CHAPITRE 21
— Mais il fait super froid ici, c'est normal ?
— Assez oui, c'est une patinoire.
Tous les trois attendaient que la queue diminue devant le guichet. La veille, pour l'anniversaire de la plus petite, Elijah lui avait offert une après-midi sur une surface gelée avec une belle carte colorée. Il lui avait dit qu'elle pouvait utiliser ce « bon » quand elle le souhaitait, et elle avait voulu s'y rendre le lendemain même. Cela faisait que dimanche, à quatorze heures, ils regardaient s'ils avaient bien pris leurs gants.
— Bonjour monsieur ! s'exclama la petite en tendant l'argent pour payer.
Derrière la vitre, l'homme lui offrit un beau sourire. Il lui fit coulisser deux tickets de différentes couleurs pour récupérer les patins à glace et témoigner de leur légitimité à entrer dans la patinoire. Elijah offrit également la place à Archibald qui bougonna un peu. Le blond n'avait pas eu le temps de dégainer sa carte bancaire.
— Eli, est-ce que c'est ouvert toute l'année, la patinoire ?
— Non. Cela couterait trop cher de la refroidir pendant qu'il fait beau.
— C'est bien ce que je me disais.
Elijah haussa un sourcil, surprit. Ils avaient de la chance que l'anniversaire de la jeune fille ne soit pas en plein été. C'était peut-être pour cela que Morgan lui avait offert des rollers. Elle avait déjà testé ce sport à l'école, et avait adoré. Elle avait tanné Archie pendant plusieurs jours mais avait finalement abandonné lorsque l'un de ses camarades lui avait dit que c'était cher. Alors, lorsqu'elle avait ouvert le gros paquet, elle en était restée muette. Les chaussures à roulettes rouge et noir avaient su la subjuguer. Une fois ses amis partis, elle était allée faire des tours de voisinage, en compagnie des quatre adultes.
— Bonjour mademoiselle. Quelle est votre taille ?
— Heu... je fais du... trente ? Oui, c'est ça ! annonça Noora, ravie.
Le jeune homme qui était derrière le comptoir nota la taille des deux hommes sur leurs tickets et parti dans les rayons de patins qui s'étalaient derrière lui. Il y avait deux salles pour s'équiper, et quatre ou cinq bancs afin de faire le changement de chaussures. Une famille prenait l'entièreté d'un banc alors que les enfants piaillaient d'enthousiasme. Noora s'assit à un autre et batailla avec ses scratchs pour enlever ses basquettes qui n'étaient plus du tout blanches.
— Tiens. Je vais les lacer, si tu le veux bien. Il ne faut pas que tu tombes.
— Ho ! s'exclama simplement la petite alors qu'Elijah s'accroupissait.
— Mets tes gants en attendant.
Deux secondes plus tard, alors que le châtain s'acharnait contre les lacets jaunes, Archie posa leurs patins sur le sol en mousse. Il ne faudrait pas abimer les lames avec leur contact au sol. Comme ils n'étaient pas des professionnels, les employés ne leur avaient pas fourni de protèges en plastique.
— C'est bon, ça ne te fait pas mal ? s'enquit le châtain.
— Non !
Elle se mit debout et sautilla presque. Manquant de perdre son équilibre, Elijah la retint par le coude. Le blond la surveillait du coin de l'œil, même s'il avait toute confiance en son compagnon.
— Noora, attends trente secondes, veux-tu ? Tu vas te faire mal.
Plusieurs personnes s'étaient retournées vers la jeune fille, si bien qu'elle rougit un peu, avant de se rasseoir sagement à leurs côtés. Les deux hommes tirèrent rapidement sur leurs lacets avant de rentrer les boucles dans le haut des bottes.
— Allez, on te suit, affirma ensuite Archibald.
Noora ne se le fit pas prier. Elle sortit du vestiaire alors que le psychologue enclenchait le code de leur casier. Il ne faudrait pas risquer de se faire voler leurs affaires ou de les perdre par mégarde. Le clac retentit, et le système s'enclencha. Il suivit le père et la fille, saluant une employée qui courrait entre deux salles. Ses chaussures couinaient un peu sur la surface caoutchouteuse noire.
La patinoire était grande. Archie avait l'habitude d'aller s'exercer sur les lacs gelés de la Norvège. Cela lui faisait étrange de devoir aller dans une enceinte pour retrouver les sensations connues. Il songea un instant à sa paire de patins qui devaient encore l'attendre sagement chez ses parents. Elle passait l'été dans un carton sous son lit, protégée du soleil et de la poussière.
Le sens de navigation avait déjà été désigné lorsqu'ils entrèrent sur la surface glacée. A peine avec un pied sur la glace, il se sentit revivre. Etrangement, Elijah n'avait pas l'air franchement à l'aise. Il avait un bon équilibre, mais il avait encore un peu de réticence à quitter la rambarde. Quant à elle, Noora avançait à tâtons, ne voulant pas se casser la figure dès les premières secondes.
— Tu n'as jamais fait de patinage ? demanda Archie.
— La dernière fois remonte à quelques années, en fait, donc... c'est pas top.
— C'est comme le vélo, ça ne s'oublie pas, ne t'en fais pas !
— On va bien voir ça, grogna son compagnon.
Eli tendit une main peu assurée vers Archie qui la saisit avec enthousiasme. Il regarda sa fille prendre un peu plus d'assurance. Il s'avait que ses grands-parents l'emmenaient souvent ici, durant les week-ends où elle leur rendait visite. Elle n'était pas une professionnelle, mais elle avait seulement besoin de reprendre ses marques.
C'était un peu frustrant d'avoir moins de niveau qu'un enfant de sept ans.
Après un tour de chauffe, comme l'appelait Archie, il donna l'autorisation à Noora de s'éloigner un peu. Même s'il avait toujours un œil sur elle, il lui laissait l'occasion de prendre un peu de vitesse. Ses petites jambes faisaient des mouvements répétés et contrôlés. Il n'y avait pas beaucoup de monde, donc elle ne pouvait pas s'adonner à son jeu préféré ; slalomer entre les patineurs.
— Tu l'emmènes aux parents d'Alexandra ce soir, c'est bien ça ?
— Oui. Ils veulent faire son anniversaire ensemble, donc pourquoi pas.
— Donc on a une soirée tous les deux ?
— Je ne sais pas... Tu as peut-être des trucs de psychologue à faire ?
Elijah écarquilla les yeux, surpris. Il ne s'attendait pas à cette réponse.
— Je peux rester chez moi si tu veux. Je comprends que tu ne veux p...
— Tu es sot. Bien sûr que nous passons notre soirée ensemble !
— Chez toi ou chez moi ?
— A l'appart' alors. Il faut vraiment que je fasse le ménage.
— Tu sais casser l'ambiance, ma parole...
— Quoi ? Qu'est-ce que j'ai dit ? s'indigna l'autre.
Il était tellement concentré sur les lames de ses patins qu'il ne faisait pas vraiment attention à ce qui se passait autour de lui. Une femme failli bousculer le châtain alors qu'il prenait un virage un peu plus serré que les autres. Ses yeux clairs cherchèrent un instant Noora avant de la voir parler à un autre enfant. Cette petite était incroyablement sociable, tout de même !
— Rien rien, ne t'en fais pas. Je souligne juste un fait !
Il se mit à rire de la tête déconfite du psychologue. Elijah ne comprenait pas vraiment ce retour de situation. Il avait tant focalisé son attention sur autre chose que ses jambes qu'il trébucha sur le seul petit creux qu'il y avait dans la surface de glace. Bon sang, les cages de hockey pouvaient faire basculer n'importe qui, si la surfaceuse n'avait pas bien fait son travail. Archibald le rattrapa de justesse avant de le tirer vers le bord. Les deux hommes rirent de la maladresse du châtain.
— Tu as tort, ce n'est pas du tout comme le vélo !
— Mais si, c'est toi qui y mets de la mauvaise volonté.
— N'importe quoi !
— Tu ne veux pas te taire, oui ? rétorqua doucement le blond.
— Non, parce que c'est un complot !
Il dû bien le faire, car des lèvres vinrent cueillir les siennes. Archie était fier de sa bêtise, ayant ainsi acculé Elijah contre l'une des barrières de sécurité. Cependant, il se détacha bien vite, de peur de se prendre une quelconque remarque.
— Fader ! Fader ! cria une voix pour couvrir le bruit ambiant.
— Noora, fais attention où tu vas ! renchérit Archie en se retournant.
Il vit le moment exact où la demoiselle heurta quelqu'un. L'homme s'arrêta immédiatement avec un petit demi-tour maitrisé. Il lui évita la chute de justesse en la retenant par le bras. Contrairement à la jeune fille, il ne portait pas de gants. Son sweat était celui d'un joueur de hockey. Trois fois trop grand pour lui, il ressemblait à un enfant, bien qu'il avait l'air d'avoir la deuxième moitié de la vingtaine.
— Ho, pardon, je ne t'ai pas vue ! Je ne t'ai pas fait mal ?
— Nan m'sieur, ça va !
Un autre homme, bonnet sur la tête, arriva à une vitesse beaucoup plus élevée et se stoppa net avec un dérapage en bonne et due forme. Il attrapa l'homme par les hanches avant de se pencher vers la petite.
— Hé, tu devrais regarder devant toi à l'avenir ! plaisanta-t-il.
— J'ai pas fait exprès, pardon !
Elle s'éloigna un peu des deux hommes, pas du tout intimidé. Celui au bonnet ébouriffa les cheveux bruns de la demoiselle avant de lui offrir un sourire amusé. Il avait presque l'air habitué par ces interférences. Il avait l'air d'évoluer comme un poisson dans l'eau, sur cette glace qui se remplissait de plus en plus. L'immense horloge digitale indiquait quinze heures passées en caractères rouges.
— Un conseil, reste près de tes parents. Il va y avoir pas mal d'enfants.
— Vous avez l'air habitué ? enchaîna Elijah, intrigué.
— On peut dire que c'est mon terrain de jeu.
Le châtain hocha la tête alors que Noora vint se poster à côté de lui. Il replaça l'un de ses gants violets qui s'était un peu fait la malle avec cette histoire. La demoiselle le remercia à demi-mots, légèrement embarrassée.
— On va y aller, des amis nous attendent. Au revoir ! dit celui avec le bonnet.
L'homme aux boucles qui semblaient indomptables lui attrapa le bras et se laissa trainer, ses patins formant des traces sur la surface plus vraiment lisse. Les patins de celui qui venait de parler témoignait qu'il devait être hockeyeur. Son compagnon, du moins Elijah le soupçonnait, affichait fièrement le nom de von Stroheim au-dessus du numéro treize, sur le dos du maillot. Il ne savait pas de quelle équipe venait cet homme. Le hockey n'était pas l'une de ses disciplines favorites.
***
— J'ai mal aux pieds, se plaignit pour la première fois Noora.
— Tu veux arrêter ? proposa Archie.
— Oui ! J'ai faim aussi ! On peut manger quelque chose ?
— Il va falloir rentrer pour ça. Je n'ai rien pris avec moi.
— Alors rentrons ! Vous voulez bien rentrer ?
— Oui, pourquoi pas. Je dois te déposer chez papy et mamy, aussi.
— Ha oui ! Même que papy a dit qu'il ferait un crumble de pommes !
La petite sautilla presque jusqu'à la rambarde qui pivotait pour laisser partir les patineurs. Elle s'engagea en faisant bien attention que personne n'arrivait. Elle ne voulait pas manquer de chuter une deuxième fois.
— Ça ne te dérange pas de partir maintenant ? demanda Archie à Eli.
— Est-ce que j'ai vraiment le choix ?
Il laissa passer un enfant avec un support qui représentait une otarie en plastique orange. C'était d'un goût profondément étrange. De plus, ce n'était pas facilement maniable. Il avait essayé de conduire Noora dessus, pendant l'après-midi, mais avait manqué de se casser la figure.
— Non mais...
— Je te taquine nigaud ! rit-il. Je ne vais pas partir tout seul. Tu me déposes ?
— Ce n'était pas une question.
Ils prirent un peu de temps pour enlever leurs patins. Noora s'amusait à noter les différences de sensations entre les bottes peu confortables et ses basquettes qui étaient parfaitement à sa taille. Elle avait l'impression d'être sur un nuage de douceur. De son côté, Archie ne mit pas longtemps à délacer les croisillons et à confier les patins à l'employé de tout à l'heure. Elijah lui tendit les siens pour qu'ils soient rangés dans les grandes armoires. Ils avaient dû mettre les lacets à l'intérieur pour le futur nettoyage qu'ils auront. Dans les vestiaires, la chaleur les prit au visage.
— On pourra manger quelque chose sur le chemin du retour ? supplia Noora.
— Non, on file directement chez les grands-parents ! Tu as bien dit que papy avait fait quelque chose non ? Tu lui diras de te couper une part quand tu entreras. Il est bientôt dix-huit heures, je ne veux pas perdre trop de temps.
— D'accord ! J'espère qu'il sera prêt alors ! chantonna la petite.
Archie soupira devant sa fille tout en débarrant la voiture. Parfois, la petite voulait des choses immédiatement et elle pouvait insister jusqu'à l'heure du coucher. Il redoutait un peu la crise d'adolescence, si elle prenait du caractère quelques années avant le moment fatidique.
Elijah grimpa à l'avant de la voiture et le blond ne prit pas plus de trois secondes pour enclencher la marche arrière. Un air de jazz emplit l'habitacle alors qu'à l'arrière, la jeune fille s'amusait à commenter ce qui passait sous son regard. Elijah posa sa main sur la cuisse d'Archie, comme s'il l'avait fait toute sa vie. Du moins, il ne l'avait encore jamais fait, mais il l'avait imaginé mainte et mainte fois.
Il vivait une sorte de rêve éveillé, là, maintenant.
Peut-être se poursuivrait-il dans la soirée ?
Dans le creux de son ventre, quelque chose remua pour lui donner raison.
Pourtant, il l'étouffa. Le blond n'était certainement pas prêt.
Il ne voulait pas lui faire peur. Iltenait à lui, donc il attendrait.
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Hey vous !
Voici un nouveau chapitre !
Des avis ? :)
(Alors, vous avez reconnu les personnages qui apparaissent à la patinoire ? Saurez-vous dire de quel livre ils viennent ? [ceux qui me suivent sur Insta ont plus de chance de le savoir :)])
Bisou sur votre joue gauche,
Rheexus
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