CHAPITRE 37
— Et là, poof ! s'exclama Noora.
— Comment ça, poof ?
— Ben je l'ai perdu. En moins de deux mètres ! C'est de la magie !
— Mais vous ne l'avez pas retrouvé ? demanda Archie, perplexe.
— Non. Il s'est volatilisé, affirma son père.
Le blond leva les yeux au ciel, désemparé. Comment sa fille avait pu perdre un paquet de vis avec seulement deux meubles autour d'elle ? Les deux adultes lui affirmèrent qu'ils avaient fouillé partout, mais n'avaient rien trouvé. Déjà, pourquoi avaient-ils fait une activité « monter un meuble » avec la demoiselle ?
— Mais vous avez réussi à construire la commode, au moins ?
— Oui ! Elle est dans ta chambre. C'est pour vos affaires. Ce n'est qu'un truc en toile, mais nous nous sommes dis que ce serait plus confortable pour vous que de vous emmêler les pieds dans les valises.
— Merci beaucoup ! C'est très gentil de votre part.
Ingrid offrit un regard à Elijah. Un peu plus loin, des cris d'enfants comblèrent le petit silence qui s'était étiré autour d'eux. Jusqu'à ce qu'un des gosses vienne voir le groupe assis sur la nappe de pique-nique aux mille châteaux. Le français s'était amusé à l'appeler ainsi. Le garçon demanda quelque chose en norvégien qu'il ne comprit pas et après ce qui semblait être des supplications, Noora se leva pour le rejoindre.
— Il me demandait si Noora pouvait aller jouer avec eux.
— Ha ! Elle avait l'air plutôt partante.
— Tu la connais, dès qu'il y a un chien dans l'équation...
Effectivement, la jeune fille adorait les canins. Elle demandait de temps en temps à son père si elle pouvait en adopter un, mais la réponse était toujours la même après ses nombreuses tentatives : non. Pas parce que le blond n'aimait pas les animaux, mais parce qu'il craignait de ne pas pouvoir assumer financièrement.
— Quand on aura un chez nous, ça pourrait se négocier.
Archie ne fut même pas surpris de cette déclaration. Il hocha la tête devant le regard interrogateur de ses parents. Le blond leur expliqua qu'ils y avaient déjà pensé, car ils passaient leur temps chez l'un et chez l'autre. Cela faisait bien longtemps qu'ils n'avaient pas dormi sans l'autre. Même durant la semaine de maladie du châtain, ils avaient fait chambre commune. Elijah ne voulait pas le contaminer, mais Archibald s'était montré têtu, ne souhaitant pas le laisser seul.
— Une grande maison alors. Elle adore les bouviers bernois !
— Un chien incroyable, intervint Sebastian. J'en avait une, plus jeune.
— Ha oui ? demanda Archie.
— Elle s'appelait Ella, et elle est morte de vieillesse, entourée d'amour.
Les yeux de l'homme pétillèrent de souvenir. Il n'en avait jamais parlé, car c'était toujours douloureux de perdre un être cher. Sa femme détourna habilement la conversation, sachant que c'était un sujet un peu sensible.
— Nous avons apporté le ballon de volley, avoua-t-elle.
— Le fameux ? s'exclama Elijah.
— Tu sais jouer ? demanda Sebastian.
— Je me défends un peu ! Une partie vous tenterait ?
— Evidemment !
Le père se leva pour aller farfouiller dans les différents sacs qu'ils avaient apporté. Un peu en retrait, une glacière patientait l'heure de son utilisation. Vers les dix-huit heures, la petite troupe avait pointé le bout de son nez au lac, surprenant le couple qui s'apprêtait à rentrer. Finalement, ils s'étaient tous installés sur la grande couverture et avaient exposé leur plan pour la soirée. Cela se résumait à un repas à côté du lac et retourner en voiture à la maison. Eli et Archie étaient ravis, car ils n'étaient pas vraiment partant de faire le trajet retour alors que le soleil se couchait.
— Archibald, tu viens jouer avec nous ?
— Je risquerais de me faire battre à plate couture, mais pourquoi pas !
Il avait complétement oublié les sensations de ces après-midis en famille. Car présentement, ils l'étaient. Plusieurs générations étaient mélangées durant un moment agréable. Son jean entravait un peu ses mouvements, mais il était certain de pouvoir renvoyer la balle lorsqu'il le fallait. Les trois hommes s'échauffèrent les muscles, ne voulant pas se blesser avec une partie de passes sauvage.
— On y va mollo ? Le temps de se remettre en chauffe.
— Tu ne fais pas de sport pour garder la santé, sønn ?
— Si, bien sûr, mais je suis courbaturé d'hier.
— Hier ? Qu'est-ce que...
Puis, Sebastian s'arrêta dans la question qu'il voulait poser. Ho, ce genre de sport ! Il roula des yeux, ne voulant pas savoir qu'elle position avait son fils dans le couple, bien que les fameuses courbatures étaient un bon indicateur. Le blond ricana en rattrapant de justesse le ballon que son père lui lançait pour évaluer ses réflexes.
— Hum... pas trop mal. Tu n'as peut-être pas tout perdu !
Un peu plus loin, Noora jouait avec le chien de ses nouveaux amis. Elijah n'arrivait pas à identifier les races qui étaient dans l'animal, mais il le trouvait beau. Il était assez grand, avec une robe bringée et les oreilles tombantes. Il avait l'air assez fougueux pour ramener inlassablement la balle que les enfants lui jetaient.
— On commence ?
— Volontiers ! renchérit Elijah.
La balle vola immédiatement entre les trois hommes. Elle frappait les peaux des avants bras et la pulpe des doigts dans un son sec et plus ou moins maitrisé. Il s'avérait que le père et le fils n'avaient pas vraiment perdu leur faible niveau. Quelques passes et des roulades pour récupérer le ballon in extremis était dans leurs cordes. Il y eut plusieurs tours sans que le ballon ne tombe, mais dès qu'il touchait le sol, c'était la course pour qu'il ne finisse pas dans le lac.
Leurs joues devenaient un peu rouges à cause de l'effort et la concentration pour diriger la trajectoire de la balle. Les jambes fléchies offraient des extensions qu'il fallait. Mais elles offraient surtout un visuel qu'Archie appréciait tout particulièrement. Surtout quand le fessier de son compagnon était ainsi moulé par le tissu tendu.
Il dut quitter le spectacle offert quand le ballon heurta son menton.
— Aïe ! s'écria-t-il en massant l'endroit douloureux.
— Ben alors, qu'est-ce que tu regardais ? demanda Elijah.
— Rien du tout ! répliqua un peu trop vite le professeur.
— Je pense que c'est parce qu'il a une tentation sous le nez.
— Mamma ! couina le blond. Det er feil !
Le châtain suivait l'échange sans vraiment comprendre. Ils avaient passé la conversation en norvégien, et cela le perdait. En deux jours, ils passaient leur temps à changer de langue, et lui ne comprenait pas. Il ne boudait pas car il se doutait que ce n'était pas quelque chose de si important que cela. Il appréciait le fait que ses beaux-parents s'adressaient à lui en français. Quelle chance avait-il eut de tomber sur une famille qui parlait couramment sa langue natale ?
Il s'amusait de voir comment l'accent norvégien déformait certains mots, mais ce n'était pas bien compliqué de comprendre le sens d'une phrase. Eli comprenait d'où venait cette façon de parler. Il la tenait de ses parents. Il ne pouvait pas comparer, car il n'avait pas encore entendu d'autres habitants de ce pays parler sa langue.
— Alors là, ils parlent de tes fesses.
— Quoi ? s'étonna le châtain, sortant de ses pensées.
— Ingrid dit qu'elles sont une tentation pour Archibald. Et lui dit que c'est faux, qu'il regardait les fleurs. Si tu veux mon avis, ce ne sont pas les fleurs qui captaient son regard avec tant d'attention. Mais bon, je le comprends. Je ne peux jamais résister à ma femme, tu sais.
— Je... Je ne sais pas si je voulais le savoir...
— Ne fais pas ton timide ! Je vais te confier quelque chose....
L'homme se pencha vers le châtain qui était un peu plus petit que lui. Elijah sentait déjà la vague d'embarra arriver lorsqu'il lui adressa un clin d'œil. Pourquoi cet homme n'avait-il pas de réserve ? Pourquoi n'avait-il pas de filtre comme son fils ?
— Tant que vous ne parlez pas de vos ébats ou de votre intimité de couple, nous pouvons discuter de tout. Je pars du principe que ce sont des choses personnelles et que les autres n'ont pas besoin d'être au courant.
— Je suis du même avis que toi. Je ne souhaite pas étaler tout ça aux autres.
— Je suis ravi que mon fils ait trouvé un homme comme toi. Vraiment.
— J'espère que je serai à sa hauteur.
— Je n'en doute pas. Votre amour crève les yeux !
Elijah ne vit pas l'accolade que Sebastian lui réservait. La main claqua dans son dos avec plus ou moins de douceur. Le bruit était plus impressionnant que la douleur. C'était ce genre de choses que faisaient les hommes entre eux. Des choses viriles.
Le châtain ne les aimait pas. Il préférait la douceur.
— Papa, j'espère que tu n'es pas en train de le traumatiser ! rouspéta Archie.
— Quoi ? Jamais ! se défendit l'autre.
— Pourquoi je doute de ce que tu es en train de me dire ?
L'air de son fils était suspicieux, les yeux un peu plissés pour essayer de démêler le vrai du faux. Puis, son père leva les mains au ciel comme pour montrer « patte blanche ». Archibald accepta ce rendu et renvoya le ballon avec force. Il vola quelques instants avant de s'arrêter dans les mains d'Eli qui se plaignait d'une douleur à l'épaule à force de garder les bras en l'air pour faire les passes. Par la suite, les trois hommes décidèrent d'arrêter.
Ils aidèrent Ingrid à disposer la nourriture sur la nappe. Les assiettes colorées juraient sur la couverture rose. Les couverts tintaient les uns contre les autres lorsqu'ils tombaient de façon désordonnée à côté du plastique rond. Les gobelets étaient beaucoup plus grands que les récipients en verre utilisés dans la maison.
— Noora ! Viens ici louloute, nous allons manger ! cria son père.
Un aboiement lui répondit, tout fier de lui. Le chien tourna un peu autour de la demoiselle qui remerciait la famille. Elle donna quelques caresses et un bisou sur le haut du crâne du chien avant de retourner vers son père. Elle se coula contre lui, l'estomac dans les talons. Les crudités et la viande blanche lui faisait envie.
— Bon alors, qu'avez-vous prévu les prochains jours ?
— Je pense que nous irons voir Aksel.
— Ho ! Ça fait longtemps que je n'ai pas eu de nouvelle de lui !
— Nous échangeons souvent par message. Il nous a invité chez lui.
— Tous les trois ? s'étonna la blonde.
— Oui. C'est lui qui nous a emmené, hier.
— Ce garçon est vraiment adorable.
Archibald hocha la tête alors qu'il sortait deux Tupperware de la glacière. Sa mère avait préparé de la nourriture pour un régiment entier ! Il y avait une dizaine de boîtes en plastique alors que deux pochettes de viande séchée attendaient au-dessus de la pile. Il ouvrit tous les récipients en plastique pour proposer ce qu'ils contenaient.
— Au fait, est-ce que vous avez prévu de faire les boutiques ? demanda Ingrid.
Le regard d'Elijah s'illumina immédiatement. Il se tourna vers son compagnon pour lui demander silencieusement s'il était partant pour une petite virée shopping. Il savait que ce n'était pas sa tasse de thé. Le blond fut ravi de voir que son avis comptait pour le châtain. Il posa sa main sur la sienne avant de répondre.
— Oui. Eli est un incontestable amoureux de la mode, avoua le blond.
— Je pourrais venir avec vous ? demanda sa mère.
— Bien sûr ! s'exclama immédiatement Elijah.
— Tu as toujours ton vendredi après-midi de libre ?
— Oui. Nous irons vendredi prochain. Les magasins sont blindés le week-end.
Le professeur fut heureux de cette décision. Il n'était pas vraiment à l'aise avec les essayages de vêtements. Peut-être parce qu'il n'appréciait pas vraiment son corps ? Peut-être parce qu'il n'aimait pas voir son reflet trop longtemps. Contrairement à Elijah qui avait un corps assez avantageux, lui n'avait aucun atout. Les jeans taille haute soulignaient ses imperfections de hanche, alors que les t-shirts un peu trop ajustés faisaient ressortir ce ventre légèrement gonflé qu'il n'aimait pas.
— Je sais à quoi tu penses, et c'est complètement faux...
La voix chaude d'Elijah qui chuchotait à son oreille le fit frissonner. Il lui offrit une moue mitigée. Les deux hommes menaient une guerre d'avis depuis qu'ils sortaient ensemble. Peut-être même depuis plus longtemps. Elijah affirmait qu'il adorait le corps d'Archie, avec ses rondeurs et sa peau pâle. Ce dernier contrait ses dires en exposant tous ses défauts. Généralement, cette discussion terminait avec des baisers sur lesdits défauts.
— Bon, et si on mangeait ? J'ai l'estomac dans les talons !
— Ho oui ! s'exclama la plus jeune, ravie.
— Tututu ! Tu vas te laver les mains avant !
— Tiens, du savon. Prends de l'eau de la bouteille.
— Papa, tu peux m'aider s'teuplaît ?
Elijah obtempéra de bonne grâce alors que la petite faisait bien attention de ne pas oublier d'endroit. Une fois le savon rincé, elle prit place sur la couverture et piaillait déjà sur ses nouveaux amis. Elle n'avait joué qu'une petite heure avec eux, mais elle connaissait toute leur vie.
Doucement, la soirée s'étirait de la meilleure des façons.
Il suffisait d'une famille, d'un pique-nique et de la bonne humeur pour tout changer.
__________________________
Hey vous !
Voici un nouveau chapitre !
Des avis ? :)
Bisou sur votre joue gauche,
Rheexus
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top