chapter #05 « no one is alone »

Ses iris brunes se heurtèrent au regard colérique qu'elle lui lançait ; sûrement qu'il aurait dû prendre ses jambes à son cou, il y a déjà bien des décennies. Un soupir s'échappa de ses lèvres et il se glissa dans ses chaussures, déposant un chaste baiser sur sa joue ; il ébouriffa les mèches blondes de l'adolescent et leva son pouce en l'air, un moyen de lui hurler discrètement « bon courage avec ta mère, mon garçon ». La légère brise qui flottait sur le village caché de la Feuille lui vola un frisson et il fourra ses mains dans ses poches, étouffant un bâillement entre ses lèvres ; le crépuscule dévorait doucement le ciel, une vue plutôt jolie.

« yo Shikamaru » entendit-il

Un petit sourire gêné sur les lèvres, le grand brun se tenait devant lui, un sac plastique dans la main ; le Nara le salua à son tour et glissa un tube de nicotine entre ses dents, l'allumant d'un geste expert. Les deux hommes n'étaient pas vraiment très proches mais ils s'appréciaient.

« je te préviens, ta femme est d'une humeur massacrante ce soir » souffla le brun, en tirant une taffe
« je sais, elle vient de me mettre à la porte ; je n'ai pas le droit de revenir tant que je ne t'aurais pas donné ça »

Les sourcils froncés, il accepta le sac qu'il lui tendait.

« qu'est ce que c'est, Saï ? » demanda-t-il
« ouvres, tu verras » lâcha le brun, un sourire sur les lèvres

Sans un mot de plus, le stratège s'empressa de plonger sa main dans le sac, en tirant plusieurs paquets de cigarettes qu'il ne connaissait pas du tout ; il posa un regard surpris sur son ami.

« je ressentais le besoin de te remercier pour ce que tu fais, chaque fois que je pars en mission, tu prends soin d'Ino et de notre fils ; c'est grâce à toi si je pars le cœur léger » souffla Saï, les mains dans les poches « je ne savais pas vraiment ce que je pourrais t'offrir alors forcément, elle m'a mis la puce à l'oreille, ce sont des cigarettes parfumés de Kumo, en tout cas merci »

Un sourire se glissa sur les lèvres du Nara et il acquiesça aux mots de l'homme ; ce garçon en avait fait un sacré bout de chemin, il se souvenait parfaitement de cet adolescent qui ne s'attirait que des ennuis à cause de son manque de savoir-faire avec les mots, les émotions et les personnes. Ils s'étaient plutôt bien trouvés avec la douce Yamanaka, au final.

« tu n'aurais pas dû, ça me fait plaisir de prendre soin d'eux, merci à toi Saï » souffla le grand brun
« et d'ailleurs, si un de ces jours, tu ressens le besoin d'une discussion entre hommes, je suis là »
« je retiens, t'en fais pas »

L'artiste lui accorda un dernier sourire et s'échappa au détour d'une rue, laissant le brun seul ; son regard s'accrocha une seconde au sac dans sa main et il esquissa un sourire, tournant les talons. Les rues étaient vides — le temps se rafraîchissait un peu trop sur le village et les gens se cachaient sous leurs couettes de plus en plus tôt. Le bruit de ses pas se mêlait au son de sa respiration et les souvenirs de la fête d'anniversaire de son fils lui revinrent en mémoire ; ce sourire qui traînait sur les lèvres de son ex épouse alors qu'elle posait ses lèvres sur celles de cet homme. Un frisson le prit et un grognement s'échappa de ses lèvres ; pensait-il qu'elle resterait seule jusqu'à la fin ? Tout ça, parce que lui ne parvenait pas à flirter avec d'autres femmes. Il avait vraiment besoin d'un verre.

Son regard brun s'attarda sur une maison ; la lumière allumée prouvait l'éveil des habitants et il s'avança prudemment dans l'allée. Son poing s'écrasa deux fois sur le bois et il attendit patiemment qu'elle vienne lui ouvrir ; c'était un petit rituel entre eux, depuis quelques mois, ils se retrouvaient dans un bar, discutaient et se soutenaient. Elle ne jugeait pas cette faiblesse dont il faisait preuve lorsque ça touchait Temari.

Le bois céda sa place à une silhouette masculine et ses sourcils se froncèrent légèrement lorsqu'il croisa le regard de l'Uchiha, visiblement très peu ravi de le voir à sa porte ; un soupir las s'échappa de ses lèvres.

« bonsoir, est-ce que Sakura est là? » demanda-t-il, simplement
« hm » souffla son interlocuteur « Sakura, dépêche toi, c'est pour toi »

La voix du brun se répercuta contre les murs et à peine eût-il prononcé ces mots qu'il s'échappait au détour d'un couloir ; une tignasse rose, à bout de souffle, apparut dans l'embrasure de la porte et elle lui accorda un petit sourire gêné.

« je passais par là et je me disais qu'il me fallait absolument un verre, j'imagine que ce n'est pas le moment ? » expliqua le Nara, calmement
« désolé Shikamaru, là tout de suite, je ne peux pas, c'est un peu compliqué » souffla-t-elle
« tout va bien, dis moi? je ne savais pas qu'il était dans le coin »
« oui, t'en fais pas ; on se voit plus tard, okay ? »

Il acquiesça simplement, une lueur inquiète dans les prunelles et lui fit un rapide signe de main avant de disparaître au coin d'une rue ; il avait remarqué que lorsque Sasuke était dans les parages, elle n'était pas vraiment dans son assiette. Quelque chose d'étrange, étant donné leur mariage.
Shikamaru étouffa un bâillement dans sa main et s'empressa de prendre le chemin de sa demeure ; ce qu'il aimait par dessus tout dans cet endroit, c'était qu'elle était assez éloignée du reste du village pour qu'il soit tranquille. Une forêt dense, interdite aux visiteurs, entourait le domaine ; et un tas de cerfs se promenait dans ces bois. Il se rappelait très bien qu'enfant, il s'amusait à se cacher là-bas et que son père passait des heures, des journées parfois, à le chercher. Cette pensée lui arracha un sourire triste et il passa le cap de la porte, la refermant sans douceur ; fut un temps où une odeur exotique flottait dans l'air, là, ça sentait le tabac froid.

Il déposa le sac sur la table de la cuisine, récupérant un paquet de cigarette au hasard et une bouteille de saké dans un placard ; ce silence insoutenable qui vibrait entre les murs lui faisait mal. Quel homme pathétique. Le brun accrocha sa veste dans l'entrée et s'empressa de se glisser sur le perron, là où son regard pourrait se perdre dans l'immensité du ciel et entre les arbres de la forêt. Ce spectacle lui plaisait.

Le liquide amer entre ces lèvres lui fit un peu de bien ; il se souvenait de son père qui buvait constamment un verre de saké au dîner et qui tentait maladroitement de vanter ses mérites à son fils. L'alcool ne lui avait jamais réellement plu, puis un jour il avait perdu son père, à l'aube de ces dix huit ans et ce liquide avait été d'un certain réconfort.

Un bruit de pas résonna dans son dos et il ne dit rien ; parce que cette odeur de cerise, il la connaissait. Elle prit place au bord du perron, les jambes se balançant un peu dans le vide ; elle semblait profiter du silence. Puis, porta le verre du brun à ses lèvres.

« je pensais que ce n'était pas le moment » souffla-t-il, étouffant un bâillement dans sa main
« c'est compliqué » lâcha-t-elle
« tu t'es enfuit ? parce que je te préviens de suite que si il se ramène ici, je suis apte à te défendre mais tu sais aussi bien que moi que la facture de l'hôpital sera élevée, Sakura »

Un rire s'échappa des lèvres de la rose et elle lui donna un petit coup de poing dans l'épaule ; il était le premier gars qu'elle connaissait qui ne se vantait pas constamment de son héritage ou de sa force. Elle passa ses doigts dans ses mèches roses, un soupir s'échappant de ses lèvres.

« je pense qu'il n'a pas apprécié que je lui dise que c'était fini entre nous dans une lettre ; il m'a dit, je cite : tu ne peux certainement pas rompre avec un Uchiha à travers une lettre, c'est un manque de respect à mon nom, que tu portes toi aussi »

Ces mots flottèrent un court instant dans l'air et il se releva soudainement, posant un regard surpris sur elle.

« attends, tu as quitté Sasuke ? » s'exclama-t-il, sous le choc « mais, pourquoi ? n'est-il pas l'amour de ta vie depuis tes cinq ans ? »
« quand il m'a demandé en mariage, c'était un peu comme un rêve qui se réalise mais est-ce vraiment ce dont je rêvais, enfant ? un mariage à sens unique, élevé un enfant seule ? » lâcha-t-elle, en retenant tant bien que mal ses larmes

Cette image lui arracha un petit pincement au cœur ; elle souffrait de cette situation, ces yeux embués étaient une preuve. Un soupir s'échappa de ses lèvres et il déposa sa grande main sur sa tignasse rose ; un geste qu'il avait constamment envers son fils, lorsque celui-ci se sentait mal ou triste. Elle releva ses iris émeraude vers lui et il lui adressa un petit sourire.

« ça ira, tu verras » souffla le grand brun

Et elle resta ainsi, un instant ; leurs regards se heurtant l'un à l'autre. Il était là et il était assez rassurant pour sécher ses larmes ; elle esquissa un sourire et renifla bruyamment. Le brun s'allongea de tout son long sur le perron, son dos tombant durement sur le sol ; les mains dans les poches, il observait les étoiles.

« et Sarada ? » demanda-t-il
« j'ai eu une discussion par rapport à ça avec elle, avant d'écrire la lettre » expliqua la rose
« elle le prends comment ? »
« elle dit que si il me veut vraiment, il trouvera un moyen de rattraper ses erreurs »
« c'est une fille intelligente »

Elle esquissa un sourire à ces mots ; elle était fière de son enfant. Bien que son mariage soit malheureux, elle ne changerait son passé pour rien au monde ; sa fille était bien trop importante à ses yeux.
D'un geste lent, la rose posa son regard vert sur le brun ; il semblait en proie à un tas de pensées et elle se souvint de cette lueur dans ses yeux lorsqu'il avait vu son ex femme dans les bras d'un autre homme, quelques jours en arrière. Il avait eu l'air si surpris.

« tu ne le savais pas ? » lâcha-t-elle
« comment ça ? »
« que Temari fréquentait un autre homme »

Elle n'eut aucun mal à remarquer la façon dont il se raidit soudainement, un soupir s'échappa des lèvres du brun. Las, il se redressa, se servant un énième verre de saké.

« je n'étais pas au courant » souffla-t-il « et Shikadai préférait que la nouvelle vienne de sa mère, visiblement elle ne m'est jamais parvenue »
« comment tu te sens ? »
« pathétique. elle n'allait pas finir sa vie seule, c'est Temari ; n'importe quel homme rêverait de l'avoir à son bras et pendant un instant, ce qui m'a frappé c'était ce sourire sur ses lèvres, elle avait juste l'air si heureuse, alors pourquoi ça ne fonctionne pas comme ça de mon côté ? pourquoi aucune femme ne m'arrache un regard ? de la passion ? de la fougue ? »
« parce que tu l'aimes, Shikamaru »
« oui, comme un dingue »

Il n'avait même pas cherché à nier ; ça sautait au visage de tout le monde, il l'aimait.
Ses iris émeraude se posèrent sur la forêt dense devant elle ; elle aimait la nature, ce sentiment de liberté qui accompagnait les arbres et les animaux.

« tu penses qu'on finira vieux, ridés et seuls? » souffla-t-elle, un sourire au coin des lèvres
« il y a des chances, je crois »

Un léger rire s'échappa des lèvres du brun et le dos de la rose se heurta au perron ; ça lui faisait un bien fou ces discussions qu'ils partageaient. Nara l'imita, passant ses bras sous son crâne pour plus de confort.

« qu'est ce qui n'a pas fonctionné avec nous ? quelque chose a forcément dû foirer ; même Naruto est dans un mariage heureux alors qu'il a encore du mal avec sa gauche et sa droite » souffla la rose, au gré du vent
« tu connais cette théorie qui dit que dans un couple il y en a forcément un qui aime plus que l'autre ? »
« oui, je vois ce que c'est »
« tu vois le truc de l'échange équivalent ? »
« tu m'as perdue, Shikamaru »

Un rire s'échappa des lèvres du brun.

« l'humanité ne peut rien obtenir sans donner quelque chose en retour ; pour chaque chose reçue, il faut en abandonner une autre de même valeur » récita-t-il, d'une voix grave « dans un couple, c'est 50/50 »
« j'ai donné 99% de mon existence à Sasuke et il m'a offert en échange 20% peut - être? »
« je crois qu'on est juste maudit, Sakura »

Un sourire se glissa sur les lèvres de la rose et elle haussa les épaules ; il n'avait pas tort, ils étaient maudits.

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