1.


Moi, Lucile Martin, 28 ans et encore toutes mes dents, je me demande encore ce que je fous là, plantée comme un roseau en plein désert, devant la bâtisse qui accueille ce soir la plus grande soirée de l'année ; que dis-je, de la décennie. Enfin, c'est surtout la plus grande soirée pour tous les anciens élèves du lycée Camus de Fréjus, en mal de vie sociale accomplie.

Et là, je passe certainement pour une grosse pouffe qui se la pète plus haut que son cul ? Que nenni ! C'est juste que si on m'avait dit que j'y remettrais les pieds afin d'y célébrer notre 10ème année post BAC, je ne l'aurais pas cru.

Non pas que j'y ai vécu de terribles années, bien au contraire, mais la dernière soirée passée dans cet établissement, a laissé comme un goût amer qui m'est resté au travers de la gorge. Mais je ne vais pas me laisser envahir par des souvenirs trop douloureux, dont la plaie purulente peine toujours à cicatriser, malgré les nombreuses années écoulées.

Ce qu'il faut savoir me concernant, c'est que la ponctualité et moi, ça fait deux. Mais à en croire les pas pressés qui claquent derrière moi, je ne suis heureusement pas la seule à souffrir de ce mal.

Je me décale sur la gauche pour laisser passer deux de mes anciens camarades, Joris et Natacha, qui feignent de ne pas me voir. C'est à se demander si un petit « bonsoir » leur aurait arraché la gueule à ces deux-là. En même temps, peut être qu'ils ne m'ont réellement pas vu. A l'époque, ils ne voyaient déjà pas plus loin que leur nombril ! Ou plutôt ce qui se trouvait en dessous, me susurre ma conscience. Toujours est-il que je trouve étonnant que l'égo de l'un ait résisté à celui de l'autre. « Le cœur d'autrui demeure le plus grand des mystères » selon Gaëlle Josse, et ce n'est pas moi qui la contredirait.

Je lisse ma robe fourreau noire. Elle m'arrive juste au-dessus du genou. Si elle paraît sage vu de devant, le dos, lui, arbore un vertigineux décolleté. Ce soir, j'ai décidé de montrer que mes rondeurs adolescentes ont toutes migré vers ma poitrine. Je n'en suis pas encore à concurrencer Pamela Anderson, mais la petite brune boutonneuse longtemps complexée que j'étais, est fière de son tour de poitrine aujourd'hui.

Si le temps a été relativement clément avec moi, ça n'a pas été le cas pour tout le monde apparemment. Pour preuve, la tête chauve de Yann que le couple de pédants vient de rejoindre devant l'entrée du bâtiment. Faut croire que ses cheveux se sont faits la malle en même temps que son look et sa gueule de beau gosse péteux d'antan. Il ne lui reste désormais qu'un air négligé alourdi d'un bon ventre à bières bedonnant. Beurk ! Les excès en tout genre, ça se paie tôt ou tard ! Heureusement qu'on a passé l'âge depuis le collège des « cap/ pas cap » pendant ce genre de soirée. Pas sûr que s'il me fallait renouveler l'expérience de sa langue dans ma bouche, mes pâtes bolo de ce midi ne finissent pas sur ses pompes mal cirées.

J'ai beau traîner des pieds, il va bien me falloir entrer dans la salle de réception. Mais quand j'ai promis à Mamina d'y mettre un orteil, je savais déjà qu'à peine le second pied posé, il serait déjà l'heure pour que chacun rejoigne son carrosse. Eh oui ! Je me la joue Cendrillon ce soir ! Cependant, si je suis son exemple sur le concept « aussitôt arrivée, aussitôt repartie », je n'ai aucunement l'intention d'y laisser ma pantoufle, qui au passage m'a coûtée une blinde.

Et puis, si en prime je pouvais éviter le prince...


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Voici le tout premier chapitre de cette petite nouvelle.

N'oubliez pas le deal: une petite étoile pour une luciole!

A très bientôt!

Namsra

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