CHAPITRE 50
— Franchement, elles sont magnifiques, assura Elijah en lorgnant son portable.
— Ouais hein ? Ton ami est vraiment doué dans son travail.
Tous les deux avaient été identifiés sur l'une des publications d'Arthur, sur son compte professionnel. Un slidant un peu plus loin, il y avait des têtes plus connues que les leurs, dans des moments de vie montés de toute pièce, à la demande du client. Il y avait une demoiselle, une couronne de fleurs sur la tête. Les portraits se succédaient avant que les leurs n'arrivent. Trois publications, pour trois thèmes différents. L'amour d'un couple. L'amour amical. L'amour familial.
Beaucoup de gens l'oubliaient, mais les sentiments n'étaient pas une exclusivité pour des partenaires. Il y avait également les amis, ceux qui pouvaient braver une tempête de neige pour vous apporter un chocolat chaud, à plus de minuit. Il y avait également les membres de la famille qui étaient prêts aller chercher de la glace vanille noix de pécan à plus de vingt heures, car vous déprimez.
— Il fait des mariages aussi, comme tu m'as dit ?
— Oui, mais il ne publie pas ces séries, par soucis d'intimités aux mariés.
— Ça doit être intenable comme rythme, quand même.
— Je ne me rends pas compte. Tu veux une tisane ? demanda Eli.
— Oui, s'il te plaît. Je lance le film, alors ?
— Carrément ! Tu l'as choisi ?
— Plouf plouf semble être une excellente façon de résoudre ce mystère.
Elijah ricana de son immaturité avant de faire chauffer l'eau dans la bouilloire électrique. Il farfouilla quelques secondes dans l'un des placards au-dessus de l'évier pour en extraire deux sachets. Il ne savait pas qu'il lui restait deux fruits rouges. Il se souvint qu'il n'y avait qu'une seule marque qui ne rajoutait pas de la myrtille dedans. Il l'avait découvert au café où travaillait Andy, quelques mois plus tôt. L'eau se tinta doucement de pourpre à cause des saveurs contenues dans la fine toile.
— Et voilà pour monsieur ! Qu'as-tu trouvé, alors ?
Sur l'écran de la télévision, l'interface de Netflix attendait les ordres. Finalement, ils optèrent pour la fin d'une série qu'ils avaient commencé depuis beaucoup trop longtemps. Malheureusement, ils ne pouvaient pas la visionner lorsque Noora était dans les parages, parce qu'ils craignaient de choquer son esprit encore innocent.
— C'était un chouette week-end, quand même, déclara Archibald.
— Il était un peu barré, comme à chaque fois qu'on se retrouve.
— Je sais d'où tu viens maintenant.
— Mais dis-donc, je ne te permets pas monsieur von Østergaard !
— J'm'inquiète surtout pour la santé mentale de notre fille, si tu veux tout savoir.
— Au moins, elle aura cette petite étincelle !
— Cette qui fait rester les gens autour de soi ?
— Ouais, c'est à elle que je pense. Celle qui fait que le feeling marche.
— Ce doit être le cadeau le plus précieux qu'on peut faire à un enfant.
— Ha oui ?
— À mes yeux, l'intelligence se développe et se cultive, comme la beauté ou la gentillesse. Il y a des prédispositions familiales, je ne dis pas, mais il y a bien une chose sur laquelle on n'a pas d'emprise : la petite étincelle.
Elijah écoutait religieusement son compagnon s'exprimer. Il avait l'air tellement passionné que ses yeux voguaient sur le visage concentré par les pensées. Le châtain était plus absorbé par les nuances de couleurs dans ses yeux que par la tisane qui refroidissait au creux de ses mains. Ce nez légèrement retroussé. Cette cicatrice sur l'arête de sa mâchoire, certainement parce qu'il s'était coupé en se rasant. Ces sourcils platine qui étaient dans un joyeux désordre. Ces mèches qui s'harmonisaient avec la pâleur de sa peau. Ces lèvres qui manquaient également de couleur.
— Tu ne m'écoutes plus.
— Bien sûr que si, se défendit le châtain.
— Qu'est-ce que je viens de dire alors ?
— L'étincelle, tout ça...
— Ouais, tu n'écoutes pas, rit son compagnon.
Elijah lui offrit une moue bouseuse en tordant sa bouche pour essayer d'attendrir le blond. Cela ne marcha absolument pas car il se moqua gentiment de lui face à son manque d'attention. Le psychologue haussa finalement les épaules pour s'avouer vaincu face à cette accusation.
— Comment veux-tu que je me concentre avec toi sous les yeux ?
— Ho, ce n'est pas bien compliqué !
— Un jour, tu vas te manger une porte si tu continues à dire ça...
Heureusement que le châtain plaisantait, car Archibald aurait presque pu craindre cette menace. Pourtant, il n'était absolument pas du même avis que son compagnon. Même après tant de temps, il ne comprenait toujours pas son attrait pour son physique, mais peu lui importait. Du moins, cela ne lui importait plus. Il avait tenté des régimes pour perdre ses rondeurs, il y avait quelques mois. Il s'était mit au sport, mais finalement, il n'arrivait pas à se motiver de le faire seul sur un tapis en mousse. Archie avait tenté beaucoup trop de méthodes, mais finalement, celle qui marchait le plus était l'acceptation d'Elijah.
— Tu n'oserai pas, de toute façon !
— N'en sois pas si sûr. Je suis plein de surprises !
— Mmh... J'avais remarqué, oui.
À l'écran, du sang giclait d'une plaie qui n'était vraiment pas belle à voir. Il y eut un cri d'agonie alors qu'une femme se cachait les yeux en gémissant pour se protéger de cette vision. Sincèrement, qui avait cette réaction alors qu'un de ses proches venait de se faire égorger ? Le monde du cinéma était vraiment à des kilomètres du réel.
— Tu veux manger quoi ce soir ? demanda brusquement Eli.
— Aucune idée, je ne sais même pas ce qu'on a au frigo.
— Je crois qu'il reste un peu de courgettes et du chou-fleur.
— Une quiche, alors ? Tu as une pâte au congel' ?
— Ho, ça, je n'en suis pas vraiment sûr...
Il englouti la fin de sa tasse avant de se lever. Ses articulations craquèrent.
— Monsieur se fait vieux ?
— Mais tu es à fond aujourd'hui ! rétorqua son partenaire.
— C'est surement parce que j'ai super bien dormi !
— C'est sûr que ne pas se faire virer tôt à ses avantages.
Le psychologue ouvrit la portière blanche et fouilla dans les bacs en plastique. Il 'y avait un sacré bazar là-dedans ! Il retrouva même une vieille poche d'abricots congelés qui devait dater de l'été dernier, lorsqu'il se faisait des smoothies. Bon, derrière les steaks, il y avait les glaces, mais aucune trace d'une pâte.
— C'est bon, j'ai ! Tu en a de la chance !
Il brandit sa trouvaille avec un air fier. Il s'empressa de la retirer de son emballage pour qu'elle se réchauffe plus rapidement. Il n'était que seize heures, donc cela serait tout juste pour le dîner. Dans le pire des cas, ils la passeront quelques secondes au micro-ondes, mais cela la rendait un peu élastique.
— J'ai envie de faire des gaufres, déclara soudainement Archibald.
— Quoi, maintenant ?
— Ben, ouais ? On peut aller faire des courses s'il le faut...
— Attends attands, j'ai peut-être tout ! Il faut de la farine, des œufs, du sucre, du beurre et de la levure ? Ha non, il faut du lait aussi, pour désépaissir la pâte. Je dois en avoir juste assez... Enfin, espérons-le !
Il agitait une bouteille de lait pour appuyer ses dires. Elle était presque remplie, donc cela irait. De mémoire, il sortit tout ce qu'il fallait pour la préparation et le blond le rejoignit, les tasses à la main pour les laver. Il joua avec l'eau et la mousse du produit vaisselle, si bien qu'Eli en retrouva sur le bout de son nez.
— Mais tu es un diablotin, ma parole ! Qui fais les gaufres, à ton avis ?
— Nous deux ? tenta le plus petit en attrapant les œufs.
Il cassa leur coquille avant dans les verser dans le saladier.
— Et en plus tu laisses des coquilles, bravo !
— Rho, ça va, ça arrive à tout le monde, se défendit Archie.
— Non, juste aux moins doués ! chantonna l'autre.
Archibald ne réfléchi pas deux secondes pour plonger sa main dans le paquet de farine ouvert. Il en saisit une petite poignée, car il songeait tout de même au gaspillage alimentaire, et la lança vers son compagnon. Ses cheveux et sa joue ne furent pas épargnés par le carnage culinaire.
— Alors toi, tu es foutu mon gars !
Par instinct de survie, Archie se mit à courir loin de son compagnon qui était en train d'empoigner le paquet blanc et rouge. Le blond alla se cacher vers le canapé, mais il se rendit compte que c'était une très mauvaise idée lorsqu'Elijah s'approcha, un air vicieux sur les traits.
— Ben alors, tu as peur pour toi, maintenant ?
— Aucunement ! Mais tu ne vas pas salir ton canapé, quand même ?
— Je vais me gêner, tiens ! Ramène tes fesses !
— Tu ne m'auras jamais !
Et il s'enfuit une nouvelle fois en sautant par-dessus le dossier. Le jeune homme se réceptionna dans une bien étrange position avant de repartir de plus belle vers la cuisine pour trouver des munitions adéquates. Malheureusement, il ne restait que le bol où le sucre avait déjà été pesé. Avec sa nouvelle arme, le blond se redressa pour confronter fièrement le plus vieux.
— Et maintenant, que vas-tu faire ?
— Ho, rien de bien nouveau. Te vider le sac sur la tête.
Il désignait la farine qu'il avait toujours dans les mains.
— Assassin ! cria le blond.
Hilare, il sauta sur son compagnon pour tomber tous les deux au sol. Ils firent une sorte de roulé-boulé pour éviter de se casser quelque chose tout en protégeant l'autre d'une éventuelle bosse. Ils se débattirent faiblement avant d'atterrir sur le tapis du salon. Archibald posa sa main sur l'angle de la table basse pour qu'Elijah ne s'assomme pas en se relevant.
— Tu as fait tomber tout le sucre, remarqua le châtain.
— Tu as échappé le paquet de farine.
— Nous ne sommes clairement pas doués, hein ?
— Certes, mais c'est toi qui as commencé.
Le blond ricana face à cette constatation.
— Il faut toujours un coupable, n'est-ce pas ? railla-t-il.
— Evidemment, mais je pourrai l'oublier facilement.
Le blond le regarda étrangement, sentant la bêtise arriver au triple galop.
— Tu m'offres une vue fort agréable !
— Mais tu es impossible ! rétorqua Archie, complètement désemparé.
Il fallait dire que le jeune homme été a califourchon sur les hanches de son compagnon. Une de ses mains était sur la peau des abdominaux, alors que le t-shirt s'était un peu relevé dans la bataille. La sensation n'était absolument pas désagréable, bien au contraire. Sa deuxième main était toujours accrochée à la table. Ainsi installé, il pouvait aisément comprendre que l'esprit d'Elijah avait dévié.
— Ouais, mais ça me donner quelques idées...
— Non non non, argua immédiatement le blond.
Il tenta de se relever, mais le châtain attrapa ses poignets au dernier moment pour l'en empêcher. Son corps percuta une nouvelle fois celui de son partenaire, si bien que le psychologue enserra ses jambes des siennes, le maîtrisant pour qu'il ne puisse puis bouger, et accessoirement s'échapper.
— Qu'est-ce que tu vas faire maintenant ?
— Les gaufres que nous n'avons pas terminées ?
— Que tu es terre-à-terre ! soupira Elijah en rejetant sa tête en arrière.
Heureusement qu'il y avait un tapis épais sous lit, sinon il aurait certainement eu une bosse quelques heures plus tard. Le blond parvint à s'extirper de l'étreinte en se tortillant. Il sauta presque sur ses pieds avant de tendre le bras à son partenaire pour l'aider à se relever. En bougonnant, ce dernier obtempéra pour retrouver leur place à la cuisine.
— Tu finis de les faire ? s'enquit Archie.
— Ouais. Tu as la flemme, maintenant ?
— Non, je vais passer l'aspirateur sur le tapis. C'est une scène de crime.
— On passera p't-être sur le journal avec en gros titre « Meurtre de gaufres » ?
— J'espère qu'ils choisiront une des photos d'Arthur, alors !
— Ha, tu vois, tout est lié !
— C'est ton cerveau qui est lié à la bêtise, ouais...
— Je trouve que Morgan commence à déteindre sur toi, c'est inquiétant.
Un soupir affligé. Le blond se battait avec le tuyau de l'aspirateur qui s'était emmêlé avec un sac plastique qui reposait contre. C'était le fameux « placard de l'entrée » de chez Elijah. Il y avait assez de bazar dedans pour tenir une échoppe.
— Est-ce qu'on est obligé de faire reposer la pâte ? demanda Eli.
Il avait crié pour couvrir le bruit de l'aspirateur qui tournait déjà. Le plus jeune s'acharnait pour attraper tous les petits grains de sucre ou de farine qui s'étaient coincés dans les poils du tapis. C'étaient une plaie lorsque la machine n'avait pas un mode spécial pour les tissus ou les matières épaisses.
— Non, ne te prends pas la tête. D'ailleurs, je viens d'y penser...
— Quoi donc ? demanda l'autre en se retournant.
— Noora aime les courgettes et le chou-fleur, n'est-ce pas ?
— Oui, pourquoi ? Elle mange tout, de toute façon !
— Est-ce qu'une soirée gaufres te plairait ?
Les yeux clairs d'Elijah pétillèrent alors que le moteur arrêtait de ronronner pour témoigner que l'appareil venait d'être débranché. Le professeur attendait la réponse, même s'il la connaissait déjà. Le sucre et Elijah étaient dans une relation d'amour de longue durée. C'était l'un des péchés mignons du châtain.
— Evidemment ! Et plus si affinité ?
Il avait un air coquin sur les lèvres.
— Mais, tu ne penses qu'à ça ! On peut passer une semaine sans sexe, tu sais, ce n'est pas grave, rétorqua Archibald. Bien sûr, je suis flatté de ton envie de partager des moments charnels mais...
— Rien du tout. Une semaine est une torture sans nom, pleurnicha-t-il.
— D'accord, d'accord, j'ai compris !
— Alors, plus si affinité ? réitéra le châtain.
— Oui, si tu veux...
Son interlocuteur fit une petite danse de la joie alors qu'il touillait sa préparation avec un fouet afin d'éviter les potentiels grumeaux. Il avait un coup de poignet beaucoup trop habitué, signe qu'il cuisinait souvent. Entre les deux hommes, il ne fallait pas s'inquiéter, ils maîtrisaient tous les deux l'art culinaire. Parfois, ils commettaient des erreurs et Noora ne manquait pas de leur rappeler avec des grimaces dégoutées.
Peut-être que cette tajine à la courge avait été de trop la dernière fois. Ce fut un fiasco total, car Elijah avait confondu le citron jaune et le citron vert. Ils avaient dû jeter les restes, car cela pourrait tuer une poule si l'envie de goûter lui venait.
— Tu vois, tu peux être gentil, parfois ! dit le châtain, ravi de sa victoire.
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Hey vous !
Voici un nouveau chapitre !
Des avis ? :)
Bisou sur votre joue gauche,
Rheexus
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