10H35
[Speed of light – Iron Maiden]
J'essaie de faire bonne figure mais j'ai l'impression de retenir un torrent d'émotions. Il a fallu que j'avale de travers pour me retrouver dans une situation étrange. Le prêtre à accouru en une fraction de seconde pour me taper dans le dos. Son regard était empli de crainte de me voir m'étouffer. La terreur dans les yeux, je la connais. Je fais peur aux morts mais là, il ne s'agissait pas de celle-là, et ça me rend d'autant plus folle que j'aurais aimé tout savoir en m'agrippant à lui. Je voudrais connaitre ses sentiments mais ce n'est pas ce qui est arrivé.
J'ai vu autre chose.
Quelque chose que je n'ai jamais vu avec personne. Je regarde Maria me parler mais je n'écoute même pas. J'ai préféré poser une question inutile pour dissimiler ma gêne. Une diversion pour cacher le fait que je ne me sente pas bien.
J'ai des sentiments bien trop contradictoires qui semblent prendre le dessus sur qui je suis. Je secoue la tête pour chasser des images inconcevables de mon esprit et pour me concentrer sur Maria, mais rien à faire. Elle explique je ne sais quoi alors que j'ai une question qui me brûle les lèvres. Je n'arrive plus à la retenir. Peut-être qu'elle sait pourquoi ?
- Pourquoi je ne ressens rien avec lui ?
Maria arque un sourcil de l'avoir coupé dans ses explications mais ses épaules se détendent et son sourire me rassure. Je regarde du coin de l'œil Jonathan qui semble surpris de lui avoir coupé la parole mais c'est plus fort que moi. J'ai besoin de savoir pourquoi lorsque je le touche, je ne vois pas le fond de son âme, ses pensées et ses peurs. Pourquoi je vois ces images ?
- Comment ça, ne rien sentir avec moi ?
Je me retourne vers Maria, implorante, sans répondre au prêtre. Il est étonné mais je ne lui ai rien révélé sur moi et c'est une situation qui me gêne bien trop souvent. C'est bien la première fois que mon don ne m'agace pas et que j'aimerai connaître les pensées sombre d'un homme d'Église. Et bizarrement, cette envie a un côté malsain. Presque interdit. J'ai envie de m'immiscer dans ses sentiments avec avoir vu ses images. Je braque mon attention sur Maria et cette dernière se retourne vers lui.
- Lucy est un médium très rare, voire unique. Je n'en ai jamais vu comme elle. Elle est bien plus élevée que moi et de ce que je comprends, avec vous, elle ne voit pas.
- Voir quoi au juste ?
Le père Jonathan se retourne vers moi et m'interroge du regard, soucieux. Je cherche mes mots mais c'est une chose étrange que j'ai du mal à expliquer. Je sais juste tout sur cette personne. Comme si tout était écrit sur son front et qu'il me suffisait de le toucher pour le lire.
- Mon père, est-ce que ça vous ait déjà arrivé d'avoir de l'intuition au sujet de quelqu'un ? De trouver une personne étrange ou déprimée alors que rien ne montre que ce soit le cas et surtout que vous ne la connaissez pas ?
Ses yeux vacillent de moi à Maria, les sourcils froncés, il hoche la tête.
- Oui c'est une première impression qui m'arrive parfois, mais pourquoi ?
Maria lui rend un sourire et se retourne vers moi avec un regard compatissant.
- La première intuition est toujours la bonne. Et je sais que ce n'est pas toujours dévoilé aussi facilement, mais imaginez si tous ceux que vous voyez était transparent pour vous. Sans mystère, grâce au toucher... Lucy ressent ça avec n'importe quelle personne, mais à priori, de ce que je comprends, pas avec vous.
La vieille dame me sourit d'un sourire sincère alors que le père Jonathan se retourne vers moi, les lèvres entre-ouverte.
- Vous arrivez à faire ça ?
Je me mordille le coin de la lèvre. Je n'aime pas beaucoup parler de tout ça mais c'est bien un problème que j'aimerai comprendre.
- Concrètement, je n'y arrive pas spécialement. C'est comme ça. Je n'ouvre pas une porte magique pour entrer dans un monde où je n'invoque pas un esprit puissant. Je touche et je ressens. Et chez vous, je n'arrive pas. Enfin... je n'en sait rien... c'est étrange... rien n'est clair... je ne sais pas comment...
- Touchez-moi.
Sa demande m'a stoppé dans ma lancé. Je cherche mes mots alors qu'il s'approche de moi et me le redemande avec un ton bien plus calme.
- Lucy, touchez-moi.
Il pose un genou à terre et ne me quitte pas des yeux. Je ne sais même pas comment réagir. Mon cœur jongle entre la surprise et l'appréhension mais aussi l'envie. Ce vert me sonde autant que je m'en imprègne. J'approche ma main tremblante de sa joue. J'ai peur mais j'ai hâte aussi. Je ne sais pas vraiment ce que j'ai vu en le touchant et j'ai besoin de mieux savoir. Il ferme les yeux au moment où je la pose sur lui et un frisson dévastateur parcours mon bras. Sa peau rasée reste légèrement rugueuse et après ce premier touché, vient des images qui contractent mon ventre. Il ouvre les yeux brusquement et appui sa joue contre ma main. Il ne me quitte pas du regard alors que je ne vois rien de clair. Il n'y a que des bribes. Des images qui filent aussi vite qu'elles m'apparaissent.
Un gout. Une mission. Deux couleurs. Le rouge et le noir. Une révolte. Une lumière éblouissante. Des regards. Deux mains qui se serrent.
Je me perds autant dans ces prunelles émeraude que dans ce que je vois. Tout va vite, bien trop vite. Toutes les images défilent sous mes yeux n'ayant pas le temps de bien les voir pour certaines. Ma respiration est sifflante et incontrôlée. Je tremble de plus en plus alors que ma poitrine s'abaisse et se lève au même rythme que la sienne. J'ai l'impression qu'il voit ce que je peux voir et subit autant que moi des images incompréhensibles.
Je visualise sans comprendre. Je ressens sans toucher et je plonge dans un monde inconnu sans bouger. Je m'accroche juste à ses yeux verts mais en les retrouvant dans mon songe dévastateur, j'ôte aussitôt ma main. Il écarquille les yeux également, déglutis, puis détourne son regard du mien. Je cherche mon air en ne comprenant pas la dernière image. J'ai l'impression d'avoir traversé des siècles en un claquement de doigt et que le retour à la réalité n'est pas ma place. Comme si ce qui m'entourait n'était pas le plus important que ce qui vient de se passer. Que ses images qui se sont révélés à moi étaient toute la vérité.
- Qu'as-tu vu ?
Je retourne mon regard vers Maria. Elle est calme et ses yeux reflètent toute la douceur du monde. Elle attend simplement que je lui dévoile ce que je viens de voir mais j'ai encore du mal à reprendre mon souffle et à réaliser.
- Je...
J'ose un coup d'œil vers le père et il fixe un point derrière moi. Il semble tout autant perdu que moi. Est-ce qu'il a aussi vu ?
- Est-ce que vous avez aussi...
- Oui.
Il se redresse et ses yeux m'offrent une lutte intérieure. Son regard vacille dans le vide me donnant le sentiment qu'il analyse ce qui vient de se passer. Maria tousse dans son dos et penche la tête vers moi.
- Qu'avez-vous vu ?
Je cherche quoi dire mais que le prêtre se retourne vers elle et prend la parole.
- Nous, c'est nous que nous avons vu.
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