[Hallowed by the Name – Iron Maiden]

Je cherche mon air mais rien ne me parvient et pourtant, j'ai le sentiment que ma poitrine se dédouble. J'ai l'impression que mon cœur va éclater tandis que je suis effondrée sur le parquet de ma chambre.

Je fais comme toujours.

Je fais comme tous les cinq ans.

Je prie pour que ce soit plus rapide.

Des larmes s'échappent de mes yeux engloutissant mon mal-être et entrainant juste après une chaleur dans ma gorge. Puis, vient, le froid sur mon cœur. Tout se comprime, et pendant cet instant, j'ai la sensation de ressentir toutes les douleurs du monde. Mon corps ne m'appartient plus alors qu'il me prouve bien qu'il est connecté à mon esprit. Je subis et absorbe à la fois toutes les perceptions inimaginables qui me sont dévoilées. Je me perds dans mon propre détachement à la pensée alors que mes tremblements donnent la raison de mon être. Je sens mes pupilles se dilater au maximum mais je vois sans voir.

La porte s'entrouvre sur ce nouveau don.

C'est comme si je chutais d'un avion en plein vol. La terreur de savoir ce qui va m'advenir, et fraicheur qui anime tout mon corps m'offre une chute dans les méandres de mon origine. Je me crispe complétement, de peur que tout éclate sur ce don qui va mettre donner. Je continue de prier silencieusement, pendant que mes larmes troublent ma vision. Je sais ce qui va venir, mais à chaque fois, le Choc est si brutal que j'espère hargneuse que les secondes s'égrènent.

Je ferme les yeux et patiente.

Mon corps entier trésaille et en un instant, je reprends mon air comme si je respirais pour la première fois de ma vie. Je me sens seule et affreusement mal sur ce sentiment étrange. Sur cette nouvelle étape franchie. Mon cœur bat la chamade et il ne reprend pas son calme. Ma respiration saccadée, elle, résonne dans toute la chambre. Je ne peux pas me révéler et je n'ose pas le faire.

J'ai peur.

Tellement peur de savoir ce qui m'a été donné maintenant. Rien qu'en songeant à la dernière fois, où les manifestations se sont faites plus importantes, je déglutis difficilement. Je ne veux pas voir des choses plus terrifiantes alors je ne bouge pas. Cherchant au fond de moi une raison d'ouvrir les yeux, une once de courage qui me permettrait de me relever une fois encore. Mais mon doute est toujours présent au bout de cinq minutes allongée sur le sol et même si la fraîcheur sur ma poitrine s'atténue, je n'ouvre toujours pas les yeux.

Je retrouve mes sens un à un. Je pense que je dois atteindre des températures négatives, tant, cette sensation de froid est paralysante. Je me lèche les lèvres anxieuse une dernière fois et me décide à ouvrir les yeux.

Je ne vois que mon plafond blanc. D'un côté, ça me rassure, sauf que la dernière fois, je n'ai rien vu de mes yeux. Je sais pourtant que je n'échapperai pas à ce nouveau don alors je ne vais pas rester plantée là. Je préfère savoir cette étape traversée et me redresse doucement. Je passe ma main sur mon front plein de sueur alors qu'une blancheur m'éblouie. Je baisse mon bras et observe un halo lumineux s'échapper de lui. La couleur d'abord immaculée s'étend sur un turquoise magnifique, pour finir sur un bleu foncé prononcé. Je cille en observant cette chose émaner de ma main mais elle disparait subitement, m'effrayant en même temps. Je ne quitte pas du regard mon bras et elle réapparait tout doucement.

Nerveuse, je me redresse et fonce devant un petit miroir. En me regardant, mon portrait me frappe, la couleur s'étend au-delà mon corps et s'agrandit plus je l'observe. Je ne comprends pas bien quel est ce nouveau don mais par une seule pensée, cette couleur disparaît. Il me suffit de souhaiter la voir pour qu'elle réapparaisse. Je me frotte le visage ne comprenant pas ce que cela signifie. Je me tourne vers mon réveil qui m'indique 5H15.

Aussitôt, je sursaute sur le vibreur de mon téléphone portable. Je souffle un bon coup sur cette petite terreur et m'avance pour le saisir. En voyant le numéro qui s'affiche, mon cœur s'apaise sachant que même loin de moi, elle est là.

- Allo ?

- Lucy ! Comment... Est-ce que... ?

- Oui ça va... et oui. Un autre.

Le silence de Judith me pèse tout d'un coup. J'entends son souffle à l'autre bout du fil mais ne dis rien de plus. Je ne sais pas ce que voir cette couleur signifie mais je m'assois sur le rebord de mon lit en émergeant doucement de ce nouveau choc.

- Et alors... ?

- Judith, je ne sais pas ce que ça veut dire...

- Pourquoi ?

- Je vois une couleur.

Je déglutis difficilement en observant mon bras et en scrutant vers la fenêtre, je bloque. La blancheur presque divine qui s'échappe de l'extérieur me laisse sans voix. Judith me demande quel genre de couleur alors que je me lève et m'avance vers la vitre pour mieux voir sans lui répondre. En baissant mon regard vers la rue, je cherche mon air nerveusement. Je réalise d'où proviens cette blancheur et je me sens terrifié et fascinée à la fois par cette découverte.

- Lucy ?

Je n'écoute même pas sa voix, j'observe juste interdite ce monde extérieur incroyable.

- Lucy !

- Oui... euh... attend.

- Attendre ?

- Judith, je te rappelle ! Je dois vérifier quelque chose.

- Lucy mais...

Je raccroche, attrape en vitesse ma veste en cuir et enfiles mes bottes aussi rapidement. Ma porte d'entrée claque dans mon dos et je dévale les escaliers grinçant pour sortir à toute vitesse de ce petit immeuble. Une fois dehors, mes épaules s'affaissent en contemplant sa luminosité. Son éclat est d'une blancheur incroyable et il s'étend dans cette rue sombre. Il ne crée pourtant aucune ombre.

Je m'approche de l'arbre pour le toucher et comprendre comment il peut émettre une telle lueur. Mais en voulant saisir la matière, ma main passe au travers. Je me renfrogne en découvrant la blancheur du tronc et des racines alors qu'elles sont camouflées par le bitume. Cette lumière s'étire sous mes pieds et continue son chemin. Et en me retournant pour la suivre, la rue vide me fait face. L'arbre suivant, à une dizaine de mètres de celui-ci s'éclaire aussi. M'ouvrant un chemin de grâce sous mes yeux. La lumière enrobe toute la rue et rien qu'en songeant au fait qu'elle m'éblouit bien trop, tout disparaît en une seconde.

Mon cœur tambourine dans ma poitrine et mes pensées s'entrechoquent entres-elles sur cette nature étrange. Je me retourne et file dans mon appartement pour chercher mon casque. Il faut que je parcoure la ville pour comprendre. Le soleil n'est pas encore levé et je devrais dormir mais il est impossible de ne pas chercher à savoir ce que cache ce nouveau monde.

Je redescends aussi vite que je suis montée et enfourche ma moto. Le moteur ronronne enlevant la quiétude de ma rue mais gardant ma curiosité tout aussi attisée.

Je démarre et il n'y a qu'une question qui fait écho dans ma tête sauf qu'en croisant par hasard un passant, je freine de toutes mes forces. Mes mains trembles sur mon guidon et je fais mon possible pour me stabiliser. Je ne dois pas chuter, mais je n'arrive pas ne pas l'observer. Il est tout aussi lumineux que l'arbre, pourtant, sa couleur m'interroge.

Pourquoi est-il orange ?