1x04 : Je suis tellement jeune et belle
Musique/Vidéo : Aston Villa - Raisonne
Bien entendu, ma proximité – et mon intérêt évident – pour Arnaud suscite la jalousie de Marc, frustré que j'ai réussi à l'oublier aussi vite. Un jour, il lance par hasard à Arnaud dans les couloirs du lycée alors que nous sortions d'un cours de Maths :
- Je vais te décevoir, mon vieux, mais n'espère pas coucher avec elle avant longtemps. Cette fille préfère attendre sa majorité.
Son sourire narquois est tombé d'un coup en voyant qu'Arnaud l'a complètement ignoré. De mon côté je n'ai pas eu mon pareil pour lui rendre son sourire comme pour lui dire, « va te faire foutre, pauvre naze ! ».
Je vous ai dit précédemment que je crois tout à fait à l'amitié garçon-fille. Mais très vite je dois me rendre à l'évidence : je désire plus qu'une amitié avec Arnaud. Plus je le vois, plus je suis amoureuse. Et il ne m'échappe pas que lui-même rougit souvent, autant que moi. Mais ni lui ni moi n'osons franchir le pas, de peur d'aller trop vite, de risquer de gâcher notre belle entente si jamais cela se passe mal. Et puis, mon cœur n'est pas encore totalement guéri du mal causé par Marc...
En parlant de ce dernier, s'il a fait comme s'il n'avait rien entendu, Arnaud m'a jeté un regard interrogateur et je comprends qu'il me demande qui est ce mec.
- Marc est mon ex, lui expliqué-je. On est sorti ensemble en Troisième. Il voulait que je couche avec lui et j'ai refusé.
- Oh ! dit Arnaud. Je comprends mieux pourquoi il m'a sorti ça. Et je devine qu'il l'a très mal pris.
- C'est le cas de le dire. Il m'a largué dès le lendemain pour aller se consoler avec la miss gros lolos du collège.
Arnaud se met alors face à moi. Il me faut faire de gros, gros efforts pour arriver à regarder ses yeux magnifiques. Jamais je n'ai senti mon cœur battre aussi fort.
- Si ce mec préfère te larguer juste pour ça, alors il n'en vaut pas la peine, me dit-il avec douceur. N'aies aucun regret d'avoir rompu avec ce connard.
- Oh mais j'ai aucun regret sois-en sûr, dis-je avec un petit sourire. Je réalise aujourd'hui que je suis sorti avec lui juste parce que je voulais pour la première fois être en couple. Mais c'était une erreur. Peu importe quand cela arrive, l'important est d'être prêt et surtout que ce soit la bonne personne.
- Exactement, je t'approuve totalement, me dit Arnaud. Les mecs comme Arnaud veulent se rassurer car en vieillissant, ils seront incapables de séduire n'importe qui.
- Oh ! Je ne te savais pas si féministe, dis-je avec satisfaction.
- C'est cela d'être élevé par une mère célibataire
Octobre arrive et je réalise avec étonnement que cela fait déjà un mois que l'année scolaire a commencé. Et l'on bosse, bosse, bosse. Et je dois faire et avec la pression des profs et avec celle de ma mère. Je peux oublier de suite toute idée d'aller voir le film de la tournée de Taylor Swift au cinéma. « Le lycée d'abord ! » me rappelle sèchement maman à peu près toutes les dix minutes.
Je me suis aussi rendu compte quelque chose d'étrange, c'est que Myriam a complètement changé d'attitude par rapport au collège. Auparavant, son plus grand plaisir était de faire de ma vie un enfer. Mais il semble bien qu'au lycée, Myriam a décidé de ranger son costume de peste. Plus surprenant encore, elle détourne à présent le regard chaque fois que l'on se croise et elle s'empresse de se changer et de sortir des vestiaires lors des cours d'E.P.S.. Pour autant, même si ce comportement nouveau est bizarre, nous sommes les derniers à nous en plaindre. Moins j'ai ma pire ennemie sur le dos, mieux je me porte.
- Franchement, il n'y a pas de quoi être peiné, déclare Élise. On vit très bien sans cette grosse sangsue sur le dos !
Curieusement, j'ai l'impression qu'Élise a dit cela en regardant ailleurs. Mais je dois probablement avoir mal vu.
- Mathilde, je peux te parler seul à seul ?
Comprenant le message, Arnaud me mène vers notre habituel coin de la cour, aussi pour guetter au cas où Marc essaierait de perturber l'instant. Ce dernier est toutefois occupé à peloter sa dernière conquête à l'autre bout de la cour et ne fais pas attention à nous.
- Que souhaites-tu me dire ? demandé-je.
- Et bien... je voulais te dire, Mathilde... comme tu le sais, à la fin du mois, il y aura le bal d'Halloween au lycée, me dit-il d'une voix timide.
Je fais oui de la tête. Nous avons vu hier une annonce postée dans les couloirs par Monsieur Marcus à propos du premier bal de l'année. Les bals à l'américaine sont traditionnels dans les lycées rozans.
J'avale la boule dans ma gorge. Est-il en train de faire ce que je pense ?
- Oui ? Et ?
- Et bien, je voulais te demander si... si...
- Si... insisté-je, attendant qu'il sorte les mots fatidiques.
- Si tu voulais bien venir avec moi au bal...
Oui ! Oui ! C'est bien ce que j'espérais, tellement. Et pourtant, même en l'entendant de sa bouche, je n'en crois pas mes oreilles. Arnaud Leroc me demande d'être sa cavalière de bal ! Je suis émerveillée. C'est la première qu'un garçon m'invite.
- Oh ! Oh oui je veux bien être ta cavalière, Arnaud !
Arnaud rougit et moi aussi. Si cela n'est pas une preuve de nos sentiments mutuels, je jure de manger la moitié de mes cheveux roux. Visiblement tout aussi troublé, Arnaud marmonne :
- En toute amitié nous y allons...
- Oui... oui bien entendu...
L'envie devient irrésistible. C'est maintenant que cela doit se faire. Je me sens comme Harry avec Cho dans la fameuse scène du cinquième Harry Potter, sauf qu'il n'y a pas de gui au-dessus de nous. Nos lèvres se rapprochent...
On entend alors la sonnerie annonçant la fin de la pause et le début du cours suivant.
- Bon ben...
- Ben... faut aller en Anglais, dit-il d'une voix faible.
Jamais je n'ai autant rougi.
- Alors, ma belle ? Vous l'avez fait ? me chuchote Élise une heure plus tard en sortant du lycée après le cours d'Anglais.
Je fais non de la tête avec une grimace et Élise parait aussi déçue que si on l'avait condamné à ne plus jamais fêter Noël.
- Sérieusement ? Vous ne sortez toujours pas ensemble ?
- Non, dis-je avec dépit.
- Sérieux ? Mais enfin ça se voit comme un nez au milieu de la figure que vous êtes amoureux l'un de l'autre. Vous ne pouvez pas être de simples amis. Moi aussi je crois comme toi à l'amitié garçon-fille mais dans votre cas, il faut juste se rendre à l'évidence.
- Je ne sais pas... tu sais comment c'est. Une fille, un garçon, ils sont amis, passer au niveau supérieur n'est pas sans risque...
- Arrête tes bêtises, coupe Élise avec un sourire. Ce n'est qu'une question de temps...
- Mais il m'a demandé pour être sa cavalière au bal d'Halloween, dis-je en me rappelant ce détail que j'avais presque oublié avec notre presque baiser.
- Ah, je préfère ça ! dit Élise avec un réel soulagement. Alors ce n'est qu'une étape. Ma foi le bal c'est le moment parfait pour commencer une histoire.
- Et toi, ma belle, tu as trouvé quelqu'un ?
Le sourire d'Élise s'efface d'un coup.
- Oh pardon. Désolé, ma belle, j'ai gaffé. Je sais que tu n'aimes pas que l'on te pose cette question...
- Non non, ne t'inquiète pas. Je n'ai personne pour l'instant. À vrai dire, je m'en fiche.
Le soir-même après le dîner, encore sur un nuage après la demande d'Arnaud, j'ai décidé d'en parler à maman, ce qui croyez-moi n'a rien d'anodin. Et sans la moindre surprise, elle fronce les sourcils et répond avec fermeté.
- Un bal ? Avec un garçon ? Il n'en est pas question.
Et malgré moi, piquée au vif, je ne peux m'empêcher de répliquer :
- Comment ça « il n'en est pas question » ?
- Tu ne sortiras pas avec ce garçon quel qu'il soit et ce n'est pas négociable ! lance maman avec autorité. Tu veux que ça recommence comme avec l'autre ? Je n'ai pas envie de te retrouver tous les soirs à pleurer dans ta chambre pendant deux mois !
Et ainsi commence une énième bataille entre fille et mère telles deux boxeuses rivales sur un ring. A côté de nous, papa se concentre au maximum sur l'épisode de Plus belle la vie diffusé à la télé pour ne pas en être mêlé.
- Maman, je t'assure qu'il n'a rien à voir avec Marc ! Il est même tout le contraire : il est gentil, adorable, et surtout, et surtout, il m'invite comme amie, tu entends ? A.M.I.E ! C'est juste une soirée au lycée pour Halloween, rien de plus.
- Comme amie... tu parles, réplique froidement maman. L'amitié garçon-fille, ça n'existe pas. Je vous connais très bien vous les jeunes.
Je soupire. Discuter d'un garçon avec maman est aussi inutile que de lui demander de se filmer en vidéo sur Tiktok.
Exaspérée, je jette un œil à papa qui continue de faire semblant de regarder son feuilleton, pas la peine d'espérer son soutien. Grand-mère fait sa toilette dans la salle de bain et Lili est déjà couchée.
Après un moment où l'on reste à se regarder droit dans les yeux avec des airs de défi, maman me demande d'un ton sec :
- Qui est ce garçon ?
- C'est un ami de lycée comme je viens de te le dire, répondis-je avec froideur. Un-a-mi. Je peux te le répéter autant de fois que nécessaire, à toi qui m'affirme que ça n'existe pas.
- Et comment s'appelle-t-il ? continue maman comme si je n'avais rien répondu.
- Il s'appelle Arnaud. Arnaud Leroc.
Maman me regarde comme si j'avais commis une faute grave, comme si nous étions à un interrogatoire de police et qu'elle m'accuserait d'un meurtre. Comme si être amoureuse d'un garçon était un crime à ses yeux.
- Tu sais ce que tu risques si tu sors avec ce garçon, Mathilde, dit froidement maman.
- Quoi donc ? Ah oui c'est vrai « De me retrouver tous les soirs à pleurer dans ma chambre pendant deux mois ». Maman, c'est bon, je me suis parfaitement remise, j'ai le droit de vivre un peu !
Maman m'ignore encore et s'approchant au point de presque coller son nez au mien, elle me susurre avec fermeté :
- Je t'interdis de le faire.
- Pardon ?
- Tu sais très bien. Et si tu veux quand même malgré mes avertissements – je sais pertinemment que tu vas les ignorer et n'en faire qu'à ta tête comme d'habitude – alors pense à prendre...
Oh non. Ce n'est pas possible, je rêve... Je déteste dire cela car c'est peu respectueux pour ces personnes mais pour le coup, je préfèrerais être sourde que d'entendre une chose pareille...
- Ah non, maman ! Non ! Tu n'es pas sérieuse là !
-... la pilule et lui le préservatif, finit-elle avant que je n'aie pu me boucher les oreilles et assez haut pour couvrir mes mots.
Vous voyez jusqu'où l'on va quand on discute avec ma mère. Je lui ai juste dit être invitée à une soirée en rappelant avec clarté que c'est uniquement par amitié. Et en réponse, elle me parle de contraception !
- Pas sérieuse ? Bien sûr que je le suis ! Quitte à aller loin, autant songer à tes précau...
- Maman, je t'en supplie, arrête...
Et cette fois j'ai le temps de me boucher les oreilles, je ne peux pas – ne veux pas – en entendre plus. Je n'enlève mes mains des oreilles qu'une fois certaine elle ait cessée de parler.
- Je te l'ai déjà dit, maman, je n'ai pas l'intention de coucher maintenant avec un garçon. Je sais à peine ce qu'est une relation amoureuse.
Maman parait un peu soulagée mais ne croyez pas pour autant que tout est réglé. Au contraire, elle enchaîne en me disant fermement :
- De toute façon, la question ne se pose pas !!! Je t'interdis de sortir avec ce garçon !!!
- Combien de fois vais-je devoir te le répéter, maman ? On-y-va-en-tant-qu'a-mis !!! Faut te le traduire en dialecte rozan ou quoi ?!!!
- Fais gaffe, ma fille, je ne tolérerai pas que tu me parles sur ce ton !!!
- MAIS PUISQUE JE TE DIS QUE...
Cette fois ce n'est plus un simple match de boxe, c'est de la lutte gréco-romaine. Au point que cette fois, même papa ne peut plus nous ignorer. Se levant avec dépit de son fauteuil, il nous dit avec agacement :
- Avez-vous fini de vous chamailler comme ça ? C'est à peine si j'entends Patrick Nebout expliquer le meurtre à Jean-Paul Boher ! Sérieusement, chérie, est-ce vraiment un problème que notre Mathilde soit invitée par ce garçon ? Si elle affirme qu'il n'a rien à voir avec le précédent, il n'y a aucune raison de ne pas la croire.
Avant que maman ait pu répliquer, grand-mère sort de la salle de bain où elle a bien sûr tout entendu de notre querelle. Avec fureur, elle nous lance :
- Vous êtes folles toutes les deux ou quoi ? Vous criez tellement que je n'entends même pas couler l'eau du lavabo ! De plus, vous allez réveiller Lili à hurler de la sorte !
Et en effet, Lili sort de sa chambre et couine avec un air inquiet en tenant son doudou dans la main :
- Pourquoi vous criez ?
- Je m'en occupe, dit papa qui voit là un bon prétexte pour fuir la scène. Tu retournes te coucher, chérie, dit-il et il ramène Lili dans son lit.
- Alors ? Pourquoi vous vous étripez, toutes les deux ? demande grand-mère en se plaçant entre nous à la manière d'un arbitre.
C'est souvent elle d'ailleurs qui fait la juge lorsque je commence à me battre comme un chiffonnier avec maman.
- Maman ne veut pas que j'aille à une soirée du lycée avec un ami, dis-je rapidement à grand-mère pour devancer maman et en appuyant bien sur le mot « ami ».
- Ah bon, dit grand-mère comme si elle considérait particulièrement futile une telle raison pour une querelle. Et puis-je savoir, Gisèle, pourquoi Mathilde n'aurait pas le droit de se rendre à cette soirée ? A ce que je sache, c'est un bal de lycée, pas une soirée échangiste.
Et c'est parti pour le deuxième round, cette fois maman contre grand-mère, Monkey D. Luffy contre le roi des Hommes-Poissons. Maman se tourne vers elle et lui aboie :
- Pierrette, vous seriez bien aimable de ne pas vous en mêler !
- Je suis sa grand-mère, je peux aussi avoir mon mot à dire !
- Et moi je suis sa mère, c'est moi qui décide ce qui est bien pour ma fille !
Médusée, je mets une main sur les yeux. Tout ça pour une soirée au lycée...
- Sérieusement, Gisèle, dit grand-mère en s'efforçant d'employer un ton aimable, pour quelle raison Mathilde ne pourrait pas aller à cette soirée qui se fait dans tout les lycées du pays ? Vous préférez la forcer à regarder le foot de son père à la télé ?
- Dois-je vous rappeler dans quel état elle était tout cet été ?
- Oui mais c'est du passé, elle va beaucoup mieux...
- Je ne veux pas qu'elle souffre encore à cause d'un garçon, c'est tout, dit fermement maman. Cela ne me fait pas plaisir mais c'est pour son bien.
Je suis partagée. D'un côté, je sais que sous ses airs autoritaires, maman s'inquiète vraiment pour moi. C'est elle qui cet été, comme elle vient de le rappeler, est venue me consoler et me prendre dans ses bras chaque fois je pleurais. Mais de l'autre, je ne peux m'empêcher d'être agacée par sa forte protection, aussi compréhensive soit-elle. Comme le dit grand-mère, c'est du passé maintenant. Marc ne représente plus rien pour moi et je suis tout à fait heureuse à nouveau.
- Comment est-il ce garçon ? demande grand-mère en me lançant un regard aimable.
- Gentil et adorable, répondis-je, répétant les mêmes mots dit précédemment. Crois-moi, grand-mère, je n'en ai jamais rencontré un comme lui. Il est vraiment différent...
- J'ai une idée, dit grand-mère avant que maman ait pu dire un mot : Pourquoi ne pas l'inviter ici ? Nous pourrions faire la connaissance de ce garçon et ainsi nous saurions s'il est bien comme l'affirme notre Mathilde. Qu'en pensez-vous, Gisèle ?
On dirait que maman vient d'avaler tout rond une orange entière. S'il y a bien une chose qu'elle déteste, c'est d'être mise devant le fait accompli. Comprenant qu'elle ne peut pas contester, maman répond sans enthousiasme :
- Oui, je reconnais c'est une bonne idée. J'imagine qu'on peut l'inviter à dîner...
- Et bien voilà qui est réglé, c'est quand même mieux que de se taper dessus vous n'êtes pas d'accord ? dit grand-mère avec satisfaction comme si elle venait de réconcilier les pires ennemies du monde. Maintenant si cela ne vous dérange pas, je vais dans ma chambre. Je vais aller lire le dernier roman de Laurent Levrac, vous savez le célèbre écrivain rozan.
Malheureusement, tout n'est pas encore fini. Maman attend que grand-mère soit entrée dans sa chambre avant de reprendre le combat. Si elle ne peut pas s'opposer à l'idée d'inviter Arnaud, elle n'a par contre aucune intention de céder quant à la soirée d'Halloween.
- Tu y tiens à cette soirée, n'est-ce pas ? dit maman avec une légère froideur en me regardant droit dans les yeux. Tu veux vraiment y aller ?
- Tout Simone de Beauvoir ne parle que de ça, maman. J'aurais l'air d'une idiote à être la seule à ne pas y aller...
- Bon. Alors mettons-nous d'accord, Mathilde : tu veux absolument aller à cette soirée ? Alors ok tu iras...
- Merci, maman, vraiment...
- ... mais seule. Ce garçon ne sera pas ton cavalier, c'est non.
- Ce garçon s'appelle Arnaud, maman, dis-je en grinçant des dents, m'efforçant de ne pas élever la voix car une nouvelle intervention de grand-mère et cette fois je peux dire adieu à la soirée.
- Je ne veux pas que tu y ailles avec lui, est-ce claire ? Pourquoi ne pas inviter Élise ? Vous serez très bien ensemble et elle je le sais est digne de confiance.
- Élise a quelqu'un, mentis-je.
- Vraiment ? Mais je l'ai toujours cru célib...
- Maman...
- Oui bon désolé, dit maman avec un rictus. Bref, je veux que les choses soient bien claires : tu peux aller à cette soirée si tu veux mais pas avec...
- Chérie, je pense qu'il faut donner une chance à ce garçon...
L'intervention de papa est tellement inattendue que nous le regardons toutes les deux avec stupéfaction. Je ne crois pas me souvenir qu'il se soit jamais mêlé à une querelle entre maman et moi. Au contraire, il fait toujours tout pour éviter de se retrouver au milieu.
- J'ai réussi à recoucher Lili mais je pense que vous l'avez effrayée à vous disputer comme ça, dit papa avec une grimace.
- Lui donner une chance tu as dit ? réplique maman. Pas question. Tu as bien vu ce qui s'est passé avec le dernier. Tu veux que l'on repasse des soirées entières à essayer de sécher les larmes de notre fille ?
J'échange un regard avec papa. Nous sommes d'accord sur au moins un truc : il est vraiment inutile de discuter avec elle...
- Bien sûr que non, Gisèle, c'est la dernière chose que je souhaite, dit papa d'une voix faible comme s'il regrettait déjà son intervention. Mais Mathilde affirme depuis tout à l'heure qu'il est bien. Rencontrons-le et nous en aurons le cœur net, c'est aussi simple que cela.
- Je ne sais pas...
- Cela pour dire que l'idée de ma mère est bonne. Nous saurons ainsi à qui l'on a affaire et l'on décidera s'il accompagnera Mathilde à cette soirée ou non.
- Ce n'est qu'une soirée, maman dis-je, profitant du fait que le mur commence à se fissurer. Il ne se passera rien de spécial, ce sera juste de la musique et de la danse. Et Élise sera là bien sûr.
- Tu vois, chérie, il n'y a rien à craindre, dit papa avec douceur. Notre fille a quinze ans, il est normal qu'elle profite un peu de son adolescence. Nous avons été jeunes nous aussi. Et j'ai entièrement confiance, je sais qu'elle ne fera rien de très discutable.
- Bien sûr que non. Je ne fumerai pas, je ne boirai sûrement pas d'alcool et je ne ferai pas... ce que tu sais.
Je suis très reconnaissante envers papa de me défendre. Preuve que sous ses airs discrets, il sait être un bon père à l'écoute face à quelqu'un d'aussi strict que ma mère.
Maman prend le temps de réfléchir. Oui, j'ai passé un été difficile à cause de Marc mais j'ai surmonté mon chagrin d'amour, je suis prête à passer à autre chose. Finalement, elle dit :
- C'est entendu, Mathilde. Nous allons inviter ce garçon à dîner. Si je juge qu'il est décent et bien élevé, je lui donnerai ma permission pour t'accompagner à cette soirée.
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