Je l'imagine

Je l'imagine, comme je peux, et ces images me font plus de mal que de bien, mais je ne peux pas m'en empêcher. Mon bébé.
Une fille. Une magnifique petite fille. Je ne peux m'empêcher d'imaginer que ça aurait été une fille.
Une magnifique petite fille, qui aurait pris la couleur de mes cheveux et de mes yeux, qui aurait pris la beauté extérieure de son père.
Je l'aurais protégée, de toutes mes forces. Je serais partie pour la sauver. Je l'aurais chérie, bien plus que ma propre vie. Elle aurait été mon sang, ma raison de vivre.
Elle aurait eu un prénom avec beaucoup de A, j'ignore encore lequel, parce que je trouve ça joli.
Je l'aurais bercée dans mes bras durant des heures. Je l'aurais nourrie, élevée, élevée si loin pour qu'elle réussisse dans la vie.
J'aurais tout fait pour qu'elle soit heureuse. Je n'aurais jamais reproduit les erreurs de mes parents. Jamais je ne l'aurais mise en danger.

Je suis allongée dans le lit, sur le côté, un coussin contre moi. Je ne peux arrêter mes larmes qui coulent. Je tremble aussi. Je tremble plus fort lorsqu'il est à côté de moi. Il passe parfois quelques minutes à me fixer du regard, sans prononcer un mot. Il me fixe sans ce que je sache pourquoi, dans ce que je sache ce qu'il pense, sans que je sache ce qu'il compte faire. Il me fixe sans même que je sache s'il représente un nouveau danger pour ma personne. Mais, je ne dis rien. Je le laisse faire. Je ne peux rien lui dire, j'ai peur. Je ne veux pas qu'il s'énerve, alors je le laisse faire ce qu'il veut.
Lorsqu'il est seize heure, il revient une énième fois.
- Tu as faim ?
Sa voix n'est pas agressive, elle est bien au contraire posée.
- J'ai fait à manger.
- J'ai pas faim...
- Il faut que tu manges...
- Tu comptes m'empoisonner ?
- Non Lucy. Je me servirai aussi, sous ton regard, si tu veux.
- J'ai pas faim...
- Viens manger un peu.
- Il faut que je perde du poids...
- Dis pas de connerie.
- Il y a que toi qui a le droit de le dire...?
Il soupire.
- Je dis des conneries moi, c'est pas nouveau.
- Tout ce que je veux c'est que mon bébé soit encore dans mon ventre.
- Lucy...
- Je veux... Je veux mon bébé...
- C'en était pas encore un.
- Mais il aurait pu le devenir...
- On en aura fait quoi, hein ?
Je renifle et me redresse pour lui faire face.
- Toi, tu ne l'aurais pas touché.
- Lucy.
Sa voix prend à nouveau le ton d'un avertissement. Je baisse les yeux et me tais. Il s'approche un peu trop de moi, je tremble plus fort. Un de ses bras va sous mes jambes et l'autre vers mon dos, et c'est ainsi qu'il me porte.
- Je t'en supplie... J'ai assez mal comme ça... Je t'en supplie ne me frappe pas... Je ne recommencerai plus, je te jure !
- Je vais pas te frapper.
- Qu'est-ce que tu vas me faire alors...?
Il ne répond pas et me dirige vers le salon. Il me pose sur le canapé. Sur la table basse se trouve une pizza qu'il a faite lui même. Il l'a découpe et fait tourner le plat sur laquelle elle est posée.
- Comme ça, t'as la certitude que y'a pas de poison dessus. Je saurais pas où je l'aurais mis.
Il prend une part et me la donne avant de prendre une part et de la manger.
Je la regarde un long moment avant de croquer dedans et de la manger.

Après avoir manger deux parts sous son obligation, je pose les yeux sur le mur. Mes pensées divaguent. Je pose les deux mains sur mon ventre.
Peut être que je n'ai pas vraiment fait une fausse couche. Ils se sont peut être trompés. Ils m'ont peut être menti. Mon bébé est peut être toujours là.
Je caresse mon ventre.
Mon bébé est peut être toujours là, j'y crois encore.
Je veux m'accrocher à ça.
Je dois survivre pour mon bébé.
- Lucy, qu'est ce que tu fais ?
Tom perturbe le cours de mes pensées et me fait sursauter. Je secoue la tête.
- Rien...
- Alors arrête ça.
Il me prend violemment les poignets et me les retire de mon ventre.
- Je... Je suis désolée...
Il hoche la tête et s'en va de la maison en claquant la porte et en la fermant à clefs.
- Non, pitié... Ne m'enferme pas...!
Mes larmes reviennent. Je me précipite vers la porte que je frappe avec mes mains. J'essaye de l'ouvrir de nombreuses fois, évidemment sans succès.
- Je t'en supplie !!
Je frappe de nombreuses fois, sans m'arrêter.
- Pitié !! Je veux pas... Je veux pas être enfermée !! Je t'en supplie... Pourquoi... Pourquoi tu fais ça...? Pourquoi tu me fais ça...?  Pitié... Que quelqu'un m'aide !! Je vous en supplie que quelqu'un m'aide !! Aidez-moi !!! Vous pouvez pas me laisser comme ça... Vous pouvez pas...
Sur les fenêtres, c'est pareil, il y a des poignées qui se verrouillent. Je suis totalement enfermée.
- Putain !! Personne ne m'entend ou vous faites semblant ?! Aidez moi !! Je veux pas rester enfermée... Je peux pas... Pitié... J'ai peur... J'ai peur...
Je m'allonge contre la porte. Et cette image de moi même me fait penser à celle d'un chien attendant le retour de son maître.
Si c'est un chien battu, tout ce qu'il attend au fond, c'est de l'amour.
- Pitié...

Je survivrai pour mon bébé. Ma petite fille. Ma jolie petite fille.

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