CHAPITRE 44

Vivre à deux cents à l'heure.

Ces moments où on se demandait pourquoi on était là, en train de se dire que la situation nous échappait complètement. Ces moments où on ne savait pas quoi faire de notre propre corps, alors que le monde se mettait en branle autour de nous. Ces moments où la notion temporelle était tout à fait abstraite.

C'était dans ces moments là qu'Elijah avait passé la dernière semaine.

Vendredi venait de toquer à sa porte, et il n'avait pas envie de l'ouvrir.

Quatorze heures.

Il était dans son appartement, ne voulant pas croire ce qu'il se passait. C'était encore trop tôt. Trop tôt pour quoi, au juste ? Peut-être parce qu'il devait faire ses valises pour le week-end qui arrivait. Peut-être parce qu'il allait revoir ses parents depuis bien trop longtemps à son goût. Peut-être qu'il allait présenter l'homme de sa vie à sa famille et qu'il craignait qu'ils fassent quelque chose de travers qui pourrait effrayer Archibald. Peut-être parce que rien n'était prêt.

Peut-être parce qu'Arthur arrivait dans quelques heures.

raatholt : Je vais décoller dans quelques minutes. Bisous, à ce soir.

Ce message Instagram attendait sagement dans leur conversation. C'était le dernier qu'il avait reçu et il lui avait lâché un « Vu » que beaucoup de gens auraient prit comme manque de considération. Certains même auraient hurlé au scandale. Mais il savait que cela importait peu, car son ami ne verrait pas la réponse avant un petit bout de temps. Avec les décalages horaires, il ne s'était pas penché sur la question, mais il savait que le brun allait débarquer vers dix-sept heures.

Soit, dans trois heures.

Il était profondément dans la merde.

Archibald finissait à dix-huit heures, mais lui devait aller chercher Noora à l'école à seize heures. Bon sang, il allait devoir courir partout pour gérer tout ce petit monde qui arrivait à une heure d'intervalle. Si cette situation ne le stressait pas un peu, il pourrait trouver cela amusant. Mais là, tout de suite, cela n'avait rien de marrant. Le châtain avait seulement eu le temps d'adresser quelques mots à Archie durant la pause du matin, et il s'était éclipsé dès midi.

Il avait eu le temps de faire les courses, faire le plein de la voiture, aller faire marcher la garantie de son ordinateur portable car il avait encore planté et qu'il ne pouvait plus rien faire dessus. Sérieusement, il devrait le changer, car il n'avait eu que des ennuis avec depuis deux ans. Pourtant, ce condensé de technologie avait un côté sentimental pour Elijah. Il n'abandonnerait pas si facilement la bataille.

Il venait juste de finir de manger. La vaisselle attendait encore dans l'évier.

Le châtain s'octroyait une petite pause avant de commencer le nettoyage de son appartement. Arthur était sensible aux acariens, si bien qu'il ne voulait pas lui déclencher une crise d'allergie. Ce serait dommage qu'il avait le visage gonflé et le nez coulant à l'anniversaire de Morgan. Dans cette manœuvre, il espérait même voir son meilleur ami fondre en larmes devant Arthur.

Le châtain monta le volume de la musique pour se donner du courage. Ce fut sur des notes entêtantes d'Imagine Dragon qu'il s'empara d'un chiffon microfibre pour faire la poussière. Il n'aimait pas faire le ménage, alors heureusement que son appartement ne faisait pas cent mètres carrés ! Il en faisait un peu moins de la moitié, mais c'était déjà trop pour l'entretenir. Elijah n'était pas à cheval sur le ménage, si bien que parfois, sa vaisselle restait la veille au soir dans l'évier. Et a chaque fois, Archie fronçait les sourcils et mettait ses poings sur les hanches pour montrer son mécontentement face à cette réaction.

« Tu devrais la faire juste après manger, comme ça c'est fait ! », disait-il.

Il n'avait pas tort, mais c'était tellement plus simple de tout repousser au lendemain qu'il ne se gênait pas. Il avait toujours l'impression de revenir dans son enfance quand ses parents le forçaient à ranger sa chambre de fond en comble parce que des invités venaient prendre le dîner.

« Mais pourquoi ? On ne mange pas dans ma chambre ! », soufflait-il.

Mais le regard de sa mère lui disait clairement que ce n'était pas la peine de répliquer, car sa décision était déjà prise depuis un moment. Ce fut bien plus tard qu'il avait compris que les invités n'étaient qu'un prétexte, et que presque tous les parents usaient de ce tour de passe-passe.

Alors qu'il était armé du produit pour nettoyer les toilettes, son téléphone sonna.

— Allô ? demanda-t-il par reflexe.

Salut... C'est Andy. Est-ce que je te dérange ?

— Ouais, j'ai vu ton prénom qui m'appelait ! Pas du tout, je fais le ménage.

— Ha heu oui, pardon.

— Tu voulais me demander quelque chose ?

— Non ! Enfin oui. Est-ce que ça te déranger d'aller récupérer le cadeau de Morgan à ma place ? Ils viennent de m'appeler il y a vingt minutes, et la boutique ferme à dix-huit heures trente, pile quand je termine mes cours, se justifia-t-il rapidement. Je ne vais pas pouvoir me libérer avant, en fait...

La conversation allait beaucoup mieux entre eux qu'au début, mais ce n'était pas encore tout à fait au point. Elijah pouvait presque sa main à couper au fait qu'il intimidait encore un peu le blondinet. Pourtant, il n'y avait pas de quoi, car il l'appréciait vraiment, et il rendait son ami heureux.

— Et bien, vous ne me facilitez pas la tache, tous les trois ! rit Elijah.

Non mais si tu ne veux pas c'est pas...

— Dis-moi, quelle est la boutique ? le coupa le châtain.

C'est la petite bijouterie à côté de mon café.

— Celle qui ne fait que de l'argent avec la devanture très colorée ?

Oui ! C'est elle ! s'exclama le blond.

— Parfait alors. J'irai dans environ une heure. Tu as besoin d'autres choses ?

— Ce n'est pas urgent ! Prends ton temps, ne t'en fais pas.

— C'est le seul créneau que j'ai, en fait. Dans l'ordre, je dois boucler nos affaires, aller chercher ton cadeau, récupérer Noora à la sortie de l'école, et faire un tour à l'aéroport pour Arthur. Il devrait arriver vers dix-sept heures. C'est clairement une course contre la montre, mais ça va le faire !

Bon courage alors. En sortant des cours, je passe faire des provisions.

— Tu es de mission apéro ?

Oui, Hélène ne va pas avoir le temps, alors je me suis proposé.

— Quel prince charmant tu es ! Fais gaffe, tu vas être le beau-fils préféré !

— Non, quand même pas... Ulysse est quelqu'un d'incroyable.

— Tu l'as rencontré alors ?

— Oui, quand on y est allés la dernière fois. Bon, je te laisse parce que je vais entrer en cours. Merci beaucoup de bien vouloir m'aider ! Je t'envoie le bon de réservation par message, à tout à l'heure.

— Vous arrivez à quelle heure ?

— Morgan débauche à dix-huit heures quarante-cinq, et on prend la route.

— Ne roule pas trop vite alors.

— Tu me connais ! rétorqua l'autre d'un air taquin.

— C'est bien le problème !

Un rire, un « Oui, j'arrive ! » plus tard, Andy raccrocha en le remerciant une nouvelle fois. Elijah regarda l'écran déjà en veille de son téléphone, comme s'il n'y croyait pas. L'étudiant avait bien changé depuis la première fois qu'ils s'étaient vus au café, alors qu'il tentait de capter l'attention de son compagnon. Il s'amusa à penser qu'Andy avait assisté à tout son manège pour qu'Archibald pose les yeux sur lui. Et c'était un réel fiasco, d'ailleurs. S'il avait su, il serait allé directement le voir !

Une nouvelle chanson passa dans l'appartement alors qu'il s'activait un peu plus rapidement pour frotter les joints de la douche. Bon sang, pourquoi du carrelage avait été installé ici ? C'était une abomination pour enlever le calcaire qui s'incrustait. Dans sa tâche ardue, Elijah remercia tout ce qu'il fallait pour qu'il n'y ait personne dans le logement, car pour se motiver, il se dandinait. Et ce n'était pas très glorieux. Il avait l'impression d'être un canard boiteux.

Il préférait amplement les déhanchés sur les pistes de danse avec de l'alcool.

Cependant, il ne pouvait pas tout avoir.

***

Ce fut presqu'avec les joues rougies qu'il arriva au magasin désigné par Andy un peu plus tôt dans l'après-midi. Sa montre indiquait quinze heures trente, alors que le soleil tapait beaucoup trop fort, haut dans le ciel. Il n'y avait pas un nuage à l'horizon, et la chaleur commençait doucement à monter dans les thermomètres.

Il failli trébucher contre un pavé descellé lorsqu'il s'approcha de la devanture. En face, le Elio's était toujours fier. Les plafonniers baignaient doucement le lieu de leur lumière chaude. Un jour, il emmènerait de nouveau Archibald là-bas, car c'était vraiment un endroit sentimental pour lui.

Le carillon retentit lorsqu'il poussa la porte vitrée. Au comptoir, une jeune femme attendait déjà, croisant son regard avec un grand sourire. Les étalages étaient sous verre, comme dans les grandes bijouteries. Des pierres ornaient les montures, dans un assortiment amusant pour certaines créations. Elijah se demanda pourquoi Andy n'était pas allé dans la boutique du centre qui proposait des produits de meilleure qualité. Aux dernières nouvelles, c'était plus le style de son meilleur ami. Pourtant, il ne remit pas le choix du blond en cause. Il pouvait parier qu'il connaissait Morgan sur le bout des doigts. Et c'était le cas.

— Bonjour ! Puis-je vous aider ? demanda la jeune femme.

— Bonjour. Je viens chercher une commande au nom de Bloom.

— Attendez voir... Andy Bloom ? C'est bien ça ?

Elijah hocha la tête pour approuver et elle partit dans l'arrière-boutique qui semblait être un endroit exigu avec seulement une lampe au centre de la pièce. Un juron lui parvint lorsque quelque chose tomba. Il esquissa un sourire amusé. Deux minutes plus tard, la vendeuse réapparue avec une petite boîte dans les mains.

— Et voilà. Une blague avec une gemme de grenat. Vous plaît-elle ?

Le bijou reposait tranquillement dans l'écrin noir.

— Oui, elle est superbe, merci beaucoup.

— Un papier cadeau avec ?

— S'il vous plaît !

Puis elle disparue de nouveau. Le châtain observa ce qu'allait avoir son meilleur ami dans moins de quelques heures. C'était beau, il n'avait pas menti. Des petites gravures sur la monture étaient tout à fait charmantes. Selon la taille de l'anneau, elle devait se mettre au majeur ou à l'index.

Clairement, il n'aurait jamais jeté son dévolu dessus.

La jeune femme revint avec un bout de papier sombre et un rouleau de bolduc bleu clair. Une petite pastille collante plus tard, le paquet était prêt. Elle lui avoua qu'il n'avait pas besoin de payer car la note était déjà réglée depuis quelques jours. Un remerciement plus tard, le psychologue s'engagea de nouveau dans la rue. Des adolescents jouaient, ils venaient tout juste de sortir des cours. Comme c'était vendredi, il y avait de la vie de partout. La promesse du week-end à venir alléchait tous les esprits qui y songeaient.

Son téléphone vibra dans sa poche. Il le sortit en fourrant le petit paquet dans son sac à dos. Il devait se dépêcher de récupérer sa voiture pour aller chercher la demoiselle à l'école. Sincèrement, il détestait courir partout en ayant peur d'oublier quelque chose ou quelqu'un. C'était déjà arrivé dans l'une de ces journées chargées comme aujourd'hui. Un fois, il avait complètement oublié sa petite cousine à son entraînement de gymnastique. Peut-être que c'était à ce grand brun qui lui faisait du rentre dedans depuis des semaines ? Certainement.

[15 : 48] Archibald : Coucou, j'espère que tu t'en sors ?

[15 : 51] Elijah : Oui, on survit ! Je serai un poil en retard pour Noora, car Andy m'a demandé d'aller chercher un truc entre temps. Tu penseras à prendre les Kinder Surprise et les cochonneries pour Marius et Milo ? Tu n'es pas en cours ?

Les deux frères n'avaient jamais d'idée de ce qu'ils voulaient pour leur anniversaire, alors le châtain cherchait des sucreries, car ils étaient les plus gros gourmant qu'ils connaissaient. Ils ne cherchaient pas un grand chocolatier, ou des truffes, mais plus c'était gros et sucré, mieux c'était. Et puis maintenant, c'était leur truc, ils s'échangeaient les cadeaux qu'ils trouvaient dans les Kinders et passaient des heures à mes monter. Surtout lorsque le psychologue en trouvait des géants.

Tous les ans, Elijah leur offrait un immense panier garni de malbouffe sucrée.

[15 : 52] Archibald : Oui, c'est prévu, ne t'en fais pas ! Non, c'est la pause ! Allez courage, je t'aime. Tu pourras te reposer dans une heure. On peut même partir un peu plus tard. Je conduirai, ne t'inquiète pas pour ça.

Des smileys accompagnaient le message. Archibald les utilisait toujours comme une ponctuation. Parfois, ils n'avaient pas de rapport, mais c'était juste pour faire rire son compagnon. Comme la fois où il avait reçu un pompier sans aucune raison.

[15 : 54] Elijah : Merci. Je vais un peu dormir aussi. Je t'aime, à toute'.

Il avait officiellement besoin de courage, mais cela irait.

Du moins, il le fallait, sinon Arthur resterait coincé à l'aéroport.

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Hey vous !

Voici un nouveau chapitre !

Des avis ? :)

Bisou sur votre joue gauche,

Rheexus

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