Lui malgré tout
PDV Nini
Assise au bord du lit, mes doigts ne cessent de tapoter frénétiquement sur le bois dur. J'ai les yeux fermés, le souffle court et le cœur lourd. Je viens de recevoir par mail l'admission pour intégrer la fac de lettres de l'université de Lille. Je devrais être contente. Alors pourquoi ne le suis-je pas ?
Je suis seule dans cette chambre qui depuis le départ de Chantal me paraît froide et lugubre. Je n'ai pas les larmes aux yeux, j'ai encore moins le sourire aux lèvres. Serais-je ingrate ? N'importe qui serait reconnaissant d'avoir une telle opportunité, non ?
Je prends mon téléphone et annonce la nouvelle à mon père par un message WhatsApp. Deux minutes plus tard, le cellulaire vibre dans mes mains. Je m'attends à voir une réponse de mon géniteur me félicitant, mais lorsque l'écran s'allume, je tombe littéralement à la renverse. Mon dos heurte violemment le matelas dur et je retiens un cri de joie en plaquant une main contre ma bouche. Je serre mon téléphone contre ma poitrine aussi fort que s'il avait été une personne en chair et en os : aussi fort que s'il avait été Mathias lui-même.
« On se voit ? » élu meilleur message de tous les temps. Je souris tellement fort que mes joues semblent en suspension dans l'air. Je le laisse longtemps sans réponse. Non pas que j'hésite, LOL, la réponse à ce message existe dans ma tête bien longtemps avant que Mathias ne songe même à me l'envoyer. Seulement, je tiens à le laisser languir un peu. Je ne vais tout de même pas me précipiter à accepter comme une désespérée — même si c'est bien ce que je suis, au final.
J'envoie un « Ok, chez toi à 16h » à la place de « Pendant des semaines je n'ai attendu que ça ! Tu m'as tellement manqué ! J'ai hâte de te revoir enfin et de te serrer dans mes bras ce soir. Je t'aime. »
Parce que oui, je crois bien que je l'aime. Bien qu'il se tape d'autres filles ? Oui. Et qu'il m'ait ignoré pendant des semaines ? Tout à fait. Même en sachant que c'est probablement juste pour baiser qu'il m'a recontactée ? Peu importe. Je l'aime ! Mais qu'il ne le sache jamais.
À la suite de mon exaltation, je remonte une énièmes fois dans nos conversations vielles de plus d'un an et comme d'habitude, j'épuise quasiment deux heures à les relire. C'est presque effrayant, la façon dont je me surprends souvent à sourire intensément devant ces messages qui témoignent plus ou moins de l'affection qu'on se portait l'un pour l'autre au départ... Ma naïveté me pousserait même à croire qu'il est tombé amoureux de moi, à un moment donné — ce qui, je le sais, est loin d'être réel. Dommage que l'on ne puisse pas en dire autant de moi. Moi, je suis bel et bien tombée, et ce, de la pire des manières.
Et j'aimerais croire que j'habite ses pensées autant qu'il hante les miennes, que c'est mon prénom qu'il a au bout des lèvres en écoutant une chanson d'amour. Je souhaite que jamais il ne croit que c'est fini, tant que je respire.
L'après-midi venue, je m'arme du matériel nécessaire pour polir mon corps et je vais m'enfermer dans les toilettes pour plus d'une heure. Crème dépilatoire, rasoir, citron pour les aisselles, gel intime, gants gommants... bref, la totale.
Je dois être honnête : être restée tout ce temps sans avoir de rapports sexuels ne m'a pas non plus aidée à moins ressentir la déprime, bien au contraire. Alors je compte bien faire un rattrapage.
Avec Jean-David ? Non, on ne l'a pas fait. Chaque fois qu'on sortait je m'arrangeais à ce qu'on n'ait pas assez de temps pour une suite érotique, et toutes les fois où je suis allée chez lui — trois fois en tout —, je ne l'ai jamais laissé aller jusqu'au bout. Je prétendais ne pas me sentir prête. Ce n'était peut-être pas un mensonge, après tout. Je ne me sentais réellement pas prête à coucher avec lui, pour la simple et bonne raison que j'avais encore et toujours Mathias en tête. Si bien que je n'arrivais pas à m'enflammer lorsque JD me touchait ; j'étais obligée de faire semblant pour ne pas le blesser. Je lui faisais croire que j'en avais envie mais que j'avais peur de passer à l'acte proprement dit, alors il s'était engagé à attendre, persuadé que ce n'était qu'une question de temps.
Évidemment, mon pauvre ex petit ami avait totalement tort. Loin d'être une question de temps, c'était surtout une question de partenaire ; car si avec lui je ne me sentais pas apte à franchir le pas, le simple fait de penser à Mathias déclenchait en moi tous mes désirs les plus primitifs. Je ne compte plus le nombre de fois où ma petite fleur s'est retrouvée complètement trempée rien qu'en imaginant Mathias m'embrasser dans le cou. Et inutile de préciser que la pression était bien trop haute pour que je puisse résister à la tentation de glisser une main entre mes jambes.
Bref, il est enfin temps de mettre fin à cette période frustrante de solitude.
— Nini ! hurle Rose depuis le couloir, ton téléphone ! C'est ton père !
— Je suis sous la douche ! Tu peux répondre et lui dire que je rappellerai, s'il te plaît ?
— OK !
Quelques minutes plus tard, la porte de la salle de bains s'ouvre brusquement en me faisant sursauter.
— T'ES MALADE ? J'ai failli me couper.
— Qu'est-ce que tu fais ? demande ma cousine d'une voix lente et soupçonneuse, me regardant raser ma jambe à travers les parois transparentes de la cabine de douche.
— Ça ne se voit pas ?
— Justement. Hum... Tu vas fom, hein ?
— N'importe quoi, dis-je en gloussant.
— Mouf, dis la vérité. Avec Jean-David ?
— Non ! On n'est plus ensemble, tu as oublié ?
Elle reste silencieuse un moment, ne semblant pas le moins du monde vouloir détourner son regard de mon corps nu.
— Aaah... Tu t'es remise avec Mathias, c'est ça ?
Je me pince les lèvres, retenant un rire de joie.
— Eh, ma petite sœur ! Après avoir crié sur tous les toits qu'il t'a manqué de respect et que tu ne voulais plus le revoir ?
Je ne rétorque rien. Flemme de me justifier, même si je sais qu'au fond elle ne veut pas vraiment me mettre mal à l'aise car elle plaisante.
— Je le savais ! renchérit-elle, depuis le début on t'a dit que tu aimais ce gars mais tu mentais en voulant jouer la bad bitch. Aujourd'hui ose encore me mentir.
— Dégage.
J'ouvre la cabine et braque le jet d'eau vers elle. Elle pousse un cri aigu comme si elle allait fondre avant de déclarer en ressortant :
— Petite wolowoss !
Et la pétasse laisse la porte ouverte. Heureusement qu'on ne partage pas la même salle de bains que les parents et que son père est au travail à l'heure qu'il est. Tante Pauline quant à elle, est trop occupée par Facebook et ses histoires tordues auxquelles elle croit toutes pour daigner un tant soit peu s'intéresser à ce qui se passe en dehors de sa chambre, en ce moment.
Je choisis une petite robe noire et blanche aux motifs fleuris. Elle fait simple et féminine. Je porte des sandales noires qui semblent aller avec. Puis je mets du déodorant, j'ajoute mon parfum qui « le rend fou » et je n'oublie pas l'indispensable : le brillant à lèvres.
Je me sens toute fraîche et l'idée de monter dans une voiture où je me frotterais à d'autres personnes en cette chaude soirée ne me plaît pas du tout, alors je commande un taxi en ligne et me rends chez Mathias.
En arrivant au pied de l'immeuble, c'est à peine si je me retiens de sauter au cou du gardien pour lui dire combien je suis heureuse de le revoir. Le grand monsieur vêtu d'une combinaison jaune m'adresse un hochement de tête en souriant comme s'il était lui-même ravi de voir à nouveau ma tête. J'imagine qu'il se dit intérieurement : « Elle au moins quand elle vient, elle me salue. »
Je monte, mon pouls commence à s'accélérer, et lorsque je frappe à la porte N°49, j'ai l'impression que c'est ma poitrine qui reçoit ces coups.
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