4. Une coopération compliquée

Elle resta longtemps à contempler la page, datée de plusieurs années. Impossible que ce soit Drew qui lui ait demandé de la dessiner, et puis de toute façon elle avait beau connaitre des informations sur Nico - comme le fait qu'il soit âgé d'une septantaine d'années - cette photo n'en faisait pas parti. Pourtant en voyant la photo, puis Nico, elle sentait qu'elle l'avait fait en connaissance de cause. 

Désireuse de penser à autre chose que cette étrange photographie,  elle ferma son carnet et chercha du regard un truc à manger. Des framboises sauvages et des mûres semblaient l'appeler. Elle attrapa une feuille d'arbre de la taille de sa main et ramassa les petits fruits dedans. Elle en mangea quelques unes et garda les autres pour le demi-dieu toujours assoupi. Il s'est même mis à ronfler, faisant sourire Lucie. 

- Ca fait combien de temps que je n'ai pas été entourée de gens autres que cette pouffe de Drew ? se demanda-t-elle avant de verser quelques larmes. Qu'est-ce qui ne va pas chez moi ? Pourquoi je ne suis pas morte après cette chute ? Oui, j'aurai dû mourir ce jour-là... Cela aurait satisfait tout le monde... 

"Sauf moi", murmura une voix. 

Lucie en fit tomber le carnet qu'elle observait dans ses mains. 

- Qui est là ? demanda-t-elle d'une voix mal assurée. 

Personne ne lui répondit. 

Elle resta en alerte, la dague dans la main, jusqu'au soir. Elle ne fit pas de feu, s'éclairant seulement à la lumière de la lune. Elle détestait le feu, c'était sa hantise depuis... "N'y pense plus," s'ordonna-t-elle. 

Nico ne se réveilla que le jour suivant, trouvant la jeune fille presque assoupie. Elle sursauta et brandie devant elle sa dague quand il lui demanda ce qu'elle faisait. Elle était tellement ridicule que Nico esquissa l'un de ses rares sourires avant de se reprendre. Il se leva rapidement et ordonna à la demi-déesse de le suivre. 

- Tu ne m'as toujours pas dit ton nom, fit remarquer Nico. Tu as des choses à cacher ?

- Mon nom, c'est Lucie Vincz.

Il marmonna quelque chose à propos de l'Italie. 

Elle lui posa quelques questions, notamment sur Will pour qui ils risquaient leur vie à cause des types louches qui devaient sûrement les attendre. Lorsque Nico parla de lui, c'était avec une telle douceur que Lucie comprenait totalement que ce garçon aime son fils d'Apollon.

- Nico ? Je voulais te demander un truc... Tu vas peut être trouver ça bizarre... se lança-t-elle après quelques instants de silence. Ca fait quoi d'aimer ? 

Le garçon se stoppa dans sa route, regardant étrangement la fille qui détournait le regard, les joues rouges de honte.

- Tu n'as jamais aimé ? s'étonna-t-il. 

- Si, admit-elle en évitant son regard. Une fois. Mais ça c'est mal terminé. 

Même s'il ne l'avait pas montré, Nico était assez méfiant envers la jeune fille. Elle lui semblait louche. Et ces dernières paroles ne le rassuraient guère. Qui n'aime pas n'a point d'accroches à la vie. Et qui n'a pas d'accroches à la vie peut vouloir commettre des actes pires que la mort. 

- Qui était cette personne, l'unique être que tu as aimé ? demanda-t-il en reprenant sa marche, tout en posant de manière nonchalante la main sur son épée. 

Lucie le suivait, mais gardait le silence. 

- C'est assez douloureux... Tu ne comprendrais pas.

Le garçon s'arrêta à nouveau et elle lui rentra dedans. Il se retourna vers elle avec agressivité. 

- Que je ne comprenne pas la douleur ? Moi ? La déesse de la misère elle-même... m'a trouvé parfait selon ses goûts. Mais ça, c'était avant que je ne rencontre Will... Et maintenant je risque de le perdre. Qui a réellement vécu la douleur ?

- Je crois que tu te trompes...

- Que je me trompes sur quoi ? Tu penses valoir mieux que moi ? Tu penses savoir ce que c'est que la douleur ?... 

- Calmes-toi... 

-...Moi j'ai aimé, ce qui apparemment n'était pas ton cas. Et mon premier amour ne m'a jamais regardé comme je le regardais. Maintenant cesse de parler de choses que tu ne comprends pas et allons sauver Will. 

Les paroles de Nico avaient eu l'effet d'un coup de poing. Lucie s'efforça de ne pas laisser les souvenirs remonter à la surface. Il suffisait qu'elle se taise, qu'elle marche derrière Nico en ravalant les paroles qui lui venaient. Oui, il suffisait qu'elle soit une éponge, comme d'habitude. Mais elle en avait assez d'être une éponge. Il était temps que ce soit elle qui mouille les autres de ses mots acérés. Elle ne bougea pas, regarda Nico dans les yeux. 

- Tu ne sais rien de moi et tu n'as jamais désiré être en ma présence. Tu m'as aidée à échapper à Drew et compagnie uniquement parce que Will a insisté. Sans cela, tu ne serais jamais venu. Tu ne mérites pas que je me penche sur toi, que je te dise ces mots. Mais tu ne me connais pas, et par conséquent tu n'as aucun droit de me juger ! Qui te dit que je n'ai pas vécu pire que voir une personne que j'aime aller vers une autre ? Qui te dit que je n'ai pas vécu pire que perdre une soeur ? 

- Comment tu le sais ? demanda précipitamment Nico, sur la défensive. 

- ...Qui te dit que je n'ai jamais été malheureuse ? reprit-elle en l'ignorant royalement. Ivre de douleur ? Je suis un monstre, Nico. Un monstre d'émotions. Mais tu ne le sais pas, parce que tu n'es pas moi. 

Elle aurait dû s'arrêter là, mais maintenant, elle était lancée. Lancée comme les souvenirs qui affluaient, l'aveuglant sous les larmes, la crispant de colère et la faisant trembler de peur. Elle resserra sa prise autour de la poigne de Nico. 

- J'ai aimé. J'ai fugué par amour, dans un monde où lui seul m'aimait, mon père n'existant pas, ma mère préférant mon beau père à moi. J'ai fui les autres par amour. Et je l'aurai suivi à l'autre bout du monde par amour. Mais dans une forêt sombre, après avoir été poursuivis par un ours, les derniers moments de bonheur. L'obscurité vaut mieux que la lumière. L'obscurité est douce, accueillante. Alors que quand démarre un feu de forêt... Il est vif, violent, affamé de vies innocentes. Alors il nous poursuit. Nous courons, mais il est plus rapide. Il est stratège : il nous encercle. Et c'est là que tu le vois lui : ton coeur, ta flamme, ta passion, ta vie. Lui. Tu le vois. Tu le vois mais il n'est plus là. Il a touché aux flammes. Et alors que tu es tirée en arrière par des bras inconnus, lui reste seul, prisonnier des flammes. Et avec lui disparait ton coeur. Et avec ton coeur disparait ta vie. Tu n'es plus qu'une coquille vide, sans rien d'autre que la peine et les larmes. 

- Lucie, calme-toi, tempéra Nico mais ça ne marcha pas. 

Elle resserra sa prise encore autour de son poignet, et il grimaça en essaya de se dégager. 

- Je ne me calmerai pas ! hurla-t-elle. Je ne me calmerai pas parce qu'il est mort, bordel ! Tu es comme l'autre, l'horrible autre ! Celui qui me giflait dès que j'émettais le moindre son, dès que la moindre larme perlait sur ma joue. Je devais devenir indifférente, qu'il me disait. Comment devenir indifférente à l'amour ? Surtout quand celui-ci disparait au creux des flammes ! Il me frappait encore ! Encore ! Encore ! Je criai, il riait. Et il frappait encore. Ne me faites pas de mal ! Mais il tape ! gifle ! mord ! blesse ! Et encore ! Personne ne me cherche. Qui pourrait bien s'intéresser à une petite fille sans amour ? Alors il rit encore plus fort ! Et tape de manière ascendante ! Jusqu'à l'expérience... Et sa mort. De sang froid. Je l'ai frappé à mon tour. Encore et encore. Et ce n'était que le début.    

Son ton était si froid, déstabilisant et différent de celui qu'elle employait quelques secondes plus tôt. Il foutait la frousse à Nico, ce qui n'était pas rien. Cette fois elle planta ses ongles dans la peau du garçon et il commença sérieusement à se débattre. Mais elle était d'une force insoupçonnée. Elle attrapa sa seconde main qu'elle lui tordit sans aller jusqu'au bout, de façon à ce qu'il n'ait pas mal, mais qu'il sente ses muscles tendus prêts à lâcher. 

- J'étais différente. Quand je suis revenue chez moi, ils ont dit que j'étais une meurtrière. Mais qui a vraiment tué l'autre ? Lui m'a tué mentalement. Je n'étais plus qu'une bête sauvage. Moi je l'ai tué physiquement. Mais bon. Personne n'aura sa version des faits... 

- Tu commences à être flippante, s'il te plait arrête ! 

- Je ne suis pas flippante, j'exprime la vérité, corrigea-t-elle. C'est d'ailleurs ce qui m'a sauvé : la vérité des mots. Leur beauté, leur grâce. Les mots sont la chose la plus puissante qu'il existe. On peut dire ce que l'on veut d'Hitler : c'était un type infâme si horrible qu'aucun mot ne peut véritablement décrire le mal qu'il a fait au monde. Mais il avait compris quel talent possédait les mots, et les avait si bien utilisé qu'il avait corrompu tout un peuple. Les mots ont du pouvoir. Et j'apprends à les utiliser. Les mots... Oui, ils m'ont sauvé. La lecture m'a sauvé. Quand les autres me fuyaient, quand les idiots me frappaient, les mots m'ont réveillé. Je ne frappais pas. Je ne m'énervais pas. Je ne disais rien, jamais. Je m'étais rendue compte de l'horreur relative de mes actes. Et je me suis tût. J'ai tout gardé pour moi. Rien que d'y penser... J'en tremble. Et je veux que tu trembles avec moi, pour que plus jamais tu ne dises des paroles en l'air. Les mots ont des impacts. Et tu as utilisé les tiens à mauvais escient.

Elle n'était pas la seule à trembler. La terre tremblait avec elle. Le sol se secouait et un arbre à côté d'eux commença même à se fissurer. Quand Nico y jeta un coup d'oeil, l'arbre explosa. 

- Souviens-toi de la leçon du jour, Nico. 

Et elle relâcha Nico avant de s'en aller dans la direction opposée, laissant Nico seul.        

Elle se rendit compte qu'elle avait fait une connerie quand elle retourna sur ses pas pour trouver l'épée de Nico. Sans son propriétaire. Elle saisit l'épée. Heureusement pour elle, elle adorait les enquêtes et livres policiers. L'épée seule ne pouvait signifier que trois choses : un oubli, une intimidation ou un piège...

Elle s'écarta comme un chat saute, juste avant qu'une fléchette ne la touche dans le cou. L'adrénaline monta en flèche et elle courut à toute allure en zig-zag pour éviter les fléchettes qui pleuvaient comme des gouttes de pluie. Elle attrapa l'épée et courut se réfugier dans un arbre. Il fut un temps où elle savait monter aux arbres... Bien sûr,  elle dû pour cela loger l'épée de Nico au creux de son bras, peu pratique. Mais après elle réussit à la planter dans le tronc suffisamment haut pour qu'ils galèrent à la récupérer. Elle se hissa aussitôt derrière elle mais une fléchette la toucha dans le derrière. 

- Mais ça va pas de tirer à cet endroit-là, pervers ! bougonna-t-elle. 

Malgré tout, le sédatif commença à agir et elle se força à grimper encore les dernières branches pour être assez haut. Une seconde fléchette se planta dans son épaule. Quelques secondes plus tard, elle s'effondra. Dans le noir du sommeil. 

***
Coucou les loulous ! 

Alors, tu préfères voir les héros de l'Olympe chanter Bad Romance de Lady Gaga ou que les ship Percarter (Carter des chroniques des Kane x Percy)/Niceo (Nico x Léo) se réalisent ?

J'espère que tu as aimé. Je vais devoir te laisser (j'ai garé ma licorne en double-file). A bientôt pour un nouveau chapitre ! 

Gros bisous ! 

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