1x23 : L'horizon

Musique/Vidéo : M83 - Wait

Lorsque je me réveille après une courte nuit de sommeil, je mets quelques secondes à me souvenir pourquoi ma vie n'est plus la même. Je suis maman d'une petite fille depuis à peine huit heures. Maman... un si joli mot, l'un des plus beaux de la langue française.

Aujourd'hui, je vais être seule une partie de la journée, maman et le docteur Mitose ayant ordonnés que je me repose autant que possible. Ma famille devrait revenir mevoir ce soir.

Tout à coup, je me rends compte que Lucie n'est pas dans son petit lit.

Mon cœur se met alors à paniquer. Où est-elle passée ?

Le docteur Mitose entre alors dans la chambre.

- Docteur, ma fille, où est-ce qu'elle...

- Ne t'inquiète pas, elle est simplement placée en maternité afin que nous puissions faire les premiers examens post-partum. Tu peux aller la voir dès maintenant.

Mais oui en maternité, j'avais oublié.

- Ah, dans ce cas ça va.

- J'ai oublié de te dire hier mais Lucie pèse trois kilos six et mesure cinquante-cinq centimètres. C'est un beau bébé que tu as là.

Je réponds avec un sourire avant de respirer un grand coup.

- Docteur, je peux vous confier quelque chose ?

- Bien sûr. Je suis là pour ça.

Je réfléchis encore quelques secondes. Puis je respire un grand coup et dis :

- En fait voilà, j'ai peur. Je suis vraiment heureuse d'être mère et je ne regrette pas ma décision mais... je n'ai que seize ans...

Le docteur Mitose sourit, comme si je venais de lui demander si je pouvais m'acheter un bouquet de roses.

- Tu réagis comme toutes les femmes qui viennent de devenir mère, Mathilde. C'est normal d'avoir peur, ta vie va changer. Mais tout ira bien, je sais que tu vas t'en sortir. Tu as déjà suffisamment prouvé que tu en es capable. J'ai toute confiance en toi.

Il s'assoit sur le lit face à moi et me regarde dans les yeux. Le docteur Mitose s'occupe de moi depuis ma naissance mais je ne me souviens pas qu'il ne m'ait jamais regardé ainsi. J'ai un grand, grand respect pour cet homme.

- Mathilde, cela fait vingt-cinq ans que j'exerce mon métier et crois totalement ce que je vais te dire là : tu es la plus magnifique de mes patientes. Ne doute jamais de ce que tu es car tu es quelqu'un de bien. Tu sauras être une maman pour ta fille, tu deviendras une femme merveilleuse.

- Arrêtez, docteur, je suis loin d'être parfaite, dis-je en rougissant.

J'ai toujours un peu de mal avec les compliments.

- Ce n'est pas ce que je dis, Mathilde. Ce que je veux dire est d'être toujours comme tu es. Tu es une bonne personne, Mathilde. Durant les mois qui viennent de passer, tu as su faire face à des décisions et des épreuves qui auraient découragées bien des adolescentes de ton âge. Aie confiance, Mathilde, aie confiance.

- On croirait entendre le serpent dans Le Livre de la Jungle, dis-je avec un faible sourire et le médecin rit.

- Considère-moi plutôt comme un Baloo, dit-il. Il en faut peu pour être...

- Oui oui j'ai compris, l'interrompis-je juste à temps, ne me voyant pas trop discuter Disney avec mon médecin.

Sans aucune visite, l'ennuie vient rapidement m'habiter. Je sors juste du lit pour aller aux toilettes et surtout, peu avant midi, je décide d'aller voir comment va mon bébé à la maternité.

Il y a plein de bébés mais je reconnais aussitôt ma Lucie grâce à l'instinct maternel, sans même besoin de son prénom sur l'étiquette. Elle s'agite, se demande sûrement où est sa maman. Je souris. Elle est tellement adorable. Je suis si fière d'avoir une aussi jolie petite fille.

- Alors ça y est, tu es maman ? fait une voix à ma droite.

Je me tourne et c'est avec joie que je reconnais Clarisse. Je ne l'ai pas revu depuis ce fameux après-midi avec « l'ancienne » Lucie. Je vois qu'elle rayonne. Elle a aussi totalement perdu tous ses kilos de grossesse, ce qui de mon point de vue personnel est plutôt rassurant.

- Clarisse ! m'exclamé-je et je la prends dans mes bras.

- On m'a dit que tu viens d'accoucher, je suis venue te féliciter. Alors, où est ta princesse ?

- C'est elle là, dis-je en désignant mon bébé qui vient de s'endormir profondément.

- Ouah ! Elle est magnifique, une vraie petite ange, dit Clarisse émerveillée.

- Et Mattéo, il n'est pas avec toi ? dis-je en remarquant pour la première fois que le fils de Clarisse est absent.

- Il est avec son père, répond-t-elle. Je lui ai confié le temps de te rendre visite.

- Attends une minute, son père ? Je croyais que...

- Pas biologique je précise, je ne veux rien à voir à faire avec ce connard qui m'a laissé tomber quand je suis tombée enceinte. Celui que j'appelle « son père » c'est mon copain. Je l'ai rencontré en début d'année. On est vite sorti ensemble et il a tout à fait accepté que j'aie un fils.

- Je suis heureuse pour toi. Tu le mérites tellement, Clarisse.

- Alors, comment se prénomme cette petite ?

- Lucie.

Clarisse a de grands yeux ronds.

- Lucie ? Tu veux dire comme...

Je fais oui de la tête. Près de six mois après, j'ai encore les larmes aux yeux en repensant à ma trop brève amitié avec Lucie, quoiqu'un peu moins malgré tout. Elle restera à jamais dans mon cœur.

- C'est le plus bel hommage que tu puisses lui rendre, dit Clarisse émue.

- Oui. Sa mère m'a dit exactement pareil. Mais dis-moi, Clarisse ?

- Oui ?

- Tu as vite retrouvé toute ta ligne.

Clarisse pousse un petit rire.

- Avec un peu de sport et quelques privations oui, j'ai tout perdu. Mais regarde, toi aussi tu as déjà perdu un peu.

Maintenant qu'elle le dit, je remarque que le volume de mon ventre a déjà diminué de moitié par rapport à hier. Le corps humain est incroyable.

- Il était temps, dis-je, je n'en pouvais plus de ce ventre, je pouvais plus marcher autrement qu'en canard tellement j'étais lourde.

- Ouais c'est la fatigue de fin de grossesse. Cela dit, tu verras que dans deux mois, ton gros ventre et les mouvements du bébé te manqueront.

- Je n'en suis pas certaine mais je te crois.

On éclate de rire toutes les deux.

Tout à coup, j'entends des gazouillis et comprend tout de suite qu'ils proviennent de Lucie qui vient de se réveiller.

- Elle est tellement belle, me dit Clarisse avec un grand sourire. Elle deviendra vite copine avec Mattéo tu vas voir. Après tout, ils n'ont que sept mois d'écart.

- Non mais attends, Clarisse, ma fille n'a pas un jour et tu veux déjà la caser ? taquiné-je avec un sourire malicieux.

- Quand même pas ! Qu'est-ce que tu vas t'imaginer ?

Nous rions encore plus fort qu'y a un instant.

Lucie se met alors à me regarder, à s'agiter et à tendre les bras. Je comprends qu'elle me réclame. L'infirmière qui gère la pouponnière me dit en souriant :

- Allez-y, elle a besoin de sa maman.

Et moi, j'ai besoin d'elle. Je prends réellement conscience pour la première fois du lien qui rattache une mère à sa fille. J'ai besoin de ses yeux, de son regard, de la prendre dans mes bras.

- J'ai ressenti exactement la même chose le lendemain de mon accouchement, me dit Clarisse alors que je câline mon bébé pour l'aider à se détendre. Dès que j'ai eu Matteo dans mes bras, j'ai su que je ne pouvais plus vivre sans lui.

Et c'est vrai. Pendant quelques secondes, Lucie et moi nous nous regardons, comme une façon de faire plus ample connaissance maintenant qu'elle n'habite plus mon ventre. Une manière aussi pour moi de la rassurer, de lui montrer que je l'aime et veut la protéger de ce monde nouveau pour elle.

- Je t'aime, dis-je en lui déposant un baiser sur le front.

Lucie émet un couinement, comme pour me répondre qu'elle m'aime aussi.

Je croise le regard de l'infirmière qui nous a observé discrètement. Un peu écarlate, je dis :

- Comment suis-je ?

- Comme une jeune maman, répond-t-elle avec un grand sourire.

Après avoir recouchée Lucie – même si j'ai envie de la garder un peu plus longtemps mais il faut la laisser se reposer me conseille l'infirmière – je sors et je regarde Clarisse.

- Merci, chuchoté-je.

- Pour ?

- C'est notre rencontre qui a tout changé. Tu te souviens ? A l'époque je ne savais pas vraiment ce que je voulais.

Et l'on se prend dans les bras.

- Bon moi je vais retourner dans ma chambre, dis-je. Je suis encore fatiguée par mon accouchement et mon homme et ma meilleure amie ne vont pas tarder à arriver.

- Je dois y aller moi aussi, je vais voir comment s'en sort mon homme avec Matteo, non pas que je m'inquiète pour ça, il est un très bon père pour mon fils.

- Je suis contente pour toi. Tu sembles épanouie.

- Oh oui. Grâce à ma famille, mon homme, mon fils, je suis heureuse finalement.

Exactement comme moi. Après une dernière bise sur la joue et un bisou de la main à ma fille maintenant rendormie, Clarisse me salut de la main et prend congé.

Je lui serai éternellement reconnaissante. C'est en effet sa rencontre qui m'a encouragé à affronter l'épreuve de la grossesse. Sans elle, Lucie n'aurait jamais vu le jour. Sans elle, je ne serais jamais devenue maman. Sans elle, je serais restée une adolescente ordinaire.

Ordinaire... jamais je n'ai été aussi éloignée de ce mot. Et je réalise que je m'en porte très bien.

Je reste encore trois jours à l'hôpital avant de pouvoir enfin rentrer à la maison. Arnaud et Élise m'accompagnent. Ils tiennent à partager avec moi les premiers jours de ma vie de ma mère. Mon homme aussi se fait peu à peu à l'idée qu'il a une fille. Et il en est heureux.

- Je n'ai jamais connu mon père comme tu sais, m'a-t-il confié alors qu'il tient Lucie tendrement dans ses bras. Je me demandais si je saurais être à la hauteur.

- Tu feras un très bon papa, mon chéri. J'en suis certaine.

- Par contre, il y a une chose qui est claire.

- Quoi donc ?

- Elle n'a pas intérêt à sortir avec un garçon avant seize ans !

- T'es bien un père toi ! Elle n'a que quatre jours et toi tu as déjà peur qu'elle couche !

- Ben quoi c'est normal, je ne tiens pas à ce que ma fille fréquente un gros con.

- Hé ! Attention à ton langage, elle pourrait le retenir.

- Le retenir ? Comme tu dis elle n'a que quatre jours ! Non sérieusement, j'espère juste que jamais personne ne la blessera. Autrement, je lui mettrais un coup dans la...

- Oui oui j'ai compris, coupé-je en mettant les mains sur les oreilles.

- Et oui, je suis père mais je reste un mec.

- Je confirme. Mais tu es le mec le plus merveilleux du monde, dis-je en l'embrassant sur la joue.

Tout à coup, nous sentons une mauvaise odeur qui provient de Lucie.

- Je crois qu'elle vient de souiller sa couche, dit Mathilde.

- Je vais aller la changer, autant que j'apprenne dès maintenant, dit-il avec un rictus.

Je souris. Je sais qu'Arnaud fait cela surtout pour se prouver à lui-même qu'il saura faire. C'est un grand timide mais c'est aussi pour ça que je l'aime.

- Ma belle, je voudrais te confier quelque chose, me dit ma meilleure amie pendant que mon amoureux change notre fille.

- Vas-y.

- Tu le sais, je n'ai jamais caché qu'être enceinte, ça ne m'attire pas du tout.

- C'est vrai.

- Mais en voyant comment tu as su t'épanouir dans ta grossesse, comment tu es si heureuse maintenant que Lucie est née, ben je me dis peut-être que...

- Tu voudras être enceinte ?

- Ben disons qu'on en parle quelquefois avec Myriam. Je t'ai dit l'autre jour que peut-être finalement on porterait chacune une fois. Et là en te voyant, ben je me dis... c'est peut-être pas si mal en fin de compte de porter.

- Crois-moi, ma belle, tu as tout le temps pour penser à cela. Je peux t'assurer que quand tu verras comment je suis coincée entre la nourrir et les couches à changer, tu ne seras pas pressée de vivre la même chose. Profitez de votre vie de couple, toi et Myriam. Et si je puis dire, vous pouvez tranquille car vous ne risquez pas un accident alors qu'il a suffit d'une seule fois à moi et Arnaud et on connait la suite.

- En fait, je pense juste que je n'arrive pas à imaginer qu'y ait quelque chose là-dedans, dit-elle en se tapotant le ventre.

- Je suis pas sûr qu'on puisse vraiment l'imaginer quand on ne l'a pas vécue. Moi maintenant c'est le contraire. Je suis maman depuis quatre jours et j'ai déjà l'impression qu'il y a un grand vide, je me suis tellement habituée à sa présence.

- Tu sais ce que l'on dit, ma belle : souvent femme varie.

- C'est bien vrai.

Deux mois plus tard...

Lucie Clémentine-Leroc vient d'avoir deux mois. Et dans ma vie, tout est presque redevenu normal depuis mon accouchement.

J'ai retrouvé ma ligne avec une semi-satisfaction. Si j'ai été fatiguée d'être énorme à la fin de grossesse, à présent je comprends que ce que l'on a dit est vrai et qu'Élise a eu raison : je suis – un peu – nostalgique de mon gros ventre (je glisse parfois un coussin pour me remémorer cette période en me regardant sourire dans le miroir) et des mouvements du bébé dedans. C'est un paradoxe qui peut paraitre étonnant. Sans doute est-ce un manque naturel pour une jeune maman. Je m'y ferai. Je dois juste me réhabituer à vivre avec un « ventre vide ».

Les débuts ne sont pas de tout repos. J'ai très vite compris qu'il n'est pas aisé de passer une bonne nuit avec un nourrisson tout juste né. Durant ses premières semaines, Lucie se réveille au moins trois fois par nuit. C'est dur, cela joue sur mon humeur, mais j'apprends à faire avec. Lorsque j'entends ma fille pleurer, je vais la prendre dans sa chambre et la nourris ou bien change sa couche. Cela ne plait pas à tout le monde, Lili notamment.

- Pourquoi ta fille elle peut pas dormir comme tout le monde !

- C'est un bébé, Lili, tenté-je alors d'expliquer, elle ne sait pas encore, elle est trop petite.

Heureusement en général, une fois nourrie et après un bon câlin, Lucie se calme. Parfois même, je la prends avec moi dans ma chambre.

Pour Arnaud c'est tout aussi compliqué. Lorsque vient son tour de s'en occuper – une semaine tour à tour – il a encore plus de mal à se faire aux nuits incomplètes. Au point qu'il est parfois au bord de la crise de nerfs, même s'il résiste grâce au soutien sans faille de sa mère.

Le matin de la rentrée au lycée, j'ai une impression un peu bizarre au fond de mon cœur. Cela fait près de quatre mois que je n'ai plus mis les pieds à Simone de Beauvoir. Et c'est mon premier jour de lycéenne en tant que maman.

- Chérie, tu viens déjeuner ? me dit papa depuis la cuisine.

Je descends. J'ai fait une nuit complète, Lucie étant chez son papa.

En entrant dans la cuisine où sont présents mes parents et Lili, je me dis comment tant de choses ont changé depuis un an jour pour jour lors de ma première rentrée au lycée. A l'époque, j'étais une adolescente ordinaire à la fois impatiente et anxieuse d'entrer au lycée. Aujourd'hui, c'est en tant que mère adolescente que je m'apprête à commencer une nouvelle année. En apparence, on ne le devinerait pas. Si quelques bourrelets persistent – et aussi fort malheureusement pour moi des vergétures – il ne reste plus grand-chose physiquement. On ne devinerait pas à vue d'œil que j'ai été enceinte tout récemment.

- Comment te sens-tu, chérie ? me demande papa.

- Un peu angoissée, avoué-je.

- Je comprends. Mais ne t'en fais pas. Tu avais de bonnes notes l'an dernier, tu n'auras aucun souci à réussir en Première.

Ce n'est pas réellement le niveau scolaire qui m'inquiète mais je m'abstiens de le dire.

Maman elle aborde son habituel air strict.

- Nous te faisons confiance, ma fille. Tu as décidé de cumuler lycée et maternité, ok. Tu as donc intérêt à assurer dans ton travail.

- Gisèle, ne lui met pas la pression comme ça ! répond papa sur un ton de reproche.

- Elle se doit d'être responsable, François, et il faut donc lui rappeler qu'elle doit assumer ses choix, sachant qu'il ne peut y avoir aucun retour en arrière.

Je ne dis rien. Il y a un an, en plein conflit avec ma mère, j'aurais été irritée par ces mêmes mots. Mais je sais aujourd'hui qu'elle veut avant tout mon bien. Et elle a raison : j'ai choisi de garder mon enfant à seize ans, je me dois d'être à la hauteur.

- J'ai fini mes Chocapic, je peux aller préparer mon cartable ? couine Lili.

- Oui vas-y, chérie, dit maman.

- Moi aussi il faut que j'y aille, on a un groupe de touristes chinois qui vient au restaurant aujourd'hui, dit papa. Bonne journée, chérie et bon courage, me dit-il en m'embrassant sur le front.

- Merci, papa.

Élise, Myriam et Arnaud sont là pour m'accompagner. Arnaud est venu avec la poussette où Lucie dort profondément. A mon regard interrogateur, Élise me dit :

- Tout le lycée n'attend que cela de la rencontrer, alors autant s'en débarrasser.

J'aurais préféré garder le secret mais bon, comme elle dit autant s'en débarrasser.

- Tu vas bien, mon chéri ? dis-je à mon amoureux en voyant les cernes sous ses yeux.

- Disons que je n'ai que quatre heures de sommeil, j'ai dû me lever une fois pour lui donner un biberon, la deuxième fois c'est ma mère. Mais sinon ça va.

- Tu te rends compte que cela fait aujourd'hui un an que l'on s'est vu pour la première fois ?

- J'avoue. A l'époque, j'étais un mec solitaire. Si on m'avait dit qu'aujourd'hui je serais papa, j'aurais cru à un poisson d'avril.

- Et moi il y a un an, je me comportais comme la pire des pestes pour oublier ce que père me faisait subir, dit Myriam.

- J'ai entendu dire qu'il a été incinéré dans l'indifférence générale, dis-je.

- Oui, confirme Myriam. Il n'y a pas eu d'enterrement car aucun invité. Au fond, c'était un homme seul. Ça ne justifie pas tout ce qu'il a fait évidemment mais je pense que mon père n'a jamais été heureux dans sa vie.

Je ne dis rien. Je ne suis pas certaine de pouvoir un jour pardonner à l'homme qui a tenté de m'assassiner en étant enceinte jusqu'aux yeux.

- Je vous serai éternellement reconnaissant, me dit Arnaud. Surtout toi, mon cœur. Ma vie a complètement changé depuis ce jour où je suis entré en classe pour la première fois.

- Et moi aussi, dis-je en l'embrassant.

- Et moi donc, dit Myriam, grâce à Élise j'ai enfin appris ce qu'est l'amour, dit-elle et les deux amoureuses s'embrassent aussi.

- Allez on y va où l'on va être en retard et Monsieur Marcus nous ferait la peau, dis-je.

Lorsque nous arrivons devant l'entrée du lycée, je constate qu'Élise et Arnaud ont dit vrai. Une foule importante de personnes, connues ou non, nous attendent. Je comprends tout de suite que toutes et tous veulent rencontrer ma fille. Clairement les applaudissements ayant suivi mon discours lorsque l'on a su pour ma grossesse n'ont pas été oubliés, tout comme ceux pour mon départ.

- Alors on peut la voir ? dit une fille à qui nous n'avons jamais parlé.

Arnaud s'avance vers eux avec la poussette et tout le monde se précipite pour mieux la voir.

- Attention, elle dort. Allez-y doucement pour ne pas la réveiller, dis-je.

Je ne suis pas sûre d'être entendue. En tout cas, tous ont les regards émerveillés auxquels je suis maintenant habitué et les mêmes mots : « elle est trop mignonne » ou « elle vous ressemblent beaucoup à tous les deux ».

Derrière eux, je remarque les jumelles Daubert qui nous observent sans oser approcher. Je ne leur ai qu'en partie pardonné d'avoir révélé mon secret à tout le monde après la publication de cet article de sinistre mémoire. Au fond, elles ne sont pas méchantes mais ne connaissent probablement pas la vraie amitié. Je leur souhaite que cela change et qu'elles soient plus heureuses.

Puis c'est Monsieur Grand qui vient se présenter à nous. J'éprouve un grand respect pour ce directeur bienveillant qui ne m'a jamais jugé.

- Une vraie petite merveille ! Félicitations, mademoiselle Clémentine, me dit le directeur en souriant comme un vieil ami.

- Merci beaucoup, monsieur.

- Allez jeunes gens, c'est l'heure de la rentrée, annonce Monsieur Marcus.

- Alors on y va ? dis-je.

- On se dit à tout à l'heure, ma belle, dit Élise.

- A tout à l'heure, mon cœur, me dit mon copain en m'embrassant. Je vais attendre ma mère, elle va ramener Lucie à la maison.

- On se voit plus tard, Mathilde, me dit Myriam en m'embrassant sur la joue, ce qu'elle n'a encore jamais fait.

- Bonne journée, ma chérie, maman t'aime très fort, dis-je à ma fille en l'embrassant tendrement sur le front.

Pour toute réponse, Lucie, qui s'est réveillée un instant plus tôt, se met à couiner et là mon cœur se réchauffe car pour la première fois, elle me sourit.

Nous rejoignons ensuite la foule d'élèves et entrons dans le lycée.

Un an plus tôt, ma vie était monotone, je n'allais pas bien moralement. Je ne m'étais pas remise d'une rupture avec un abruti. Et puis, peu après être entrée en classe, un beau garçon arrivé en dernière minute nous a rejoint.

Et si la vie n'est pas facile tous les jours, je sais qu'elle vaut la peine d'être vécue, qu'il faut la prendre comme un cadeau, qu'il faut toujours croire à l'horizon, qu'il ne faut penser qu'aux miracles. Et des miracles, la vie m'en a offert deux en une année : un garçon au cœur d'or et une adorable petite fille que j'ai mise au monde.

Je m'appelle Mathilde Clémentine. J'ai seize ans. Je suis maman.

Et je suis heureuse.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top