CHAPITRE 34

— Vous êtes sûrs qu'on va pas s'écraser ?

— Mais non louloute, d'où tiens-tu cette information ?

— À la télé, ils ont dit que ça arrive !

— Tu ne regardes quoi toi ?

— C'est papy et mamy !

— Ne t'en fais pas. Tout va bien se passer.

Archibald était formel. Ils venaient tout juste de faire enregistrer leurs bagages, si bien qu'on leur avait indiqué l'endroit où ils devaient attendre. Dans quelques temps, ils allaient embarquer pour un vol de plus ou moins six heures avec une escale à Francfort, en Allemagne, et une attente d'une heure trente. L'avion devait décoller de France à neuf heures du matin.

— Ne me lâche pas la main, tu veux ? Ou celle d'Eli.

Ja, fader.

Un peu plus loin, le châtain réglait le dernier papier. Archibald n'avait pas cherché à savoir ce qui se passait exactement, lui faisant entièrement confiance. Il était penché sur le comptoir devant une demoiselle qui fronçait les sourcils face à son écran d'ordinateur. Elle hocha la tête, comprenant ce qu'il lui expliquait.

— T'es sûr qu'on risque rien ?

— Bien sûr. Ce sont des accidents qui sont très rares.

— D'accord, alors je te crois.

— Crapule, va ! s'esclaffa son père.

La petite lorgna l'immense panneau des allées et des venues des avions. Elle était un peu intimidée par toute cette foule qui se pressait à l'aéroport de Bordeaux. Il faisait chaud, et les gens faisaient bien attention à ne pas perdre leurs valises. Le bruit des roulettes sur le sol lui donnait mal à la tête. Mais elle ne se plaignait pas. La demoiselle avait hâte d'aller dans un autre pays. Elle s'était vantée auprès de ses amis lorsqu'ils lui avaient demandé ce qu'elle faisait pendant les vacances.

« Je vais en Norvège ! »

Cette phrase claquait.

— Et voilà, tous les problèmes sont réglés ! Nous sommes partis.

— Pour de vrai ? demanda la gamine.

— Oui oui ! ils vont bientôt ouvrir les portes, de toute façon.

Les trois patientaient debout. Toutes les places assises étaient prises par des familles ou des personnes en costume. Comment pouvaient-ils voyager en costume-cravate et mallette en cuir ? Elijah passait pour un plouc avec son jean déchiré et son immense sweat chaud. Il n'avait pas envie de faire un effort pour son look, et Archibald l'avait suivi, lui épargnant tout de même le port du jogging.

La voix mécanique annonça qu'ils devaient de présenter à la file deux, dans la classe économique. Noora se laissa traîner par son père alors qu'elle serrait son petit sac à dos entre ses mains. Elijah portait ses propres bagages et ceux de son compagnon qui tendait un billet au contrôleur. L'homme le regardait de haut en bas, comme s'il n'avait rien à faire ici, dans ce vol. Archie ne s'en formalisa pas, proposant à Noora de tendre son billet. La deuxième contrôleuse lui offrit un sourire qui rassura la jeune fille. Elle la remercia du bout des lèvres et tous trois se présentèrent sur le tarmac. Deux bus attendaient des voyageurs, un peu plus loin.

— Pourquoi on prend le bus ? L'avion est si loin que ça ?

— Non, mais nous ne pouvons pas circuler sur la piste comme ça.

— Pourquoi ? Ils le font les gens ! dit-elle en pointant deux hommes.

— C'est leur travail, et ils sont signalisés.

— Comme les feux qui font passer les voitures ?

Elijah émit un rire avant d'expliquer qu'une signalisation pouvait aussi se traduire par le port d'un gilet ou d'un chasuble réfléchissant, de couleur jaune ou orange. Il lui expliqua que c'était pour montrer la position du porteur.

— C'est pas très beau. Le styliste pouvait faire mieux !

Cette fois-ci, ce fut le couple qui était assis à côté d'eux qui s'esclaffa. Ravie d''être le centre de l'attention, elle expliqua comment elle aurait revisité le chasuble pour que même les gens qui ne travaillaient pas puissent le porter.

— Allez la pipelette, monte dans l'avion !

— Ho, on peut être tous les trois à côté ! piailla-t-elle, heureuse.

— Tu peux même prendre le côté du hublot, si tu veux.

— C'est quoi ?

— La fenêtre, expliqua son père.

Ils passèrent tous les trois devant une hôtesse qui leur souhaitait bon voyage. Ils la remercièrent avant de lui retourner la politesse. Noora s'amusa du petit foulard à pois quelle portait autour de son cou.

— J'aurai la plus belle vue, même que

Ils s'installèrent et Archibald qui était au bout de leur ligne, fourra leurs bagages dans le coffre qui était au-dessus de leur tête. Contrairement aux films et aux séries, il n'y avait pas de tablette sur les sièges pour regarder un quelconque animé.

— Ouais, c'est clair, répliqua Elijah en regardant Archie se battre avec le sac.

Ce dernier s'assit en soupirant, vérifiant qu'il ne se prendrait pas quelque chose sur le coin de la figure. Plusieurs minutes plus tard, les consignes furent annoncées et l'avion décolla du sol, à grand renfort de bourdonnement de moteur.

— C'est rigolo parce que ça fait bizarre, déclara Noora.

— De quoi ? Ne plus toucher la terre ?

— Oui ! Ça m'a bouché les oreilles !

— C'est normal, ne t'en fais pas, répliqua Elijah.

La petite haussa les épaules, d'accord avec lui. Elle se plongea dans l'admiration du paysage. De son côté, Elijah posa sa tête contre l'épaule de son compagnon, entrelaçant leurs doigts. Il n'avait jamais trop songé à cela, mais il se sentait incroyablement bien lorsqu'ils avaient un contact physique. Sentir la chaleur du blond l'apaisait. Il se sentait comblé.

— Tu peux dormir si tu veux, on en a pour deux heures, murmura Archie.

— Je vais essayer, affirma le châtain.

— Tu es encore fatigué de la semaine dernière ?

— Oui. J'ai dû rattraper tout le taff de quand j'étais malade, alors...

— Oui, je vois. Repose-toi alors, les prochains jours ne seront pas faciles.

Sur son épaule, le poids de la tête s'accentua un peu plus.

Avec ses écouteurs dans ses oreilles, Archibald tapotait les mesures sur le bras de son compagnon. Il s'amusa du fait que même en sentant plus ou moins un toucher sur lui, le châtain ne se réveillait pas. Il était vraiment épuisé et anxieux. Durant cette dernière semaine, il avait été sur tous les fronts en même temps. Le blond se demandait comment il avait pu faire ses heures de boulot, s'occuper de Noora pour ses devoirs, acheter les billets d'avion et planifier leur voyage. La réponse était simple : il avait négligé sa santé et son temps de récupération.

Et puis, il angoissait pour les présentations avec les parents de son compagnon. Il n'était pas le seul. Archibald s'en rongerait les ongles, si je châtain ne lui mettait pas une tape sur les doigts dès qu'il le voyait faire. La situation n'était pas facile pour tout le monde, à vrai dire. Seule Noora ne se rendait pas compte des enjeux qui se profilaient. Elle évoluait comme à son habitude, avec sa bonne humeur et sa curiosité. Elle partait du principe qu'elle allait faire un séjour tranquille en Norvège.

C'était le contraire, même.

Mais comment avouer à une enfant de sept ans qu'il y avait une chance pour qu'ils se fassent chasser dès qu'ils se seraient présentés au seuil de la maison. Archie n'avait pas prévenu ses parents. Malgré le fait qu'Elijah le lui ai demandé, il ne l'avait pas fait, car il avait peur de se prendre un vent. C'était une angoisse sourde qui bourdonnait au creux de son torse.

Et si sa famille ne voulait plus de lui ? D'eux ?

Il était parti comme un voleur, ne donnant des nouvelles qu'à Noël.

Il était en tort, il le savait, mais la honte était beaucoup trop cruelle. Elle bouffait toutes les parcelles de sa peau qui était visible. Comment aurait-il pu se pointer un beau jour, à dix-huit ans et un enfant sur les bras, l'air misérable et perdu ? Il avait changé de stratégie en s''éclipsant de leur vie.

— Ça va ? T'es tendu...

Archibald n'avait même pas remarqué d'Elijah s'était réveillé et qu'il avait enlevé l'un de ses écouteurs. Ses yeux étaient remplis de sommeil. Il bailla et eu une petite moue avant de secouer la tête pour s'extirper de la brume bienfaitrice.

— Je me demandais juste comment ils vont réagir.

— Ce sont tes parents. Ça va aller, d'accord ?

— Justement...

Et pourtant, le sourire timide d'Eli lui donna envie de croire en ses paroles. Le blond se rendit compte que maintenant que sa fille avait enlevé sa ceinture de sécurité pour se coucher, la tête sur les genoux de son homme. Il avait passé un bras au-dessus d'elle, pour prévenir d'une éventuelle chute.

— On verra bien ce qu'il se passera. Au pire, ton ami nous héberge, non ?

— Oui, il me l'a proposé.

— Comment s'appelle-t-il, d'ailleurs ? s'étonna le châtain.

— C'est Aksel.

L'accent du nord rendait ce prénom simple en quelque chose de plus grand. Eli aimait cette intonation si exotique. Un simple mot devenait un autre, lorsque le jeune homme accentuait des syllabes ou roulait des consonnes. Cet accent rude et charmant. Cela faisait partie des éléments qui l'avait fait tomber sous son emprise.

— Tu vois, il y a toujours une solution.

— Je préfère ne pas aller dormir chez lui, si tu veux mon avis.

— C'est sûr ! Mais il faut toujours un plan B.

— Okay, je m'incline, tu as raison !

Un léger rire pour ne pas réveiller la demoiselle. Elijah se blotti un peu plus contre son compagnon pour gagner un peu de chaleur. Il ne faisait pas si chaud que cela, dans l'avion, même les bouches de ventilations étaient fermées. Archibald entoura un peu plus étroitement le torse du psychologue qui fermait de nouveau les yeux. Il restait presque une heure de trajet avant d'arriver en Allemagne.

***

— Allez Noora, bouge-toi les fesses !

— Hé ! C'est pas gentil ça papa !

— Tu gênes le passager des gens alors prends ta valise et décale-toi.

La petite bouda mais obtempéra. S'approcher, regarder le tapis roulant, trouver ses bagages et les extraire était une épreuve. Surtout dans la demoiselle n'arrivait pas à saisir la hanse de sa valise à la première tournée. Un peu plus loin, Archibald était sur son téléphone pour prévenir son ami de leur arrivée. Il laissait Elijah chasser en repérant les étiquettes qu'ils avaient accrochés aux fermetures.

Un fois leurs biens en main, il s'extirpa de la marée humaine qui se pressait. Eli n'aimait pas vraiment les sorties de l'aéroport car c'était toujours de bazar pour ne pas se perdre et ne pas se marcher les uns sur les autres.

— Aksel nous attend dans une voiture à l'entrée.

Le châtain hocha la tête avant de laisser passer un petit garçon qui courait et qui criait d'enthousiasme. Alors qu'il tenait fermement la main de Noora, il se rendit compte d'un élément qu'il n'avait pas encore intégré. Il pâlit presque immédiatement.

— Archie... bredouilla-t-il dans les escalators.

— Oui ? demanda le blond en se retournant, les yeux brillants d'impatience.

— Je ne parle pas un mot de norvégien, je vais absolument rien comprendre !

— Ho... Ouais, je n'avais pas du tout pensé à ça...

Le psychologue commençait doucement à paniquer lorsqu'il ne comprit pas ce que les gens autour de lui disaient. Ce n'était qu'un amas de mots et de sons qu'il ne pouvait pas produire la plupart du temps. Comment allait-il pouvoir communiquer ?

— Noora et moi feront la traduction, ne t'en fais pas. Et mes parents parlent français, aussi. Ce sont eux qui m'ont initié quand j'était petit, c'est pourquoi je suis venu en France pour l'échange.

— Vraiment ? Je...

— Vraiment. Et puis, je me ferais une joie de jouer au traducteur, promis.

— Ce n'est pas le but que je sois un poids...

— N'importe quoi !

Il lui saisit la main lorsqu'ils passèrent derrière une colonne en pierre. Il caressa le dos de sa main pour calmer la peur qui grimpait peu à peu dans son esprit. C'était assez amusant, car quelques heures plus tôt, c'était le psychologue qui rassurait le professeur, et dorénavant, c'était l'inverse.

— Et puis, les gens ne vont pas te manger. Nous sommes plutôt sympas.

— Vous faites un peu peur, tout de même !

— Mais non, ce ne sont que des rumeurs, ne t'en fais pas.

— Les yeux clairs et les cheveux blonds sont dans le mille, pourtant !

— Il faut bien qu'elle se construise quelque part, mais ce n'est qu'un détail.

— Tu as solution à tout, n'est-ce pas ?

— Evidemment ! Il faut bien que j'arrive à te tenir tête.

Une œillade amusée. Le sas d'entrée n'était pas très loin. Au bout de son bras, Noora sautait un peu partout pour voir les moindres détails qui se présentaient à ses yeux. Elle devait être le concentré du mélange de l'excitation d'Archibald et de la peur d'Elijah. Cela donnait un résultat... explosif.

— Il fait beau dehors ! On pourra aller faire une balade ? demanda-t-elle.

— Je ne suis pas sûr qu'on ai le temps, aujourd'hui.

— Bah, demain ?

— On verra louloute, on verra...

Le blond l'espérait, oui, car cela voulait dire que les présentations s'étaient déroulées dans le calme. Mais avant de faire cette promenade, ils devaient faire un crochet dans une certaine maison d'Oslo. Il ne savait pas quoi et qui y trouver, mais ils y allaient en ligne droite.

Les portes vitrées du sas s'ouvrirent sur leur passage.

Le cœur d'Archibald battait trop fort dans sa cage thoracique.

Les pensées d'Elijah cognaient sur les parois de son crâne.

L'enthousiasme de Noora était contagieux.

A quelle sauce allaient-ils être mangé ?

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Hey vous !

Voici un nouveau chapitre !

Des avis ? :)

Et joyeuses fêtes :)

Bisou sur votre joue gauche,

Rheexus

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