CHAPITRE 26
À quand remontait le dernier jour où ils avaient fait une grasse matinée ? Elijah ne pouvait pas le dire. Mais là, alors qu'il trainait dans le lit, il se sentait bien. Noora était chez ses grands-parents pour un petit week-end à la campagne. Il soupçonnait qu'ils leur laissaient un peu de temps pour souffler. Il devrait les remercier, à l'occasion. Anna et Théophile étaient des personnes sur qui ils pouvaient compter. Il ne les avait encore jamais rencontrés, mais ils demandaient de ses nouvelles. C'était une situation franchement étrange. Se dire qu'ils étaient les parents de la copine défunte de son compagnon était légèrement spécial.
Le blond lui avait raconté comment ils lui avaient fait cracher le morceau. Archie n'avait pas été à l'aise, de peur de recevoir les foudres parentales, mais il n'y avait rien eu de toute cela. Comme depuis sept ans, ils avaient été présents pour lui, comme leur deuxième enfant. Archibald lui avait également confié que c'était grâce à eux qu'il avait pu subvenir à certains besoins de sa fille. Lorsqu'il était encore lycéen, il n'avait pas vraiment l'argent nécessaire pour nourrir une deuxième bouche. Bien sûr, ses parents lui versaient une pension, mais vu qu'ils n'étaient pas au courant de la naissance de la demoiselle, c'était délicat.
Sept ans après, c'était toujours le cas.
Elijah soupira. Les histoires de familles étaient bien compliquées.
Pour sa part, il n'avait pas beaucoup de contacts avec la sienne. Ce n'était pas par manque d'envie, mais parce qu'il ne songeait pas à envoyer des messages, et encore moins appeler. Sa grande sœur s'y risquait, parfois, mais les échanges ne duraient jamais longtemps, car la jeune femme insupportait rapidement Elijah. Il fallait dire que durant leur enfance, ils avaient passé plus de temps à se dire des méchancetés et à se bagarrer qu'à s'avouer des mots d'amour.
Et puis, il devait déjà gérer ses deux petits frères. Arthur et Morgan avaient toujours eu cette fâcheuse habitude de se mettre dans des situations catastrophiques, si bien que parfois, il avait dû jour des poings et des coudes. Il se souviendrait toujours avec amusement le jour où dans un bar, il avait collé une droite à un mec qui s'était approché de trop près d'Arthur alors qu'il était sur la piste de danse. Ha, les douces années des études supérieures. Une colocation un peu trop petite pour eux trois, des soirées qui ne se terminaient jamais et cuisiner des repas à base de pâtes avant de déposer une assiette sur le bureau de Morgan qui s'était endormi d'épuisement devant ses cours de médecine.
C'était cliché, mais s'il pouvait, il recommencerait sans hésiter. Peut-être qu'il éviterait quelques personnes, mais il irait en voir d'autres. De toute manière, il ne pouvait pas changer le passé, même s'il l'avait voulu.
— Il est quelle heure ? chuchota Archibald.
— Presque dix heures. Tu as dormi comme un bébé.
— Ça fait longtemps que ce n'est pas arrivé !
— C'est parce qu'un petit monstre n'est pas venu souter sur le lit.
— Il faudrait songer à lui interdire de rentrer avant au moins huit heures...
Elijah rigola doucement en regardant le blond papillonner des paupières afin de tenter de se réveiller plus rapidement. C'était un échec cuisant, lorsqu'il posa de nouveau la tête sur l'oreiller et que sa respiration se calma presque aussitôt. Il s'était de nouveau rendormit. Le châtain se demanda s'il devait le laisser tranquille en allant dans le salon, mais l'homme en décida autrement en passant un bras autour de sa taille, comme pour le retenir contre lui. La poitrine d'Eli trembla sous une exclamation discrète avant de passer les doigts sur le bras nu qui reposait au-dessus des couvertures. Ha, Archie ne s'était donc pas rhabillé.
Ils avaient légèrement profité du fait que leur fille ne soit pas à la maison pour passer à la vitesse supérieure. Dans la noirceur de la chambre, il avait appris des pratiques au blond. Il se souviendrait encore longtemps du petit cri plaintif d'Archie lors de l'intrusion. Il s'était tortillé et avait serré les dents, mais finalement, après un temps de douceur, cela avait été mieux. Elijah s'en fichait comme d'une gigue d'être au-dessus ou en dessous, si bien qu'ils avaient inversés les positions. Tout ce qu'il voulait, c'était que son compagnon se sente en sécurité et aimé.
Et il l'avait aimé. Comme jamais.
Son cœur fit un bond dans sa poitrine. Était-ce normal de ressentir autant d'émotions pour une seule personne ? Elijah n'en était pas certain. Il avait peur de se manger le sol car comme on disait « Tout ce qui tombe se brise » et malheureusement, ou heureusement, le châtain était tombé amoureux de son blond.
Finalement, il décida de rester au lit. Il faisait chaud sous les couettes, et maintenant, il allait réveiller son compagnon s'il essayait de s'extirper de son étreinte. Archibald avait un sommeil plutôt léger. Elijah s'en était aperçu durant une nuit lorsqu'il s'était levé pour aller aux toilettes. Le seul mouvement des draps avait sortit Archie de sa nuit.
Un grognement lui fit tourner la tête. En parlant du loup... Le professeur se colla un peu plus à lui, si bien qu'il sentait la chaleur de sa jambe sur la sienne. Il sentait vaguement son souffle profond sur sa nuque alors que le nez froid vint se coller contre son cou.
— Un gros bébé, répéta Eli en embrassant son front.
Comme une réponse à cette affirmation, Archibald murmura un « non » alors qu'il avait les yeux clos. Elijah pencha la tête sur le côté, captivé. Est-ce que son compagnon venait vraiment de lui répondre ? Il n'avait encore jamais dormi avec quelqu'un qui parlait dans son sommeil, alors il tenta une approche.
— Qui a mangé les cookies du placard ?
— Noora.
— Hum, vraiment ? On m'a dit que c'était toi...
— Peut-être.
Le dialogue était encore un peu compliqué et il fallait tendre l'oreille pour bien comprendre ce que le blond disait, mais cela amusa beaucoup Elijah. Il passa son pouce sur la joue offerte avant de l'embrasser tendrement.
— Tu veux continuer de me parler ?
— Je sais pas...
— Tu as les yeux de quelle couleur ?
— Vert et bleu.
— Et c'est rare ?
— Je crois.
Elijah voulait filmer cette petite scène pour le prouver à Archibald lorsqu'il se réveillerait. La dernière fois où il avait laissé échapper un petit ronflement, adorablement mignon, il ne l'avait pas cru avant d'entendre l'enregistrement. Il avait presté contre le châtain pendant une demi-journée.
Une fois le bouton lecture enclenché, il continua son petit jeu.
— Les éléphants sont roses ? demanda-t-il.
Un soupir mécontent lui répondit.
— Même pas c'est vrai, ils sont verts !
La cohérence des propos commençait doucement à s'étioler. Un éléphant d'une telle couleur était impensable. Pourtant, l'air bougon et sûr de lui qu'arborait Archibald était attendrissant.
— Tu aimes le vert ?
— Oui, parce que tes yeux sont comme ça...
Le blond avait-il conscience de son interlocuteur ? Peut-être bien, car les yeux d'Elijah avaient un peu de vert, dans les méandres du bleu. Noora s'était déjà amusée à constater qu'ils avaient les mêmes couleurs dans leurs iris.
— Mais y'a pas que ça que j'aime.
— Ha oui ? Tu veux m'en dire plus ?
— Moi j'aime Elijah tout entier.
Son cœur rata un battement. Au moins. Son compagnon venait-il de lui faire une déclaration alors qu'il n'en avait pas conscience ? Le psychologue avala presque de travers avant de couper la vidéo qui tournait toujours sur l'écran de son portable. Il se redressa dans le lit alors qu'un grognement mécontent accueillait son mouvement presque brusque.
Il s'extirpa péniblement des couvertures avant de rallier la cuisine en caleçon. Au diable les bonnes manières. Il avait le cœur et la tête beaucoup trop déboussolés pour songer à de telles futilités.
« Moi j'aime Elijah tout entier. »
C'était bien la première fois qu'un de ses amants le lui disait. Il y avait bien eu Arthur, mais ce n'était pas pareil. Désormais, c'était un jeu entre eux. Depuis la fin de leur relation, Elijah avait écopé d'un surnom qu'il n'appréciait pas forcément. Babe.
Le bol rempli de lait tournait doucement dans le micro-ondes. Ce mouvement était assez hypnotique pour rester devant la petite paroi transparente jusqu'à ce que le « Ting » sonore retentisse. Il se brûla presque les doigts en sortant le récipient et le posa sans délicatesse sur la table. Le cacao attendait déjà. Bon sang, il était tellement retourné qu'il ne savait plus faire sa boisson matinale.
« Moi j'aime Elijah tout entier. »
Pourquoi ces mots tournaient en boucle dans son esprit ?
Le blond s'était confié à lui, mais Elijah ne parvenait pas à le faire.
Cela faisait-il de lui quelqu'un d'horrible ?
Ce n'était pas qu'il n'avait pas confiance, mais c'était qu'il ne trouvait pas le bon moment ou la bonne situation pour le dire. Et puis, comment pouvait-il annoncer une telle bombe alors que tout allait si bien entre eux ? En touillant son chocolat, Elijah se rendit compte qu'il avait peur. Il avait une peur viscérale de perdre Archibald. Il savait qu'il pourrait comprendre et qu'il allait bientôt poser des questions, mais il n'était pas encore assez fort pour l'oraliser.
Il l'avait refusé à toutes les personnes qui l'avaient approché. Certains s'étaient posés des questions, mais il avait fui le sujet avec une blague ou quelque chose qui n'avait rien à voir. Fuir et ne pas se retourner. C'était devenu sa façon de penser durant des années, mais avec Archibald, cela changeait la donne. Il voulait rester à ses côtés.
« Moi j'aime Elijah tout entier. »
Il plongea sa tête dans ses mains, épuisé. Il en avait marre de ses contradictions et ses peurs. Avec un soupir, se craqua les doigts d'un mouvement sec. Il devait se reprendre et avoir une conversation à cœur ouvert avec Archibald. Quand, il ne savait pas, mais il le ferait. Coute que coute.
— Hey, tu es là depuis longtemps ? demanda doucement Archie.
— Non, je viens juste de descendre. Tu te sens reposé ?
— Mmh... J'ai fais un rêve bizarre.
— Ha ouais ? Tu veux m'en parler ?
Le blond attrapa l'une des mains d'Elijah qui se recula sur sa chaise. L'homme se coula sur les genoux du psychologue en enlaçant son coup de ses bras. Il frotta son nez contre la clavicule de son compagnon, boudeur.
— Je crois que j'ai rêvé d'éléphant vert et de cookies. C'était bizarre.
— Avant ou après ton réveil ?
Elijah avait la réponse. Il savait pertinemment d'où venait ce rêve.
— Après.
— J'ai peut-être une théorie...
— Ha ? s'étonna Archie, laissant ses yeux se balader sur le visage d'Eli.
— Il se pourrait que tu parles dans ton sommeil et que je t'ai posé quelques questions afin de voir si tu me répondais ou pas... C'est seulement pour des recherches scientifiques, bien entendu ! se dédommagea le châtain.
Contrairement à ce qu'il pensait, Archibald se mit à rougir. Ses joues pâles devinrent écarlates en l'espace de quelques secondes de flottement. Elijah écarquilla les yeux face à cette réponse qu'il n'avait pas du tout anticipée.
Il éclata de rire devant la gêne de son compagnon qui essayait de se cacher.
— Tu es timide maintenant ? s'amusa le châtain.
— Ma mère m'a toujours taquiné à cause de ça. Quand je partais pour des voyages scolaires, les enfants me prenaient en vidéo et faisaient tourner dans l'école. Bon, après je suis allé voir une hypnotiseuse, mais quand je suis trop stressé, ça ne marche plus. Désolé pour ça...
Elijah lui offrit une mine scandalisée.
— Je trouve que c'est vraiment mignon. Je dois t'avouer que j'ai pris une petite vidéo pour te montrer au réveil, comme quand tu ronfles. Attends, je vais la supprimer immédiatement, dit Eli en ajoutant le geste à la parole en cliquant sur la corbeille.
— Je ne ronfle pas ! Et puis... Si c'est toi, ce n'est pas grave...
— Pourquoi ? Ce n'était pas correct, excuse-moi.
— J'ai confiance en toi. Tu sais que tu ne vas pas la diffuser.
Les bras du châtain se refermèrent sur la taille de son compagnon. Il se tortilla de gêne, faisant remonter les mains vers son torse. Il n'acceptait toujours pas qu'Elijah puisse toucher l'un de ses plus gros complexes. Mais en réalité, le châtain s'en moquait complètement.
— Arrête, bougonna le blond.
— OK, OK ! Je garde mes mains ! plaida l'autre en levant les bras en paix.
Archie rit devant sa bêtise avant de lui lâcher une pichenette sur le bout du nez. Elijah le fronça, comme si cela pouvait le protéger de cette attaque destructrice, mais il se leva pour préparer leur petit déjeuner. Il allait devoir mettre une seconde fois son bol dans le micro-ondes pour que la chaleur revienne.
Quelques heures simples et reposantes leur tendaient les bras. Après la semaine qu'ils avaient passé à courir partout, ce n'était pas de refus. Généralement, les gens disaient que travailler dans une école était chouette car ils avaient des horaires courtes et de longues vacances. Mais lorsque des petits plaisantins s'amusaient à semer la zizanie dans les couloirs en déclenchant les alarmes incendies et en ne faisant pas exprès de mettre le feu à un des bâtiments à l'abandon dans la cour, c'était une autre histoire. Le proviseur parlait de détruire cette bâtisse, de toute manière. Son heure était venue un peu plus tôt que prévu.
Enchaîner quatre réunions en seulement cinq jours, voir plusieurs élèves qui se fichaient de sa tête et sentir les regards meurtriers de Lison sur lui avaient fait d'Elijah une boule de nerf. De plus, Noora avait dû capter le mot car elle n'arrêtait pas de faire des crises de mauvaise humeur et de mauvaise foi. Archibald avait tenté de le calmer de nombreuses fois alors qu'il jurait qu'il allait taper le prochain élève qui lui manquerait de respect.
Une semaine bien stressante s'était écoulée.
Et là, maintenant, il était heureux de partager un petit déjeuner simple avec le blond. Les tartines de pain craquaient doucement lorsqu'il étalait de la confiture dessus. L'étiquette indiquait mirabelle. La dernière fois qu'ils avaient ramené Noora, Anna avait donné quelques pots à Archibald. Ils possédaient un grand terrain ainsi qu'un petit bout de verger. Lorsque les beaux jours arrivaient, ils s'en donnaient à cœur joie. C'était peut-être pour cette raison que Théophile était très bronzé ?
— Journée Netflix and chill ? proposa Archie.
— Il faudra faire les courses avant... Le frigo est vide.
— Je pense que nous pouvons braver le monde extérieur pendant une heure !
— Que si on se prend des M&M's pour la série.
— Vendu ! s'exclama Archibald, ravi.
Un sourire entendu. La journée dépassait les espérances d'Elijah. C'était incroyablement bien d'être heureux en ne faisant strictement rien de sa journée. Ce n'était pas la première fois qu'ils passaient un tel week-end, et ils adoraient. Généralement, il était ponctué de dessins animés quand Noora était présente, mais vu qu'ils étaient entre adultes, ils allaient pouvoir regarder une série avec des éclaboussures de sang et des cris d'agonie. Tout ce qu'ils aimaient.
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Hey vous !
Voici un nouveau chapitre !
Des avis ? :)
Bisou sur votre joue gauche,
Rheexus
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