1x16 : Un anniversaire et une douche

Musique/Vidéo : Joyeux anniversaire (Générique Club Dorothée)

C'est le troisième rendez-vous pour une échographie et celui que j'attends avec le plus d'impatience. Car c'est aujourd'hui que je vais connaître le sexe de mon bébé.

Je suis à mon cinquième mois et mon ventre est désormais très rond, c'est juste incroyable. Je pèse maintenant six kilos de plus qu'au début. Je me demande même si je ne réussirais jamais à perdre tout ça, même après la naissance.

Comme pour la précédente, Arnaud, Élise et maman m'accompagnent. Élise ne tient plus en place à l'idée de savoir si elle aura un neveu ou une nièce de cœur.

- Alors, tu es prête à savoir, Mathilde ? dit le docteur Mitose avec le sourire du Père Noël s'apprêtant à sortir un gros paquet cadeau de sa hotte.

Je fais oui de la tête. Qu'il le dise, vite. Je n'en peux plus d'attendre. Sentant mon stress, mon bébé s'agite dans mon ventre. Ses mouvements sont de plus en plus fréquents depuis le tout premier. Il a hâte que je sache s'il est un « il » ou un « elle ». A côté de moi, Arnaud me serre la main. Il a promis à sa mère de lui textoter dès que l'on saurait.

Le docteur Mitose verse l'habituel gel sur mon ventre puis passe la sonde et mon bébé apparaît sur l'échographe.

La dernière fois, j'étais à la toute fin du premier trimestre et il était encore bien minuscule. Désormais en plein cœur du deuxième, il a beaucoup grandi et a définitivement la forme reconnaissable d'un être humain. Je souris en le voyant bouger ses pieds dans tout les sens. Il a l'air de beaucoup s'amuser comme s'il considérait mon utérus comme une cour de récréation.

- Le fœtus mesure vingt-cinq centimètres, ce qui est très bien pour dix-neuf semaines de grossesse. Et il est donc maintenant possible de connaître son sexe. Alors, vous voulez savoir ? dit le docteur Mitose.

- Oui oui dites-nous, docteur, dis-je, trop impatiente pour attendre plus longtemps.

- Et bien ma chère Mathilde, mon cher Arnaud, j'ai le plaisir de vous annoncer que vous allez être les heureux parents... d'une petite fille !

Il nous faut plusieurs secondes pour enregistrer cette information. Maman est ravie. Élise est émerveillée, quelle joie pour la future marraine et tante de cœur ! Arnaud regarde l'échographe, fasciné. Et moi, j'en ai les larmes aux yeux. Une fille, je vais avoir une fille...

- C'est vrai, docteur ? murmuré-je. J'attends vraiment une fille ?

- Voyez par vous-même, on peut constater qu'aucun sexe n'est visible entre ses jambes, répond le docteur Mitose en désignant l'échographe de la main.

Je me penche autant que le permet mon ventre pour mieux voir et en effet en regardant bien, il est très clair que le fœtus n'a rien entre les jambes, ce qui ne laisse aucun doute possible sur son sexe.

J'échange un regard avec mon amoureux, ma sœur de cœur et ma mère. Nous sommes tous les quatre émus. J'attends une fille, une petite fille, une future petite Clémentine...

- En tout cas, on peut dire que cette demoiselle est en pleine forme, dit joyeusement le Dr. Mitose en éteignant l'échographie avant de nettoyer le gel. Je vous propose tout de suite un rendez-vous en mars pour le début du troisième trimestre. Et Mathilde, je te conseille de t'inscrire à des cours prénataux. Ils t'aideront beaucoup pour l'accouchement.

Quand nous rentrons chez nous, toute la famille admire l'échographie de ma fille comme on admirerait le plus beau des trésors. Moi-même est encore sur un nuage depuis que je sais qu'il s'agit d'un XX.

Au fond de moi, je sais que je voulais une fille. Bien évidemment j'aurais été toute aussi folle de joie si c'était un garçon mais l'idée d'avoir une fille me comble juste de bonheur, tout simplement.

- Et ben, ce que je peux dire, c'est qu'elle pousse bien ma future petite-fille, dit papa qui est aussi heureux que le soir de Noël lorsqu'il a reçu en cadeau le maillot du Real Madrid avec le flocage « Vinicius Junior ». Vous êtes très jeunes mais je dois le dire : toi et Arnaud, vous avez fait du bon travail !

Maman fronce les sourcils. Bien que contente aussi de connaître le sexe, elle reste quand même peu enchantée d'entendre parler de « bon travail ». Disons qu'elle s'est faite peu à peu à l'idée même si au fond, elle ne pardonnera jamais complètement à moi et à mon amoureux d'avoir copulé à un si jeune âge. Elle a juste accepté le choix du destin.

Quant à ma petite sœur, elle est aussi heureuse que si on venait de lui annoncer qu'un deuxième Noël aurait lieu.

- Je vais avoir une sœur, Mathilde ?

- Une nièce, chérie, corrige papa avec douceur. Tu seras sa petite tata.

- Chouette ! Je pourrais jouer avec elle ? Je pourrais lui prêter ma poupée Barbie ?

J'ai un sourire. Il n'y aura que six années d'écart entre ma sœur et ma fille. Assurément de quoi aider à en faire de vraies copines.

C'est la fin du mois de février et je m'apprête à entamer mon sixième mois, dernier du deuxième trimestre. J'ai du mal à croire que je suis déjà presque aux deux-tiers de ma grossesse. Mon ventre est maintenant si gros que l'on ne verrait pas la différence si je glissais un ballon de basketball sous mon pull. Et maintenant que je sais qu'elle est une fille, celle-ci ne cache définitivement plus sa présence : elle passe son temps à s'agiter et à transformer l'intérieur de mon utérus en discothèque. Au point que papa a maintenant l'espoir qu'elle deviendra une fana de foot, ce que je n'espère pas de mon côté.

- Quand même, dit-il en riant, le football féminin mérite d'être respecté. Regarde un peu ce que font les Espagnoles qui ont gagné la dernière Coupe du Monde...

- Oui okay papa, je sais que tu as beaucoup d'admiration pour Aitana Bonmatí et Jennifer Hermoso mais quand même...

- Comment sais-tu qui sont Aitana Bonmatí et Jennifer Hermoso ? s'étonne papa. Tu détestes le football !

- On a beaucoup parlé de Jennifer Hermoso quand cet abruti l'a embrassé de force. Même quand on déteste le football comme tu dis.

- Oh ! Oui bien sûr c'est évident, on est allé au-delà du sport dans ce scandale.

Papa soupire. L'un de ses plus grands regrets est mon refus catégorique de m'intéresser à son sport favori. Je n'y peux rien c'est tout. Je ne vois juste pas l'intérêt de voir des bonhommes – ou des femmes – gagner des millions en courant et tapant après un ballon. Arnaud lui aime bien mais respecte mon avis et moi aussi.

- Ma chérie, je t'en supplie, n'aime pas le foot parce que je deviendrais folle entre toi et ton grand-père, dis-je à mon ventre.

Elle me répond avec un coup de pied comme pour me dire « d'accord, maman ! ».

L'arrivée du mois de mars est un moment important puisque le 8 va être le jour de mon seizième anniversaire. Comme pour Noël, celui-ci est forcément particulier puisqu'il est le dernier en tant que « fille ordinaire ». Et pour l'occasion, Élise veut marquer le coup.

- Il faut faire une grande fête, ma belle, dit-elle un matin pendant la pause récréation alors que nous sommes comme d'habitude tout les quatre dans notre coin, moi dans les bras d'Arnaud et elle dans les bras de Myriam. Ce sont tes seize ans et le dernier avant que tu deviennes maman.

- Je ne suis pas sûre d'avoir envie de faire une grande fête, dis-je avec un faible sourire. Plus j'avance dans ma grossesse, plus vite je fatigue.

- Je veux dire pas une fête comme tu l'imagines avec de la danse et de la musique jusqu'à cinq heures du matin, précise Élise. J'ai plutôt l'idée d'un baby shower.

- D'un quoi ? demande Arnaud. Tu veux dire une douche de bébé ?

Élise éclate de rire.

- Non pas du tout, gros bêta, c'est une fête prénatale où l'on offre des cadeaux à la future mère.

- Ah oui comme on voit parfois dans les séries américaines, dis-je. Pourquoi pas, ça peut être sympa.

- Exactement. Tu vas être maman, ma belle, ça se fête. C'est un peu comme enterrer sa vie de garçon ou de fille avant un mariage tu vois.

- Ouais enfin je ne vais quand même pas demander à engager un...

- Non non pas du tout ça, coupe Élise en riant. Je doute que ta mère apprécierait en plus. Mais tu verras c'est une surprise, j'ai tout prévu, n'est-ce pas, chérie ? dit-elle avec un clin d'œil à Myriam.

- Absolument, répond celle-ci.

Par la suite, Élise et Myriam s'éloignent pour avoir un peu de temps ensemble et pour nous aussi. Je me détends contre mon homme qui étend son bras le long de mon ventre rond.

- Je vais avoir seize ans, dis-je. Ma vie aujourd'hui ne ressemble tellement pas à ce qu'elle était il y a un an...

Il est remarquable de découvrir comment tant de choses ont changé depuis un an. Quand j'ai fêté mes quinze ans, j'étais au collège, Arnaud n'habitait pas Lucieville, Myriam était ma pire ennemie et mon ventre était plat et vide.

- Et depuis, nos chemins se sont croisés, murmure Arnaud en m'embrassant sur la joue.

- Oh oui. Grâce à toi, j'ai découvert ce qu'est l'amour, j'ai eu le bonheur de rencontrer toi, le garçon que j'aime tellement...

- N'empêche, dit-il, ça me fait bizarre, penser que je vais être père à seize ans... surtout pour moi qui n'ai jamais connu le mien, ce sera comme quelque chose de nouveau.

- Je le sais. Mais tu vois, je me dis que c'est le destin qui le voulait. Même si je pense comme Albus Dumbledore que cela dépend aussi de nos choix.

- Penser que dans quatre mois, il y aura un mélange de nous deux qui arrivera...

- Et elle ne pourra qu'être belle comme elle héritera de la beauté de son papa.

- Ainsi que de sa maman.

Dans mon ventre, notre fille me donne deux bons coups de pieds.

- Ouch ! Je commence à croire qu'elle veut vraiment devenir fan de foot comme son grand-père ! dis-je avec satisfaction.

- Et oui tu crois quoi ? C'est ma fille ! dit Arnaud avec un air très satisfait. Après peut-être elle préfèrera le handball ou le hockey sur glace.

- Crois-moi, mon père sera déçu si elle préfère ces sports-là.

Après avoir affiché un grand sourire à mon ventre, je lève les yeux vers mon amoureux et dit tendrement :

- Je t'aime.

- Moi aussi je t'aime, répond-t-il en m'embrassant sur le front.

Et pour le reste de la récré, nous restons silencieux, blottis l'un contre l'autre, notre fille faisant des pirouettes. C'est vrai ce que l'on dit, c'est si beau l'amour...

Du reste, ma vie au lycée est presque normale. La tempête provoqué par le honteux article de Monsieur Manguier s'est depuis longtemps calmée. J'ai conscience d'avoir de la chance sur ce point et que d'autres filles dans ma situation le vivent beaucoup plus difficilement. A elles, je veux leur dire de ne pas perdre espoir en la vie et d'écouter leur cœur pour prendre les bonnes décisions.

Il n'y a toutefois pas que des choses agréables. Je ne compte plus le nombre de fois qu'il me faut demander les toilettes en plein cours et cela irrite graduellement Madame Osaka.

- Pour l'amour du ciel, mademoiselle Clémentine, je sais bien que ce n'est pas évident dans votre état mais pourriez-vous au moins penser à prendre vos précautions avant le début de mon cours ?

Et à chaque fois, elle pousse un soupir résigné et m'indique du doigt qu'elle m'autorise à aller aux toilettes.

Le matin de mon anniversaire, je suis réveillée par mon téléphone. Fatiguée, j'ai oublié de l'éteindre et j'ai bien fait car Élise chante d'une voix forte :

- Joyeux anniversaire, joyeux anniversaire, joyeux anniversaire, ma belle, joyeux anniiiiverrrrsaiiire !

- Merci, ma belle, tu es adorable ! Grâce à toi je suis parfaitement réveillée !

- Oh je t'ai réveillé ? J'en suis navrée ! taquine ma meilleure amie.

- T'es folle mais je t'adore tellement !

- Moi aussi, très, très fort. Alors comme prévu on va fêter ça mais je ne te dis rien de plus, ce sera une surprise.

- Le fameux baby shower c'est ça ?

- Tu verras, ma belle, tu verras.

Juste après avoir raccroché, je ressens des mouvements dans mon ventre comme si ma fille elle aussi voulait me chanter joyeux anniversaire.

- Merci, ma chérie, dis-je avec un grand sourire.

Lorsque je descends dans la cuisine pour prendre le petit-déjeuner, toute ma famille est présente. Dès qu'elle me voit, Lili se lève et vient mettre sa tête contre mon ventre. C'est une habitude qu'elle prend maintenant tout les matins. Ma fille n'est pas encore née mais sa tante a pour elle une immense admiration.

- Joyeux anniversaire, ma chérie, dit grand-mère en m'embrassant.

- Alors ça fait quoi d'avoir seize ans ? demande papa.

- Franchement, pas grand-chose, je prends un an de plus quoi.

- Et tu auras bientôt un très beau cadeau, dit papa avec un clin d'œil.

- Ouép on peut dire ça.

- Joyeux anniversaire, chérie, me dit maman puis elle ajoute en grondant à l'adresse de ma sœur : Lili, cesse donc de t'accrocher au ventre de ta sœur comme un pot de glue et finis ton petit-déjeuner !

- Au fait, Mathilde, me dit Lili comme si elle n'avait rien entendu, dans mon école, il y en a qui m'embêtent parce que tu attends un bébé...

Lili, qui sait maintenant bien parler, ne peut pas être plus claire et d'un coup, mon sourire s'efface.

- Ah bon ? dis-je. Je suis désolée, je ne savais pas...

- Ses camarades d'écoles ont des frères et sœurs aînés à Simone De Beauvoir, dit maman en fronçant les sourcils comme si c'était de ma faute.

Je suis peinée. Je ne savais pas que ma sœur endurait des moqueries à cause de moi et je m'en veux. Me mettant à ses genoux, je lui chuchote :

- Lili, ne les écoute pas. Tu n'y es pour rien si j'attends un bébé. C'est eux le problème, pas toi ni moi.

- Oui mais ils m'énervent quoi...

- Ignore-les, ils finiront par en avoir marre de parler dans le vent.

Un peu rassurée, Lili fait un bisou à mon ventre en chuchotant « je t'aime, bébé » avant de se rassoir à table.

Dix minutes plus tard, ayant fini de boire mon chocolat, je me lève pour finir de me préparer quand grand-mère se lève aussi et me dit :

- Avant que tu ne partes au lycée, chérie, je voudrais te montrer quelque chose.

- Pierrette, vous croyez que...

- Mais oui, Gisèle, on n'en a que pour cinq minutes et je pense qu'il est temps qu'elle sache.

Savoir quoi ? Ma curiosité est piquée. Se prépare-t-on à m'offrir un premier cadeau pour mes seize ans ?

Je suis donc grand-mère et réalise qu'elle me mène simplement dans sa chambre. A première vue, il n'y a rien de particulier dans celle-ci. Grand-mère dit :

- Mathilde, voici de ma part ton cadeau d'anniversaire : la future chambre de ta fille.

Sur le moment, je crois avoir mal entendue. Ma fille va dormir dans la même chambre que grand-mère ? Voyant mon air intrigué, grand-mère continue :

- Nous allons commencer l'aménagement juste après mon départ.

- Ton départ ?

Grand-mère met les mains sur mes épaules et me dit :

- Je vais louer une petite maison.

Soudainement, j'ai un doute. Je ne suis pas certaine qu'il s'agît là d'un si beau cadeau d'anniversaire.

- Comment ça tu vas louer une maison ? Tu vis très bien ici avec nous, grand-mère !

- Mathilde, j'ai soixante-quatorze ans. Je deviens une vieille dame et j'ai besoin d'être chez moi, tu comprends. Je suis contente d'être avec vous mais il est temps pour moi de retrouver une maison. C'est dans l'ordre naturel des choses, ici c'est chez ton père pas chez moi.

- Oh ! Oui, bien sûr, grand-mère, je comprends tout à fait.

- De plus, il n'y a pas d'autres chambres libres dans cette maison. Alors on s'est mis d'accord avec ton père et ma chambre deviendra celle de ton bébé.

- On pourrait mettre un lit dans la mienne...

- Et là je ne suis pas d'accord, intervient maman avant que grand-mère ait pu répondre. Je t'imagine mal aller au lycée en étant réveillée plusieurs fois la nuit par les pleurs du bébé. Je tiens à ce que tu sois responsable mais je tiens surtout à ce que s'occuper du bébé n'impacte pas le lycée.

- Et pour ce qui est du bébé justement, dit grand-mère, si tu veux je t'emmènerai acheter des habits pour elle.

- Ce sera avec plaisir, mamie, dis-je avec un grand sourire.

- Et je crois me souvenir que l'ancien berceau de Lili est dans la cave, dit papa. Je vais le remettre en état et on pourra le mettre dans la chambre.

- Sur ce, Mathilde, tu ferais bien d'y aller maintenant, dit fermement maman, que tu sois enceinte n'est pas une excuse pour être en retard au lycée.

Le fameux « baby shower » a lieu le samedi qui suit. Je sais à peu près en quoi cela consiste, on va notamment m'offrir des cadeaux tels que des vêtements pour le bébé. Autrement dit, il s'agit là de fêter ma future maternité.

Pourtant, lorsqu'Élise arrive chez moi en début d'après-midi, elle ne parait pas si joyeuse que ça. Voyant mon regard interrogateur, elle me dit :

- Ne t'en fais pas, ce n'est pas bien important. Juste que Myriam vient de me textoter qu'elle ne peut pas venir et ne m'a pas répondu pourquoi.

- Il n'y a pas de souci entre vous deux ? demandé-je avec inquiétude.

- Oh non du tout, j'imagine que c'est simplement personnel. Ce n'est pas quelqu'un qui se confie beaucoup tu sais. Bref, prête pour la douche ?

- Je le suis.

Arnaud arrive peu après accompagné de sa mère. Souvent, les baby shower se font entre femmes mais comme il est le père, j'estime naturel qu'il soit présent.

- Comment va ma petite-fille ? demande ma belle-mère avec un regard admiratif envers mon ventre rond.

- Elle se porte à merveille. Je ne compte plus les coups de pieds que je reçois.

- N'empêche, ça me fait tout drôle, dit Carole. Être grand-mère à seulement trente-huit ans. Ainsi va la vie comme on dit.

Puis me prenant à part pour que personne d'autre n'écoute, elle ajoute en murmurant : tu sais, Mathilde, mon fils est quelqu'un qui n'a pas une grande confiance en lui et cette épreuve sera forcément difficile au début pour lui. Son père nous a abandonné à sa naissance et il en a toujours souffert. Surtout, sois toujours là pour lui. Il a besoin de toi.

- Ne vous inquiétez pas, Carole, je l'aime et je préfère encore regarder les matchs de foot de mon père plutôt que de laisser tomber votre fils.

- Alors je suis rassurée, dit Carole en riant.

- Alors, chérie, prête à recevoir tes cadeaux ? dit grand-mère.

Je fais oui de la tête. Bien que n'ayant rien demandé, je m'attends à recevoir pas mal de surprises étant donné que je fête en même temps mon anniversaire et ma future maternité.

A ce moment-là, mes parents arrivent de la cuisine avec un énorme gâteau au chocolat qui fait à la fois envie à ma fille, à moi et à mon estomac. Sur le gâteau est placée une bougie formant un grand « 16 ». Mon père est vêtu d'un chapeau pointu plutôt ridicule, porte un gros nez rouge et souffle un serpentin dans la bouche. Je suis malgré moi un peu embarrassée, on aurait dit un costume raté de clown de cirque. Mais bon, l'important est d'essayer et puis c'est mon père et je l'aime.

Et tout le monde chante en chœur :

- Joyeux anniversaire, joyeux anniversaire, joyeux anniversaire, Mathilde, joyeux anniversaire !!!

Et mes parents posent le gâteau sur la table du salon.

- Allez souffle, ma belle, dit Élise.

Respirant un grand coup, je souffle à la manière du grand méchant loup sur la maison des cochons et éteins la flamme de la bougie en un coup, me valant un tonnerre d'applaudissement et un coup de serpentin de papa.

- Et maintenant les cadeaux, ma chérie, dit grand-mère.

Je ne me suis pas trompée en pensant que j'allais être gâtée. Ma meilleure amie m'offre le nouvel album d'Olivia Rodrigo ainsi que des vêtements pour bébé qu'elle a achetée avec ses parents. Les miens de parents m'offrent un walkie-talkie spécial qui, comme me le fait bien comprendre maman, me permettra d'entendre chaque fois que le bébé pleure, - elle est bien décidée à me responsabiliser sur tous les points. Grand-mère m'offre le dernier roman de Morgane Moncomble ainsi qu'un livre sur la maternité, et Carole Leroc m'offre des pyjamas pour le bébé. Et de la part de Myriam – et donc donné par Élise – j'ai un autre album de musique, en l'occurence le dernier en date de Blackheart, un célèbre groupe de rock rozan. Quant à mon homme, il m'offre en cadeau le jeu Hogwarts Legacy sur Nintendo Switch mais surtout, il m'offre le plus beau de tous : son amour. Il me donne en effet une feuille de papier où il m'a écrit :

Mathilde,

Il y a maintenant six mois, je faisais ma rentrée à la dernière minute au lycée Simone de Beauvoir. Et quand Monsieur Grand m'a fait entrer en classe, mes yeux se sont posés immédiatement sur une fille très belle aux longs cheveux roux. La première chose que je me suis dit en la voyant est : c'est un ange. Au départ, je n'osais pas t'aborder car je suis timide. Et la suite tu la connais et tout s'est enchaîné. Un mois plus tard, on l'a fait et tu es tombée enceinte et même si parfois j'ai peur, je vais assumer parce que je t'aime.

Oui je t'aime, Mathilde, mon cœur. Et en ce jour où tu fêtes tes seize ans, je souhaite te dire que tu es le plus grand bonheur de ma vie, que je ne peux plus l'imaginer sans toi. Nous allons fonder une famille, certes très tôt, mais c'est l'amour qui en a décidé. Mon cœur, je te souhaite un joyeux anniversaire et que cette année, qui verra l'arrivée de notre petite fille, soit pour toi la plus heureuse de ta vie.

Je t'aime,

Arnaud

Pendant un moment, je regarde Arnaud sans rien dire, les larmes aux yeux. Jamais on ne m'a écrit un tel message d'amour – Marc considère la poésie comme ringarde – et je me dis, une fois de plus, que j'ai de la chance d'avoir rencontré un garçon comme lui.

- Je suis désolé, chérie, murmure Arnaud, je voulais te dire tout cela à haute-voix mais...

- C'est la plus belle déclaration d'amour qu'un garçon puisse faire à une fille, dis-je avec émotion.

Là-dessus, je me jette dans ses bras et l'embrasse comme jamais, sans prêter attention au regard désapprobateur de maman qui n'apprécie pas spécialement de voir sa fille bécoter un garçon en public, encore moins sous son toit. Les autres ont un sourire et certains même en rient. Limite, je viens de faire une imitation du premier baiser de Harry à Ginny – le plus rigolo étant que mes cheveux sont roux comme les Weasley.

La suite est essentiellement festive. Élise lance de la musique – essentiellement du Indochine et autre rock français, maman considérant le métal comme une musique de sauvage – et de temps en temps quelques musiques pour danser, le meilleur étant lorsque tout le monde se met à faire la cheu-cheu en marchant à la file indienne. J'évite toutefois de trop bouger à cause du poids de mon ventre même si, à en juger par ses mouvements, ma fille prend tout autant de plaisir à faire la fête. Clairement, elle sera quelqu'un de dynamique.

La fête dure depuis près d'une heure quand Élise reçoit un appel sur son téléphone. Or, lorsque je vois sa mine passer d'un coup de la joie à la consternation, je comprends qu'il y a un problème grave. Me mettant à l'écart pour être entendue malgré la musique, je lui demande :

- Quelque chose ne va pas, ma belle ?

- Ce sont mes parents. Myriam a été enlevée par son père.

PDV : Myriam

J'ai tellement espéré en être débarrassé pour toujours. Cela fait trois mois que j'habite chez les parents de ma compagne et jusque-là, je n'ai eu aucune nouvelle de lui malgré ses menaces proliférées la dernière fois que je l'ai vu. J'ai fini par me dire qu'il a abandonné, ce qui ne pouvait que me plaire. Me débarrasser de cet homme indigne d'être mon père a toujours été mon vœu le plus cher.

Mais je me suis trompée. Non seulement il n'a jamais renoncé mais il a simplement pris le temps de mettre son plan en marche.

Aujourd'hui, je devais me rendre à la fête d'anniversaire de Mathilde, mon ancienne ennemie jurée devenue maintenant une bonne amie. Élise est partie avant moi et justement, il a profité de cette aubaine. Alors que je me préparais, j'ai entendu des coups violents frappés à la porte. Un instant plus tard, j'ai entendu un cri. J'ai jeté un œil et j'ai manqué moi aussi de crier.

Mon père était là et il tenait... une arme, oui une vraie arme à feu qu'il pointait sur le père d'Élise. Ses ordres étaient clairs : ou je suivais mon père, ou il abattait les Dubonpied.

Les parents d'Élise sont les personnes les plus charmantes et généreuses que je connaisse. Ils m'ont si bien accueilli, si bien considéré comme leur propre fille, sans parler du fait qu'ils ont accepté sans problème que je sorte avec Élise. Aussi, la question ne s'est pas posée. Je préfère me sacrifier que de les voir se faire tuer, sous mes yeux qui plus est. Ils ont tant fait pour moi, je n'ai pas d'autres choix.

Je l'ai donc suivi sans discuter malgré les supplications des Dubonpied. Je sais très bien que mon père ne bluffe pas. Il est parfaitement capable de passer à l'acte et de tirer sur eux.

Une fois dehors et sûr que les Dubonpied n'interviendraient pas pour l'en empêcher, il m'a poussé violemment dans sa voiture et s'est empressé de s'éloigner.

Une heure plus tard, je suis enfermée dans la cave de notre maison. Il a donc décidé de me séquestrer. Je n'ai plus maintenant qu'à prier pour que l'on me sauve. Nul doute que les Dubonpied ont alerté les Clémentine ainsi que la police. Je me mets alors à chanter la chanson de Bernard et Bianca : « Qui pourra me sauver... ».

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