Chapitre six
Emma
Le lendemain, ne voulant pas donner une nouvelle raison à Adam Scott de me tomber dessus, je franchis les portes de l'agence avec plus de vingt minutes d'avance. Je me faufile rapidement dans l'ascenseur et appuie sur le bouton du quinzième étage. Les yeux fixés sur le mur en miroir de la cabine, je repense à ma soirée de la veille. Pauvre Liam ! En franchisant la porte chez moi après le boulot, j'étais d'une humeur massacrante. J'avais à peine passé la porte que mon colocataire est venu m'accueillir. À la minute où il m'a demandé si j'avais passé une bonne journée, j'ai explosé et c'est lui qui s'est pris toute ma frustration en pleine gueule. Je n'ai pas l'habitude d'être soupe au lait. En temps normal, je suis une femme calme et réfléchie qui s'entend bien avec tout le monde. Tout le monde sauf Adam Scott, apparemment.
Je pousse un soupir et regarde mon reflet dans la glace. Même avec la touche de maquillage que j'ai appliqué avant de partir ce matin, on voit les cernes qui soulignent mes paupières inférieures. J'ai passé une grande partie de la nuit à tourner dans mon lit, me demandant comment j'allais réussir à travailler pour lui, alors que d'un seul sourire arrogant il me donne envie de le frapper ou de l'embrasser à en perdre la tête. Je prends une grande inspiration pour chasser l'image des lèvres sensuelles de mon patron. Ce n'est pas le moment de fantasmer stupidement comme une adolescente et encore moins d'imaginer ce que cet homme peut faire avec une bouche pareille.
Les portes de l'ascenseur s'ouvrent sur mon étage. Je me glisse dans le couloir désert et prends la direction de mon bureau. J'entre dans la pièce, démarre la cafetière et regarde les dossiers sur lesquels je dois travailler ce matin. Après quelques minutes, j'entends du bruit venir du bureau adjacent au mien. Super, mon patron sexy et tyrannique vient d'arriver ! Voulant faire bonne impression, je verse une tasse de café et frappe poliment contre le battant avant de l'ouvrir. Debout dans un coin, il enlève son trench-coat et l'accroche derrière la porte qui mène dans le couloir. Dans son costume noir, taillé sur mesure et certainement hors de prix, il n'a rien de l'homme charmeur en simple tenue de ville que j'ai rencontré au casino. Son veston met en valeur ses larges épaules et son pantalon de laine fine moule son derrière à la perfection. Ma gorge s'assèche pendant qu'un puissant frisson de désir me saisit. Je reste figée un instant sous le montant de la porte, la respiration tremblante à l'imaginer sans ses habits griffés. Perdue dans mes divagations, j'en oublie complètement le café que j'ai à la main. Il se rappelle à moi, lorsque dans un sursaut pour me ressaisir il se renverse, ébouillantant ma peau au passage. La brûlure me fait lâcher la tasse qui chute et déverse son contenu sur la superbe moquette couleur sable. Putain, fais chier ! Je murmure en tenant ma main rougie.
Il a dû entendre mon cri de douleur, car quand je lève les yeux de ma main, il s'est retourné et il me regarde d'un air sévère les mains enfoncées dans les poches de son pantalon. Moi qui voulais lui faire bonne impression, on peut dire que c'est raté.
— Je suis vraiment désolée. Ne vous inquiétez pas, je vais tout nettoyer, dis-je en voyant sa mâchoire se crisper sous son irritation croissante.
Avant qu'il ne prononce un mot, je ramasse la tasse et quitte son bureau rouge de honte. Pourquoi faut-il que ça m'arrive maintenant ? Je dois être maudite, ou quelque chose dans le genre ! Le contenant vide à la main, je prends la direction de la salle de repos. Dès que je franchis la porte, je pose la tasse dans l'évier, j'ouvre le frigo et attrape un sac de glace pour soulager ma brûlure. Lorsque la douleur s'apaise un peu je prends le nettoyant à tapis et une paire de gants à vaisselle sous l'évier et reviens sur mes pas. Par chance, mon patron a un rendez-vous important ce matin, ce qui me donnera amplement le temps de nettoyer la tache avant son retour. En entrant dans la pièce, j'enfile les gants et vaporise la moquette. Je retire mes talons, les poussant un peu plus loin, et me mets à la tâche en jurant contre l'effet que ce type a sur moi.
Au bout d'un moment à frotter la moquette comme une forcenée, j'ai les bras totalement en compotes. Je lâche l'éponge en soupirant et bouge les doigts pour des décrisper. La prochaine fois que j'essaierai d'impressionner quelqu'un, je m'assurerai de ne rien avoir à la main. Je m'assois sur mes pieds et m'apprête à me relever, lorsque j'aperçois Adam sur le seuil de la porte qui mène dans le couloir. Putain, qu'est-ce qu'il fait là ? Il ne devrait pas être à cette foutue réunion ! Le regard fixé sur moi, il contemple ouvertement mon décolleté, une étincelle brûlante au fond des yeux. Une chaleur envahit mon corps parcourant chacun de mes membres. Merde ! Emma, ressaisis-toi ! Avec difficulté, je me lève sur mes jambes engourdies. Lorsque je suis enfin sur mes pieds, il relève les yeux et je lui jette un regard noir. Au lieu de détourner le regard ou s'excuser comme je croyais qu'il le ferait, il ancre son regard au fond du mien, un sourire arrogant aux lèvres.
— J'ai terminé. Si vous voulez bien m'excuser, je vais retourner travailler, lui dis-je en retenant les jurons bien sentis que j'ai envie de lui jeter à la tête.
Je ramasse la bouteille de détergent et l'éponge puis je quitte son bureau me réfugiant rapidement dans le mien. Son air condescendant m'enrage, mais ce qui me met encore plus en rogne c'est la façon dont mon corps réagit devant son regard chargé de convoitise. Comment peut-on détester quelqu'un aussi intensément et le désirer avec autant de force ?
Heureusement, je le revois à peine le reste de la semaine. Dans quelques heures je serai libéré pour le week-end. Je pourrai profiter de deux jours de tranquillité loin de mon patron pour me détendre de cette semaine stressante. Quoi de mieux pour faire baisser la pression que de s'installer confortablement dans son canapé un bon roman à la main ? Lorsque les dix-huit heures sonnent enfin, je range les dossiers qui traînent sur ma table de travail et prends la direction de la sortie, en saluant Martha d'un signe de la main. Comme il fait bon en cette fin d'après-midi je décide de rentrer à pied. En chemin, je m'arrête à la petite librairie du quartier pour y acheter le tout dernier roman d'Hamilton. Ça fait plus d'un mois que je remets cet achat, mais après une semaine éprouvante comme celle que je viens de passer, j'ai bien envie de me gâter un peu. Le dernier tome de sa série à la main, je prends ma route.
J'ouvre la porte de l'appartement en la refermant derrière moi. Je retire mes talons aiguilles en lâchant un soupir de soulagement. Ces chaussures sont de vrais instruments de torture ! Je suis bien contente de ne pas devoir les porter ce week-end. Ayant trop la flemme pour me préparer un repas digne de ce nom, je me fais un sandwich vite fait. Alors que je me verse un verre de vin blanc, Liam pénètre dans la pièce les cheveux encore humides de la douche qu'il vient de prendre.
— Hum, tu sens drôlement bon, lui dis-je lorsqu'il vient m'embrasser sur la joue.
— Qui sait peut-être que mon parfum attirera une jolie femme et que je ne rentrerais pas seule du travail ce soir, dit-il en accompagnant sa phrase d'un clin d'œil coquin.
C'est ce qui m'a plus chez lui lors de notre première rencontre, la façon dont il est capable de rire de tout. Sa légèreté a été une vraie bouffée d'air frais pour moi quand j'ai eu l'impression que ma vie s'écroulait sous mes pieds.
— Alors Emmy, tu sais ce que tu vas faire ce week-end ?
— Oui, je vais passer deux jours entiers à squatter ton canapé, ce roman à la main, lui dis-je en montrant mon nouvel achat.
— Super plan. Bon, je file m'habiller si je ne veux pas être en retard. Bonne soirée ma belle.
À peine a-t-il quitté la pièce que je m'installe confortablement sur le divan, mon sandwich à mes côtés. Je pose mon livre sur mes genoux et après avoir pris une gorgée de vin, j'ouvre la première page. J'adore la sensation d'ouvrir un livre pour la première fois, sentir ses pages sous mes doigts et entrer dans la vie de nouveaux personnages. La lecture est la meilleure évasion et je m'y laisse emporter avec joie.
J'en suis à la fin du deuxième chapitre quand mon téléphone sonne. J'étire le bras, attrape l'appareil sur la table à café du bout des doigts et regarde le nom qui s'affiche à l'écran. Jessica ! J'aurais dû m'en douter. Mon amie a le don pour embêter les gens quand ils sont occupés. Poussant un soupir de frustration, je prends l'appel.
— Salut ! Tu sais que tu me déranges dans la lecture palpitante de mon nouveau roman ?
— Bah ! De toute façon laisse tomber ce livre, ce soir on sort entre filles. Le petit copain de Meg vient de la demander en mariage, on va fêter ça et tu viens avec nous.
— Une autre fois d'accord ? J'ai eu une dure semaine au bureau et je voudrais vraiment me détendre à la maison. En plus, ce livre est vraiment génial.
— Rhô ! Mais tu auras tout le reste du week-end pour ça ! D'abord, on va faire la fête. Je passe te prendre dans une demi-heure, soit prête !
Sans me laisser le temps d'argumenter, elle me raccroche au nez. Ce qu'elle peut être têtue celle-là ! En fait, elle est presque aussi tyrannique que mon patron. Ils s'entendraient bien ces deux-là. Je devrais peut-être lui présenter ? Mauvaise idée. Le voir au boulot tous les jours ça me suffit. Je referme mon livre et le laisse sur le canapé. Cela toujours été comme ça avec elle. Jess est incapable d'accepter qu'on lui dise non et si par malheur je le fais, elle me contemple de ses yeux de chien battu jusqu'à ce que j'accepte. Poussant un soupir, je me lève pour aller me changer. Après tout peut-être sortir me changera les idées.
Je passe plusieurs minutes devant ma penderie à me demander quoi porter. Comme je ne sais pas où nous allons fêter la demande en mariage de la collègue de Jess, j'opte pour une robe licou noire très simple. Mes yeux se posent sur les superbes escarpins argentés Gucci que Jess m'a offerts pour mon anniversaire. Je grimace en me rappelant la promesse que je me suis faite plus tôt et enfile une paire de sandales à talons plats à la place. N'ai-je pas dit que je me passerais de cette torture pour au moins deux jours ? Je viens tout juste de démêler mes cheveux qu'on klaxonne devant l'immeuble. Posant ma brosse sur la table de nuit, je jette un coup d'œil par la fenêtre. Le cabriolet de Jess est garé devant la porte, la musique à fond. À peine ai-je laissé retomber le rideau qu'elle klaxonne de nouveau. Bordel, en plus d'être têtu, il fallait qu'elle soit impatiente ! Je ramasse mon sac dans l'entrée et je la rejoins avant qu'elle s'énerve.
Je descends les marches de mon immeuble à toute vitesse et dès que je rejoins sa voiture, j'ouvre la portière et je me faufile à l'arrière, me faisant une place parmi les vêtements qui traînent sur le siège. J'ai à peine le temps de faire la bise à Jessica et à Meg, que je connais pour l'avoir vue à quelques reprises, qu'elle démarre dans un crissement de pneus.
+d
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top