CHAPITRE 17
— Elijaaaaaaaaaaaaaah !
L'homme réceptionna difficilement le boulet de canon qui venait d'atterrir dans ses bras. Il rit face au débordement d'énergie de Noora. Derrière elle, Archibald avait un regard désapprobateur. Il trouvait que la demoiselle oubliait un peu trop souvent de se tenir correctement, en ce moment.
— Entre crevette, assura le châtain en embrassant la joue de la petite.
Guillerette, elle entra dans l'appartement du psychologue avant d'enlever ses chaussures et de laisser son manteau sur la patère. Les deux hommes se demandèrent à quel moment elle était aussi à l'aise dans le logement.
— Excuse-là, marmonna Archie en arrivant à sa hauteur.
— Ce n'est pas grave, j'ai vu pire ! rit l'autre.
Le blond haussa un sourcil amusé avant de passer ses mains sur les hanches à peine couvertes de son compagnon. Vêtu d'un short confortable et d'un t-shirt fin, Eli pouvait sentir la fraîcheur des mains d'Archibald. Il s'esclaffa avant que des lèvres ne viennent chercher les siennes. Surpris, il se laissa faire, presque en ronronnant de plaisir. S'y habituerait-il un jour ?
— Et moi, je peux entrer ? demanda le blond, un air suppliant sur le visage.
— Tu es bête ! Pas besoin de faire ton chiot battu là !
Les deux rirent doucement avant d'entrer dans l'espace clair. La baie-vitrée qui donnait sur le petit balcon était légèrement ouverte pour aérer la cuisine. Une douce odeur de nourriture flottait encore, mais Archie ne sut dire de quoi il s'agissait. Elijah avait eu le temps de faire un brin de ménage après le travail, si bien que l'aspirateur n'était pas encore rangé dans le placard. Il s'excusa immédiatement et empoigna l'appareil. Il passa à côté de Noora qui s'était assise à la table de la salle à manger. Elle avait sorti des cahiers colorés et avait déjà un crayon de papier entre les mains. Il jeta un coup d'œil sur des exercices d'écriture. Les sourcils froncés par la concentration, la demoiselle s'attaquait aux lignes bleues.
— Tu as besoin d'aide à quelque chose ? intervint Archie.
— Non, c'est bon, j'ai terminé. Il manque plus que la vaisselle et tout est bon.
Alors qu'Elijah se battait avec l'aspirateur pour le faire entrer dans le petit espace exigu, le professeur se dirigea vers l'évier où quelques ustensiles et récipients attendaient sagement. Un juron fusa lorsque le tuyau s'échappa de la porte juste avant qu'elle ne se ferme. Le châtain fit la technique du « pousser l'objet jusqu'au dernier moment et claquer la porte ».
— J'ai dit que je le ferais ! se scandalisa-t-il en revenant dans la pièce.
— Tu as fait le repas, donc je peux te donner un coup de main, non ?
— Okay, okay...
Archibald était beau, même les mains dans la mousse et une éponge entre les doigts. Elijah ne sentit même pas son corps bouger lorsqu'il entoura la taille du blond de ses bras. Son front entre ses omoplates, il sentait l'odeur légère qui s'émanait de la peau blanche. Un mélange d'abricot et d'odeur corporelle.
Pouvait-on adorer une odeur de cette façon ?
— La journée a été compliquée ? s'enquit le blond.
— Hhum... J'aimerais prendre de nouvelles vacances, grogna Elijah.
— Je viens avec toi, alors !
Le cœur du plus vieux rata un battement. Rien que cette exclamation lui donner un doux sentiment de bien-être. Durant quelques secondes, il s'imagina quelque part avec Archibald et Noora, à profiter du soleil et du chant des oiseaux.
Le principal intéressé de ses pensées se tourna entre ses bras et le châtain desserra son étreinte pour ne pas le gêner dans son mouvement. Le nez dans le cou frais du professeur, l'odeur était encore plus prenante. Quel délice, vraiment.
Les mains qui passaient dans ses cheveux le confortèrent sur le fait qu'il était à sa place. Hanches collées au plan de travail, Archibald se disait exactement la même chose, sans même le savoir. Un baiser s'échoua sur la joue d'Elijah et ses bras se couvrirent de légers frissons. Le blond rigola doucement à cette constatation.
— Alors, tu nous as préparé quoi de beau ?
— Tu sais couper un moment agréable toi...
— Je me ferais pardonner cette nuit, si tu veux ? murmura Archie.
Elijah releva la tête pour croiser le regard bicolor de son compagnon. Dans ses yeux, il n'y avait pas cet éclat caractéristique lorsque quelqu'un pensait à faire des galipettes. Le châtain ne fit aucun commentaire et songea déjà aux câlins qu'ils allaient échanger dans quelques heures.
— Vous restez dormir, donc ?
Archie ouvrit la bouche et la referma, incertain.
— Je... Si tu ne veux pas... Pardon, j'aurais pas dû y penser, c'est...
Un baiser le fit taire.
— Bien sûr que vous pouvez ! La question ne se pose pas voyons.
Le soulagement envahi le visage du plus petit. Il avait tenté quelque chose d'audacieux, et cela avait payé. Il était heureux de ne pas se faire chasser. En vérité, il n'y avait même pas pensé.
— Eli ? intervint la petite voix de Noora, le coupant dans ses pensées.
— Oui ? répliqua le concerné sur le même ton.
— Je comprends pas ce mot. Tu peux m'aider please ?
— Quel est-il ?
Il s'approcha le l'enfant pour se couler dans la chaise d'à côté. Attendri, Archie regardait la scène, les bras croisés sur son torse, ne sachant plus quoi en faire. Il ne pouvait même pas gronder la demoiselle de lui avoir accaparé Elijah, car tous les deux, ils ressemblaient à un père et sa fille.
— Suterbuge... Heu, non... Susteburge... Non c'est pas ça !
Noora avait une moue dépitée sur le visage.
— Sutefuge ? I can't say it!
Elle rejeta son crayon un peu plus loin, mécontente. Le psychologue rit sous cape pour ne pas la vexer davantage. Il posa une grande main sur ses longs cheveux châtains. A part cette teinte, ils ne se ressemblaient absolument pas physiquement.
— Ce ne serait pas subterfuge, plutôt ?
— Oui ! C'est ça ! Tu peux le redire ?
L'homme s'exécuta immédiatement en décomposant les sons. Jamais il n'aurait pensé devoir apprendre de tels mots à une enfant de six ans. Qu'avait encore inventé la maîtresse pour intéresser la petite qui avait de l'avance sur les autres jeunes de son âge ? Pourtant, malgré la difficulté de l'exercice, elle s'y prêta sans s'énerver. Ses yeux foncés brillaient sous la curiosité.
— Tusen takk ! s'exclama-t-elle quelques minutes plus tard.
Elijah se tourna vers Archibald qui avait le nez plongé dans son téléphone. Le blond, sentant un regard sur lui, releva le visage pour se confronter à l'interrogation de son compagnon.
— Elle te remercie, précisa-t-il.
— Il faudrait que je me plonge dans votre langue... réfléchit Eli.
— C'est assez compliqué, comme apprentissage.
— Ce n'est pas comme si j'avais pas un professeur à la maison !
Un baiser volé sur la route des assiettes. Un peu plus loin, Noora rangeait ses affaires. Les devoirs étaient terminés pour aujourd'hui. Ni l'un ni l'autre avait vérifié les lignes d'écritures, mais ils se doutaient de la réussite de l'exercice. Elijah la soupçonnait d'être une enfant à haut potentiel qui cachait bien son jeu. Cependant, il ne voulait pas inquiéter son père pour cela.
— C'est la première fois que je fais un rizotto de légumes. J'ai tenté une recette sur internet qui avait l'air pas mal. Vous pourriez me dire ce que vous en pensez ? S'il faut ajuster des choses...
— Ça sera toujours bon ce que tu fais ! babilla la plus jeune.
Elijah avait des doutes face à cette certitude, mais il se contenta de la remercier et de lui tendre les verres. Dans son dos, Archie relevait le couvercle du cuiseur à riz. Un doux parfum empli immédiatement l'air. Cette scène était d'une banalité affligeante, et pourtant, cela faisait incroyablement plaisir aux trois. Noora ne se rendait pas encore compte de ce qui se passait autour d'être, mais la légèreté des conversations et des gestes lui faisait comprendre que tout allait bien.
— Ho, fader ! Tu pourras me faire des tresses pour l'école, demain ?
— Bien sûr. Il faudra te lever un peu plus tôt, par contre.
— Pourquoi ?
— Ça prend du temps, tu sais. Et il ne faut pas que tu bouges.
— Je suis la plus forte à pas bouger !
— C'est un jeu ? intervint Elijah, perplexe.
— Ben oui, quand on joue à un, deux, trois, soleil !
Oui, forcément. Les années où il s'amusait avec de tels jeux comme le cache-cache et l'épervier remontait à longtemps. Elijah se souvenait qu'il était celui qui courait le plus vite au garçon attrape fille. C'était cette course où les enfants se couraient après pour mettre les autres en cabane. Il avait toujours cru que c'était surtout pour attraper la fille qui plaisait au garçon. Il avait longtemps jeté son dévolu sur une petite brune avec des joues rebondies. Dans ses souvenirs, elle n'était pas particulièrement jolie, mais elle avait une intelligence et une gentillesse à toute épreuve.
« Et regardez où j'en suis... »
Ses yeux tombèrent immédiatement sur Archibald. Il était en train de servir les portions de riz. Vingt-six ans plus tard, il se retrouver à courir derrière un homme. Ce n'était pas physiquement, mais cela revenait au même. C'était moins fatiguant sur le coup, mais cela faisait plus mal au cœur.
Il avait entendu le sien se briser pour mieux s'envoler par la suite.
C'était vraiment quelque chose d'étrange, toute cette histoire.
— Tu en veux plus ? demanda Archie, le sortant de ses songes.
— Ho, heu... Non non ! Je vais rouler sinon !
La blague n'eut pas l'effet escompté. Le blond avait senti que quelque chose le taraudait. Elijah lui fit discrètement signe qu'ils en parleraient plus tard. Pas devant Noora. Pas lorsqu'il avait besoin de se rassurer encore une fois.
— Dis Eli, tu pourras tout le temps faire la cuisine ?
— Tu n'aimes pas celle d'Archie ? demanda le concerné.
— Si, mais la tienne est meilleure !
— Hé, je fais des efforts, se défendit son père, scandalisé.
— Huum... dit-elle peu convaincue. Tu as fait brûler des z'haricots verts...
— Mais quand ? C'était il y a plus d'une semaine, ça ne compte plus !
Elijah s'amusa silencieusement de cette conversation pour le moins atypique. Voir une enfant de six ans reprocher le peu de performances culinaires à son père était tout de même assez ironique. Mais il devait l'avouer, Archie n'était pas une pointure pour ce qui touchait à la nourriture. Il savait faire les bases, surtout les crêpes, mais lorsque cela devenait un peu trop élaboré, il pliait bagages.
— Si tu n'es pas contente, demande à Elijah de cuisiner pour toi !
Piqué au vif, le blond platine grogna et plongea dans son riz. La fourchette à la main, il se battait tant bien que mal avec les champignons qui faisaient surface. Elijah s'était permis de faire un féculent car ils avaient tous les trois mangés des légumes, le midi. Heureusement que la plus jeune n'était pas pénible.
— Même qu'il va vouloir !
— Je n'en mettrais pas ma main à couper, tu sais...
— Mais pourquoi tu veux te couper la main ? Ça fait mal !
— C'est une expression, crevette...
— Ha.
Les couverts raclèrent sur les assiettes pour accueillir la déception de Noora. Elle ne savait plus quoi dire face aux deux adultes qui la dévisageaient. Elle enfourna une bouchée de riz et mâcha lentement pour en savourer le goût.
— Mais si tu présentes tes excuses, peut-être qu'on pourrait s'arranger.
— Really ?
— Yes.
Il ne fallait pas une maîtrise accrue de l'anglais pour comprendre.
— Beklager fader, marmonna la petite.
— Tu vois, ce n'était pas compliqué ! chantonna presque le psychologue.
— Tu es un vrai diable, chuchota Archibald à son oreille.
— Il faut savoir être persuasif, mon cher !
Noora ne s'enquit pas de leur conversation lorsqu'elle commença à déblatérer sur ce qu'elle avait fait de la journée. Elle avait tenu bien plus longtemps que les autres jours, mais les deux hommes n'avaient pas réussi à échapper aux exclamations enjouées lorsqu'elle parlait de son ami qui avait eu des cartes Pokémon à son anniversaire. Elijah se demanda comment est-ce que ces bouts de cartons avaient pu résister à l'ère de la technologie et de l'internet.
« Elles vont tous nous enterrer, au final » conclu-t-il.
Le dessert arriva bien vite, constitué uniquement de fruits de saison. L'heure du coucher de Noora frappa à leur porte dès que la demoiselle eut prit son bain et se soit brosser les dents. Même avec du dentifrice dans la bouche, elle ne pouvait pas s'empêcher de parler. Apparemment, son copain Mathieu savait faire du vélo sans les petites roulettes, après s'être cassé la figure un nombre incalculable de fois dans la cour de récréation.
Elle réclama un bisou de bonne nuit aux deux hommes lorsqu'ils la bordèrent sur le canapé convertible du salon. Elijah avait pris la suite de la demoiselle dans la salle de bain alors que le professeur se changeait dans la chambre. Le sac qu'il avait sur l'épaule quand il était rentré contenait des habits.
— Je suis lessivé ! Je ne vais pas faire long feu, s'exclama Eli.
Il avait traversé le salon à pas de loup pour ne pas réveiller le petit alien empêtré dans les couvertures chaudes. Il avait fini son chemin en s'avachissant d'une manière fort disgracieuse sur son lit. Les draps sentaient un peu le monoï. Il soupira de bien être avant de se tortiller pour se frayer un chemin au chaud.
— Ça ne te dérange pas si je laisse allumé pour lire un peu ?
Le châtain grogna une réponse vague avant de venir se coller à son compagnon. Les yeux fermés, il profitait à fond du moment qu'on lui donnait. Peau contre peau, ils pouvaient presque sentir le sang battre les veines de l'autre. Archie passa machinalement ses doigts dans les cheveux offerts alors qu'il ouvrait un livre à une page marquée.
Elijah soupira de bien-être.
Il espérait que ce rêve dure touteune vie.
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Hey vous !
Voici un nouveau chapitre !
Des avis ? :)
Bisou sur votre joue gauche,
Rheexus
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