CHAPITRE 12

Est-ce qu'on pouvait appeler cela le cycle éternel de la vie ?

Archibald se retrouvait encore une fois devant ses élèves. Un vendredi, à huit heures était crevant pour tout le monde. Deux élèves au fond de la classe dormaient presque sur leurs tables alors qu'une autre tapotait discrètement sur son téléphone portable. Assez discrètement pour qu'il la voit faire depuis dix minutes.

— Donc, vous allez tous vous lever et nous allons faire un petit exercice.

— Là, maintenant ? demanda un étudiant au milieu d'une rangée.

— Oui, maintenant ! Allez, ça va vous réveiller.

Les élèves de seconde obtempérèrent immédiatement. Certains sacs n'étaient même pas encore ouverts, mais Archibald ne voulait pas les perdre à dix minutes du début du cours. Le professeur avait choisi de bousculer son emploi du temps pour intéresser les jeunes devant lui.

Okay... J'ai l'attention de tout le monde ? Maxime, arrête de bavarder s'il te plaît. Bien. Nous allons faire un exercice tout simple. L'anglais est une langue universelle et justement, nous devons communiquer avec. Je vais vous désigner au hasard, et vous allez devoir présenter un de vos camarades sans dire son prénom. Les autres vont devoir deviner. Cela vous convient-il ?

— Hé m'sieur ?

Ja ? Hum... oui ?

Lorsqu'il parlait anglais, des mots norvégiens se glissaient souvent dans ses phrases. Tous les élèves qu'il avait étaient habitués, si bien que parfois, ils leur demandaient de faire quelques phrases en cette langue étrangère.

— Pourquoi on est debout ?

— C'était juste pour vous réveiller. Et pour que Constance lâche son téléphone.

La demoiselle rougit furieusement avant de faire un mouvement de la main. Le blond avait deviné qu'elle y lisait quelque chose, car son visage était tourné vers la table alors qu'il aurait dû être dans sa direction. Il les invita à se rasseoir, et l'exercice démarra sur la base de volontariat.

— Monsieur, en fait, votre exercice est un « Qui est-ce ? » géant non ?

— Exactement. Mais au moins, vous pouvez regrouper un vocabulaire simple pour décrire des personnes, des situations, des goûts. C'est un bon exercice. Et pour ceux qui ne sont pas à l'aise à l'oral, ils peuvent faire des phrases simples.

— C'est vrai ! intervint une fille.

Elle se tourna vers son amie pour lui expliquer quelque chose. D'où il était, Archibald ne pouvait pas comprendre ses paroles. Il réorienta l'attention des élèves sur l'exercice et ils se prêtèrent tous au jeu. A certaines descriptions, la classe entière éclata de rire. Les jeunes s'envoyaient des piques gentilles lorsque leur ami disait un peu n'importe quoi sur eux. Le blond aimait cette ambiance légère qui régnait. Au moins, elle lui permettait de s'égarer de ses pensées noires qu'il avait depuis une semaine. L'exercice prit fin au bout de vingt minutes, et ils enchaînèrent sur le cours.

— Bon, d'après vos recherches, qui peut me dire ce qu'il sait sur le Mount Rushmore ? demanda-t-il avant qu'une main timide se lève. Martin, nous t'écoutons, vas-y. En anglais, si possible.

Assis sur une table libre du premier rang, Archibald écoutait l'élève se dépatouiller avec ses notes et ses phrases bancales. Il ne faisait pas partie de la tête de classe, mais il était si persévérant et enjoué que ces deux qualités effaçaient tout. Sauf le dernier quatre sur vingt qu'il avait pris. Il avait tiré une tête de trente-six pieds de longs, mais avait redoublé d'efforts pour la suite.

— C'est un très bon début, merci. Je vais noter tout ça au tableau.

La craie entre les doigts, les courbes arrondies se dessinaient sur l'ardoise. Il aimait cette sensation, lorsque la surface devenait colorée et instructive. Généralement, ses jeans en pâtissaient lorsqu'il s'essayait les mains dedans. Après une demain à la direction, on lui avait mis à disposition un gros rouleau d'essuie-tout. C'était le problème d'enseigner dans un vieux lycée.

Dans son élément, il se sentait bien.

***

— Je t'explique même pas la peur que j'ai eu. J'ai cru qu'elle avait disparu !

— J'imagine bien. Ton voisin l'aurait retrouvé sur son lit.

En face de lui, Lison lui expliquait comment sa chatte avait réussi à s'échapper de l'appartement. Finalement, après une heure de recherches intensives, elle l'avait retrouvée au fin fond d'un trou derrière l'évier. Elle avait dû appel à un voisin qu'elle connaissait bien pour démonter le meuble et sortir l'animal.

— Hé, tu m'écoutes ? demanda-t-elle finalement.

— Oui oui...

Non. Clairement pas.

Les yeux bicolor passaient la pièce au peigne fin pour trouver l'objet de ses pensées. Elijah avait encore fait l'impasse sur la cantine et la boisson chaude après le repas. La cafetière de la salle des profs tournait à plein régime, alors que la bouilloire était encore en train de chauffer sur son socle.

— Du coup tu ne m'as pas répondu la dernière fois.

— A quoi ? s'intéressa finalement Archibald.

— A l'aprèm patinoire.

— Ha ! Heu... j'en ai pas parlé à Noora en fait, désolé, j'ai oublié.

La jeune femme parut vexée une demi-seconde mais lui offrit un sourire. Il fallait dire que le blond n'avait pas du tout pensé à cela durant toute la semaine. De plus, ils s'étaient envoyés d'autres messages, donc il s'était perdu dans le fil de leur conversation. En vérité, il avait pensé à Elijah. C'était assez étrange de le dire ainsi, mais il voulait savoir pouvoir le châtain l'évitait. Il lui avait envoyé de nombreux messages, mais les réponses étaient toujours courtes, la discussion difficile.

— Ne t'en fais pas, c'était un peu une idée en l'air, faut dire.

— Non ! Pas du tout ! Mais j'ai plein de choses à faire en ce moment.

Faux. C'était entièrement faux.

Pourtant, en le disant, il se sentait soulagé. Comme si un poids s'était enlevé de son estomac. Bon sang, ses émotions étaient dans une continuelle contradiction et il avait horreur de cela. Un jour, son cœur s'emballait lorsque Lison lui envoyait un simple message, alors qu'un autre jour, cela l'embêtait plus qu'autre chose.

A leurs côtés, leurs collègues s'agitaient un peu. Mme Lefebre venait de faire une blague de professeur de français. Ses homologues ricanèrent un peu face au jeu de mot capillotracté. Lison se joignit au mouvement. Lorsqu'elle riait, ses yeux pétillaient de malice. Archibald trouva cela joli, mais sans plus. Que lui arrivait-il ?

— Et puis, BOOM ! C'était à mourir de rire !

La porte de la salle venait de s'ouvrir. La rumeur du hall entrait doucement dans la pièce avant que le battant ne se refermer sur les deux nouveaux venus. Orianne et Elijah. Le blond baissa les yeux lorsqu'ils passèrent à côté de lui. La jeune femme lui adressa un gentil salut de la main alors que le châtain lui envoya un simple regard avant de lever les yeux au ciel lorsqu'il passa sur Lison. Les deux compères se posèrent sur les fauteuils près de l'électroménager.

Archibald se fit la remarque qu'Elijah était séduisant dans ce col roulé.

— Et toi Archie, tu as des plans pour ce week-end ?

Le blond tourna son attention vers son collègue de maths.

— Pas vraiment, je vais rester tranquille avec Noora. C'est la course en ce moment.

— Ha bon ? L'école se passe mal ?

C'était forcément une inquiétude de professeur.

— Ho, non ! Elle est intégrée à sa classe et la maîtresse veut la tirer vers le haut, justement. Mais elle a six ans, donc elle essaye de tester les limites que j'ai imposé. C'est un peu compliqué, mais elle va se calmer. Enfin, je l'espère.

— Je comprends tout à fait, ria doucement l'homme. Mon fils est dans sa période rebelle aussi. Il a huit ans. Je crois que ses camarades l'influencent dans le mauvais sens du terme. Dès que je le lui dis, il se braque. Ma femme en a marre.

— J'espère qu'elle ne fera pas trop de crise d'adolescence...

Les deux pères échangèrent un regard qui en disait long. Ils se voyaient déjà en train de punir leurs enfants de sorties car ils n'avaient pas eu un comportement décent avec eux. Toute personne normalement constituée était plus ou moins passée par ce stade. Celui où tout les saoulait et où ils voulaient crier à la terre entière que personne ne les comprenait.

Ses yeux dévièrent un instant sur les deux nouveaux venus qui échangeaient.

Elijah était en train de touiller son thé. Fruits rouges, comme d'habitude.

Putain, pourquoi il ne venait pas vers lui ?

Une main se posa sur son avant-bras, le sortant de son observation.

— Je t'ai ramené le livre, mais il est resté dans ma salle de cours. Désolée.

Le livre ? Quel livre ? Archibald fronça les sourcils.

Harry Potter en anglais, se permis de préciser Lison.

— Ha ! Oui, oui, merci beaucoup, mais tu avais le temps !

— Je n'aime pas faire traîner les choses.

Pourtant, lui, il ne faisait que cela. Il vit presque le reproche dans les yeux de la jeune femme. Son regard s'était un peu assombri, comme si elle lui ordonnait de passer à l'action. Soudain, Archibald se sentit affreusement mal. Il détestait qu'on lui fasse ainsi comprendre les choses. Il se sentait acculé et cela lui fit peur. Lison dû le comprendre lorsqu'elle l'interrogea.

— Ça va ? T'es tout pâle.

— Je dois aller aux toilettes, excuse-moi.

Le blond ne perdit pas de temps pour se lever. La porte de la salle claque sur son passage, mais il s'en ficha. Les toilettes pour les enseignants étaient au bout du couloir. Certains élèves le saluaient sur son passage. Il déverrouilla la porte des toilettes et s'y engouffra immédiatement. Seul, dans un endroit calme, il se sentait mieux.

La situation lui sauta aux yeux ; il n'était pas prêt.

Du moins, pas avec la jeune femme.

Comme il le pensait, il s'était précipité. Bon sang, c'était une erreur de débutant. Il s'était laissé aller au réconfort, mais se cassait les dents à la conclusion. Pourquoi il ne pouvait pas être comme tout le monde et arrêter de se poser toutes ces questions ? Archibald en avait assez de lui-même. Pourtant, il souffla un bon coup. Il inspira une grande goulée d'air pour se donner un courage. Le robinet s'ouvrit lorsqu'il passa les mains dessous. Un peu de fraîcheur ne lui ferait pas de mal. En sentant le liquide froid sur son visage, il eu un frisson de la tête aux pieds.

— Allez, tu peux le faire. Relève la tête, tout ira bien !

L'auto-persuasion marchait une fois sur deux avec lui. Cette fois-ci, ce devait faire l'affaire, sinon c'était fichu. Avec de nouvelles résolutions, il sortit des toilettes un peu précipitamment et se cogna à quelqu'un qui passait par là. Heureusement qu'il ne lui avait pas mis la porte dans le nez.

— Excuse-moi, je n'ai pas fait attention !

— J'ai vu ça oui. Bon courage pour cette aprèm.

Archibald baissa les deux lorsque la silhouette d'Elijah s'éloigna vers son bureau. Mais qu'il était bête. Il aurait pu lui parler, le retenir, mais il n'avait pas eu le temps de dire quoi que ce soit. Bon, ce serait pour une prochaine fois. Il avait vraiment envie de savoir la raison de son éloignement, et il était assez têtu pour l'obtenir.

La sonnerie qui indiquait le premier cours de l'après-midi sonna. Il passa en coup de vent dans la salle qu'il avait quitté, sous le regard curieux et inquiet de Lison, pour prendre ses affaires. Les terminales avaient un contrôle de deux heures, alors s'il oubliait les copies, cela aurait été une joie de courte durée jusqu'à ce qu'il aille les chercher. Son sac à l'épaule et le paquet de feuilles dans la main, il salua ses collègues qui lui souhaitèrent bonne chance. Cela n'était pas bien compliqué. Pour les deux dernières heures de sa journée, il allait pouvoir envoyer des mails et organiser les cours de la semaine prochaine.

Hello ! dirent joyeusement des élèves en le voyant arriver.

Hello ! Vous êtes de bonne humeur aujourd'hui, remarqua-t-il.

— C'est parce qu'on a bien réviser !

— On va voir ça tout de suite alors. Entrez, un par table.

Des étudiants grimacèrent alors que d'autres serraient compulsivement des fiches de révisions. Archibald souriait à cette vision. Pour la première fois de l'année, il avait corsé le devoir, en préparation pour le BAC à la fin de l'année.

Un jeune homme passa la porte juste avant qu'il ne la ferme. Dans la classe, les tables avaient été bougées de sorte qu'il y ai un écart d'au moins un mètre entre deux. Le professeur passa dans les rangs pour distribuer les petits dossiers de feuilles alors qu'il demandait le silence. Les trousses s'ouvrirent. Les noms s'inscrivirent sur l'en-tête et la valse des réflexions commença.

— Vous avez deux heures. Le contrôle se termine à quinze heures quarante-cinq pile, annonça-t-il en l'inscrivant sur le tableau. Bon courage et bonne composition.

— Merci, baragouinèrent quelques adolescents.

Le silence de mort qui lui réponditétait agréable. Les élèves commençaient déjà à prendre en main le sujet quiallait tourmenter les deux prochaines heures. Archibald regarda un instant lesvisages plongés vers les feuilles avant de s'asseoir à son bureau. Il branchason ordinateur portable et cliquait rapidement sur la souris. C'était le seulbruit qu'on entendait avec la pointe des stylos sur les copies.

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Hey vous !

Voici un nouveau chapitre !

Des avis ? :)

Bisou sur votre joue gauche,

Rheexus

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