1x20 : Allumer le feu qui ne s'éteint jamais
Musique/Vidéo : Taizé - Dans nos obscurités
- Ce n'est pas possible, ma belle, tu plaisantes.
- Moi non plus je n'arrive pas à y croire. Apparemment, la police s'apprêtait à le transférer en prison en attendant son procès mais il est parvenu à s'enfuir après avoir assommé un des hommes de Doyle.
Je suis effarée et d'un coup, le beau rassemblement du lycée pour me dire au revoir ne vaut plus grand chose. Nous avons tous pensé que le père de Myriam ne représenterait plus une menace et finirait ses jours derrière les barreaux. Or, le voilà désormais en cavale. Et nous savons que nos familles vont être ses cibles.
- Comment il a pu faire pour assommer un flic et se tirer ? s'exclame Arnaud. Un mec aussi dangereux devait forcément être très surveillé !
- Je n'en sais pas plus que toi, répond Élise. Mais j'ai peur. Comment vais-je dire à ma copine que son horrible père est dans la nature ?
Plus tard, lorsque l'on rentre à la maison avec papa, j'ai la mine déconfite. Je me suis vite faite à l'idée que mon année à Simone de Beauvoir est terminée, je n'en suis pas malheureuse. Mais je ne m'attendais pas à avoir autant le cafard.
Ma famille est bien sûr déjà au courant. Papa et maman sont soulagés de voir que tout va bien pour moi. Lili ne parait pas comprendre ce qui se passe et je devine qu'ils préfèrent la maintenir du mieux possible dans l'ignorance pour ne pas l'inquiéter. Je réalise aussi la présence du lieutenant Doyle accompagné de plusieurs policiers. Face à une situation aussi grave, il apparait être aussi admirable que s'il portait le costume de Superman.
- Ah ma chérie te voilà, dit papa en me prenant dans ses bras. Tu es au courant j'imagine ?
- Et comment ! Je ne comprends pas comment...
- Il s'est avéré plus malin que nous, m'explique le lieutenant Doyle, l'air consterné. Il a simplement attendu que l'un de mes hommes ait le dos tourné une seconde pour lui subtiliser son arme. II a ensuite pris la fuite. Je peux vous assurer que je regrette beaucoup ce qui s'est passé.
Puis s'adressant à l'ensemble de ma famille, Doyle nous dit : votre maison sera constamment gardée par des patrouilles, lesquels se relaieront chaque matin, chaque midi et chaque soir. Il en sera de même pour celle des Dubonpied. Par sécurité, il faudra que vous demandiez à l'un des agents de vous accompagner pour toutes sorties. Je suggère que, le temps qu'il soit retrouvé, aucune de vos filles n'aillent à l'école, monsieur et madame Clémentine.
- De toutes façons, je n'irai plus en cours pendant quelques temps pour une raison évidente, dis-je en pointant mon ventre rond.
- Oui je comprends bien, dit Doyle. Pour résumer, évitez si vous le pouvez toutes sorties jusqu'à nouvel ordre. Si vous devez sortir quelle que soit la raison, demandez à l'un de mes hommes de vous accompagner. De même, je vous déconseille vivement de recevoir toute visite.
Je ne peux m'empêcher de penser à quel point on a l'impression de se retrouver dans une vraie série policière. Nous allons littéralement être cloîtré chez nous jusqu'à ce que Manguier soit mis hors d'état de nuire.
- Je sais que c'est contraignant, dit Doyle sur un ton d'excuse, mais comprenez que c'est pour votre sécurité. Vous pouvez faire confiance à mes agents, ils sont bien entraînés et ne se laisseront pas intimider.
- Nous comprenons très bien, lieutenant, dit maman. Nous obéirons à tout vos ordres jusqu'à ce que ce cinglé soit neutralisé pour de bon.
- Sur ce, je dois aller vérifier la situation chez les Dubonpied. Appelez-moi si vous avez besoin. Monsieur et madame Clémentine, mesdemoiselles, à très bientôt.
Ce véritable confinement rend l'atmosphère particulièrement palpable. Maman a dû appeler la mairie pour signaler qu'elle ne peut se rendre à son travail. Papa étant toujours au chômage, il n'a pas ce souci mais contrairement à d'habitude, il n'a pas la tête au foot ou à ses autres passe-temps qui lui sont propres. Il me suggère par ailleurs de m'occuper l'esprit par exemple avec Netflix mais je n'ai pas non plus l'envie de regarder des séries. D'ailleurs, l'humeur n'est guère à la rigolade. Chacun attend avec angoisse des nouvelles.
De mon côté, je discute sur Whatsapp avec ma meilleure amie et mon copain. D'après Élise, leur maison est encore plus bouclée du fait que Myriam s'y trouve. Ils ne pourront pas mettre le moindre orteil dehors tant que Manguier n'aura pas été capturé, pas même pour faire des courses au supermarché.
Deux jours passent ainsi et l'ennui m'habite désormais totalement. Même si je sais que c'est pour notre bien, je suis déjà lassée d'être recluse chez moi. Nous n'avons pas eu la moindre nouvelle de Doyle. A la télévision, la cavale de Manguier, qualifié d'armé et dangereux, fait la une mais nous n'apprenons rien de bien intéressant.
J'entends alors frapper depuis ma chambre. Je m'apprête à me lever dans l'espoir que ce soit Doyle venant aux nouvelles quand j'entends maman :
- Mathilde ! De la visite pour toi !
La curiosité m'emporte. Si ce n'est ni ma meilleure amie ni mon amoureux, qui ça peut être ? Myriam ? Non impossible, les policiers ne la laisseront jamais sortir. Piquée par la curiosité, et avec un certain effort à cause de mon ventre, je me lève et descends.
En arrivant dans le salon, une dame est présente et, bien que ne l'ayant rencontrée qu'une fois, je la reconnais aussitôt. Il s'agit de la mère de Lucie. Elle se laisse soumettre à la fouille obligatoire des policiers gardant la maison.
- Oh ! Bonjour, madame, dis-je.
- Bonjour, Mathilde. Je vois que tu es bien avancée, dit-elle en souriant à mon ventre rond.
- Oh heu oui, dis-je en souriant à mon ventre, je dois accoucher dans un peu moins de deux mois. J'attends une petite fille.
- Juste merveilleux, dit-elle avec un air un peu rêveur.
- Souhaitez-vous un café, madame...
- Lecomte.
- Madame Lecomte ? demande maman.
- Je veux bien merci, mais je ne vais pas rester longtemps. Je souhaitais surtout parler à votre fille.
- Oh ! Oui bien sûr.
Pendant que maman prépare un Expresso dans la cuisine, nous nous asseyons chacune sur un fauteuil face à face. Madame Lecomte ne s'est évidemment pas remise de la mort de sa fille – comment pourra-t-elle jamais ? – mais je vois qu'elle essaie malgré tout de sourire. Devinant ma pensée, elle me dit en chuchotant :
- Je sais que Lucie ne voudrait pas que je reste à pleurer.
- Elle veut que vous continuiez à vivre, que vous soyez heureuse.
- Absolument.
Elle se tait pendant un moment. J'ai tellement de peine pour elle. Ma trop brève rencontre avec sa fille m'a profondément marqué. Comme prévu, j'ai continué pendant quelques semaines à prendre part à l'association avant de faire une pause pour cause de future maternité.
- Pourquoi est-ce qu'il y a tout ces policiers devant votre maison ? me demande-t-elle soudainement. L'un d'eux a fouillé mes poches avant de me permettre d'entrer.
- Oh ! C'est parce qu'il y a un taré en cavale et il pourrait s'en prendre à notre famille.
- Ah oui j'ai entendu parler de cette histoire aux infos. J'espère qu'il ne vous arrivera rien de mal.
- J'espère surtout il sera vite arrêté pour de bon.
- Bien sûr.
A ce moment-là, maman nous rejoint avec deux tasses de café pour elle et pour Madame Lecomte. J'aime bien le café mais il va de soit qu'il vaut mieux éviter d'en boire dans mon état.
- C'est gentil de votre part de venir rendre visite à ma chère fille enceinte, dit maman et j'ai un rictus. Avec tout ce qui arrive, cela lui fera un peu de bien.
- Je dois admettre que j'admire son courage. Bien peu de filles de son âge arriveraient à assumer comme elle fait.
- C'est parce que nous l'aimons. Et même si je n'aurais jamais imaginé que je deviendrais grand-mère à quarante-et-un an, je dois dire que je me suis faite à l'idée, dit maman avec un sourire que l'on voit rarement chez elle.
- Vous avez d'autres enfants ? demande Madame Lecomte.
- Deux filles. Et j'espère bien que la cadette ne suivra pas l'exemple de l'aînée hein, lance-t-elle à mon adresse.
Je ne réponds rien.
Soudain, j'ai une idée. J'y réfléchis depuis un moment mais puisqu'elle est présente, je peux lui proposer directement.
- Madame Lecomte, j'ai quelque chose à vous demander.
- Faites donc.
- Est-ce que vous seriez d'accord pour que ma fille se prénomme Lucie ?
En entendant ma proposition, Madame Lecomte a les larmes aux yeux et je comprends que je l'ai touchée.
- Madame ?
- C'est... c'est le plus bel hommage que vous puissiez rendre à ma fille, dit-elle entre deux larmes.
- Je n'oublierai jamais votre fille même si je ne l'ai connu que si peu de temps, dis-je. Son courage dans son combat contre la maladie m'a donné la force d'assumer ma grossesse à mon âge.
- Tu es l'une des personnes les plus admirables que j'ai jamais rencontrée, Mathilde, dit-elle et je suis autant touchée par le passage au tutoiement que par ses mots.
- Je ne suis pas si exceptionnelle vous savez, dis-je modestement. Je veux juste faire le bien autour de moi.
- Et crois-moi, si toutes les personnes étaient comme toi, le monde serait bien différent, dit-elle avec un sourire chaleureux en séchant ses pleurs. Mathilde, est-ce que je peux...
- Oh ! Oui bien sûr, répondis-je et je lui pose une main sur mon ventre.
Madame Lecomte sent ma fille faire des mouvements et a un grand et beau sourire nostalgique.
- Ma Lucie était exactement pareil quand je l'attendais, me dit-elle.
- Madame Lecomte ? dis-je.
- Oui ?
- Merci, merci pour tout.
- C'est moi qui vous dit merci. Car grâce à vous, ma fille a su ce qu'est l'amitié avant de partir.
Deux autres jours passent et cette fois, je commence à vraiment trouver le temps long. Manguier est toujours introuvable et si la police ne relâche pas, l'envie de me dégourdir les jambes devient forte.
Élise et Arnaud me manquent terriblement. Même si on ne cesse bien sûr de se parler par internet, ce n'est pas comme en réel. J'ai besoin de ma meilleure amie. Et j'ai besoin des yeux et des bras de mon amoureux. Tous deux sont ravis de mon idée de prénommer ma fille Lucie. Pour Élise, c'est même le plus joli prénom du monde.
Lucie. Un si joli prénom. Un prénom qui rayonne comme la lumière. Celle qui allume le feu qui ne s'éteint jamais.
Arnaud veut me revoir. Lui et sa mère ne sont pas confinés chez eux car ils ne constituent pas la cible première de Manguier. Et moi aussi c'est décidé je veux revoir mon amoureux. J'en parle à mon père qui m'approuve.
- J'y pensais figure-toi et je suis d'accord que tu as besoin de prendre l'air. J'en ai discuté avec le lieutenant Doyle. Tu peux sortir si tu le souhaites mais pas plus d'une heure et vous devez être accompagnés par un agent.
Même si je préfèrerais que l'on soit en privé, je ne vais pas faire la fine bouche. Et puis c'est pour notre sécurité. Alors j'accepte.
- Au fait, papa, tu vas quelque part toi aussi ? demandé-je en voyant qu'il prépare sac et manteau.
- Oui. J'ai un entretien pour un nouveau boulot dans une entreprise. Malgré les circonstances, il faut bien nous assurer d'avoir toujours de quoi nous nourrir.
Conduite par l'un des officiers gardant notre maison, je me rends donc au jardin des plantes. L'officier me rappelle que nous n'avons qu'une heure et ne devons surtout pas nous éloigner. Approuvant d'un hochement de tête, je descends de la voiture.
Arnaud m'attend à l'entrée. Aussi vite que le permet mon poids lourd, je cours jusque dans ses bras. Nous ne nous sommes pas revus depuis mon départ du lycée et cela nous parait remonter à une éternité.
Sous les yeux attentifs de notre « garde du corps », nous nous promenons en amoureux dans tout le jardin. Nous nous sentons innocents. Pouvoir être là dehors après presque une semaine sans sortir et sans se voir nous fait le plus grand bien. Nous avons l'impression d'être plongés dans un autre monde.
Nous prenons place sur un banc et je blottis ma tête contre l'épaule d'Arnaud, lequel entoure les miens avec son bras.
- Je suis tellement heureuse, chuchoté-je.
- Moi aussi. On est tellement bien ici.
Posant une de ses mains sur mon ventre, je lui dis : j'ai hâte qu'elle arrive, je me sens prête maintenant. Je n'attends plus que sa naissance.
- Moi aussi, chuchote-t-il en souriant.
- Je sais que ce ne sera pas facile. Je viens d'avoir seize ans, je suis trop jeune je le sais bien. Mais même si j'ai peur tu vois, je sais que je vais assumer. Parce que je l'aime, je suis heureuse à l'idée d'être sa maman.
- C'est aussi ce que je ressens. Tu vois, mon cœur, tant que tu seras là auprès de moi, je sais que l'on s'en sortira, que je m'en sortirai.
- Mine de rien, si l'on m'avait dit huit mois plus tôt que je rencontrerais un si beau garçon et que je serais en passe de devenir mère, je ne l'aurais pas cru. Avant de te rencontrer, j'étais malheureuse, je souffrais de ce que j'avais subi avec mon ex. Et puis, tu es arrivé...
- Je sais tellement ce que tu ressens. Ma vie n'a pas été exceptionnel jusque-là. Tu sais la chaîne Twitch ne fait pas tout. Tu as tes abonnés certes mais c'est du virtuel. Je n'ai jamais eu de vrais potes en réel. Et puis je t'ai rencontré toi ainsi qu'Élise et Myriam... vous trois, ma mère, Lucie, vous m'avez permis de former une grande famille.
Je l'embrasse tendrement sur la joue et me blottis encore un peu plus contre lui. Pendant un moment, nous restons là, plus amoureux que jamais.
- Je t'aime, Arnaud.
- Je t'aime, Mathilde. Je t'aimerais toujours.
Nous oublions ainsi virtuellement tout ce qui nous entoure. Même l'officier de police qui se tient devant nous parait complètement invisible. Comme toujours, quelques passants jettent des regards désapprobateurs mais nous les ignorons totalement. Non, je ne suis pas une enfant. Je suis une adolescente de seize ans. Et oui, je vais être maman. Mais seuls ceux qui connaissent mon histoire, comme vous les lecteurs, peuvent comprendre mon choix. Et avec le soutien d'Arnaud, de ma famille et des amis, j'ai toutes les armes pour affronter cette épreuve de la vie : devenir adulte avant l'heure. L'âge n'a plus rien d'un problème. Je vais être maman. C'est tout.
Une heure plus tard et nous sommes toujours là assis sur le banc en amoureux. Nous voulons prolonger le rêve éveillé que nous vivions. Si seulement cet instant pouvait durer éternellement...
- Mademoiselle Clémentine, Monsieur Leroc, il est temps de rentrer chez vous, dit l'officier.
Nous nous levons du banc sans dire un mot.
Nous entendons au loin le bruit du moteur d'une voiture. Rien d'exceptionnel à priori.
Le véhicule se rapproche. Nous ne tardons pas à comprendre que cette voiture fonce droit sur moi.
J'ai tout juste le temps d'apercevoir le conducteur.
MAAAAAAAAATHIIIIILDEEEEEE, ATTTTENNNNTIIIIIIIOOOOOONNNNNN !
Je me rends compte à peine de ce qui arrive ensuite. L'officier dégaine son arme et enchaine les tirs mais la voiture esquive les balles. Arnaud plonge pour m'écarter de la trajectoire de la voiture. Elle le percute de plein fouet avant d'aller s'écraser contre l'arbre à côté de nous. Quelques secondes après, la voiture de Manguier explose et disparait dans une gerbe de flammes.
- NOOOOONNNN !!!
Je me précipite vers Arnaud, au sol sans connaissance. L'officier contacte d'urgence le lieutenant Doyle ainsi qu'une ambulance. Avant de perdre connaissance suite au choc, ma dernière vision est la mare de sang qui se forme autour du corps d'Arnaud et mes larmes qui se versent sur lui en torrent.
Lorsque je reviens à moi, il me faut plusieurs minutes pour reprendre mes esprits et comprendre où je suis. Je ne me rappelle pas dans l'immédiat de ce qui s'est passé. Ma vue est brouillée. Tout est flou. Puis progressivement, ma conscience se réveille et je réalise que je suis allongée sur un lit d'hôpital. D'instinct, je pose une main sur mon ventre. Lucie bouge, tout va bien.
Les raisons de ma présence reviennent à leur tour dans ma tête. Manguier qui a foncé sur nous avec sa voiture, Arnaud qui s'est jeté devant moi, la voiture qui l'a renversé avant de finir sa course contre un arbre...
Ma vue redevient assez claire pour que je reconnaisse les silhouettes – trois exactement – présent dans la chambre. Élise, maman et le docteur Mitose sont tous trois soulagés de me voir réveillée. Je vois tout de suite que ma meilleure amie et ma mère ont beaucoup pleuré.
- Enfin tu ouvres les yeux, chérie, me dit maman en soupirant.
- Maman...
- Ça va aller, ma belle, dit Élise d'une voix terne, tout va bien, Lucie va bien aussi. Le Docteur Mitose vous a sauvé tous les deux.
- Maman... Élise, Docteur Mitose... Monsieur Manguier... sa voiture... il a essayé de nous... Arnaud...
C'est en prononçant le nom de ce dernier que je finis de me réveiller complètement. Et mon cœur explose de panique.
- MAMAN ! ARNAUD ! IL EST... IL A ETE FAUCHE PAR...
- Calme-toi, ma belle, calme-toi, dit Élise d'une voix triste.
Mais je ne peux pas me calmer, pas tant que je saurai comment va Arnaud. Ma dernière vision de lui est son corps inconscient et trempant dans le sang. Je veux que l'on me rassure, que l'on me dise qu'il est hors de danger. Je veux entendre ne serait-ce qu'un mot de sa part, juste le son de sa voix, juste pour être rassurée, juste pour être sûre que lui aussi est sauvé...
- Combien de temps suis-je restée évanouie ? marmonné-je.
- Trois heures, répond le docteur Mitose. Je dois te dire que tu l'as échappé belle et ton bébé aussi.
- On a eu si peur, ma belle, dit Élise. J'ai vraiment cru à un moment... enfin tu vois.
- Et pour ce qui est de... l'autre ?
- Manguier est mort, me dit maman. Doyle nous a dit qu'il a péri sur le coup quand sa voiture a explosée.
- Il s'est donc suicidé, dis-je, amorphe.
- Oui, dit maman.
Qu'il crève en enfer alors. Au moins sommes-nous débarrassés pour de bon de cet homme horrible. Il a voulu se tuer en essayant de nous tuer au passage. Qu'il pourrisse à tout jamais dans la crotte.
En revanche, je ne peux pas attendre plus longtemps pour connaître le sort de mon amoureux.
- Que... que s'est-t-il après que...
- Chérie...
- Ne me faites pas languir ! Répondez-moi ! Est-ce qu'Arnaud va bien ? Ne me laissez pas dans l'ignorance ! REPONDEZ-MOI !''
Ils échangent tous trois un regard peiné et je crains le pire. Le docteur Mitose fait un signe de tête à maman. Celle-ci respire un grand coup et répond :
- Des témoins de l'incident ainsi que l'officier de police qui vous a surveillé ont appelé les urgences et le docteur Mitose nous a prévenu. Comme je t'ai dit, tout va bien pour toi, ma chérie. Et le bébé aussi. Il n'y aura pas de séquelles ni pour toi ni pour lui.
- Et Arnaud ? insisté-je, agacée qu'elle tourne autour du pot. Comment va Arnaud ? Répondez-moi, bon sang !
Là, personne ne répond. Tous ont eu le regard sombre. Aucun ne semble partant pour m'annoncer la nouvelle que je redoute de plus en plus. Ma peur s'intensifie. Je ne peux imaginer l'inacceptable, l'effroyable, le cataclysme. Le silence est insupportable.
- Mais répondez-moi, merde ! crié-je au bord des larmes. Est-ce qu'Arnaud est... est-ce qu'il... est qu'il est...
- Calme-toi, Mathilde, tu es très fragile ! dit le docteur Mitose avec un air de reproche.
- ME CALMER ? VOUS PLAISANTEZ ? REPONDEZ-MOI !!! JE VEUX SAVOIR COMMENT VA ARNAUD !!!
- Docteur, il faut lui dire, dit maman.
Le docteur Mitose hésite un moment mais face à mon regard furieux, il finit par hocher la tête. Maman dit :
- Chérie, Arnaud n'est pas mort...
Je ne peux m'empêcher de pousser un grand soupir de soulagement. Un soulagement de courte durée car leurs regards tristes n'annoncent rien de bon pour autant.
- Il n'est pas mort ? Mais alors pourquoi vous...
- Il n'est pas mort, ma belle, me dit Élise, mais il a sombré dans le coma et... et... et son état est jugé préoccupant.
- Préoccupant ? Comment ça préoccupant ?
- Il a été frappé de plein fouet par la voiture lancée à toute vitesse, explique le docteur Mitose. Il faut que tu saches, Mathilde, qu'il est très grièvement blessé. Nous ne pouvons avoir aucune certitude pour l'instant. Pour être franc, c'est déjà un miracle qu'il soit techniquement encore en vie.
Techniquement... Je suis effondrée. Si mon homme est encore officiellement en vie, il est au bord du vide. Je me mets à pleurer à chaudes larmes.
- Je... je veux le voir...
- Ce n'est pas possible pour l'instant, dit le médecin. Et de plus, tu dois encore te reposer. Je te promets que dès que possible, tu auras des nouvelles.
Et je comprends qu'il est inutile de protester. Le docteur Mitose lance un regard à maman et Élise et tous trois sortent de la chambre pour me laisser me reposer.
Désormais, je ne peux compter que sur l'amourafin que notre rêve ne soit pas brisé.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top