Adam de pallier à ce manque béant de ta culture.

-McColley, soupira Montague. Par pitié, la ferme.

-Quoi ? La fermer ? Pourquoi je ferais ça ?

-C'est toi qui l'a introduit dans l'équipe, rappela Lucy avec malice alors qu'ils retournaient dans les vestiaires, Will babillant toujours derrière eux.

Montague leva les yeux au ciel, comme s'il regrettait son geste fait près de deux ans plus tôt et Lucy pouffa sous cape. Ils se vêtirent tous et retournèrent à la Grande Salle où un dîner mérité les attendait. Luke, qui était resté avec Henry, finit par agripper le bras de Lucy et de laisser son meilleur ami parler films moldus avec Will. Il attendit que les garçons soient à distance acceptable pour entonner :

-Pré-au-Lard demain. Tu vas parler à ta sœur ?

-Oui, répondit Lucy à voix basse. Molly vient, elle me l'a dit hier, et j'ai réussi à convaincre Lysander et Lorcan de me laisser un peu seule avec elle. J'arriverais peut être à craquer quelques informations, mais je ne garantis rien.

-Ce sera toujours ça, soupira Luke en hochant la tête.

-Et de ton coté, tu trouves des infos sur Campbell ? C'est bien cette Pénélope Deauclaire ?

Luke haussa les épaules avec frustration, mais ajouta qu'il avait une piste, qu'il vérifierait en allant avec Pré-au-Lard. Lucy se retint de l'interroger plus encore, mais l'envie de lui manquait pas. Luke ne révélait une information que lorsqu'il était sûr d'elle. Mais la fatigue la submergeait après son entrainement et elle n'avait pas la force de se battre avec son meilleur ami. Ils entrèrent dans le Hall, et tous les membres de l'équipe de Serpentard s'engouffrèrent dans la Grande Salle, couverts de boue, mais la faim les tenaillant. Cependant, quelque chose figea les préfets de Serpentard à l'entrée. Celle d'un Lysander Scamander, sautillant comme un enfant, devant une Shannon Finnigan visiblement excédée. Lucy et Luke échangèrent un regard équivoque, et rejoignirent à grands pas leurs alliés de fortune. Lysander fut le premier à les voir et se précipita vers Lucy pour la secouer comme un prunier.

-Lucette ! C'est extraordinaire, nous avons une nouvelle extraordinaire, je suis un génie, c'est splendide !

-Lys lâche-moi, je vois flou !

-Oups, pardon. C'était pour chasser les ...

Mais le grognement parfaitement audible de Luke l'empêcha de révéler de quoi il avait sauver Lucy. La jeune fille se tourna vers Shannon, une fois sa tête stabiliser, la mine interrogatrice. Le visage de la Poufsouffle n'était pas aussi réjouie que celui du Préfet-en-Chef.

-La décoction est presque terminée, révéla alors Shannon, faisant naitre un sourire sur le visage des Serpentards. Mais je ne trouve pas que ce soit extraordinaire. Je veux bien admettre que ... Lysander est un génie, mais pour le coup je ne trouve pas ça extraordinaire.

-Tu nous sous-estimes, Shannon, exalta Lysander avec un sourire de dément. C'est faisable !

-Qu'est-ce qui est faisable ?

Shannon et Lysander échangèrent un regard et la jeune fille entonna, la mine toujours défaite :

-On a réussi à trouver tous les ingrédients de l'antidote. Notamment grâce aux notes qu'avait déjà pris Lysander. Le problème, c'est qu'une grande partie nous est inaccessible, et je ne suis même pas certaine que Campbell en ait dans sa réserve.

-Si tu penses à la coquille d'œuf de Serpencendre, j'en fais mon affaire, affirma Lysander.

-Les feuilles de Mandragore ?

-Trop facile.

-Les larmes de Demiguise ? Sans doute ton idée la plus brillante, mais la moins réalisable ...

-J'en fais mon affaire, je te dis, répéta Lysander, cette fois nettement plus agacé. Fais-moi confiance, préparatrice, tu auras tout tes ingrédients quand tu les demanderas.

Luke eut un sourire satisfait en entendant les paroles du Préfet-en-Chef, mais Shannon demeurait sceptique et Lucy plissa immédiatement les yeux, suspicieuse. La certitude de son cousin n'était pas de bon augure.

-Lys. Qu'est ce que tu as encore fait ?

-Mais rien ! s'agaça Lysander en remontant ses lunettes sur son nez. Je vois ma mère demain sur Pré-au-Lard, elle me ramènera tout ça. Elle aime bien que je fasse des expériences.

-Et le venin d'Acromentule ? s'enquit Shannon, un sourcil dressé. On n'a toujours pas de réponse pour ça.

-J'y réfléchis encore, admit Lysander. Mais je crois que j'ai une idée. Viens que je t'en parle, on va aller finir la décoction. A plus.

-Je te préviens, souffla Luke à l'oreille de Lucy alors que leurs alliés s'éloignaient. Si son idée implique des héliopathes, j'abandonne.

Lucy laissa un sourire flotter sur ses lèvres, mais intérieurement, elle n'était pas sereine. Elle avait une entière confiance en les capacités de Lysander. Mais un peu moins en ce qui concernait sa façon d'atteindre ses objectifs. Il n'avait pas l'habitude de la clandestinité et du mensonge. Elle voulut suivre Luke jusque la table des Serpentards mais son regard fut capté par Adam, à la table des Gryffondor. Il était au bout de la table, penchée sur quelque chose, et, chose rare, seul. Il était toujours accompagné soit de Roxanne, soit de Daniel Chambers. Elle laissa Luke s'éloigner seul et bifurqua vers son petit-ami, intriguée. Adam eut un léger sourire quand elle vint s'asseoir en face de lui.

-Parfait, je devais venir te voir, apprécia-t-il en lui tendant ce qu'il avait dans les mains. Tiens, des nouvelles de chez moi.

-Tu as reçu une lettre ? Morgan ne s'est toujours pas faites viré de son école ? se moqua Lucy en prenant le morceau de papier.

Mais ce n'était pas une lettre. C'était des photos, en couleurs et figées. La première représentait tous les enfants Scampers, jouant au foot, sur les hauteurs du village, avec en fond Meredith et Lucy sur un banc. Lucy releva les yeux sur Adam, un sourire incertain aux lèvres.

-C'est les photos des vacances ?

-Ma mère en a pris certaines, Morgan aussi, confirma-t-il avec un sourire énigmatique. Tu vas adorer la dernière.

-Tu me fais peur Scampers.

Elle observa les photos les unes après les autres : le match à Anfield avec Adda, la recherche des œufs de Pâques et la naissance du fils de Meredith, Arthur. Elle s'attarda un instant sur une belle photo d'Adam, ému, tenant son filleul dans ses bras, avant de passer à la dernière. Elle poussa un grognement digne de Luke Zabini et Adam esquissa un sourire.

-Je savais qu'elle allait te plaire.

-Morgan va finir dans le Lac Noir.

C'était une photo d'Adam et elle en train de s'embrasser, sur le terrain de foot. C'était sans doute le dernier jour et elle dut admettre que la photo était belle en soi. Elle voulut les rendre à Adam, mais il secoua la tête.

-C'est ton jeu. Ils les ont développé en double pour que tu puisses en avoir.

-C'est gentil, souffla-t-elle, touchée. Tu les remercieras de ma part. Comment ils vont ?

Adam résuma ce qu'il avait reçu dans sa lettre : non, Morgan ne s'était pas encore faites virée mais s'était tout de même ramenée en jean et basket au lieu de son uniforme à l'école. Meredith avait repris le travail il y avait peu, et le petit Arthur avait l'air d'être un bébé paisible et adorable, le petit Adam qu'avait rêvé sa mère. Lucy souriait, ravie d'avoir des nouvelles de la famille à laquelle elle s'était si attachée. Mais après avoir fait son rapport, Adam rompit la nostalgie en demandant :

-Tu as vu Shannon ?

-Ouaip, répondit Lucy, un peu déçue de ne pas rester sur le Pays de Galles. Je suis inquiète pour Lys, mais sinon c'est une bonne nouvelle. Et toi ? Où est Roxanne ?

-Montée. Enfin, pas descendue pour être exact. Je crois qu'elle est un peu fâchée contre moi.

Lucy dressa un sourcils, surprise. Roxanne n'avait de cesse de répéter qu'il était impossible d'en vouloir à Adam, tant il avait un minois d'ange.

-Tu as vraiment dû faire quelque chose d'affreux, plaisanta-t-elle.

-Pourtant non. C'est juste que avec Lizzie on a été réservé le terrain de Quidditch pour demain.

Les sourcils de Lucy se froncèrent, pour plein de raisons différentes. Premièrement, elle ne voyait pas en quoi une séance de Quidditch pouvait fâcher Roxanne. Secondement, elle était étonnée de la nouvelle en elle-même, car de ce qu'elle savait, les Gryffondors n'avaient pas fait le moindre entrainement de Quidditch depuis l'agression de James. Et enfin, la dernière choses : demain, c'était Pré-au-Lard. Lucy eut un sourire sarcastique.

-Ne me dis pas que voir ma sœur t'angoissait à ce point là ?

Adam eut un petit sourire gêné et passa sa main sur sa nuque.

-Non. Enfin ... j'ai déjà vu Molly une fois, elle avait l'air gentille. Ce n'est vraiment pas cette question là. Si j'avais pu le faire à un autre moment, je l'aurais fait. Mais on en a discuté hier avec Lizzie : on a vraiment trop de retard. On joue la coupe, et on a perdu tout notre sérieux. Alors je sais que James ... n'est plus là. Mais je pense que s'il avait été là, on aurait eu un gros coup de pied au derrière. Je suis sûr que de là où il est, il espère qu'on s'entraine comme des dingues pour vous écraser.

Il jeta un regard indécis à Lucy, comme s'il attendait d'elle qu'elle confirme ses dires, qu'elle le rassure. La jeune fille avala la bile qui lui montait à la gorge. L'idée de voir une équipe de Gryffondor sans James avait quelque chose de glaçant mais elle s'efforça de sourire.

-Evidemment qu'il voudrait que vous nous écrasiez. Pour James, le Quidditch passait avant tout. Vous avez raison d'avancer. Je veux une vraie finale de Quidditch, avec ou sans mon cousin.

Les mots lui étaient arraché de la bouche et lui écorchaient les lèvres, mais elle se força à les prononcer car Adam avait raison. Il ne fallait pas s'arrêter de vivre. Le jeune homme sourit avec soulagement.

-Oui. C'est ce qu'on se disait avec Lizzie. On a essayé d'en parler à Roxanne et au début elle semblait respective ... jusqu'à qu'on parle de faire des essaies pour les Attrapeurs. Oui, ricana-t-il en avisant la mine profondément choquée de Lucy. Elle a peu près fait cette tête là, mais on n'est pas assuré que James soit sur pied pour la finale alors ...

-Non, articula difficilement Lucy, la bouche sèche. Non, vous avez raison, c'est juste que ... Je peux comprendre que ça lui fasse un choc. Que ... ça la rebute.

-Rebuter, c'est un faible mot. Elle nous a hurlé dessus en pleine Salle Commune. Elle disait ... des choses assez horribles en fait, compte-tenu des risques que je prends pour le faire revenir, justement. Lizzie et elle se sont disputés très fort et je pense que ce qui a achevé Roxanne c'est quand Louis et surtout Albus se sont mis de notre coté. Après ça elle est montée dans sa chambre et elle n'en est plus descendue. Daniel est avec elle, là, il essaie de la convaincre. On ne dirait pas, mais il a une bonne influence sur elle.

Lucy hocha la tête sans dire un mot. Elle comprenait un peu la réaction de sa cousine, mais elle comprenait aussi la démarche d'Adam. Il ne fallait que la vie se suspende le temps que James revienne. Son regard glissa vers la table des Serdaigles, où Jina n'était toujours pas parue. Que dirait-elle, elle, quand elle verrait qu'on avait remplacé son petit-ami ?

-Ne t'en fais pas pour Roxanne. Elle sera énervée encore ce soir, mais elle va se calmer. S'il y a bien quelqu'un qui a envie de vivre, c'est elle. Et puis, tu as eu l'accord le plus important : si Albus est d'accord pour rejouer, alors pas de soucis, tu peux rejouer. Qui prend le brassard, du coup ?

-La logique voudrait que ce soit Roxanne, qui est la plus ancienne, soit Lizzie, la plus âgée. Mais Lizzie ne veut pas - elle pense qu'elle n'a pas d'autorité - et Roxanne ... voilà, on n'est pas sûr qu'elle vienne demain. Alors je pense que je vais assurer un espèce de co-capitanat avec elles en attendant ...

-Mouais, si je dois serrer trois mains le jour de la finale, ça risque de ne pas être pratique, se moqua Lucy, remise de ses émotions. Prends le capitanat, ajouta-t-elle après un petit rire d'Adam, très sérieuse. Roxanne est trop nerveuse avant un match, elle déréglerait tout le groupe. Quant à Lizzie Dubois, c'est une super joueuse, mais je ne la vois pas en leader.

-Et moi, oui ? douta Adam en dressant un sourcil.

Lucy haussa les épaules pour paraître nonchalante, mais la vérité était qu'elle était très sûre de ce qu'elle disait.

-Tu es posé, calme. Tu ne paniques pas. Et tu as fait d'énormes efforts sur ta timidité, ajouta-t-elle avec malice, faisant rougir Adam. Et puis je pense sincèrement que tu dois être aimé du vestiaire - contrairement à Roxanne, je l'aime très fort mais elle doit en agacer plus d'un.

-De toute façon, ce n'est pas à moi de décider de ça, la coupa-t-elle, les joues de plus en plus rouges. Et je ne prétends pas à ça. Londubat décidera.

Lucy leva les mains, l'air de capituler devant le regard farouche d'Adam. Il était vrai qu'il ne fallait pas se précipiter : Roxanne n'appréciait déjà pas qu'on remplace James dans l'équipe, alors pour ce qui était de porter son brassard ... Elle se contenta de promener son regard sur la table. Elle croisa le regard de Lily, qui lui fit un signe de main avec un sourire qui réchauffa le cœur de Lucy. La jeune fille lui répondit, rassurée de voir sa cousine bavarder avec tant de légèreté. En admirant la chevelure rousse de Lily, une idée germa dans on esprit et elle se tourna vers Adam.

-En parlant d'Attrapeur, s'avança-t-elle avec un sourire qui fit froncer les sourcils de son petit-ami. Puis-je te faire une suggestion ?

***

-C'est parfaitement ridicule. Remplacer Jimmy. Qui peut remplacer Jimmy ?

-Je trouve que tu es une excellente idée, Potter.

-La ferme, McColley.

Lily lissa vainement sa robe écarlate trop large pour elle - une des anciennes de Roxanne. Dans son autre main, elle tenant dans ses doigts tremblant le balai de Lucy, que la Serpentard lui prêtait pour l'occasion. La petite Gryffondor leva les yeux sur la Capitaine et l'Attrapeur de Serpentard, et Lucy lut dans son regard qu'elle avait besoin d'être rassurée.

-Tu es parfaite comme ça Lily, argua-t-elle avec un sourire affable. On la réajustera un peu ensuite.

-Qui a eu cette idée ? s'enquit Will.

Lily jeta un regard noir à Lucy, qui lui servit son plus beau sourire. Elle voyait Lily voler depuis qu'elle était enfant : elle avait une dextérité de vol presque semblable à celle de son frère aîné, et une agilité étonnante pour quelqu'un de son âge. James lui avait même glissé un jour qu'il entrainait d'ors et déjà Lily pour prendre sa suite. Alors certes, elle était jeune - elle venait d'avoir treize ans. Mais elle avait disposé des conseils des meilleurs joueurs de Quidditch de la famille. En revenant dans sa Salle Commune, la veille, elle avait vaguement parlé de cette idée à Will et Luke. Si son meilleur ami l'avait sermonné de donner de bons tuyaux à Gryffondor au moment où elle aurait dû les achever, la nouvelle avait au contraire excité Will, qui avait tenu à parler à la jeune fille avant les essaies.

-Je vous jure marmonna Lily en avançant dans la cours, Lucy et Will sur ses talons. Si l'idée n'avait pas convaincu Roxanne de venir malgré tout dans l'équipe, je te jure que je n'aurais pas essayé.

-Roxy joue ?

-Oui. Elle a dit qu'il y avait qu'un Potter pour remplacer un Potter et n'accepterait que moi, sinon elle démissionnait aussi (Lily fut parcouru d'un frisson). Comment me mettre gentiment la pression ...

-Potter, ricana Will, d'un air étrangement doux. Oublie complétement la pression. Tu n'as pas à l'avoir. Contente-toi de t'éclater sur le terrain et ne perds jamais de vue que le Quidditch, ça reste un jeu. Le jour où tu ne t'amuses plus, c'est qu'il est temps d'arrêter.

Lily fit brusquement volte-face et fusilla Will du regard, furibonde.

-M'amuser ? s'indigna-t-elle, le feu dans les yeux. Comment veux-tu que je m'amuse alors que je m'apprête à prendre la place de mon frère à moitié mort à l'infirmerie ?!

-Lily, souffla Lucy en posant une main apaisante sur son épaule. Calme-toi ...

La Gryffondor essuya rageusement une larme au coin de son œil et se laissa aller contre Lucy, moitié furieuse, moitié abattue. Will, quant à lui, contemplait Lily d'un œil gêné et compatissant.

-Pardon, s'excusa-t-il avec un sérieux qui ne lui ressemblait pas. Je sais que la situation est particulière et que tu n'aurais pas voulu commencer ta carrière de Quidditch comme ça ...

-Ça, non, confirma sombrement Lily avec un ricanement de dépit.

-... Mais je pense justement dans la situation présente, il ne faut surtout pas oublier de ... s'amuser. De vivre. Je sais que c'est dur mais je ne pense que ce soit la solution de rester paralyser le temps que la situation s'améliore. La vie est trop courte pour qu'on en perde ne serait-ce qu'une seconde. Et je pense que c'était aussi la façon de penser de ton frère. Je pense qu'il voudrait que tu fonces.

-Et il voudrait que ce soit toi qui le remplaces, renchérit Lucy, agréablement surprise par l'intervention de son Attrapeur. Il m'a toujours dit que le jour où il partirait de Poudlard, ce serait toi l'Attrapeuse de l'équipe. Il serait fier de toi. Il sera fier de toi.

-Et je suis sûr qu'il l'est déjà.

Lily leva un regard à la fois embué, déboussolé, et reconnaissant vers ses deux aînés. Elle s'essuya une nouvelle fois le coin des yeux et laissa échapper un petit rire.

-Je pensais pas que tu pouvais faire dans le sentimental, McColley.

-J'ai horreur de voir les gens pleurer, avoua Will avec un haussement d'épaule. Même toi, petite canaille.

Il lui donna un petit coup sur l'épaule, arrachant un sourire à la rouquine. Lucy caressa les cheveux de sa cousine d'un geste apaisant, et celle-ci soupira profondément, extirpant tout l'air de ses poumons.

-Vous avez raison, finit-elle par dire. Je ... Je vais le faire. Pour Jim.

-Bien parlé, Potter, approuva Will avec un sourire satisfaite. Ravi d'avoir une adversaire à ma taille pour cette finale. Et de pouvoir enfin me venger de toi me levant par une cheville devant ma propre sœur.

-Je vais te bouffer, tenta de fanfaronner Lily, d'un air incertain néanmoins.

-Peuh ! Sans ton appareil photo tu es inoffensive.

Lucy observa l'échange, amusée par les piques entre sa cousine et son Attrapeur, et des possibilités que cela offrait. Une partie d'elle se dit qu'il fallait immédiatement en référer à Jina, avant de se rappeler que celle-ci s'était complétement recluse. Elle secoua la tête de dépit et poussa ses deux cadets vers le terrain de Quidditch. Les deux Serpentards continuèrent de donner des conseils à Lily, sur la gestion du stresse et la technique de l'Attrapeur. Ils arrivèrent aux abords du Stade, où Lucy devait bifurquer pour se rendre à Pré-au-Lard. Lily s'arrêta, indécise.

-Vous allez au village là ?

-Non, répondit Will avec un haussement d'épaule. Daphnéa devait venir, mais finalement elle doit couvrir un match. Et j'ai une tonne de travail en retard - parce que ça va peut-être vous surprendre, mais mon talent naturel ne suffit pas.

-Ton « talent naturel », soupira Lucy alors que Lily esquissait une moue désabusée. On croirait entendre Luke. Et moi j'y vais, Lily, ma sœur m'attend. Mais ne t'en fais pour les essais : tu n'as rien à perdre, tout à gagner. Alors pas de pression, d'accord ? Fais comme Will a dit et amuse-toi.

La jeune fille hocha la tête avec gravité et serra le balai de Lucy dans ses doigts. La jeune fille eut un sourire mélancolique. Le jour où elle-même avait passé les essais de Quidditch, ça avait été James qui lui avait prêté son balai. Comme un symbole, c'était à présent Lucy qui le prêtait à sa petite sœur. Lily se mordit la lèvre inférieure un instant, avant de se tourner résolument vers Will.

-Tu as vraiment beaucoup de devoir ?

-Pourquoi ? s'étonna l'Attrapeur avec un froncement de sourcil.

-Des fois que ... (Lily se balança d'un pied à l'autre, et Lucy avait l'impression que ses mots lui étaient arrachés), bien ... Tu ne veux pas m'accompagner ?

Le visage de Lily devint cramoisi, et Will la contempla un instant, surpris, puis un sourire retroussa ses lèvres.

-Et tu es capable de faire quoi pour que je vienne ? Genre te mettre à genoux, c'est envisageable ? Ou non ! Hurler dans la Grande Salle que William McColley est le meilleur attrapeur de Poudlard ? Le tout avec un kilt écossais ?

-Je pense que ce serait une bonne idée que tu y ailles, avança Lucy avant que Lily ne puisse enterrer Will sous des tonnes d'injures indignées. Tu m'as bien aidé en début d'année pour mes essais, et puis ils auront peut-être besoin de l'avis d'un bon Attrapeur.

-Bon Attrapeur ? répéta Will d'un air indigné. Tu me vexes Capitaine ! Sans moi on ne gagne pas contre Serdaigle !

-Par les chaussettes de Merlin Will, soupira Lucy. Je vais te mettre en retenue pour te faire copier simplement le mot « humilité ».

-Merci, mais Montrose m'a déjà mis en retenue parce que j'avais rendu mon devoir sur les Stangulots en retard, grimaça-t-il avant de s'en retourner vers Lily. Mais le Capitaine a raison, ils auraient peut-être besoin de l'avis d'un pros chez les amateurs de Gryffondors.

-En fait je retire, l'interrompit Lily avec un regard noir. Je ne veux pas que tu viennes.

-Mais si ! Lily, comment peux-tu cracher sur les conseils du meilleur Attrapeur de l'école ?

-Tu ne le seras plus quand je t'aurais battu, répliqua la benjamine Potter avec plus d'aplomb. Rendez-vous en finale, McColley.

Et sur ce, elle rejeta sa longue queue de cheval rousse en arrière et dévala la pente en direction du stade.

-Je te surveille Potter ! lui cria Will. Tu n'es pas débarrassée de moi, j'arrive ! Je peux vraiment y aller ? s'assura-t-il à l'adresse de Lucy. Je ferais tout pour ne pas faire mon devoir de Divination, y compris encourager Potter et supporter Weasley.

-Dis à Adam que tu viens de ma part, céda-t-elle d'un air amusé. Je pense vraiment qu'ils peuvent avoir besoin d'aide - et Lily d'être rassurée, alors soit gentil, Will.

-Gentil ? C'est mon deuxième prénom.

Il eut un sourire éclatant et dévala la colline à son tour pour percuter Lily et la prendre par les épaules. Lucy sourit en les regardant entrer dans le stade et capta le rire de Lily. Puis elle se dépêcha à son tour d'aller à Pré-au-Lard. Son ventre se noua alors qu'elle avançait vers le concierge, Huckles. L'idée d'arracher des infos à Molly ne lui plaisait pas réellement. Elle commençait tout juste à s'entendre avec elle, sans pression ni rien. Elle montra son autorisation à Huckles et s'engouffra dans le long chemin qui menait à Pré-au-Lard. Le temps était clair, idéal pour le Quidditch. Elle aperçut Eléonore et Montague sur un banc, avec d'autres Serpentard et leur fit un signe de main. Elle repéra également Luke avec Henry, Dorothy et Alexandra. Son meilleur ami lui lança un long regard pénétrant quand elle entra dans les Trois Balais, un regard qui voulait sans doute dire « ne me déçois surtout pas Weasley ». La gorge de Lucy se serra et elle entra dans le pub, derechef. Elle trouva rapidement sa sœur, sa longue chevelure flamboyant au milieu des clients et convergea vers elle avec un sourire.

-Lucy ! s'écria Molly quand elle l'aperçut, l'air surprise. Je ne t'attendais pas si tôt !

-Ne me dis pas que tu as pris du travail ? marmonna sa sœur en avisant les parchemins qui jonchaient la table.

-Ne t'en fais pas c'est rien. Je range ça tout de suite.

Ce qu'elle fit, fourrant tout ses papiers dans son sac avec précipitation. Lucy reconnut l'écriture fine de sa sœur avant que tout ne disparaisse.

-Qu'est-ce qu'il vous ferait plaisir, les filles ? s'enquit Madame Rosemerta en passant près d'elle, le plateau emplit de verres vides.

Lucy s'étonnait toujours de la dextérité et du courage de la patronne des Trois Balais. La soixantaine fleurissante, elle restait pourtant vive et charmante.

-Deux bièraubeurres, s'il vous plait, commanda Molly avec un sourire. Tu savais qu'elle avait une petite-fille à Poudlard ? ajouta-t-il une fois que Madame Rosemerta fut partie. Mary Arlett. Je connais son père, il travaille dans mon département.

-Je vois qui c'est, marmonna Lucy avec mauvaise humeur. Pas ma plus grande fan.

Molly laissa échapper un infime grognement et fusilla la pièce du regard. La jeune femme pouvait être sacrément intimidante quand elle le voulait. Lucy ne voulait pas s'appesantir sur les soupçons qui pesaient sur elle et enchaina sur autre chose :

-Comment va Daphnéa ? Tu m'avais dit qu'elle viendrait peut-être.

-Oh elle couvre un match ...

Un légère ombre passa brièvement sur le visage de Molly, mais avant que Lucy n'ait pu s'en inquiéter, la jeune femme enchaina sur la vie de Lucy à Poudlard : les cours, l'orientation, ce qu'elle comptait faire. Elle étonna Lucy en étant ravie d'apprendre que Greengrass l'avait poussée vers la Magizoologie, et le fut bien plus encore quand sa sœur lui avoua qu'elle songeait très sérieusement à prendre cette branche.

-Papa va détester, rappela Lucy pour modérer l'enthousiasme de sa sœur.

-On s'en fiche de ce que pense papa, répliqua Molly, à la surprise de sa sœur. Ce sont nos vies qui sont en jeu, pas la sienne.

Nos vies, releva mentalement Lucy en haussant les sourcils. Percy s'était-t-il récemment embrouillé avec Molly concernant son avenir ? Si tel était le cas, elle n'en avait reçu aucun écho. Elle s'enquit donc du nouveau travail de Molly et de ses relations avec les moldus mais à aucun instant la jeune femme n'évoqua leur peur. Rien niveau travail, donc. Lucy en profita pour glisser à Molly ce qu'elle avait appris au Pays de Galles - le réchauffement climatique, et tout ses effets - mais elle l'interrompit en disant qu'elle était au courant et qu'elle planchait sur la question. D'après elle, c'était son chantier principal, et entendre ça rassura quelque peu Lucy.

-Ce serait bien que tu en parles à papa, tenta-t-elle une nouvelle fois. Il est Ministre après tout ...

Une nouvelle moue déforma les lèvres de Molly et Lucy eut cette fois la certitude que quelque chose s'était passé dans la famille. Elle soupira :

-Allez, balance. Qu'est-ce que papa a fait, cette fois ?

-Ce n'est pas grave, ça va passer, éluda rapidement Molly après quelques secondes de silence. Il a ... juste était déconcerté pour Daphnéa et moi.

-Tu lui as dit ? s'écria Lucy, stupéfaite. Et tu ne m'en as pas parlé avant ? Comment il a réagi ?

Molly haussa vaguement les épaules.

-C'était assez bizarre comme soirée. Ça fait presque trois mois que je suis avec Daphnéa et je commence à être sûre de nous. Je ne me suis jamais sentie aussi bien avec quelqu'un. Alors on s'est dit qu'il fallait songer à en parler à nos parents respectifs, d'autant plus qu'on commence à penser à prendre un appartement ensemble ... Alors je suis allée à la maison - la nouvelle, en fait. Maman a été surprise, mais seulement surprise, un peu comme toi quand tu l'as su. Papa, s'était très différent. Il était assez indifférent. Pas désagréable, pas homophobe, je pense qu'il est assez tolérant là dessus. Mais ... J'ai l'impression qu'il croit que ce n'est qu'une passade. Et il m'a fait comprendre qu'il n'était pas question que ce soit rendu publique - je pense qu'il a peur du scandale.

-Du scandale ? répéta Lucy, indignée. Mais le scandale c'est qu'il te demande de te faire, Molly ! Vivement que je rentre, je vais lui passer un sacré savon ! Il serait temps qu'il grandisse et qu'il s'intègre dans le monde dans lequel on vit : et dans ce monde, les homosexuels ne se cachent pas !

-Ne t'enflamme, lui intima Molly d'une voix un peu plus dure. Je te dis que ça va passer. Maman a réussi à le convaincre d'inviter Daphnéa à dîner cette semaine. On verra bien là comment ça se passe. De toute manière, j'ai décidé qu'il ne dictera pas ma vie. Je suis adulte, j'ai un salaire, un appartement. Je suis indépendante, et n'ai plus d'ordre à recevoir de lui.

Lucy dévisagea sa sœur, stupéfaite par son ton dur et péremptoire. Elle savait qu'une transformation s'était opérée chez Molly, mais elle n'avait pas réalisé qu'elle avait été si radicale. Jamais sa sœur n'aurait parlé comme ça avant. Si son coté rebelle qui avait plu quand elle l'avait découvert, maintenant il l'effrayait un peu. Lucy avait toujours été en contre-sens de sa famille, mais elle avait toujours su où était la limite, celle qui aurait déchiré leur groupe, celle que son père avait franchi avec sa propre famille, bien des années auparavant. Lucy n'avait jamais souhaité que la même chose se produise alors elle avait fait en sorte de rester unie avec ses parents tout en affirmant haut et forts ses idées, un jeu subtil et dangereux dont sa sœur n'avait pas l'habitude. Et si en essayant de jouer, elle déchirait leur famille ? Mais Molly eut un sourire rassurant, comme si elle devinait ce à quoi Lucy pensait et lui tapota la main.

-Mais ne t'en fait pas. Je suis sûre que maman arrivera à le convaincre. Tout va bien se passer.

-J'espère pour toi, articula Lucy avec prudence, le cœur battant. Comment va maman, d'ailleurs ?

Il était temps de saisir la perche, et de mettre le plan à exécution. Molly poussa un profond soupir et passa une main dans ses cheveux flamboyant.

-Elle travaille trop, évidemment. Beaucoup trop. Elle doit encore prendre des Potions, et si elle continue comme ça, elle devra en prendre longtemps ... Tante Fleur est furieuse.

-Tu m'étonnes. Maman n'a jamais su s'arrêter ...

-Un peu comme toi, d'ailleurs, fit remarquer Molly avec un mélange de malice et d'avertissement.

Un sourire retroussa les lèvres de Lucy. On lui disait rarement qu'elle ressemblait à sa mère - plus qu'elle avait le caractère borné et insupportable de son père. Alors quand on lui disait qu'elle ressemblait à Audrey, elle acceptait la remarque sans broncher, même si, en l'occurrence, c'était un rappel explicite de Molly de ne pas « jouer aux héroïnes ». Si tu savais ... Les doigts de Lucy serrèrent sa bièraubeurre.

-Molly ... Victoire m'a dit quelque chose d'étrange, sur le quai du train.

Sa sœur dressa un sourcil, intriguée. Lucy s'était sentie vaguement honteuse de ne pas l'avoir évoqué avec ses partenaires, mais Victoire n'était pas sensée révéler ce genre d'information et la Serpentard ne voulait pas la mettre dans l'embarras. Cependant, si elle l'avait fait avec Lucy, celle-ci espérait qu'elle avait parlé avec Molly.

-Qu'elle va se marier ? s'enquit celle-ci avec amusement. Je suis d'accord que ça puisse être étrange, mais ce n'est pas surprenant.

-Non, pas ça. Et je trouve ça vraiment bien qu'ils se marient. Mais elle est aussi venue me parler de l'agression de maman, au Ministère et ...

Lucy fit mine d'hésiter, se balançant avec indécision sur sa chaise. Elle fut cependant rassurée quand un éclair de compréhension traversa les yeux de Molly.

-Oh. Oui, je vois. Elle m'en a parlé aussi.

Lucy fit de son mieux pour ne pas laisser transparaitre son soulagement. Une moue réprobatrice déforma les lèvres de Molly et sa sœur comprit que Victoire en prendrait pour son grade quand elle la verrait.

-Laisse-la tranquille, elle a eu raison de le faire, je voulais savoir, plaida Lucy avec ferveur. Je voulais savoir pourquoi on avait agressé maman. Et je ne vois toujours pas pourquoi, d'ailleurs. C'est quoi cette loi d'Amnistie ? Victoire a dit que ça avait un lien. Une Association qui luttait contre cette loi. Je veux comprendre pourquoi ma mère s'est faite agressée Molly. Et si tu ne veux pas m'aider, et bien je trouverais toute seule.

-Ça va, pas la peine de me menacer, s'agaça la jeune femme d'un air digne.

Mais Lucy voyait bien que sa dernière phrase avait fait mouche. Molly refusait que Lucy se mouille dans cette histoire, quitte à la laisser dans l'ignorance. La Serpentard voyait sa sœur hésiter, se mordre la lèvres, réfléchir silencieusement si elle devait révéler des choses à Lucy, et si oui, dans quelle mesure. Sa réaction soulagea la jeune fille sur un point : sa sœur savait des choses. Molly jeta un coup d'œil à la ronde et se pencha sur sa sœur.

-Très bien. Ça ne me plait pas, mais tu ne me laisses pas le choix : il est hors de question que tu aggraves ton cas, papa aura assez d'un seul scandale.

-Ta relation avec Daphnéa ne sera pas un scandale, Molly, gronda Lucy en secouant la tête.

-On verra. Toujours est-il que je veux bien te dire ce que je sais, mais tiens ta langue, d'accord ?

Lucy le lui promit, chagrinée. Elle ne pourrait malheureusement pas tenir cette promesse et espérait que Molly lui pardonnerait. La jeune femme soupira longuement et entonna :

-Bien. La loi d'Amnistie est une loi qui vise les anciens criminels de guerre.

-Elle prévoit de les amnistier ? s'étonna Lucy, constatant à sa grande stupeur que Lysander avait vu juste.

Lysander qui avait dit quelque chose de sensé et réfléchi. Peut-être qu'il avait réellement sa place à Serdaigle, après tout. Les mains de Molly se crispèrent sur sa bièraubeurre.

-En réalité ... C'est un peu plus compliqué que ça.

Elle lui expliqua alors le traitement qui était réservé aux anciennes familles Mangemort, ou simplement proche de l'idéologie de Voldemort : quand elles n'étaient pas allées ou avaient quitté Azkaban, c'était interdiction de quitter le territoire, interdiction d'aller à des postes ou fonctions influentes, gèle de leurs comptes à Grigrott et mise sous tutelle financière, pour éviter les conflits d'intérêts, corruption, et investissements douteux. Mais Lucy fut horrifiée d'apprendre que ce qui s'appliquait aux parents, ils étaient vrais fut-un-temps coupables, s'appliquait aussi aux enfants.

-Mais c'est ridicule ! Etre Mangemort, ce n'est pas une maladie génétique ! Des gens comme Scorpius ne sont pas leurs pères !

-Mais ils ont constaté que cela s'est quand même transmis, dans l'éducation, expliqua tristement Molly. C'est stupide, je sais, mais les événements passés l'ont démontré : Drago Malefoy est devenu comme son père, Blaise Zabini était imprégné des idées extrêmes de sa mère ...

-Zabini ? Tu veux dire que Luke est concerné par cette absurdité ?

Molly cligna des paupières, prise de court.

-Tu l'ignorais ?

Lucy sentit son cœur dévalait sa poitrine. Evidemment qu'elle l'ignorait. Luke parlait si peu de sa famille, comment pouvait-elle le savoir ? Etait-ce pour cela, pour ces choix passés, qu'il ressentait tant d'amertume envers son père ? La gorge serrée, elle se contenta de secouer la tête. Encore une fois, elle constatait l'immense gouffre qu'il y avait entre elle et son meilleur ami, et l'étendue de ce qui lui restait à apprendre sur lui.

-Quelles sont les familles concernées ? s'enquit-t-elle, la voix enrouée.

-Je n'ai pas les détails, admit Molly. Mais de que tu connais, les Malefoy, les Wallace, les Pucey, les Nott, les Zabini ... Après ils ne s'agit pas que de famille, mais d'autres personnes, des personnes influencées - soit par le chantage, soit par l'Imperium - et qui ont d'abord été enfermées à Azkaban, puis soumis à ce régime. Des gens comme Stan Rocade, tout ça ...

-Mais s'ils faisaient ça contre leur gré, alors pourquoi les enfermer ?

Molly grimaça et but une gorgée de bièraubeurre. Pendant la conversation, elle était devenue très pâle et ne cessait de jeter des regards suspicieux autour d'elle.

-Pendant la guerre d'avant, beaucoup de gens ce sont dit avoir agi sous Impérium ou après avoir été torturé. C'est très difficile de discerner le vrai du faux. Est-ce que la torture est un mobile suffisant pour avoir contribué aux pogroms contre les né-moldus ? Comment savoir si l'Impérium a été appliqué ? N'aurait-il pas pu lutter ? Et comment juger tout ces gens qui n'ont rien dit et qui savaient ? C'était très compliqué et c'est en jouant sur ces nuances que beaucoup de Mangemorts - Mulciber, Malefoy ... - ont réussi à s'en tirer. A la fin de la Seconde Guerre des Sorciers, on a voulu éviter ça et la justice a été très dure pour que ça ne se reproduise plus. Il y a eu beaucoup d'arrestations et d'emprisonnement, même pour les plus petites infractions. Et quand les gens sont sortis, il y a eu cette loi qui appliquait une situation spéciale : pas que sur le condamné mais sur toute sa famille.

-Et la Loi d'Amnistie veut mettre fin à ça ?

-Voilà. Tous les régimes spéciaux qui sont appliqué assez injustement. Et la libération d'Azkaban pour certains délits ou crimes « mineurs ». Evidemment, ce sera du cas par cas. Mais je pense que dans la majorité des cas, les enfants devraient être libéré de ça.

-Et les grands criminels ? Les Mangemorts et tout ?

Le regard de Molly se durcit.

-Encore une fois, ce sera du cas par cas. Drago Malefoy était Mangemort et était coupable de tentative de meurtre et usages des Sortilèges Impardonnables. Il a bien réussi à s'en sortir avec deux ans seulement à Azkaban. Il s'est avéré que ses convictions se sont volatilisées au fil du temps, ou pour le moins atténuées. Par contre pour des Mangemorts convaincus jusqu'à la moelle et irrattrapable ... Ne t'en fais pas, des gens comme Roockwood resteront bien au chaud en prison.

Lucy hocha la tête en signe d'approbation. C'était une bonne nouvelle que tous les assassins de la trempe de celui qui avait tué leur oncle reste derrière les barreaux. Pour l'instant, Lucy n'avait aucune objection à cette loi : le traitement réservé aux familles des Mangemorts ou partisans était révoltant, il fallait y mettre fin.

-Ça ne me semble pas infondé, alors pourquoi elle est si mystérieuse ?

-Notamment parce que beaucoup de gens s'y opposent. Pour des raisons économiques : beaucoup sont très contents que les fortunes des Malefoy et des Zabini soient contrôlées, ça leur laisse le champs libre. Et puis pour des raisons de mémoire aussi : même s'il n'est pas responsable directement, qu'est ce que ça ferait de voir sortir de prison quelqu'un qui a permis qu'ont tue toute ta famille ?

-Pas plaisir, admit Lucy. Mais s'il a été torturé, comment le condamner ?

-Si la personne qui a perdue sa famille a elle aussi été torturée mais qu'elle a résisté, comment penses-tu qu'elle réagirait à cette excuse ? Et oui, ajouta-t-elle avec complaisance en avisant la mine perplexe de Lucy. Ces questions sont très complexes et ça explique qu'ils y aient tant de gens opposés à cette loi.

-Dont des Associations ?

-Beaucoup d'Associations d'anciennes victimes, oui. Et d'après les Aurors - et Victoire - ce serait l'une d'entre elle qui aurait attaqué le Département. Une sorte de mise en garde pour ceux qui approuvent cette loi et qui la porte.

-En l'occurrence ?

Molly jeta un regard méfiant autour d'elle, et interrogateur sur sa sœur, comme si elle se demandait ce qu'elle pouvait lui révéler.

-Maman, déjà. Et tu as dû entendre parler de Ernie Macmillan, c'est lui qui a rédigé le texte et qui le défend au Magenmagot. Et il y a quelques semaines, oncle Harry a avoué être favorable à cette loi, un symbole fort, mais sa popularité a pris un sacré coup après.

Lucy fit tous les efforts du monde pour rester impassible devant cette annonce - et constata avec fierté qu'elle y était arrivée. Harry s'était prononcé en faveur de cette loi ... S'il l'avait fait avant les vacances de Pâques, alors cela pouvait expliquer pourquoi James avait été agressé. Le suspect avait été déçu de la réaction du héros, et l'avait puni en le privant de son fils. Tout se tenait logiquement.

Alexandre Wallace était l'objet de cette loi, fils d'une Partisante. Lionel était l'enfant d'une traitresse et collaboratrice. Le père de Maeve avait écrit et soutenait cette loi. Et Harry, le héros de guerre, avait dû outrageusement décevoir tous ses détracteurs en l'approuvant, scellant le destin de James.

Elle s'était expliquée toutes les agressions.

Malgré tout, elle sentit une douleur sourde au creux de son estomac, comme une peur refoulée qui se manifestait. James avait été agressé. Maeve Macmillan s'en était sortie de justesse. Combien de temps avant que ce fanatique ne jette son dévolu sur elle, fille de la cheffe de la Justice Magique ? Elle réprima son angoisse qui montait en elle et s'efforça de sourire à sa sœur.

-C'est cool qu'oncle Harry la protège. Et qu'en dit papa ?

-Il n'a pas trop le droit de s'exprimer, comme c'est sa femme qui la défend, mais tout le monde sait qu'il est d'accord.

-Pour une fois qu'il fait quelque chose de bien ...

Le regard de Molly se durcit une nouvelle fois.

-Fais attention à ce que tu dis, Lucy. Certain commencent à dire que cette loi arrange bien papa : si oncle Harry ne l'avait pas défendu avec l'aide de maman, papa aurait peut-être fait parti de ces fonctionnaires silencieux qui ne disaient ni ne faisaient rien, mais avaient conscience de chaque détail. Il aurait pu aller quelques mois à Azkaban, s'il n'avait pas fait la Bataille de Poudlard.

Ce petit rappel glaça Lucy. Elle refusait d'admettre qu'on ait pu en vouloir à son père pour ses erreurs de jeunesses et qu'ils puissent ressortir maintenant, alors qu'il était devenu un autre homme, la peinait énormément. Et cela faisait écho à cette angoisse qu'elle portait à présent en elle : fille de ce Ministre contesté, elle était une cible parfaite à Poudlard.

Et pour arranger le tout, elle était préfète de Serpentard. La Maison Noire de la guerre.

Molly finit par soupirer profondément.

-C'est tout ce que je peux te dire sur cette loi. Et pourquoi certain s'en sont pris à maman à cause d'elle. Maintenant, tiens ta promesse - et ta langue par la même occasion.

-D'accord...

Molly eut un sourire satisfait et acheva son verre. Lucy serra le sien entre ses doigts pour les éviter de trembler. Les révélations de sa sœur et les peurs que cela provoquait en elle. Et quelles conséquences cela aurait-il pour Molly ? Ces fous seraient-ils capables de lui faire du mal pour faire plier Audrey ? L'idée lui donnait la nausée. La jeune femme parut percevoir le changement d'humeur de sa sœur, car elle fronça les sourcils et posa une main sur son bras.

-Lucy ? Ça va ?

-Oui, je crois.

-Tu es sûre ? On dirait que ...

-Mollyly !

Molly retira sa main du bras de Lucy et les deux sœurs levèrent les yeux vers l'entrée du pub. Lorcan et Dominique venaient de passer la porte, main dans la main. Le jumeaux de Lysander abordait un immense sourire en s'avançant vers leur table.

-Bien, lâcha Lucy, refroidie par l'arrivée de sa cousine. Je crois que ... je vais te laisser.

-Pas question, refusa Molly avec sècheresse. Je n'affronte pas Lorcan seule, et toi, tu vas parler avec Dominique.

-Parler avec Dominique ? s'indigna Lucy. Après ce qu'elle m'a fait ?

-Lucy, c'est parce que des gens sont incapables de pardonner qu'on est dans une situation pareille. Alors soit plus intelligente qu'eux.

La réplique fit l'effet d'une gifle à Lucy et elle fixa sa sœur, désappointée. Molly lui jeta un regard pénétrant avant de se tourner vers le couple, un sourire étrange aux lèvres, à la fois avenant et de prévention.

-Lorcan. Tu ne nous avais pas dit que tu venais ... accompagné.

-Depuis quand ma présence te gène ? rétorqua vertement Dominique, faisant grincer les dents de Lucy.

Avant que l'une des deux sœurs Weasley ne réplique, Lorcan lança un regard si féroce à sa petite-amie que celle-ci se rétracta sur elle-même. Lucy dévisagea son lointain cousin, choquée. Elle ne pensait pas un Scamander capable d'une telle intensité.

-En réalité, entonna Lorcan. Dominique a quelque chose à dire à Lucy. Vas-y, trésor.

Dominique eut une moue boudeuse pour son petit-ami, mais le regard résolu de celui-ci ne faiblit pas. Alors elle soupira et passa une main dans ses courts cheveux roux. Pour la première fois de sa vie, Lucy ne la trouvait ni si belle que ça, ni si intimidante. Ses cheveux bouclaient en piques désordonnés, sa peau était translucide et des cernes entourés ses yeux. De toute évidence, elle avait oublié de se maquiller, et comment utiliser son pouvoir de Vélane qui la rendait si fascinante.

-Bien. Euh... (elle se tortilla les mains en lançant des regards de biais à Lucy). Je suis désolée pour ces dernières semaines. C'est vrai que j'ai réfléchi à ta culpabilité et il se pourrait même que je l'aie défendu ... Mais plus par dépit que par conviction. Je voulais un coupable et tu avais l'étiquette idéale.

-Alors inutile de chercher plus loin, cingla Lucy avec froideur.

Molly lui donna un coup de pied sous la table et Lorcan lui jeta un regard désapprobateur. Dominique soupira et se tourna vers lui en désignant Lucy.

-Tu vois ? Tu vois pourquoi je t'ai dit que ça ne servait à rien d'aller la voir ? Elle ne m'écoutera pas !

-Mais si elle t'écoute, s'agaça Lorcan en levant les yeux au ciel.

-Et quand bien même ce n'était pas le cas, je la forcerais, assura Molly avec un regard d'avertissement pour sa sœur.

Devant une telle levée de bouclier, Lucy ne put qu'abdiquer en levant les mains en signe de reddition. Dominique eut l'air dubitative mais poursuivit malgré tout.

-Je ne voulais pas que tu sois coupable, Lucy. Mais je ne voyais que toi. Et plus j'en entendais parler, plus je ne voyais que ça. Mais pendant les vacances, j'ai réfléchi : grâce à mon père, à Victoire, notamment, et Lorcan, et j'ai compris que ... j'avais eu tord. Qu'il y avait des incohérences et que ... J'aurais dû protéger ma famille plutôt que de la condamner. Pardon.

Lucy dévisagea le visage fatigué de sa cousine. Elle paraissait sincèrement contrite ; mais alors pourquoi Lorcan avait-il dû la pousser jusqu'à elle ? Paraissait-elle si bornée, si sourde que Dominique pouvait le penser ? Une fille rancunière au point de refuser tout dialogue ? L'image d'elle que lui renvoyait sa cousine lui faisait l'effet d'un poignard glacé dans les entrailles. Et le regard lourd de sous-entendu que Molly lui lançait acheva de la convaincre :

-Je suis désolée d'avoir été bornée, s'excusa-t-elle à son tour, prenant sur elle. Ça m'avait fait vraiment mal d'être jugé par ma famille et je t'en tenais pour principale responsable ...

-J'avais deviné, fit Dominique avec un petit rire gêné. Et je suis désolée.

Lucy hocha la tête et sa cousine se détendit. Lorcan et Molly aussi. Le couple s'éloigna pour aller chercher leurs boissons et l'ancienne Serdaigle tapota la main de sa sœur avec approbation. Lucy eut un mince sourire. Elle ne savait pas si elle pardonnait réellement à Dominique. Il lui faudrait plus de temps que ça. Mais au nom de la famille, elle pourrait faire un effort pour que les choses se passent au moins cordialement. C'était ce qu'elle avait oublié de faire ces dernières semaines, en se disputant avec Rose, notamment. Lorcan revient avec Dominique et deux bièraubeurres et se planta face à Molly, un immense sourire aux lèvres.

-Bon, maintenant que tout cela est réglé, passons aux choses plus sérieuses. Ta sœur t'a dit pour elle et Adam Scampers, Mollyly ?

***

Lucy passa près d'une heure à raconter sa relation naissance avec Adam, devant un Lorcan intenable et une Dominique désireuse de donner des conseils (« Ne le laisse jamais te prendre pour acquise, Lucy, lui avait-t-elle dit avec sérieux. Sinon il cessera de faire des efforts et de te considérer comme quelque chose de rare et précieux : tu ne seras qu'à lui. Et c'est tout »). Molly avait été à la fois ravie et amusée de la nouvelle et promit de la taire à ses parents et au reste de la famille. Elle fit également jurer à Lucy de lui présenter Adam plus amplement la prochaine fois qu'elle en aurait l'occasion et chargea Lorcan de lui transmettre un avertissement (dans les souvenirs de Lucy, trop occupée à rire pour entendre réellement, Lorcan devait jeter sur lui des Crabes de Feu et tout une cage de Lutin de Cornouaille si Adam osait faire du mal à sa sœur). Quand elle reprit le chemin de l'école, son cœur était plus apaisé. Elle avait réussi à coincer Rose près de la Cabane Hurlante et les deux jeunes filles s'étaient expliquées et étreint avant de repartir ensemble vers le château. Rose avait alors meilleure mine et ne cessait de babiller :

-Et j'ai eu une super note à mon devoir de Métamorphose - mais Greengrass a réussi à glisser que j'avais encore du chemin avant d'atteindre ton niveau (Rose donna un coup de coude à sa cousine). Je crois que c'est toi qu'elle préfère !

-C'est une évidence, plaisanta Lucy en passant la porte du château.

-C'est vraiment cool que Dom soit venu te parler, ajouta Rose avec un menu sourire. Le climat devenait trop pesant dans la famille ...

-Encore désolée, Rosie ...

Rose haussa les épaules en souriant, l'air de balayer les excuses de sa cousine.

-Non, ne t'en fais, je n'ai pas été très sympa non plus. J'aurais dû prendre ta défense, ce soir là. Mais bon, n'en parlons plus, c'est fini. Au moins comme ça on va pouvoir reconstituer le C.A. - je suis sûre que Scorp' est en manque de ragot ... Enfin. Si Jina revient.

Une ombre de tristesse passa sur le visage de Rose quand elle évoqua l'Attrapeuse de Serdaigle. Lucy eut un sourire chagriner et frictionna le dos de sa cousine en entrant dans la Grande Salle. Presque aussitôt, une petite silhouette toujours vêtue de rouge se précipita vers elle et se pendit à son cou.

-Lily ! s'écria Lucy, manquant de vaciller sous le choc.

-J'ai été prise Lucy, j'ai été prise, je suis Attrapeuse !

Lily lâcha Lucy et se fit à sautiller frénétiquement devant elle, un immense sourire illuminant son visage. Quand elle avisa Rose aux cotés de sa cousine, ce sourire s'agrandit et ses yeux pétillèrent.

-Et vous vous êtes réconciliées ! Ça alors, quelle journée !

-On est fière de toi, Lily, fit Rose en ébouriffant les cheveux de la benjamine.

-Et on n'est pas les seules, sourit Lucy d'un air entendu.

Lily le lui rendit, avant de lui tendre son balai d'un air ravi. Bien qu'elle semblait euphorique, il restait une parcelle d'ombre lointaine dans son regard qui prouvait que, malgré son succès, elle ne cessait de penser à son frère.

-C'était de loin la meilleure en vol, intervint Lizzie Dubois, qui mangeait non loin avec Teresa Parker, Catherine Jones et le batteur de l'Equipe, Wayne. Merci du tuyau Weasley.

-Pas contre on te remercie pas pour le gamin, grommela Wayne en lorgnant l'autre coté de la table. Une vraie plaie, celui là.

-Moi, une plaie ?

Lucy avisa alors Will, assis au milieu des Gryffondors entre Adam et Albus, qui fusillait le Batteur du regard.

-Si on t'écoutait toi on prenait ... (il pointa un garçon blond-roux devant lui). Comment Weasley t'appelle déjà, Zeph ? J'aime bien.

-Le Farfadet, glissa Lily avec un sourire amusé.

-Voilà ! Le farfadet ! Et bien si tu prends le Farfadet, je lui casse son balai au bout de trente seconde de jeu et Serpentard gagne la coupe.

-On ne dit pas qu'il a été de mauvais conseil, souffla Lizzie à Lucy sur le ton de la confidence. Juste qu'il est assez agité et que du courage de le supporter (elle lui donna un coup de coude agrémenté d'un clin d'œil). Et ton copain a fait du super boulot en temps que co-capitaine.

Lucy sourit à la Poursuiveuse de Gryffondor, qui s'en retourna avec ses amis. Rose s'était assise à coté du « Farfadet », dont les traits du visage disaient vaguement quelque chose à Lucy et qui subissait toujours les moqueries de Will.

-Et franchement le mieux c'est quand t'as confondu le Vif d'Or avec la bague que Roxanne avait laissé tombé. Le pire dans tout ça c'est que tu n'as pas réussi à l'attraper.

-La ferme, McColley, le tacla le garçon alors qu'Albus s'esclaffait. Et je suis content que vous ayez pris la petite Potter, elle va te ramener sur terre à ton prochain match.

-Pour une fois je suis d'accord avec Finnigan, approuva Adam avec un regard emplit de fierté sur Lily.

La benjamine rougit de plaisir, et Lucy dressa un sourcil à l'adresse du garçon aux cheveux blonds roux.

-Finnigan ? Comme Shannon ?

-Ma grande sœur, précisa Zephan avec un signe de tête vers la table des Poufsouffle, où Shannon venait de se lever. Et elle aussi, le jour où elle voudra et qu'elle aura un peu plus de volonté que ça, elle écrasera McColley.

-On a appris ça, fit Adam en hochant la tête. Elle est bonne à ce point ?

-Pas mauvaise. Mais Alice Londubat est meilleure - bien qu'elle ne veuille pas l'avouer.

-Londubat ? songea Will d'un air sérieux en tournant les yeux vers Alice, assise derrière eux. Intéressant, je n'y avais pas pensé. Par contre je ne vois absolument pas le profil qu'elle pourrait avoir ...

-Voilà qui doit t'angoisser, toi qui changes de jeu en fonction de tes adversaires, le taquina Lily.

Lucy aurait voulu s'intéresser plus à la conversation - toute information sur une potentielle future adversaire au Quidditch était bonne à prendre - mais son regard fut capté par une fille qui remontait l'allée depuis la table des Serdaigles. Une fille au regard de glace et au visage de marbre. Lily se figea à coté d'elle et elle sentit plus qu'elle ne vit le regard meurtrier d'Adam. Zephan attendit qu'elle soit sortie pour parler :

-Ma cousine, elle. Je sais qu'on ne dirait pas - qui pourrait croire que je suis le cousin de ce fantôme ?

-Dis-moi que tu t'es occupé d'elle à la Weasley, chuchota Lily à Lucy.

Le regard qu'Adam portait sur sa petite-amie disait exactement la même chose. Elle secoua discrètement la tête et promena ses yeux sur la table des Gryffondors. Un peu plus loin, Gethin Scampers fixait lui-aussi la porte de la Grande Salle avec appréhension, comme si Laureen pouvait revenir soudainement le persécuter. Lucy sentit la résolution monter en elle et se força à sourire à Lily.

-Je suis fière de toi. Et merci de nous offrir une finale digne de ce nom.

-Je bois à ça ! s'exclama Will en levant un verre pour trinquer.

-McColley, c'est mon jus de citrouille ! protesta Zephan Finnigan.

-Bah va t'en attraper un autre, Finnigan, ce n'est pas moi qui vais t'apprendre à piller les cuisines !

Lucy profita de la joute verbale entre Will et Zephan pour s'éclipser et remonter la longue allée entre les tables de Serdaigle et Gryffondor, son balai dans une main et sa baguette dans l'autre. Laureen venait justement de tourner à l'escalier et Lucy la suivit. S'il fallait qu'elle assomme la préfète à coup de balai pour qu'elle arrête de harceler Gethin, elle le ferait. Elle suivit Laureen dans un long couloir, prudente, se dissimulant derrière les statues. Au moment où elle vit qu'elles étaient seules dans le couloir, elle se prépara à l'apostropher mais le cri de surprise de la préfète la pris de court. Lucy se pencha prudemment de derrière sa cachette pour voir Laureen, face contre terre, ses cheveux blonds épars sur le sol. Et étrangement, elle éclata de rire.

-Maléfice de Jambencoton ? C'est tout ce que tu as trouvé Weasley ?

-Je suis sûre que Lucy aurait trouvé quelque chose de plus subtile - mais aussi de plus douloureux.

A la plus grande stupéfaction de Lucy, Shannon Finnigan sortit de l'ombre d'une statue, sa baguette tendue sur Laureen, le visage impassible. La Serdaigle leva ses yeux froids sur sa cousine.

-Je vois. Alors je dois m'estimer heureuse de tomber sur toi la première, Shanny ?

-En effet, approuva-t-elle, le visage impassible.

L'intensité dans le regard de Shannon donna froid dans le dos de Lucy. Il y avait quelque chose de pas naturel dans la flamme qui animait les yeux de la Poufsouffle. Un instant, elle ressemblait tant à Laureen que cela en devenait effrayant. Elle fit un signe de la baguette sans un mot et sa cousine retrouva l'usage de ses jambes.

-C'est le seul moyen que tu as trouvé me dire bonjour ? cingla-t-elle en se relevant dignement.

-Je crois qu'elle en a assez que tu harcèles le petit Scampers, ajouta Shannon comme si elle n'avait rien entendu. Et oui, sourit-elle en remarquant le froncement de sourcil de la Préfète. Tu te souviens avant les vacances, devant la Salle des Trophées ? Tu as reçu un vilain sortilège qui t'a obligé à aller à l'infirmerie ...

-C'était toi, comprit Laureen, la voix empreinte d'une colère froide. Je me disais bien qu'un gamin de cet âge ne devait pas connaître un sortilège d'une telle puissance ...

-Les risques, quand on harcèle quelqu'un, c'est effectivement de se prendre un sortilège perdu, répliqua Shannon d'une voix dure. A quoi tu joues, Laureen ? Tu n'as rien contre les né-moldus et je le sais alors pourquoi tu t'acharnes contre Gethin Scampers ?

Lucy s'en revenait pas de ce qu'elle voyait. La frêle et petite Shannon semblait avoir grandi de plusieurs centimètres et ses yeux brillaient d'une lueur dangereuse. Lucy se promit à cet instant de ne jamais se tenir à la pointe de la baguette de Shannon.

-En quoi ça te concerne ? rétorqua Laureen avec un haussement d'épaule. Retourne avec ta nouvelle amie, elle te le dira bien.

-J'avais déjà des soupçons, avoua Shannon d'une voix beaucoup plus douce. Laureen ... ne me dis pas que tu as quelque chose à voir avec tout ce qui se passe ? Ton père ...

-Ne me parle pas de ça !

La voix de Laureen était parti dans les aigus et avait quelque chose de glaçant qui figea le sang dans les veines de Lucy. D'un geste vif, elle sortit sa baguette, les yeux brillants comme possédés. Lucy fut surprise de ne pas voir Shannon reculer tant le regard qu'elle lui lançait était féroce - presque meurtrier. D'instinct, Lucy serra sa baguette entre ses doigts, prête à intervenir.

-Ne parle pas de lui, siffla Laureen en déchant chaque syllabe. Ce n'est pas moi qui l'ait abandonné, c'est vous, c'est ta mère, toi.

-Tu confonds tout, souffla Shannon en baissant sa baguette. Tu as toujours tout confondu. Ce sont les Détraqueurs qui ont rendu ton père malade, Laureen, il n'y a qu'eux à blâmer...

-Je t'ai demandé d'arrêter !

Un éclair rouge sorti de la baguette de Laureen. Lucy se redressa, prête à intervenir, mais avant qu'elle n'ait pu faire un pas, Shannon déploya un bouclier sans broncher et le sort alla se perdre dans les murs du château. Laureen n'avait toujours pas baissé la baguette.

-Je t'ai dit d'arrêter, répéta-t-elle avec rage. Tu sais ce que je suis capable de faire pour que tu arrêtes.

Shannon ricana un instant.

-Le temps où tu mettais le feu à mes peluches pour m'effrayer, c'est fini Laureen. J'ai grandi. Je n'ai plus peur de toi. Enflammer mes jouets ne servira à rien.

-Et si j'enflamme Zephan, tu crois que ça servira à quelque chose ?

Lucy ne comprit pas de tout de suite ce qui se passait. Ce qu'elle vit et entendit, ce fut un gros « BANG », et la silhouette de Laureen Bones faire un vol plané avant de s'écraser face contre terre. A l'autre bout du couloir, Shannon avait sa baguette tendue, le visage crispé par la colère. Laureen se releva, le nez en sang après avoir atterrit brutalement sur les dalles. Avant que Lucy n'ait pu réagir, elle hurla, brandit sa baguette et se jeta sur Shannon.

Mais celle-ci réagit bien plus vite et bien mieux que Lucy ne saurait jamais le faire.

Elle parait chaque sortilège de Laureen avec instinct, sans jamais ouvrir la bouche quand sa cousine hurlait ses formules, comme si ça pouvait leur donner plus de force. Leurs baguettes virevoltaient, les étincelles jaillissaient des deux cotés, se lançant dans un ballet hypnotique et destructeur. La première intention de Lucy fut d'aller prêter main forte à Shannon, avant qu'elle ne se rendre compte qu'elle n'en avait pas besoin : elle avait clairement pris le dessus sur sa cousine de deux ans son aînée. Pourtant Lucy ne put s'empêcher de trembler quand elle entendit Laureen hurler :

-Endoloris !

Lucy posa les yeux sur Shannon, horrifiée, s'attendant à la voir se tordre de douleur, mais à son grand désarroi, un simple bouclier de la part de la jeune fille avait réussi à lui éviter cette peine. Avant que Laureen n'aie pu ouvrir la bouche, un éclair rouge jaillit de la baguette de Shannon et percuta celle de la Serdaigle. Sa baguette lui sauta des mains pour atterrir dans celles de la Poufsouffle. Folle de rage, Laureen se jeta sur elle mais un dernier sort de Shannon scella sa défaite quand elle se retrouve face contre terre, emmaillotée dans ce qui semblait être un sortilège du saucisson.

-Tu es stupide, haleta Shannon en la contemplant. Un Sortilège Impardonnable ... Tu crois vraiment avoir la puissance magique et la lucidité nécessaire pour ne serait-ce parvenir à me faire saigner du nez ?

Le regard de Laureen était bien plus meurtrier que celui du basilic. Pourtant, Shannon le soutint sans broncher. Après avoir repris son souffle, elle laissa tomber la baguette de sa cousine à quelques centimètres d'elle.

-Je te l'ai dit, Laureen, j'ai grandi. Je ne suis plus la gamine apeurée que tu avais sous ton contrôle. Maintenant c'est toi qui es sous le mien, et je promets que si tu touches un cheveu de Zeph ou de Gethin Scampers, je te le ferais payer, promit Shannon avec une détermination glaçante. Maintenant toi aussi tu sais ce que je suis capable de faire pour que tu arrêtes.

Là dessus, Shannon s'enfonça dans le couloir sans adresser le moindre regard à la cousine qu'elle venait de vaincre. Lucy attendit quelques instants, glacée jusqu'à la moelle, et eut le temps de voir le sortilège d'interrompre, sans doute rompu par Shannon, et Laureen ramasser sa baguette et s'enfuir du corridor.

La préfète de Serpentard finit par émerger et à sortir de sa cachette. La nuit était tombée sur Poudlard et le couvre-feu n'allait pas tarder à sonner. Lucy s'enfonça dans les entrailles du château en songeant à ce qu'il s'était passé. Elle n'avait pas bien compris la haine qui animait visiblement Laureen Bones et qu'elle déversait toute entière sur sa cousine depuis longtemps. Ce qu'elle avait compris, en revanche, c'est qu'elle avait hautement sous-estimé Shannon. Si la Poufsouffle n'avait pas été surprise quand Adam et Lucy avaient sous-entendu que Laureen pouvait avoir un lien avec cette histoire, c'était qu'elle le soupçonnait déjà. Elle aussi avait protégé Gethin Scampers de sa cousine. Et elle avait conscience de ce que bon nombre ignorait ou semblait ne pas voir : Laureen était complètement déséquilibrée et rongée par la haine.

Mais elle avait également sous-estimé les capacités magiques de Shannon. Non seulement en Potion, mais en général. La façon dont elle s'était battue, maitrisant les sortilèges informulés et sorts parfois de niveau d'Aspics était tout bonnement impressionnant, le tout sans perdre son sang-froid. Lucy sentit un frisson la parcourir quand elle songea au combat.

Telle qu'elle lui était apparue dans ce couloir, Shannon Finnigan était la sorcière la plus effrayante qu'elle n'avait jamais vu.

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