Part 4 | A Bout Portant 🐅


Hello ! Je me suis dit que ça faisait un p'tit bout qu'on avait pas eu la suite des vieilles aventures de nos poilus.... Alors voici voilà :D


Enjoy 🐯

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Lorsqu'ils s'élancent tous dans la forêt comme un seul homme — ou plutôt surhomme — , Pierre et son ami Belge se lancent ce regard typique d'incompréhension qu'ils ne cessent de partager en leurs présences.

— Je ne louperais ça pour rien au monde, lui avoue le Capitaine Thierry en tapotant son épaule.

— Ça veut dire que tu comptes cavaler derrière eux ? s'exaspère le français. Est-ce que tu as vu la vitesse à laquelle ils se déplacent ? Dans le noir ?

Pour toute réponse, le militaire sourit de toutes ses dents, accroche son fusil de sorte qu'il n'entrave pas ses mouvements pour courir et se lance à la poursuite de la troupe spéciale.

— Thierry ! s'exclame Pierre en piétinant sur place, mitigé à l'idée de le suivre.

La partie la plus brave de sa personnalité lui intime de se bouger les miches avant de perdre son compagnon des yeux, tandis que l'autre affirme que c'est la fin pour lui s'il s'exécute. Sans croiser d'ennemi, il est persuadé de se rompre le cou en trébuchant sur un caillou. Pierre n'en démord pas : si le courage n'est pas sa tasse de thé, la lâcheté non plus. Pourtant, assumer la seconde s'avère plus délicate lorsqu'on abandonne son ami à l'inconnu.

Et pendant la guerre, on n'abandonne personne, pas même lorsque la peur nous laboure les tripes.

Serrant les dents pour s'encourager, Pierre prends garde à bien attacher son équipement avant de poursuivre son capitaine, sautant par-dessus des taillis et évitant des crevasses doublées de racines jaillissantes qu'il entrevoit à peine. Si le jeune Français parvient à rattraper le Belge sans trop de difficultés, ils ont plus de mal à récupérer les soldats étrangers dans leur visuel plongé dans l'obscurité. Heureusement, ils y parviennent toutefois lorsque le quatuor s'immobilise assez tôt et que ses membres prennent position à équidistance les uns des autres, chacun partiellement masqué derrière des arbustes et buissons. Hésitant mais convaincus d'être là où il le faut, les francophones s'approchent de l'irlandais en priorité. Bien que son iris à découvert perturbe Pierre au plus haut point, il se débrouille pour que ce ne soit pas visible sur ses traits. La première seconde où il l'avait aperçu, il avait cru rêver : l'impression de se trouver face à une bête sauvage s'était imposé à son esprit, sans s'atténuer avec les minutes.

La plaie cicatrisée est-elle responsable de la couleur improbable de son œil ? Voilà une question qui taraude Pierre, sans pour autant avoir le courage d'en discuter avec son ami et Commandant.

— Que se passe-t-il ? chuchote ce dernier, inquiet de troubler le silence respectueux qui plane sur les soldats à leur arrivée.

— Il passe que vous être bruyant comme élérant, réplique le pseudo-borgne en sifflant d'agacement.

— Comme quoi ? fait Pierre sans comprendre.

— Un éléphant, rectifie Thierry en se retenant à grande peine d'éclater de rire.

A contrario, la nervosité mâchouille tant et si bien l'estomac de Pierre que celui-ci laisse brusquement libre court à sa propre hilarité, une seconde après que la main de l'étranger blond se verrouille sur sa bouche. Cela a le mérite de couper le sifflet au Français qui se retrouve proche de l'évanouissement, pétrifié par l'iris sauvage du tigre qui le clou sur place.

— Silence, fulmine l'irlandais. Boches dans les parages.

Aussitôt le sérieux de la situation revient et les francophones s'agenouillent aux côtés du soldat lorsque celui-ci ploie les genoux, empoignant tout deux leur arme à feux pour guetter à travers les trouées de la végétation.

— Je ne vois rien, couine piteusement Pierre.

Trop loin pour vous, lui répond l'anglophone en secouant lentement la tête de dépits avant de se tourner vers le plus imposant de ses compagnons pour dialoguer en anglais : Est-ce bien prudent de les emmener avec nous ? Ils font un vacarme d'enfer.

Ils sont là, alors à moins de les attacher à un arbre, je ne vois pas ce que tu peux y changer, dit doucement le second soldat de façon presque inaudible.

Ah, Egerton ! Toi et tes idées malséantes... répond mielleusement le premier.

Parbleu, Duncan, il plaisante ! peste la seule femme du groupe. Cesses un peu tes jérémiades, sinon tu restes ici !

L'expression horrifiée de l'Irlandais pivote pour regarder par-dessus la tête de Thierry qui tente vaille que vaille de suivre leur conversation anglaise. Mais il a beau tendre l'oreille, il ne perçoit qu'à demi-mots ceux prononcés par les étrangers.

Pierre, quant à lui, n'ose même plus bouger tant son attention est concentrée sur les ombres au-devant qui ne manquent pas de s'agiter pour lui donner l'impression d'être observé.

Tu n'oserais pas, poursuit l'anglophone pendant que le petit français se fait un nœud au cerveau pour déterminer s'il vient d'halluciner la forme d'un fusil.

— Nous voulons rester en soutien avec vous, s'immisce alors Thierry.

Tandis que l'Irlandais semble mâcher des cailloux, il fini par se rendre compte de l'anxiété de son compagnon d'infortune. Pris de pitié, il lui tape un peu trop violemment sur son casque Adrian, faisant sursauter son propriétaire.

Arrête de paniquer, Froggy, s'ils étaient proches, on le saurait. Tu ne mourras pas cette nuit.

— Il te dit de ne pas t'en faire, traduit Thierry lorsque son ami écarquille les yeux dans sa direction.

— Facile à dire, marmonne le français en dévisageant l'œil terrifiant de l'étranger.

L'Irlandais lui sourit et, à la surprise des deux francophones, s'installe le dos contre le tronc d'arbre le plus proche en se déchargeant d'une partie de ses affaires. Quelques secondes plus tard, le colosse vient les rejoindre tout en restant aux aguets pour venir s'asseoir non loin, à son tour caché derrière un buisson.

A l'opposé, le duo s'est aussi mis à l'aise, sans aucune forme d'inquiétude.

— Qu'est-ce qu'on fait ? s'étonne Thierry.

— On attend la nuit, répond la femme de la troupe.

— Mais... il fait déjà nuit.

On attend qu'ils s'installent pour dormir si tu préfères, répond le blond impertinent.

— Mais qui ça ?

Une troupe ennemie à sept-cent-mètres qui s'apprête à poser son campement.

— Aussi proche de notre zone d'altercation ? s'étonne Thierry.

Pour toute réponse, l'Irlandais hausse les épaules et sort de la viande séchée de sa poche. Il en propose aux francophones qui déclinent poliment, puis à son ami qui accepte volontiers.

— Ils sont beaucoup ? Pourquoi on ne les attaque pas ? continue d'interroger Thierry sans demander comment ils savent autant de chose.

Les étrangers se jettent un coup d'œil indécis. La femme soupire, le baraqué sourit discrètement et le blond jure dans sa langue natale avant de dire :

On va le faire, soyez patient.

Ainsi, de longues minutes s'écoulent sans que personne ne prononce une phrase. Jusqu'au moment où, n'y tenant plus, Pierre prend son courage à deux mains :

— Comment tu t'es fait ça à l'œil ?

L'Irlandais se tourne vers lui, pris au dépourvu que l'humain aies le courage de s'adresser à lui directement. Il fronce les sourcils et l'observe, comme pour juger de sa capacité d'écoute. Finalement, il opte pour une semi-vérité.

— Je me battre avec un...

— ... un ours. Et il a perdu, intercepte le grand gaillard aux yeux vert en faisant un sourire si grand que le Français en frémit.

Je n'ai pas perdu, Egerton, siffle le blondinet en foudroyant son compagnon du regard d'une voix grondante.

L'Irlandais se tend sur ses cuisses, apparemment prêt à prouver ses dires avec ses muscles.

— Les chatons, gronde brusquement leur Commandante en faisant cliqueter son arme en faisant un mouvement avec. Bougez-moi vos miches de là. Duncan à quinze-heure, Egerton à l'opposé. S'il y a le moindre signe du loup, on le neutralise en priorité. Sans le tuer.

Pressé de se dégourdir les jambes et d'activer sa circulation sanguine, le blond saute gaiement sur ses pieds en faisant craquer ses épaules. Pierre a le temps de constater que ses iris viennent de s'illuminer comme par magie de l'intérieur avant qu'il ne se détourne pour cogner dans l'épaule de son coéquipier.

Et je n'ai pas perdu, insiste l'anglophone. Tu fais le malin mais j'aurai bien voulu t'y voir moi face à ce...

— Shhht, le remballe le grand brun en jetant un coup d'œil au français qui les détaille avec une avidité non dissimulée.

— Vous deux : oui, vous deux-là. Vous restez à couvert, sauf si je vous demande de sortir nous prêter main forte. A ce moment, vous faite diversion en restant planqué. C'est clair ? Pour le moment, vous nous suivez à distance prudente, en vous dirigeant plein Est. Gardez les yeux bien ouverts si vous voulez rester en vie.

Pierre sursaute lorsqu'il comprend que la femme s'adresse à lui, avant de la regarder de ses yeux écarquillés. Voir une femme commander est un concept qu'il n'avait jamais vu à l'œuvre jusqu'à ce qu'elle débarque dans leur infanterie, sans qu'aucun gradé ne vienne à y redire quelque chose. Il n'avait toutefois jamais reçu aucun ordre émanant d'elle. Maintenant que c'est chose faite, il s'aperçoit qu'il n'y a aucune différence de taille entre elle ou un autre homme : l'autorité et le charisme qui se dégage de ce bout de femme égalent ceux du blond.

Alors pas la moindre hésitation ne s'immisce dans ses membres lorsque ceux-ci se mettent en mouvement pour obtempérer à l'ordre. Pierre n'a pas besoin de regarder Thierry pour savoir que celui-ci va obéir sans broncher, quant bien même ils ignorent le grade de la femme. Cette dernière n'attend d'ailleurs pas de voir s'ils ont été suffisamment attentifs ; tandis que le jeune duo est déjà loin, elle se met en route à son tour, accompagné par le soldat aux origines incontestablement asiatiques.

— Pourquoi ai-je l'impression d'évoluer dans un rêve ? adresse Pierre à son ami durant leur lente progression en direction de la zone indiquée.

— Peut-être parce que notre réalité est improbable ? Je commence à me demander s'ils sont humains.

— Pff, c'est sûr qu'ils ne le sont pas, répond Pierre sans une hésitation. Je le sens dans mes os.

Thierry ricane :

— Ah, tu penses que ce sont des copains du Nyctalope ?

— Qui ?

— Jean de la Hire ?

— Je ne connais pas...

— Tu sais lire ? se moque Thierry.

— Bien entendu, s'exclame Pierre.

— Bien, quand ce sera fini, penses à le lire.

A ce moment, Pierre se demande si la guerre se finira seulement un jour. 

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