CHAPITRE 40

— Du coup, qu'est-ce que vous allez faire durant les deux derniers jours de votre voyage ? demanda Sebastian en se servant une louche de soupe fait maison. Vous avez sillonné toute la région durant les deux semaines, non ?

— Oui. Je pense qu'on va juste profiter de quelques balades, non ?

— Ce serait super oui.

— Et donc Elijah, tu aimes ce que tu voies ici ? s'intéressa Ingrid.

— Enormément ! Les paysages et les gens sont fantastiques. Mais par contre, je ne pensais pas que la vie était aussi chère. Mon budget vêtement en a prit un coup la dernière fois, mais bon, ce n'est pas tous les jours qu'on peut faire du shopping à l'étranger. Et puis, vous m'avez assuré que c'était de la qualité.

— Sûr. C'est une entreprise locale qui gère la production à la commercialisation.

— C'est vraiment chouette d'entendre de telles informations.

— Il me semble qu'une part de leurs revenus est reversée à des associations.

— Encore mieux ! Il manque de ces enseignes à Bordeaux.

— Ha oui ?

— Il faudrait venir pour le croire, si vous le souhaitez.

— Est-ce une invitation ? demanda Sebastian.

— Il me semble bien que oui, chantonna Elijah.

Depuis quelques jours, le couple en avait parlé dans l'intimité de leur chambre. Le sujet était venu dans une conversation ordinaire juste avant de se coucher. Par chance, le châtain avait su faire ses preuves aux yeux des parents d'Archibald, et ils étaient ravis de passer du temps ensemble. Il avait alors proposé à son compagnon de les inviter quelques temps en France, afin de rencontrer les autres grands parents de Noora. Ils voulaient également voir de leurs propres yeux l'endroit où leur fils vivait, loin d'eux. Lorsqu'ils l'avaient avoué au détour d'un repas, le blond s'était senti retourné. Jamais il n'aurait pensé que ses parents veuillent tout découvrir de lui. Pas après tant d'années de silence.

— Ce sera avec joie, alors. Merci beaucoup.

— Il n'y a pas de quoi ! Cet été, peut-être ? Il fera beau, on pourra bouger.

— Il faudrait voir pour prendre des vacances et les billets d'avion.

— Pour l'aller-retour, les prix étaient assez corrects, affirma Elijah.

— Nous aurions la place de loger chez vous ? s'enquit Ingrid.

Le couple échangea un regard. Ils n'avaient pas du tout pensé à cette question de logistique, mais ils pouvaient facilement trouver une solution en organisant la place qu'ils avaient dans les deux logements.

— Oui, cela va de soi. Je pourrai vous laisser mon appartement si vous voulez. Il y a une chambre d'ami et il est assez fonctionnel pour trois personnes, donc à deux, ça devrait le faire. On pourrait se retrouver quand chacun est prêt. Cela vous laissera pas mal de temps pour vous afin de vous acclimater ?

— Tu feras ça pour notre confort ? s'étonna la blond, perplexe.

— Bien sûr. Et je n'ai rien à cacher chez moi, donc je ne vois pas le problème.

— Mais tu prêtes souvent ton logement comme ça ?

— Non, pas vraiment. Mais j'ai passé plusieurs années en colocation avec des amis, donc je suis habitué à devoir partager. Et parfois, j'en ai hébergé lorsque les soirées étaient un peu trop arrosées pour rentrer. C'est un peu une tradition de dormir une fois dans mon appart', avoua Elijah en haussant les épaules.

— C'est peu commun d'avoir une telle vision de ses possessions !

— Ce n'est qu'un logement, finalement. Peut-être que dans trois mois, je ne serai plus locataire. Peut-être que dans deux ans, je finirai par acheter, comme le propriétaire me l'a déjà proposé plusieurs fois.

— C'est vrai que vu comme ça...

— Et bien nous acceptons volontiers ta proposition, merci beaucoup !

Archibald fut immédiatement soulagé de cette réponse. Il avait l'impression de retenir son souffle depuis trop longtemps déjà. Ses parents allaient venir en France pour découvrir son lieu de vie. Ils allaient venir en France pour en apprendre plus sur lui. C'était en quelque sorte un rêve. Comment de fois avait-il voulu cela ?

— Il faudra nous tenir au courant, alors.

— Bien sûr ! Vous serez les premiers prévenus dès nos dates choisies.

Le plat de fromage tourna lorsqu'il fut apporté quelques minutes plus tard. Le temps s'égrainait dans des conversations légères. Personne ne voulait songer à leur départ le samedi après-midi. Le couple préférait de garder une journée de repos avant de reprendre leur rythme scolaire. Leur séjour en Norvège avait été incroyablement reposant, avec toutes ces balades, ces soirées télévision — les programmes avaient été mis en anglais pour la compréhension partielle d'Elijah —, ces nuits de plus de dix heures, généralement, lorsqu'ils étaient épuisés physiquement de leur journée.

— D'ailleurs, vous avez eu le temps d'aller voir Aksel et Austin ?

— Non, c'était compliqué de s'accorder, mais demain, normalement.

— Ho, chouette ! Noora, tu voudras passer du temps avec moi ?

— Oui bestemor ! On pourra faire des dessins ?

— Bien sûr. J'en imprimerais tout à l'heure. Tu les choisiras ?

La petite hocha la tête, ravie de pouvoir partager un moment avec sa grand-mère. Les deux s'étaient parfaitement entendues, une fois que la demoiselle s'était détendue face à la grande femme blonde. Son sourire doux avait su attendrir Noora, au fur et à mesure. Comme quoi, en seulement quelques jours, tout pouvait basculer.

— Je suppose qu'ils ne parlent pas un mot de français ? demanda Elijah.

— Ho, pas du tout ! Ils savent juste dire « Bonjour », et encore...

— Tu seras mon traducteur personnel alors ?

— Ais-je vraiment le choix ? renchérit l'autre.

— Hé ! C'est pas juste, je vais passer pour un abruti ! couina le châtain.

— Mais oui, ne t'en fais pas. Je ne vais pas te laisser galérer comme ça !

— Merci.

Elijah offrit un sourire timide à son compagnon. Il n'aimait pas ainsi dépendre de quelqu'un, mais il avait vraiment envie d'accompagner Archibald pour découvrir ses amis. Il en entendait parler depuis deux semaines, et il était vraiment intrigué.

— Mais ils parlent couramment anglais, si tu veux. Je pourrai leur demander de parler cette langue pour que tu puisses comprendre ? Du moins, les grandes lignes, ce sera déjà ça, non ? demanda Archibald.

— Si ce n'est pas dérangeant...

Pourquoi Elijah n'avait jamais pris la peine de travailler à fond son anglais ? Il n'avait jamais trouvé cela amusant de réviser une langue étrangère, alors forcément, il n'avait fait aucun effort depuis des années. Sa grande sœur lui avait toujours dis que cela allait lui porter préjudice à un moment où à un autre. Il avait horreur de l'avouer, mais elle avait raison.

— Ça va bien se passer. Ce sont des gentils gars, alors ils feront un effort pour se faire comprendre, ne t'en fais pas, affirma Sebastian. D'ailleurs, vous vous retrouvez où ? Tu auras besoin de la voiture ?

— Ce le centre, nous irons à pied, ne t'en fais pas, merci.

Le père de famille était toujours le plus calme de la maisonnée. Il analysait ce qu'il se passait autour de lui pour mieux prodiguer des conseils ou interagir pour réconforter tes autres. Exactement comme à cet instant.

— Et sinon, votre journée s'est bien passée ?

— Les gens sont fous en ce moment ! rétorqua Ingrid.

— Pourquoi donc ?

— Je ne sais pas, les clients sont à cran. Ils parlent comme des chiens.

— Pourtant c'est assez calme.

— Le temps ? Il commence à faire beau ? Je n'en sais rien, je vous avoue.

La femme était manager dans un magasin de sous-vêtements dans le centre d'Oslo. La marque s'était assez développée pour qu'il y ai plusieurs enseignes à travers le monde. Le patron avait alors proposé à Ingrid de prendre l'une des boutiques. Elle avait été tellement honorée qu'elle avait immédiatement accepté, songeant aux répercussions après. Heureusement qu'elle avait une capacité presque innée à s'adapter aux situations qui se présentaient à elle.

— Maria s'est fait crier dessus pas plus tard qu'avant-hier. J'ai viré la cliente.

— Sérieusement, les gens n'ont plus aucune politesse.

— Comment va-t-elle ? s'enquit son mari qui appréciait la jeune femme.

— Elle était un peu perturbée, mais ça va, maintenant.

Les adultes autour de la table étaient perplexes. Comment pouvait-on crier sur les autres parce que la vendeuse allait trop lentement à leur goût ? Même lorsque le service payé n'était pas adéquate, ce n'était pas normal. Maintenant, les gens se fichaient totalement des autres, pensant qu'à leur petit confort. Combien de personnes ne disaient pas « Bonjour » et « Au revoir » en entrant et en sortant d'un magasin ?

Elijah avait toujours été froissé face à ce manque de politesse. Ce devait être l'une des trois premières choses que ses parents lui avaient inculqués, avec le réflexe de se laver les mains avant de passer à table et d'aider durant les tâches ménagères qui se faisaient une à deux fois par semaine.

— Je me demande bien où nous allons, en continuant ainsi.

— N'y pense pas, la détourna son mari. Tu vas déprimer pendant des jours.

— Hé ! rit la blonde en le piquant doucement avec sa fourchette.

— Quelqu'un veut du dessert ?

— Qu'est-ce que tu nous proposes ? demanda son fils.

— Un fondant au chocolat. Un classique que je maitrise plutôt bien.

— Plutôt bien ? Parfaitement tu veux dire !

Parfois, Sebastian se mettait aux fourneaux pour concocter des desserts dont lui seul avait le secret. L'homme n'était pas un grand cuisinier, mais ses pâtisseries ravissaient toujours les papilles de ses proches. Et il savait pertinemment que le chocolat était l'un des péchés mignons de son fils. Archibald ne se souvenait pas du jour où il avait goûté un fondant aussi bon que celui de son père. Peut-être parce que ce jour n'était jamais arrivé.

Ils débarrassèrent la table, Noora faisait bien attention de ne pas faire tomber la pile d'assiettes qu'elle avait entre les mains. La demoiselle voulait absolument aider, si bien qu'ils lui avaient confié une mission. Chez Archie, elle commençait tout juste à passer l'aspirateur et le balai. Elle était tellement maladroite qu'il avait toujours peur qu'elle casse quelque chose, mais il voulait lui faire confiance.

— Et voilà ! Vous m'en direz des nouvelles ! dit fièrement Sebastian.

— Ça a l'air merveilleux, comme toujours, avoua Ingrid.

— C'est grâce à mon aliment mystère, c'est pour ça ! fanfaronna-t-il.

— Dis-moi que ce n'est pas de ma myrtille, renchérit Elijah.

— Ne t'en fais pas, je n'ai pas envie de courir dans un hôpital.

Le châtain fut soulagé par cette nouvelle. Généralement, les gens oubliaient son allergie. Cependant, il n'avait pas spécialement envie de gonfler de partout, avoir des plaques rouges sur le visage et faire un œdème de Quincke qui pourrait lui couter la vie. La première fois, il avait manqué de faire un arrêt cardiaque tant la réaction avait été forte. Rien que toucher une trace de ce fruit, ou par contact interposé lui déclenchait des crises monstrueuses. Heureusement que la myrtille n'était pas dans tous les aliments !

— Alors, qu'en penses-tu ? lui demanda le cuisinier.

— C'est délicieux, merci beaucoup !

— Et toi Noora ? Hou... Tu en as sur le menton...

— J'ai beaucoup aimé, merci ! Tu pourras me donner la recette s'teplaît ?

— Tu aimes faire les desserts ?

— Même que je fais des crêpes ! dit-elle fièrement.

— Tu es une grande maintenant, alors ?

— Bien sûr que oui ! Même que fader il le dit souvent ! dit-elle fièrement.

— Au moins ça, renchérit le concerné.

Ils rirent face à la tête que Noora faisait lorsque son père n'alla pas dans son sens. Elle gonfla ses joues et croisa ses bras sur sa poitrine avant de sourire et de rire à son tour. La petite n'était pas difficile à convaincre de se laisser aller.

Le repas se termina de longues minutes plus tard, comme si la famille ne voulait pas qu'il prenne fin. Ils continuaient toujours les conversations en amenant de nouveaux sujets. Presque tout y passa, jusqu'à ce que la plus jeune demande si elle pouvait s'éclipser dans sa chambre. Par la suite, les sujets avaient dévié sur tout et rien, comme la politique, la cuisine, les paysages, la façon de vivre de la Norvège et bien d'autres. Comment avaient-ils pu finir à parler de l'adoption d'un chien ? Elijah n'en avait aucune idée.

Décidément, cette problématique revenait souvent sur le tapis.

Noora allait finir par l'avoir, son chien. Ce n'était pas avec lui qu'il fallait négocier, mais avec Archibald qui avait peur que le chien n'ai pas assez de place pour se développer. Il avait également peur de ne pas avoir assez de finances pour l'assumer, si un jour il devait aller chez le vétérinaire. Ce n'était pas un secret : les animaux étaient des gouffres financiers.

Il allait donc devoir faire les yeux doux à son compagnon.

C'était une mission pour papa Elijah.

Il ne lâcherait pas tant qu'il n'aurait pas eu le papier d'adoption entre les mains.

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Hey vous !

Voici un nouveau chapitre !

Des avis ? :)

Petit info : il reste 14 chapitres + épilogue avant la fin de l'histoire :)

Bisou sur votre joue gauche,

Rheexus

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