Bonus 1 : Marcus & Eléonore
Bonjour à tous !
Allez, deux semaines après la fin de Lucy, je vous offre le bonus que j'ai écris sur Marcus et Eléonore (initialement pour notre chère Cazo). Normalement il devait être plus long que ça, avec une première partie que j'avais écris il y a un million d'année mais je n'ai jamais eu la foi d'écrire la suite du coup j'ai accéléré jusqu'à la mise en couple elle-même donc c'est assez court.
Bien, petite mise en contexte. Ça se passe l'année précédant celle dont je viens de faire l'histoire. Vous vous souvenez de cette année là? Marcus est en sixième année, Eléonore en cinquième, et Marcus devient Capitaine de l'équipe de Serpentard. Sauf qu'il se prend un violent cognard dès le premier match qui l'envoie à Saint-Mangouste ... Voilà la suite ! Bonne lecture et à la prochaine fois !
Chaque minute de chaque heure de chaque jour de ta vie
Eléonore Zabini avait toujours eu horreur d'aller à Saint-Mangouste. Déjà quand elle allait visiter son grand-père durant son agonie, l'endroit lui donner la nausée. Les lumières froides, les murs blancs, l'agitation, les cris des infirmières ... Tout cela lui évoquait la douleur et la mort. A présent c'était le garçon qu'elle aimait depuis l'enfance qui se trouvait dans cet endroit, froid, sordide et glaçant. Et le cœur d'Eléonore s'en arrêtait de battre.
Elle avança dans le couloir, évitant sans les voir réellement les médicomages pressés et les infirmières agacées. Cela faisait trois semaines que Marcus avait pris ce cognard. Un cognard violent, surréaliste. Wayne Justin était connu pour lancer des cognards virulents, mais celui-ci avait été d'une autre espèce, venu d'ailleurs. Du moins, c'était ce qui avait semblé à Eléonore depuis les tribunes. La balle noire avait alors heurté Marcus, qui volait vers les buts avec le souafle dans les mains. Eléonore se souvenait de cet instant : il était gravé au fer rouge dans sa mémoire. Elle se souvenait de l'étincelle dans ces yeux, qui éclairait son regard quand il savait qu'il allait marquer. Elle se souvenait de ce sourire, tenu et crispé par la concentration. Avant que le cognard ne le cogne.
Eléonore se remémorait du reste comme un cauchemar. Elle avait entendu le choc comme s'il s'était passé à un mètre d'elle : sec et sanglant. Lancé à pleine vitesse et sans guide, le balai avait propulsé son propriétaire contre les buts, faisant trembler les anneaux et le corps d'Eléonore. Puis il était tombé. Des joueurs avaient bien tenté de le rattraper, mais il était trop tard : le corps de Marcus s'était écrasé sur le sol avec un bruit fracassant qui avait brisé le cœur d'Eléonore.
Marcus n'avait pas eu le temps de crier, mais elle l'avait fait pour lui : un cri à glacer le sang dans lequel elle avait mis tout son amour et son horreur. Elle avait voulu s'élancer vers le stade, vers lui, mais Jina Kane l'avait retenue, et quand elle avait réussi à atteindre les abords du terrain, les professeurs l'avaient déjà emmené loin d'elle. Et le temps qu'elle court à l'infirmerie, ils avaient décidé de le transférer à Saint-Mangouste, du fait de la gravité de la blessure. Eléonore s'était sentie vacillée, et n'avait su tenir sur ses jambes que grâce à l'intervention de son frère venu la soutenir. Jamais un élève n'avait été emmené à l'hôpital à cause du Quidditch.
Marcus.
Elle l'aimait. Elle n'avait jamais pu se l'avouer, mais maintenant, cela s'imposait à elle, de façon brusque, violente et irrévocable. Elle l'avait toujours connu. Il avait toujours fait parti de sa vie. Ils étaient voisins. Ils avaient appris à voler ensemble. Quand il avait reçu sa lettre pour Poudlard, ce fut elle qu'il vînt voir. Quand c'était elle qui l'avait reçu, elle lui avait sauté dans les bras, et il l'avait serré, serré si fort ... Cette année loin de lui avait été triste pour la petite fille qu'elle était. Elle avait Luke, bien sûr, mais ça n'avait jamais été pareil. Luke était son frère. Marcus ... C'était autre chose. Il avait lui aussi toujours fait parti de sa vie, mais de façon différente. Lui, ses yeux clairs, son visage froid, mais si tendre, tellement tendre quand il la regardait ... Une tendresse fraternelle, avait-elle voulu croire jusque là. Mais pour elle, c'était autre chose, et elle venait de le comprendre, maintenant qu'un cognard avait percuté Marcus comme son cœur.
Eléonore essuya rageusement une larme qui était apparue au coin de son œil. Ses parents avaient refusé de la laisser sortir de Poudlard pour rendre visite à Marcus. Durant les dix jours qui avaient suivis l'accident, elle n'avait eu aucune nouvelle, jusqu'à la lettre de Cassio Montague, le grand frère de Marcus, lui annonçant qu'il s'était réveillé pleinement et qu'il avait besoin de repos. Mais ça n'avait pas rassuré Eléonore, qui avait dû ronger son frein en attendant la fin du trimestre. Maintenant qu'elle y était, elle se rendait compte qu'elle tremblait de tout ses membres. Dans quel état retrouverait-elle Marcus ? Pourquoi n'avait-il répondu à aucune de ses lettres, s'il était réveillé ?
Toutes ses questions la tiraillait alors qu'elle s'immobilisait devait la chambre 442, celle que lui avait indiqué la secrétaire au sourire condescendant. Une simple porte de bois clair, mais qui faisait battre le cœur d'Eléonore un peu plus fort. C'était la première fois qu'elle reverrait Marcus depuis son accident. Mais également la première fois depuis que ses sentiments avaient éclaté en elle, comme un barrage qui avait craqué et avait déversé sur elle un flot d'émotion qu'elle s'était efforcée de refouler. A présent, elle coulait dans ses veines, la faisait vibrer.
Et elle ignorait comme Marcus pouvait réagir à cette nouvelle vibration.
***
-Serre plus fort.
Marcus Montague serra ses doigts. Du moins, il tenta, mais il lui semblait que les informations ne se transmettaient pas entre son cerveau et les nerfs de sa main. Putain de cerveau. Ses doigts tremblèrent, se crispèrent, mais sans parvenir à serrer la pauvre balle de mousse qu'il tenait au creux de sa paume. Quand la pression et la douleur se firent trop intense, il cessa et la balle de mousse alla choir sur ses draps.
-Je n'y arrive pas.
Cassio lui jeta un regard désolé par dessus ses lunettes rectangulaire. En le regardant, Marcus avait du mal à croire que c'était son frère tellement ils avaient peu de ressemblance. Cassio était plus petit, et filiforme malgré ses quatre ans d'aînesse et ses yeux bruns brillaient d'un amusement constant derrière ses lunettes. Il était la seule personne dont Marcus tolérait la présence depuis son réveil à Saint-Magoust, deux semaines plus tôt. Dans un sale état, le réveil. Chaque petites choses le faisait souffrir : ouvrir les yeux et affronter la lumière, se redresser, se concentrer. Ne serait-ce que serrer une pauvre balle en mousse était pour lui un effort colossal. Tout son corps était brisé – et il ne parlait pas de sa tête, qui après avoir heurter un cognard, les buts puis le sol, avait nécessité qu'on le plonge dans un sommeil de dix jours pour la laisser guérir. Mais depuis, son système nerveux peinait à se rétablir, et le moindre mouvement anodin devenait une torture.
Marcus en avait assez de souffrir. La frustration l'avait pris dès les premiers jours de réveil, ainsi qu'une colère, froide et intense. Les médicomages se voulaient rassurant : il fallait qu'il récupère, ça prendrait du temps, quelques mois peut-être, mais il n'y avait aucun doute qu'il y arriverait ... Quelques mois.
Marcus avait toujours eu la bougeote – comme Cassio. Il ne supportait pas de rester statique et c'était une des raisons pour lesquels il adorait le Quidditch et détestait la classe. Mais maintenant que chaque mouvement devenait douloureux, il avait l'impression d'être prisonnier de son propre corps. De douleur, il avait repoussé tout le monde : son père, cet homme placide pour qui il n'éprouvait aucun respect, sa mère, cette femme douce mais peu expressive à laquelle il n'avait pas réussi à arracher une larme, son frère Théodore, le jumeau de Cassio, qui n'avait su que lui parler de ses fiançailles avec Pandora Selwyn. Seul Cassio avait compris que le meilleur remède pour la colère de Marcus était le silence, et s'était contenté les premiers jours de lire près de lui sans rien dire. Une présence silencieuse, mais une présence tout de même qui avait fini par faire fondre la colère de Marcus pour la transformer en profond désespoir. Depuis, Cassio, qui en plus d'être son frère préféré était médicomage, s'efforçait de l'aider à se remettre. Mais jusque là, chaque exercice était un échec, cuisant, douloureux, qui pesait de plus en plus lourd sur l'humeur de Marcus.
-Il faut que tu comprennes que ces choses prennent du temps, frangin, répéta pour la énième fois Cassio. Et je sais que ça t'agace que je dise ça, ajouta-t-il en voyant Marcus ouvrir la bouche. Mais c'est un fait, il faut que tu prennes ton mal en patience.
-Je le prends depuis deux semaines, répliqua Marcus, dont les mots étaient à présent son seul moyen d'expression. Deux semaines, c'est déjà bien assez long, Cas' et je ... je n'arrive même pas à ...
Il jeta un regard dégoûté à la balle, qui malgré son immobilité semblait le narguer. Dans ses rêves, il serrait cette balle, jusqu'à qu'elle crie grâce, jusqu'à qu'elle se désintègre entre ses doigts. Dans ses rêves, il pouvait se servir de sa baguette, mais ça aussi les médicomages le lui avait retiré, considérant qu'il devait se concentrer sur sa récupération physique. Dans ses rêves, il pouvait marcher, et aller donner un coup de poing dans les lunettes de Théodore en guise de félicitation pour son mariage. Dans ses rêves, il y avait également une certaine blonde, mais il ne préférait pas y songer une fois réveiller. C'était peine perdue.
On lui avait retiré sa vitalité. On lui avait retiré sa magie. Par Merlin, que lui restait-il ?
La frustration faillit lui arracher une larme, mais il les refoula avec une facilité étonnante. Il avait toujours eu un excellent contrôle de son corps : de ses expressions, de ses canaux lacrymaux. Et c'était également pour cette raison qu'il était si frustrant pour lui de ne pas pouvoir serrer une pauvre balle de mousse.
Quelques coups furent timidement toqué depuis la porte, faisant sursauter Cassio. Il jeta un regard à son frère.
-Si c'est Théo, je le fous dehors, c'est ça ?
-Bien vu.
Cassio eut un léger sourire, quelque peu amer. Ils étaient peut-être jumeaux mais ils ne s'étaient jamais réellement entendus. Il se leva ouvrir au visiteur alors que Marcus fusillait la balle du regard, encore et toujours. L'exclamation ravie de Cassio le surprit :
-Ça alors ! Ils t'ont libérés ?
-C'est les vacances, Cas'. Ils ne peuvent pas me laisser enfermer à Poudlard.
Tout le corps de Marcus le faisait souffrir, mais cette fois ce fut son cœur qui saigna. Il tourna doucement le visage vers la porte pour voir Cassio s'effacer et faire entrer dans la pièce la blonde de ses rêves.
Eléonore sourit à Cassio en entrant, un sourire crispé, sembla-t-il à Marcus. Il connaissait chaque courbe du visage d'Eléonore, chaque éclat dans ses yeux, chaque nuance de ses mèches blondes. Il avait passé des années à la détailler. Il la connaissait depuis ses un an. Elle faisait partie de sa vie depuis, sans relâche, chaque jour. Jamais il n'avait été si heureux de la voir.
Pourtant, jamais il n'avait été si peu content de la voir.
Il se recroquevilla presque automatiquement dans son lit – étrangement, son corps savait assez bien faire cela – et détourna le regard pour qu'Eléonore ne voie pas la désolation dans ses yeux. Il ignorait s'il faisait cela pour protéger la jeune fille ou pour le protéger lui.
-Marcus, lança Cassio d'un ton joyeux. Tu as vu, Norie est là !
Oui merci j'ai vu, répliqua intérieurement Marcus, presque surpris de la colère sourde qui se mettait à pulser dans ses veines. De frustration, il voulut envoyer valser la balle en mousse. Mais son bras eut une sorte de spasme et la frappe eut à peine assez forte pour la faire rouler de quelques centimètres. Cette fois, des larmes de frustrations perlèrent à ses yeux.
Fallait-il réellement qu'Eléonore le voie ainsi ?
De peur de laisser éclater son courroux croissant, il garda le silence, le regard plongé dehors. Il sentit plus qu'il ne vit la gêne d'Eléonore et elle lui transperça le corps. Tu es stupide, s'admonesta-t-il malgré tout. Elle n'y est pour rien. Mais c'était plus fort que lui. La pudeur et la fierté l'empêchaient de la regarder dans les yeux. Il ne pouvait pas marcher, pas faire le moindre mouvement. Il ne pouvait pas faire de magie. Il était une bête blessée dans un lit d'hôpital, tremblant et pathétique. Et il refusait que quiconque le voit ainsi.
Certainement pas Eléonore.
La colère enfla en lui. Contre lui. Contre elle. Contre le cognard, également et cette stupide balle de mousse.
-Bon, lâcha Cassio, visiblement lui aussi embarrassé. J'ai d'autres patients, alors ... Je reviens plus tard, ça te va ?
Sans attendre la réponse de Marcus, la porte se referma avec un bruit sourd, annonçant le départ de Cassio. Mais il avait douloureusement conscience de la présence d'Eléonore, de sa respiration laborieuse témoignant de son émotion, et de son immobilité qui trahissait sa gêne. Pourtant, elle fut assez courageuse pour lancer :
-Je serais venu avant, mais ... Mes parents voulaient que j'attende les vacances.
Sa voix était douce malgré son émotion contenue. Comme pour se donner contenance, elle avança d'un bas. Marcus aurait voulu dire quelque chose. La rassurer, la faire fuir, tout était la question. Faute de quoi, il se tut, et se concentra sur la fenêtre. Des flocons commençaient à doucement tomber sur Saint-Mangouste et l'ambiance à l'intérieur de l'hôpital s'en ressentait. Un infirmier avait tenu à installer du hou et des guirlandes dans sa chambre.
-Marcus, poursuivit Eléonore, d'une voix moins assurée. Je ... je sais que tu vas me détester mais ... Je dois te demander ... Comment tu te sens ?
-A ton avis ?
Sa voix était sèche, presque méchante, autant que la question était stupide. Il s'en voulut presque. Il ne voulait pas blesser Eléonore. Eléonore faisait partie de sa vie, et il avait toujours eu cette intuition qu'elle le ferait toujours, contre vent et marées. Elle avait toujours été sa seule constance. Il avait toujours eu des relations très étranges et changeante avec toute sa famille et ses amis. Mais Eléonore avait toujours été là, souriante, drôle, et piquante. Elle avait longtemps été son seul point de repère. Pour cela, il l'avait aimé. Pour sa présence tranquille chaque jour de sa vie. Il s'était toujours demandé comment il l'aimait. Comme une sœur ? Autre chose ? Plus ? Tout ce qu'il savait, c'était qu'Eléonore était importante dans sa vie, une des choses qu'il avait de plus précieux au monde. Il avait besoin d'elle. Donc il voulait qu'elle reste. Il avait également douloureusement conscience que l'inverse était probablement vrai.
Et c'était pour cela que qu'il voulait qu'elle parte.
-Je me doute bien, continua malgré tout comme Eléonore. Mais ... comprends-moi, ça va faire trois semaines que je me pose la question.
Elle est incroyable, songea malgré tout Marcus en se rembrunissant. Et comme un écho à ses pensées, Eléonore s'avança à nouveau et poussa le vice à s'asseoir sur son lit. En plus se sentir son regard sur lui, son parfum lui parvenait à présent par effluve, accentuant son malaise.
-Luke voulait venir, aussi, mais maman ne l'a pas laissé. Encore une sale histoire, je te raconterais.
Elle était décidemment incroyable. Et elle le connaissait par cœur. Cela ne servait à rien de le brusquer. Alors elle parlait. Un monologue, mais la voix douce et familière d'Eléonore avait toujours eu la faculté de le détendre. De le faire réagir, d'une manière ou d'une autre. Elle était l'unique personne avec laquelle il n'était pas impassible. Et ça, elle le savait, donc elle en usa : elle parla, de Poudlard, de ses problèmes chez elle. Sa mère avait encore cherché des noises à Luke – ou bien était-ce l'inverse ? Felicity, la gardienne de Serpentard, c'était remise avec son ancien copain et sa meilleure amie Jina Kane s'était à nouveau retrouver en situation délicate avec James Potter. Marcus commençait enfin à se détendre, et songer même à tourner le visage vers Eléonore quand elle dit :
-Tu es au courant qu'on est arrivé à un point où même Lucy s'inquiète ? Enfin, pour le Quidditch, tu la connais. Elle m'a demandé de te secouer les puces pour que tu puisses revenir au prochain match.
Il tourna le visage vers elle. Mais ce ne fut pas pour lui sourire. Il la fusilla du regard, de façon si brusque qu'elle eut un mouvement de recul. Enfin il la voyait. Ses mèches blondes proche du châtain encadraient son visage naturellement hâlé, lui tombant sur les yeux avec un certain charme. Son regard sombre brillait, étincelait et Marcus pouvait lire en lui aussi facilement qu'il lisait un terrain de Quidditch.
Elle avait toujours fait parti de sa vie. Il la connaissait par cœur. Et si elle était l'unique personne à l'apaiser, c'était qu'elle était l'unique personne à pouvoir le faire exploser.
Alors il explosa :
-Revenir au prochain match ?
Sa voix n'était pas plus haute qu'un murmure, mais d'une froideur telle que les yeux d'Eléonore s'écarquillèrent.
-Oui, euh ... Tu la connais, elle ...
-Tu as vu où j'étais, Norie ?
Cette fois sa voix s'était élevée, portée par des éclats de colère qu'Eléonore parut recevoir presque physiquement, car elle eut un mouvement de recul. Ses yeux étincelèrent de plus belle et elle répondit d'une voix à la froideur contenue :
-Oh crois-moi, Marcus, j'ai bien vu.
-Alors qu'est-ce qu'il te fait croire que je vais pouvoir revenir pour le prochain match?! Tu m'as vu, Norie, Cassio t'a expliqué ce qu'il s'était passé ? Je suis brisé !
Il eut du mal à lui crier à la figure ces mots, tant sa gorge était nouée par la souffrance et la frustration. Les yeux d'Eléonore s'embuèrent et elle fit un geste pour lui prendre la main. Mais Marcus se déroba, à la fois touché et vexé par les larmes qui commençaient à emplir les beaux yeux d'Eléonore.
-Cassio m'a dit que tu t'en remetterais, insista-t-elle néanmoins d'une voix enrouée. Qu'il faudrait du temps, mais que ...
-Du temps, ricana-t-il avec dépit. C'est ce qu'on me répète à longueur de journée. Mais même quand le temps passe ... Par Merlin, Norie, il ne me laisse même pas utiliser ma baguette ! Je ne peux même pas marcher ! Je ne contrôle pas tout mon corps, Norie, je ... (D'une main plus que tremblante que fixa Eléonore avec horreur, il désigna sa tête). Je ne sais pas ce qui se passe là-dedans, mais rien ne va plus. Sur le cerveau, la magie c'est trop délicat alors on me conseille le temps comme remède. Et je suis désolé, mais là tout de suite je sens que ça ne va pas suffire.
Il avait beau le savoir, il n'en revenait pas. Il avait suffit qu'elle soit là pour qu'il explose. Les yeux d'Eléonore se plissèrent, mais cette fois une étincelle de couroux vint les enflammer :
-Oui Marcus, du temps ! Je sais que c'est difficile à concevoir pour toi qui a toujours voulu aller trop vite, tu n'as jamais su tenir en place ... mais maintenant c'est tout ce dont tu as besoin pour aller mieux, du temps et de la détermination ! Tu as écouté ce qu'on t'a dit ? Tu t'en sortiras ! Il suffit juste que tu le veuilles ! Et ce n'est pas en rechignant contre le temps que tu vas pouvoir remarcher !
-C'est trop facile de le dire sans le vivre, cracha-t-il, piqué au vif. Tu ne sais pas, tu n'as pas idée ... Mon état stagne depuis que je me suis réveillé, ici c'est le défilé des personnes qui me regardent avec pitié et condescendance – le pire étant Théo qui m'a tout de même demander comment ça se faisait que j'étais dans l'équipe si je ne savais pas tenir sur mon balai ...
-Je ne suis pas Théo, répondit sèchement Eléonore. Et je ne te regarde pas avec pitié.
C'était vrai. Son regard était certes embué par les larmes, mais il jetait également des étincelles. Des étincelles qui le heurtait malgré tout en plein cœur. Soudainement, il se sentit réellement las, vide de la moindre énergie. Sa langue pesait lourd dans sa bouche et sa gorge était douloureusement compressée par un tas d'émotion contradictoire. Il était fatigué. Fatigué de se battre pour serrer une balle de mousse, fatigué de songer à comment se sortir de ce lit, fatigué de ne pas y parvenir, fatigué de voir le regard obstiné d'Eléonore sur lui, de parler sans réussir à se faire entendre. Il détourna le regard, las et déchiré.
-Va-t'en.
C'était la seule chose qu'il était parvenu à produire. Un faible, tenu et sec « va-t'en ». Il sentit les doigts d'Eléonore se crisper sur ses draps.
-Quoi ?
-Va-t'en. Laisse-moi tranquille, je dois ... Me reposer.
-Marcus ...
La voix d'Eléonore avait perdu ses accents colériques pour n'être qu'une plainte d'incompréhension. Elle tenta à nouveau d'agripper sa main et parvint cette fois à l'effleurer avant que Marcus ne se dérobe dans un spasme tremblant. Ce contact lui avait arraché un frisson, mais également quelques larmes qui montèrent de façon intempestives à ses yeux. Il les chassa d'un battement de cil.
-Va-t'en, Norie, s'il te plait.
-Mais Marcus ... Marcus, je suis venue t'aider ... Tu ... Tu serais que je serais toujours là ...
-Mais là je te demande de me laisser tranquille !
Son éclat fit reculer Eléonore, qui sauta du lit d'un bond. Marcus détourna résolument le visage pour ne pas voir l'expression dans les yeux d'Eléonore – pour ne pas le blesser comme il avait plus la blesser ... Pendant un horrible instant, ils restèrent ainsi, immobile : Eléonore le fixant désemparé, Marcus fixa la fenêtre pour ne pas affronter son œuvre. Pour enfoncer le clou et se débarrasser de cette situation, il répéta d'une dernière fois :
-Laisse-moi tranquille.
Eléonore ne bougea pas. Plus, après quelques affreuses minutes, les pas d'Eléonore se firent entendre, s'éloignant. Le son grinçant de la porte lui parvint, désolant la partie qui aurait tant voulu qu'elle reste. Puis elle se referma et Marcus laissa enfin échapper une larme de désespoir qui roula le long de son nez.
Décidemment, Eléonore était l'unique personne à voir fissurer son masque d'impassibilité.
Et il était décidemment indigne d'elle.
Une autre larme coula sur sa joue et alla se perdre dans ses draps. Il porta difficilement sa main à son visage et voulut se tirer les cheveux mais ses doigts étaient trop faibles et se contentèrent de trembler. Alors qu'un sanglot menaçait de se faire entendre, d'exploser dans sa gorge et dans la pièce, des pas se firent à nouveau entendre. A l'intérieur de sa chambre. Il se figea.
Se pourrait-il que ... ?
Avant qu'il n'ait le temps de poser des mots sur sa stupeur, une main douce lui effleura les cheveux. Il ferma les yeux, laissant couler deux autres larmes qui n'attendaient que ça pour dévaler la pente. Il se mit à trembler, si fort qu'il planta ses dents dans ses lèvres pour se stabiliser.
-Chuuut ...
Eléonore, qui n'avait pas quitté la pièce, le força à tourner le visage vers elle. Il était trop faible pour résister, alors réprima ses larmes de son mieux pour lui faire face. Eléonore aussi pleurait, les yeux brillants, si beaux quand ils brillaient ainsi, et si tristes ... Sa main caressa sa joue, doucement, avec tendresse, une tendresse qui toucha Marcus en plein cœur. Elle planta son beau regard sombre dans le sien, les larmes dévalant ses joues inlassablement.
-Non, finit-t-elle par lâcher d'une voix rauque. Non, je ne te laisserais pas. Jamais. Tu as toujours fait partie de ma vie, et j'ai toujours fait partie de la tienne. Chaque fois que je pleurais, tu étais là. Et quand je riais à nouveau, c'était grâce à toi. Tu m'as promis que tu serais toujours là alors laisse-moi te rendre la pareille, Marcus Montague. Je serais là. Chaque minute de chaque heure de chaque jour de ta vie, je serais là. Je serais là pour t'obliger à faire ton devoir de Potion. Je serais là pour te dire d'être gentil avec Lucy. Je serais là pour t'appeler au secourt quand je cuisinerais. Et tant que tu seras cloué dans ce lit, à te morfondre, je serais là pour te secouer les puces, je serais là pour t'encourager, je serais là pour t'aider. Chaque minute de chaque heure de chaque jour, Marcus Montague et jusque la fin de ta vie.
Et alors elle se pencha, très doucement, sans le quitter du regard et elle posa ses lèvres au goût de larme sur les siennes. C'était un baiser à la saveur particulière dont chaque note était perceptible. Le chagrin d'Eléonore, son inquiétude profonde, sa colère et sa révolte. Et son amour. C'était ce qui prédominait, dans ce baiser, et ce fut ce qui se diffusa depuis les lèvres d'Eléonore jusque dans les veines de Marcus, cet amour inconditionnel qu'elle lui vouait et qui l'empêchait de l'abandonner. Marcus sentit son corps se liquéfier et son cœur battre plus fort, si fort qu'il craignit un instant qu'il s'échappe de sa poitrine. L'amour d'Eléonore continuait de s'écouler dans ses veines, éclaircissant ses idées, ses sentiments, lui insufflant une nouvelle force, de nouvelles certitudes. Il répondit à son baiser. Il l'embrassa, parce qu'il en avait besoin. Besoin d'elle, de son soutien, de son amour s'il voulait s'en sortir. Il avait besoin d'elle dans sa vie.
Chaque minute de chaque heure de chaque jour de ta vie, Eléonore.
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