18H15
[The Red an the Black – Iron Maiden]
Il me dévisage et ne dit rien. Les lèvres pincées, j'espère les voir se délier mais il n'y a que son regard vert qui me parle. Il ne semble pas surpris par ce que je viens de lui révéler sauf qu'il y a quelque chose qui lui fait peur. C'est incroyable, c'est la première fois que je dois deviner des sentiments. J'ai envie de le toucher pour vérifier que mon don n'a pas disparu alors je m'approche ma main mais il se recule.
- Ma fille vous ne devriez pas jouer et parler avec les morts. Je sais que ce sont des choses à la mode mais l'ésotérisme dissimule des forces que vous aurez du mal à contrôler. Et j'ai dû plus d'une...
Je fronce les sourcils et manque d'éclater de rire mais c'est trop tard. Ma réaction s'égare devant lui et le stoppe dans ses paroles, Je ne peux m'empêcher de ricaner. Comment peut-il croire qu'il s'agit d'un jeu et en plus que je m'en amuse ?
- Croyez-vous mon Père que je joue ? Que je m'amuse avec les morts ?
Il ne répond pas et m'examine. Droit et calme, tandis que mes nerfs lâchent sur ses paroles. Je prends une grande inspiration avant de faire un pas vers lui sans le quitter des yeux.
- La réalité est différente. Ceux qui souhaitent voir ne voient pas et ceux qui ne le souhaitent pas voient. J'échangerai ma vie contre n'importe laquelle si cela me permettait d'être en paix.
Il ne dit rien et me surplombe de sa hauteur. Ses épaules s'abaissent et il souffle doucement.
- Je ne voulais pas...
- Pourtant vous venez de le faire. Et votre jugement n'est pas mérité.
Je détourne mon regard de lui et secoue la tête, fatigué par cette journée et ma vie toute entière. Je sais que mes dons entrainent pour certains, le jugement de la folie. On m'a pensé dérangé plus d'une fois, accroché à des croyances et des jeux étranges. Je hais que l'on pense ça de moi.
- Je ne suis comme ce que vous pouvez imaginer. Je ne souhaite même pas révéler cette partie de ma vie mais...
- Pourquoi me le dire dans ce cas-là ?
Ses yeux vacillent, curieux. Et cette forme d'innocence dans les traits de son visage me déroute mais je lui confesse mes idées farfelues.
- J'ai besoin de savoir qui je suis. Ces morts me disent que je suis le cinq et que je dois chercher le six. Je ne sais pas pourquoi mais au plus profond de moi, j'ai le sentiment que je vais être amené à faire de grande chose. Que de chemin que je dois prendre ne doit pas être un autre que celui qui est le vôtre, que je ne dois pas m'égarer et écouter ce qu'ils me disent parce j'ai...
- Vous avez une mission ?
Je redresse mon regard vers lui et ses yeux verts me transpercent. Je tremble mais son calme me rassure et pourtant, je devrais m'en inquiéter parce que c'est exactement ce que je voulais lui dire. J'acquiesce d'un hochement de tête. Il s'humidifie les lèvres pendant que je reste scotché à elles dans l'attente d'une réponse, mais en une seconde, je tourne la tête sur une voix qui crie mon nom.
Judith et la Mère Supérieure s'approchent de nous, je maudis le Ciel et la Terre d'interrompre cette conversation. Je me retourne vers le prêtre et son regard est plus sombre. Il se baisse vers moi et pose sa main sur mon épaule. Ce contact me surprend mais il ne m'effraie pas, et je n'ai pas le temps de me concentrer sur ce que je vois qu'il retire sa main.
- Nous avons tous des missions ma fille.
Il m'a à peine susurré ses mots. Je reste interdite devant cette phrase et j'espère que ce n'est pas le prêtre qui me parle mais l'homme. Celui qui semble être ce six. Judith s'approche de moi et passe sa main douce sur mon bras. En la regardant, elle semble inquiète mais ses doigts me donnent tellement de douceur que je ne peux que lui rendre cette tendresse dans mon regard.
- Lucy, je pensais que tu étais rentré dormir. Qu'est-ce que... ?
- Je voulais oui, mais suis allée voir Maria.
Elle ne dit plus rien et souffle, dépitée. Elle sait parfaitement qui est cette femme et son cœur ne l'aime pas à sa juste valeur. Judith n'a même pas le temps de me répondre que la Mère Supérieure nous rejoint et m'accuse du regard.
- Lucy que fais-tu avec le Père Jonathan ?
Je lève les yeux au ciel sur sa question qui m'agace tout de suite. Cette femme ne m'aime vraiment pas et se méfie constamment de moi. Je lui rends un sourire crispé pendant qu'elle me dévisage. Ses yeux et ses lèvres pincées dévoilent toute son autorité qu'elle aime tant. JE lui souris en observant son aura rouge sang s'étendre et s'approprier tous l'espace autour d'elle. Elle pénètre sans problème celle de Judith. Et je la suis du regard vers le prêtre. Je cherche à taire mon gloussement, je ne veux pas pas rire. Voilà bien la première fois qu'une barrière se place devant cette femme. L'aura du prêtre est plus puissante que la sienne et la stoppe. Ce noir ne laisse pas le rouge l'approcher.
En un instant mon amusement disparait. Mon corps se fige et un haut le cœur me bloque la respiration. L'association de ses deux couleurs me perturbe et j'ai l'impression de revoir une scène déjà vécue.
Le rouge et le noir.
Deux couleurs qui me sont familières alors que je n'en connais pas l'origine. Je me perds soudain à observer ce mariage. À droite le rouge et à gauche le noir. Les deux auras se font face mais ne fondent pas entre elles. C'est comme si le rouge ne pouvait pas toucher le noir mais que le noir s'approchait tout de même du rouge.
- Lucy ?
Je cligne des yeux pour reprendre mes esprits et tous me scrutent sans dire un mot. La Mère Supérieure me dévisage bien plus et Judith s'inquiète mais ce qui me trouble, c'est le prêtre qui me fixe la mâchoire serrée. Ce vert émeraude augmente mon rythme cardiaque sur une pensée. Aurait-il vu ce que je viens de voir ?
- Lucy, que fais-tu ici ?
Je jette un regard à la Mère Supérieure, sa question m'embête et je n'ai pas envie de me justifier auprès d'elle. Je réfléchis une seconde avant de retourner mon regard vers le prêtre.
- Je... j'ai oublié quelque chose avant. Je suis juste revenu pour le récupérer et j'ai croisé mon Père dans les escaliers.
La mère supérieure m'observe mais ne remarque pas mon mensonge alors que je cherche mes mots. Judith quant à elle fronce les sourcils, et ne dis rien. J'ai l'impression qu'elle peut lire en moi comme dans un livre ouvert parfois mais ce qui m'étonne, c'est la voix masculine qui poursuit.
- Lucy me raccompagnait et je l'en remercie. Je vais maintenant y aller. Un avion m'attend pour rentrer chez moi.
Il insiste bien sur me dernier mot en ne me quittant pas du regard. Je bouillonne intérieurement. Je ne peux pas laisser faire ça. Il ne peut pas quitter le pays, il doit rester et m'aider à comprendre. Cette mission dont j'ai le sentiment d'être investi, elle doit être avec lui. Il est clair dans mon esprit aussi embrumé par les voix, les sensations, les odeurs et les visions, que rien n'est plus important en cet instant, que cet homme. Je m'apprête à lui répondre mais mon amie saisit ma chance de le contredire.
- Un avion ? Vous n'êtes pas d'ici ?
- Mon père, est -ce que tout va bien avec Samuel ?
Judith et la Mère Supérieure ont parlé en même temps. L'une curieuse, et l'autre soucieuse. Je ne m'étonne pas de ses personnalités opposés et souris à Judith pendant que le père Jonathan répond.
- Oui, je retourne en Irlande et oui, Samuel dort maintenant.
J'observe Judith et son aura qui retrouve une rose plus claire et la Mère Supérieure qui dissimule sa terreur. Le soulagement gagne tellement ses traits qu'il n'est même pas nécessaire d'avoir des dons pour comprendre ses émotions. Le petit Samuel a dû lui faire bien plus peur qu'à moi.
- Merci pour votre intervention, le Père Ambrose a dû être un mentor exceptionnel pour vous et je suis navré d'apprendre sa mort. Il était un très bon prêtre et ami.
- Je vous comprends, c'était un homme bon et il m'a très bien enseigné ce combat contre les ténèbres.
Je me retourne vers lui et son regard furtif dans ma direction me contracte le ventre. Je ne veux pas le voir partir et encore moins le voir quitter notre pays mais cet homme semble têtue pour un homme de Dieu. Sans compter que je pense qu'il me cache quelque chose.
- Vous ne pouvez pas partir, votre place est ici.
Judith et la Mère Supérieure froncent les sourcils ne comprenant pas mes paroles mais j'ai insisté avec ferveur sur le mot place. Il me regarde sans répondre, peu m'importe ma folie, c'est bien vrai que je ne peux pas lui ordonner quoi que ce soit. Je ne l'ai peut-être jamais vu mais je suis certaine que je le connais bien plus qu'il ne doit se connaitre lui-même. Alors je ne le laisserai pas partir comme ça.
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