CHAPITRE 20
— Tu m'as l'air éclaté mon pauvre.
— Non, tu crois ? répliqua ironiquement l'autre.
Morgan passa le seuil de la porte, en se massant les yeux. Les traces sombres sous ces yeux ne formaient plus des cernes, mais des valises chargées de plusieurs kilos. A son bras, Andy était en retrait, intimidé par la nouvelle demeure dans laquelle il entrait.
— Ne me dis pas que c'est toi qui as conduit ?
— Non, c'est Andy. Je ne suis pas inconscient à ce point-là, tout de même.
Elijah sembla profondément soulagé.
— Venez, entrez ! Les hamburgers ont presque terminé leur cuisson.
Un peu plus loin, Archibald scrutait l'intérieur du four. La table avait été dressée pour cinq personnes, le professeur en bout de cortège. Un épais coussin était posé sur l'assise d'une chaise, gardant la place de Noora. La décoration autour des assiettes était sobre. Quelques billes plates en verre coloré étaient disposées un peu partout sur le bois. Ils avaient tout juste eu le temps de terminer avant leur arrivée.
— Noora ! Tes invités sont arrivés ! s'écria Archibald.
— I'm coming! cria une voix en retour.
— Faites comme chez vous. Posez vos manteaux sur le canapé !
Morgan ne se fit pas prier, laissant apparaître une chemise blanche et un pantalon noir serré. Il était vraiment séduisant. Plus timide, Andy avait seulement enfilé un beau chemisier qui ressemblait à de la soie noire.
— Vous êtes plutôt classe tous les deux, fit remarquer Elijah.
— C'est un anniversaire, tout de même !
Le psychologue haussa les épaules en plaçant la dernière serviette en papier sous le couteau. Il n'avait pas fait d'effort particulier, retroussant même les manches de sa chemise bleu clair. Archie l'aimait bien car elle faisait ressortir le bleu de ses yeux. Elijah n'en avait eu vent qu'il y avait quelques heures, et avait décidé que ce serait la tenue idéale de la journée.
— Tonton 'dy ! s'écria Noora en déboulant dans le salon.
Elle se propulsa comme un boulet de canon dans les bras du concerné qui peina presque à la réceptionner. Heureusement que la main puissante de Morgan traînait encore dans le bas de son dos depuis qu'ils étaient arrivés, sinon ils seraient tombés à la renverse d'une drôle de façon.
— Joyeux anniversaire petite puce, sourit le blond.
Elle lui claqua un baiser sonore sur la joue avant de réserver le même sort à celle du brun. Il lui ébouriffa un peu les cheveux, si bien que la demoiselle grogna tout en s'écartant le plus vite possible.
— C'est quoi ? demanda-t-elle en avisant ce qui était posé sur le canapé.
— C'est quelque chose pour faire parler les petites filles.
— Mais je suis pas petite moi ! Mais je crois que je suis une fille oui...
— Oui, mais tu parles.
Il y eu un petit silence. Noora tenta de voir où voulait en venir Morgan. Lorsque la réponse lui vint, elle ouvra grand la bouche pour protester. A grand renfort de froncements de sourcils et de bougonnements, elle s'éloigna de lui, les bras croisés.
— Si t'es pas gentil, ben je t'inviterais plus, na !
— C'est dommage, car tu peux l'ouvrir que devant moi...
— 'dy il sait pas ?
— Bien sûr que non, c'est un secret ! renchérit le médecin.
Bien sûr qu'il savait. Il avait même aidé Morgan à choisir le cadeau.
La petit s'en alla d'un geste théâtral, rejetant ses cheveux en arrière comme elle avait vu le faire certaines actrices dans des films. Son père la reprit immédiatement sur son comportement et elle demanda à Elijah s'il avait besoin d'aide en cuisine.
— Madame à sept ans, et elle s'y croit déjà, soupira son père.
— C'est bientôt la crise d'adolescence, faites attention.
— Elle est adorable, je ne pense pas qu'elle en fasse une grosse.
— La pire que j'ai vu, je crois que c'est celle d'Eli.
— Ha bon ? s'intéressa un peu plus le professeur.
— Une vraie tête brûlée qui enchaînait les bêtises. Ses parents ne savaient plus où donner de la tête. Parfois, il passait plusieurs jours chez Arthur ou moi, car ça explosait de tous les côtés chez les Lempereur.
— Il m'avait caché ça ! ricana le blond platine.
— Je pense qu'il a oublié d'omettre pas mal de choses, renchérit le brun.
— Quoi ? Comme quoi ? s'affola immédiatement Archibald.
— Je ne sais pas, déclara finalement Morgan. Je ne connais pas toute sa vie, même si tu pourrais le croire. Il a tout de même des secrets. Peut-être qu'il t'a dit des choses que je ne sais pas. Demande-lui, si tu le souhaites.
Ne se sentant presque plus intimidé, Andy sortit de sa cachette pour aller aider le principal intéressé de cette conversation. Il n'était peut-être pas très bon pour cuisiner, mais il pouvait dresser les assiettes. Une poignée de frites et un gros hamburger ne lui faisaient pas peur.
— Fadeeeeer, ils ne veulent pas de moi en cuisine... couina presque Noora.
— C'est parce que tu es maladroite. Il ne faudrait pas que tu te brûles.
— Comme les crêpes ?
— Exactement !
— Ha, je comprends mieux ! Je vais apporter les assiettes alors !
La petite prit sa propre initiative comme une mission sacrée. Ravi de la voir aider, Andy lui donnait la porcelaine en la sommant plusieurs fois de faire attention. La tête haute, elle regardait où elle marchait pour ne rien faire tomber.
— A table ! dit-elle fièrement quand tous les plats furent servis.
Les quatre adultes vinrent se placer autour du bois décoré. Les discussions étaient encore un peu timides, mais une fois qu'Elijah et Noora se furent alliés pour se donner les répliques, tout le monde se détendit peu à peu.
Ces deux-là s'étaient parfaitement trouvés.
Parfois, le destin jouait bien les choses, comme on disait.
***
— Je vais fumer, intervint finalement Morgan lors d'un débat.
Il pressa les lèvres sur celles de son compagnon avant d'aller chercher son paquet de cigarettes qui étaient encore enfouies dans l'une des poches de son manteau. Son meilleur ami se leva presque immédiatement après.
— Je te suis. Aller dehors me fera peut-être digérer.
En effet, son assiette était vide. Ils avaient décidé de faire une petite pause entre le plat principal et de dessert. Le châtain s'était presque léché le bout des doigts pour ne perdre aucune miette du repas. Pour l'instant, c'était un sans-faute.
— Je peux venir avec vous ? intervint la petite voix de Noora.
— Prends une veste alors, le vent semble s'être levé.
— J'arrive ! s'écria-t-elle en attrapant l'un des sweats de son père.
La baie-vitrée se ferma sur le passage de la demoiselle. Devant Archie, Andy tapotait rapidement sur son téléphone. Les ongles de ses pouces faisaient de légers « tac tac » au vu de la longueur qu'ils avaient. Le professeur sembla perdu dans ses pensées en regardant ce manège durant quelques secondes.
— J'ai quelque chose sur le visage ? s'enquit aussitôt Andy, confus.
— Quoi ? Ho ! Heu non... Je... J'étais dans mes pensées, pardon !
— Il n'y a rien de grave. Tu as l'air de vouloir dire un truc.
Décidément, les yeux vert félin de son vis-à-vis donnaient envie de se confier à lui. Archibald se mordilla la lèvre alors que ses joues rougissaient légèrement. Il avait tant de questions à poser, mais il ne savait pas par où commencer. Il jeta un coup d'œil dehors pour voir que Morgan entamait juste sa cigarette. Ou était-ce sa deuxième ?
— Hé, ça va ? Tu es un peu rouge.
Le téléphone reprit sa place initiale : l'écran vers la table.
— Je... Je ne sais pas où commencer, à vrai dire. C'est un peu... délicat.
— Délicat ? Comment ça ? Tu as fait une bêtise ?
— Non ! Non ! C'est que je me pose certaines questions et...
Ses yeux retournèrent vers l'extérieur. Voir la silhouette d'Elijah penchée vers celle de son meilleur ami, Noora protégé de ses bras, le rassura. Andy suivit son regard pour trouver les trois personnes. Il ne mit pas beaucoup de temps avant de faire le lien entre le châtain et les rougeurs sur les jours du blond.
— Tu ne sais pas comment faire, c'est bien ça ?
— Faire quoi ? répliqua Archibald, soudainement perdu.
— Pour le sexe. Tu n'as connu qu'avec des femmes, non ?
— Oui... C'est ça, voilà... Je suis si prévisible ?
Andy rit un peu en replaçant machinalement sa fourchette dans son assiette.
— Non, pas du tout ! Mais je suis passé par là, aussi. Je comprends quelles sont les interrogations que tu dois te poser. C'est juste étonnant que tu viennes m'en parler, mais je peux répondre à beaucoup de questions, déjà.
— Etonnant, pourquoi ? s'étonna finalement le plus vieux.
— Je ne pensais pas être la personne à laquelle tu aurais demandé des choses aussi personnelles. Mais vas-y, dis-moi. Qu'est-ce qui te tracasse ?
Il replaça une mèche de ses longs cheveux blonds derrière son oreille. Archie avait toute l'attention du jeune homme. L'espace d'un instant, il avait songé à ce qu'il se moque de lui ou qu'il l'éconduise poliment, mais il n'était rien de tout cela.
— J'ai peur d'être ridicule devant lui. Il a l'air de savoir tant de choses !
— J'ai entendu dire qu'il avait eu pas mal d'aventures, mais justement, lui aussi a dû débuter, à un moment donné. Connaissant Elijah, il ne fera pas de remarque. Il t'aidera et te guidera. Je pense que le bien être de son partenaire est primordial.
Et il avait entièrement raison sur ce point.
— Mais je ne sais même pas quoi faire !
— Qu'est-ce qui te plaît, à toi ?
— Heu... Je dois vraiment te faire un schéma ?
Andy éclata d'un rire léger.
— Non, bien sûr que non ! Je voulais dire, tu sais ce qui te plaît, non ?
— Oui, et... ?
— C'est déjà un bon début. Tu connais le corps des hommes, alors tu sais déjà où aller. Teste des choses, je ne veux pas savoir lesquelles hein, et parlez-en. C'est surtout avec de la communication que vous allez trouver un terrain d'entente. Je pense que tu sais ce qu'est le consentement, mais si tu n'aimes pas, il faut le dire...
— Ça ne le blessera pas ?
Son vis-à-vis haussa seulement les épaules en signifiant qu'il ne savait pas. Il n'avait jamais eu une quelconque relation sexuelle avec Elijah donc il ne pouvait pas savoir comment il réagirait. C'était au-delà de ses compétences.
— J'ai... une dernière question... technique.
— Nous ne sommes plus à ça près. Je t'écoute.
— Est-ce que, ça fait mal ?
Un sourire discret passa sur les lèvres de l'étudiant avant que ses yeux ne dérivent sur Morgan qui montrait quelque chose à Eli sur son téléphone. Il revint vers Archie qui se triturait les doigts.
— Au début, ce n'est pas une partie de plaisir, je ne vais pas te mentir. Il faut que ton corps s'habitue à cette présence. Et puis, il y a la taille du machin qu'il faut prendre en compte, aussi.
Le professeur avait pâli au fil des paroles. Ha, visiblement, il avait peur d'avoir mal. Face à cette réaction, Andy tendit la main pour la poser sur celle de l'homme. Ce dernier sursauta au contact froid sur sa peau.
— Mais ne t'en fais pas. Ça va le faire.
— J'ai regardé des trucs, mais heu... ça m'a un peu fait peur...
— Du porno n'est pas pareil que la réalité ! Ils ne connaissent pas la douceur.
C'était officiel, les joues d'Archibald avaient viré cramoisi. Pourquoi se faisait-il faire la morale par un jeune homme de dix-neuf ans, déjà ? Franchement, qu'est-ce qu'il ne ferait pas pour faire taire l'angoisse qui rampait le long de son cœur.
— Prend ton temps, surtout. Ne te précipite pas. Et ose dire les choses. Si tu as mal, il faut en avertir l'autre, sinon c'est clair que tu auras toujours peu d'avoir du sexe, avec cette personne ou une autre, d'ailleurs.
— D'accord, je vais faire ça. Merci beaucoup pour tes conseils.
— C'est normal. Je te l'ai dit, je suis aussi passé par là.
Les deux hommes s'échangèrent un regard entendu. Andy s'excusa et se leva pour draper ses épaules du manteau de Morgan. Il alla rejoindre le petit groupe qui s'était formé sur la terrasse. Sachant qu'il était plus frileux que lui, Morgan passa ses bras autour de ses épaules. La baie-vitrée se ferma sur une exclamation du châtain.
Une fois seul avec ses pensées, Archie se demanda s'il était vraiment prêt à passer ce cap. Cela faisait plusieurs fois que l'idée lui trottait dans la tête, mais il n'avait encore jamais intercepté des signaux venant de son compagnon. Il se faisait certainement des idées. Il était une quiche en décodage. Ses cheveux platines volèrent lorsqu'il secoua énergiquement la tête. Il débarrassa la vaisselle de la table pour apporter le dessert. Le fameux fondant au chocolat qu'il avait fait juste avant que leurs invités n'arrivent. Il coupa cinq parts pour occuper son esprit et alla chercher les comparses qui se chamaillaient doucement dehors.
— Ça sent méga trop bon ! s'exclama Noora.
— Elle a raison, ton gâteau met l'eau à la bouche.
Un baiser sur sa tempe. Elijah faisait bien attention de ne pas mettre ses mains froides sur les bouts de peaux qui s'échappaient des vêtements du blond, même si l'envie ne lui manquait pas. Morgan rangea tranquillement son manteau et son briquet alors que la plus jeune sautillait déjà sur sa chaise.
Il restait un peu moins d'une heure avant que les autres invités n'arrivent.
Le timing allait être tendu. Mais à quatre adultes, tout était faisable.
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Hey vous !
Voici un nouveau chapitre !
Des avis ? :)
Bisou sur votre joue gauche,
Rheexus
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