CHAPITRE 15

— J'ai mal au crâne.

— Il y a des médocs dans le tiroir de gauche si tu veux.

— Me voilà sauvé, railla le blond.

Les deux hommes s'échangèrent un sourire complice. Un peu plus loin, Noora essayait de noyer ses céréales en versant du lait dans son bol. Elle était d'une incroyable bonne humeur. La jeune fille avait les joues encore rougie de son réveil du matin. A peine debout, elle s'était rendue dans la chambre d'Elijah pour sauter sur le lit. Le châtain avait bien cru la pousser du lit pour qu'elle les laisse tranquille, mais il avait bien trop peur de lui faire mal.

— J'ai un autre remède si tu n'es pas content !

— Dis-m'en en plus ?

— Tu connais le bisou magique ?

— J'en ai entendu parler, mais est-ce que ça fait vraiment effet ?

Elijah se rapprocha furtivement du blond pour poser ses lèvres contre son front. Un air taquin courbait son visage. Il était très fier de sa bêtise. A la table, la gamine ne faisait pas du tout attention à eux, occupée à déchiffrer ce qu'il y avait derrière le paquet de céréales.

— J'ai un peu mal là aussi...

Archibald montrait du doigt sa bouche.

— Ha ouais ?

— Hum hum...

Le châtain soupira et lui offrit un doux baiser. Il se rendit compte avec amusement qu'il n'y avait plus de gêne entre eux. Il fallait dire qu'après une paire d'heure à parler et des baisers échangés pendant tout ce temps, il n'y avait plus besoin de s'inquiéter. Pendant ce temps, ils avaient rigolé, pleuré, un peu, et s'étaient confiés. Ils avaient appris les sentiments de l'autre pour mieux composer plus tard. Ils avaient parlé du travail aussi ; comment se comporter au lycée ? Elijah avait été beaucoup plus pudique que le blond, mais ils avaient choisi d'y aller au feeling. Leur relation n'était pas interdite, donc ils ne voyaient pas pourquoi s'en cacher.

— Eli ? intervint Noora.

— Oui crevette ? rétorqua l'intéressé.

— J'aime bien quand t'es heureux, confia-t-elle.

Le psychologue resta bouche-bée quelques secondes. Il ne savait pas comment prendre cette remarque. Voyant qu'elle n'aurait pas de réponse, la petite continua sur sa lancée, fière d'elle. Ses yeux avaient quitté le paquet jaune.

— Surtout quand c'est avec fader !

— Mais dis donc toi ! D'où tu sors ça ?

— Tes yeux, ils pétillent. J'aime bien quand y'a des étoiles dedans.

Le châtain ouvrit la bouche pour répondre, mais il ne sut que dire. La petite ne cessait de le surprendre jour après jour. Comment pouvait-elle avoir autant de maturité à six ans ? Il ne comprenait pas d'où venait ce sens de l'analyse.

— Mais que voilà, avons-nous une future poétesse ?

— Mais non fader ! Moi je veux soigner des animaux !

— Ho, tu as changé de projets ? Le mois dernier c'était boulangère.

— Oui mais si je fais de la nourriture, je vais tout manger !

Et elle partit dans un grand rire. Archibald était certain qu'elle disait vrai. La petite avait un appétit vorace lorsqu'elle s'y mettait. Les pâtisseries et les viennoiseries étaient son point faible, alors sa réflexion avait tout son sens.

— Quoi que tu fasses, tu réussiras, j'en suis sûr, intervint Elijah.

— C'est vrai ?

— Tu es intelligente et assez têtue pour avoir ce que tu veux. Et puis, si tu te trompes de chemin, ce n'est pas grave. Tu n'auras qu'à prendre une bifurcation pour atteindre tes rêves. Il n'y a pas d'échec, que des réussites.

— Ça veut dire quoi biffucartion ?

— Tu prends un autre chemin pour atteindre le même point.

— Mais ça va tout droit ? s'inquiéta la petite.

— Pas forcément non.

— C'est pas grave. Tant qu'on franchi l'arrivée, c'est l'essentiel.

Les deux hommes s'échangèrent un regard. Noora les avait encore une fois scotchés. Elle avait parfaitement compris ce qu'Elijah voulait dire. Elle touilla un peu ses céréales avant d'enfourner une grosse cuillère dans sa bouche.

— Je m'en souviendrai toute ma vie ! s'exclama-t-elle.

— Noora ! s'écrièrent Archie et Eli en même temps.

Elle avait postillonné un peu partout autour d'elle et du lait coulait le long de son menton pour finir sa course dans son pyjama. Heureusement qu'elle avait enlevé le sweat d'Elijah, pensa ce dernier. Il assista à une scène tout à fait inédite. Le blond enguirlandait sa fille qui riait aux éclats après avoir avalé sa nourriture. Elijah courra attraper du sopalin pour essayer la table et un peu la chaise.

— Tu es une catastrophe, soupira Elijah en s'asseyant enfin.

Ja ! répliqua la petite avant d'enfourner une nouvelle cuillère.

Les deux hommes la regardèrent, histoire qu'elle ne refasse pas la même bêtise, mais ils furent soulagés lorsqu'elle avala tranquillement, comme si de rien n'était. Archibald se servit des tartines de pain grillé alors qu'Elijah se contenta d'un simple chocolat chaud. Le matin, il n'avait pas très faim. Il n'était un gros mangeur que le midi, lorsque son ventre gargouillait.

— Que voulez-vous faire aujourd'hui ? demanda soudainement Elijah.

— Heu... Passer à la maison pour nous changer déjà ? argua le blond.

— Vous êtes mignons comme ça, non ?

— Des vêtements à ma taille sont mieux, quand même.

— Je vous propose un aprèm cocooning ?

— Avec des plaids et des popcorns ? intervint la demoiselle.

— Oui, si tu veux, renchérit le châtain.

— Ho ! Yes ! Yes ! Please fader, dis oui !

Archibald n'eut pas le choix. Il donna son accord et la petite cria de joie. Devant le regard suppliant du duo, il ne pouvait rien faire pour défendre ses positions. Une trentaine de minutes plus tard, la fille et le père étaient déjà sur le pas de la porte pour rallier chez eux. La châtaine sautait presque sur place. Elijah avait passé quelques vêtements supplémentaires pour aller faire deux courses. Il avait besoin de sucreries pour cette journée glandage. Etrangement, rien faire était un programme alléchant.

***

— Et là, le méchant il fait bam, pif paf, et boom !

C'était assez amusant de voir Noora essayer d'imiter les bruitages de la série animé qu'ils étaient en train de regarder. De toute évidence, la demoiselle l'avait déjà vue. Les Lolirock faisaient quelques tours de magie à la télévision. Talia, si c'était bien son prénom, apprenait à la princesse rose comment faire une attaque.

— Tu ne t'ennuies pas ? demanda Archibald.

— Bien sûr que non... soupira Elijah.

La main du blond parcourait doucement ses cheveux ondulés. Blotti contre lui, ils pouvaient regarder n'importe quoi que cela lui était égal. Cela faisait des mois qu'il attendait de pouvoir le serrer dans ses bras à sa guise, alors il ne se priait pas pour le faire. Sa main traînait tranquillement sur les flancs du plus jeune.

— Et puis, je voudrais savoir comment Mephisto et Praxina vont les battre.

— Ils ne pourront jamais, les princesses sont les gentilles.

— Je pense qu'on devrait laisser les méchants gagner, parfois.

— Tous les enfants doivent savoir que le bien triomphe toujours du mal.

Elijah soupira, faisant lever les poils de la nuque d'Archibald. Il était bien trop près pour son propre bien. Pourtant, la chaleur qui se dégageait du corps du psychologue était enivrante. Le poids de son dos contre con abdomen était tout simplement délicieux. Archibald avait envie de passer ses bras autour de lui pour le serrer encore plus fort, mais il s'abstint.

C'était agréable. C'était étrange. C'était nouveau.

Cela paraissait tellement naturel entre eux qu'il se demandait pourquoi il avait mis autant de temps à ouvrir les yeux sur leur relation. Cela crevait les yeux de tout le monde, pourtant. Pourquoi avait-il fait l'autruche ? Avait-il eu peur de souffrir ? Pourtant, en voyant ces yeux clairs braqués sur l'écran avec concentration, il était certain qu'il ne lui ferait jamais de mal, n'est-ce pas ?

— Je suis certain que je vais prendre feu, annonça Elijah.

— Quoi, pourquoi ? s'étonna le blond en penchant la tête sur le côté.

— Tu me fixes tellement intensément que je vais m'embraser.

— Arrêtes de dire des bêtises.

Un sourire malicieux orna les lèvres d'Elijah. Il allait se bloquer les zygomatiques s'il souriait aussi souvent en une journée. Il taquina le blond en lui pinçant gentiment la joue entre deux doigts. Ils étaient deux enfants.

— Alors, cesse de me regarder ainsi.

— Est-ce que ça te dérange vraiment ?

— Non, mais ce serait dommage que tu te lasses aussi vite de moi.

Un rire. Un baiser sur une joue.

Décidément, le bonheur les rendait niais. Mais était-ce vraiment gênant ? Les trois princesses se retrouvaient une nouvelle fois contre les jumeaux maléfiques. Cette fois-ci, leur plan tenait à peu près la route, mais il avait capoté en beauté à cause de Mephisto. Comme toujours, disait sa sœur. Au pied du canapé, Noora était pendue à leurs lèvres, elle fourrageait sa main dans le saladier de popcorn en poussant des petites exclamations lorsque Talia faisait de la magie. C'était son personnage préféré, à n'en pas douter.

Soudain, le téléphone d'Elijah reprit vie.

Sa grande sœur.

Il déclina l'appel sans aucun remort lorsqu'elle tenta de le recontacter.

— Tu ne réponds pas ? s'inquiéta Archibald.

— Non. Si c'est vraiment important, elle laissera un message.

— Mais c'est peut-être grave !

— Tu sais, moins je lui parle, mieux je me porte.

— Oui, je sais, mais...

Le châtain se hissa pour le faire taire d'un baiser. Il en ajouta un sur le tranchant de sa mâchoire et se repositionna comme si de rien n'était. Chamboulé, le blond ne savait plus de quoi ils parlaient. Il espérait simplement que le psychologue n'allait pas trop souvent utiliser ce détournement d'attention pour lui faire oublier des choses.

— Tu es un diablotin, murmura le professeur à son oreille.

— Fais attention à toi, tu ne sais pas encore de quoi je suis capable...

Son regard clair lui promettait mille et une choses. Archie avala presque de travers sa salive. Est-ce qu'ils parlaient de la même chose ? Non, est-ce qu'il avait bien compris le sens de la phrase de son compagnon ? En voyant le sourire mi-victorieux, mi-salace d'Elijah, il sût qu'il avait bien interprété les signaux.

— Arrête... ça ne fait même pas vingt-quatre heures qu'on est ensemble.

— Je plaisante ! Je sais que ce n'est pas facile pour toi.

Un petit surnom affectueux était sur le bout de sa langue, mais il préféra le taire. Il ne voulait pas affoler le blond. Cela pourrait être dommage qu'il prenne la poudre d'escampette alors que tout allait si bien.

— Et puis, Noora est juste à côté, je ne me le permettrais pas.

— Merci.

— Pour ?

— Me comprendre.

Un baiser dans les cheveux châtain pour appuyer les mots prononcés. La main d'Elijah serra un peu plus cette d'Archie sous les couvertures. Les chaussettes pilou-pilou qu'il portait dépassait un peu, sur le bout. Il allait devoir racheter une couverture plus grande, pour qu'ils tiennent tous les deux dessous. Enfin non, tous les trois même, si la demoiselle le demandait.

Le plus vieux rougit furieusement avec de telles pensées. Mais pourquoi songeait-il à cela ? Il enfonça un peu plus son visage contre le torse du blond. Il ne pouvait pas lui montrer la couleur de ses joues. D'ordinaire, il ne se laissait pas aller à cette fantaisie, mais là, tout de suite, il n'avait pas envie de faire semblant.

Il voulait se livrer sans masque, sans retenue.

— On peut regarder un autre épisode ? demanda Noora.

— Ouais, bien sûr, attends...

Elijah chercha la télécommande dans les plis des coussins et appuya sur le petit bouton pour continuer la lecture. Le générique s'enclencha sur la petite chanson des princesses. Il commençait à la connaitre par cœur.

« On a un secret ! Trois Lolirockstrar ! Trois princesses magiques ! Des filles de choc, héroïnes magiques au top, princesses de musique pop... » Elijah avait soudainement envie de se boucher les oreilles. Il couina et resserra un peu plus sa prise sur le blond qui ricanait doucement à sa douleur.

— Pourquoi je dois supporter ça déjà ?

— Parce que tu ne peux rien refuser à Noora ?

— Cet argument tient la route, oui...

Mais c'était l'horreur lorsque la petite se mettait à chanter avec trois filles. Comme à cet instant précis. Bon sang, devait-il vraiment endurer tout cela ? Mais entendre Archibald rire de son malheur n'était pas la pire chose de tous les temps. Au contraire, il adorait ce son. Peut-être qu'il pourrait faire un effort...

— Tu ne m'en veux pas si j'essaye de dormir un peu ?

— Vas-y, on en a pour quelques heures encore.

— Quel diable a inventé les dessins animés ?

Sur cette question, il se réajusta un peu dans une meilleure position et posa la tête sur le torse du blond. Il ferma les yeux. Doucement, la chaleur, la musique et les battements de cœur d'Archibald le bercèrent jusque dans le sommeil.

Il n'y avait pas à dire, c'était parfait.

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Hey vous !

Voici un nouveau chapitre !

Des avis ? :)

Bisou sur votre joue gauche,

Rheexus

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