Toute la semaine suivante, Harry m'ignora complètement, ce qui était assez simple puisque l'on avait seulement un ou deux cours ensemble. Il essayait de récupérer Daniella. Il la suivait mais elle n'arrêtait pas de l'esquiver en trouvant toutes sortes d'excuse plus stupides les unes que les autres. Je ne comprenais pas pourquoi il tenait tant à elle. Elle était tellement... elle. Il n'avait pas fait la même chose pour moi l'an passé. C'était moi qui lui courait après sans arrêt. Il n'avait que fait me snober et me parler comme si j'étais la pire des merdes.

Alors pourquoi ? Pourquoi courir après une fille qu'il connaît depuis moins longtemps que moi ? Qu'est-ce qui était si attirant chez elle ? Ses pulls tricotés à coup sûr par sa grand-mère ? Ses yeux verts ? Oui, c'est sûr que c'est bien plus joli qu'une paire d'oeil couleur crotte de chien. Classe, Anzel, très classe. Peut-être était-ce son côté féminin timide et naïve ? J'étais quasiment sûre qu'elle était encore vierge. Harry devait être tellement frustré. Mini-Harry n'avait pas du être au garde-à-vous depuis des lustres. Ça doit faire combien de temps qu'il n'a pas baisé ? Sûrement depuis sa supposée rupture avec Cody-le-diabolique-meurtrier-gay-dans-le-coma. Tiens, je me demandai si je ne devrais pas aller faire un petit tour à l'hôpital où il repose. Quelque chose me dit que c'est une mauvaise idée. Idée écartée.

"Dani, s'il te plaît, écoute moi." Je m'arrêtai de marcher et me précipitai derrière un pilier. Je tendis l'oreille et écoutai.

"Laisse moi tranquille, je ne veux plus te voir." Sa voix si faible me fit comprendre qu'elle avait du beaucoup pleurer.

"Je refuse de te quitter, je suis persuadé que tout va s'arranger, comme toujours." Quel idiot, comment peut-il être à ce point désespéré pour cette fille ?

"Harry, depuis que cette fille est arrivée, tout part de travers. Tout ce que nous avons pris du temps à construire s'effondre. Tu n'es plus le même, je n'arrive pas à te reconnaître. Tu vas tous les soirs en boîte en me disant que tu vas voir un ami, mais bizarrement elle est toujours là à te... monopoliser." Et alors ? Il n'est pas ta propriété.

"Je vais arrêter de voir Anzel alors s'il te plaît, mon amour--" Non mais je rêve. Mon amour, et puis quoi encore ? Mon petit cupcake à la vanille enrobé d'un glaçage à la fraise ?

"Non Harry, tu n'y arriveras pas. Je te connais par coeur Harry, j'ai vu comment tu la regardais. Tu la regardes de la même manière dont tu m'as regardée la première fois que l'on s'est rencontré." soupira-t-elle. "Harry, cette fille me ressemble beaucoup, est-ce la raison pour laquelle tu m'as abordée ce jour-là ?" Un silence prit place et je sentis les palpitations de mon coeur s'accélérer. "C'est bien ce que je pensais." Des pas s'éloignèrent et je décidai de sortir de ma cachette. Harry l'observait s'éloigner, les lèvres pincées. Son expression exprimait de la déception. Quoi ? Il n'a pas gardé son habituelle impassibilité ? Je serrai mes poings en ressentant une sorte de brûlure à la poitrine. Son regard tomba sur moi et il contracta le muscle de sa mâchoire.

"Qu'est-ce que tu fous là ?" lâcha-t-il sur un ton agressif. "Tu nous a espionnés, c'est ça ?"

"Tu ne l'aimes pas." articulai-je. "Tu es sorti avec elle à cause de sa ressemblance avec moi."

"Au début peut-être que je lui ai parlé parce qu'elle me faisait penser à toi et... que tu me manquais mais j'ai appris à développer des--" Je le coupai, effrayée.

"Arrête ! Tais-toi !" hurlai-je en secouant frénétiquement la tête. "Tu me mens. Tu m'as toujours menti, avoue-le. Tu l'appréciais juste parce qu'elle avait la même personnalité et le même physique que moi." Il s'appuya contre le mur et je profitai de ce mouvement pour m'approcher de lui. Harry baissa les yeux.

"Non, j'ai éprouvé des sentiments pour Daniella mais je viens de me rendre compte que ces sentiments n'étaient en fait que de l'amour fraternel." Est-ce que ça veut dire qu'il m'aimait de cette façon ? "Je la voyais uniquement comme une petite soeur et pas autrement." Il posa ses pupilles verdâtres sur moi. Ce fut à mon tour d'éviter son regard. "Ce n'était pas à elle que je pensais tout le temps. Elle n'était qu'une distraction le temps que je réalise mes véritables sentiments." Quoi ? Harry secoua doucement la tête. "Finalement, oublie ce que je viens de dire, oublie tout ce que j'ai dit. C'est trop tard." se résigna-t-il mais je m'avançai pour le coincer contre le mur.

"T-Tu n'as toujours regardé que moi." susurrai-je sans un murmure. Ses boucles rebelles partaient dans tous les sens et ses yeux regardaient partout sauf vers moi. Il finit par abandonner et ses prunelles vertes me troublèrent un instant en se concentrant sur les miennes. Il était si beau, juste là, à cet instant, avec son air perdu et confus. Il ne bougeait plus et moi non plus d'ailleurs. Je le sentais. Je le sentais chatouiller mon estomac. Ce sentiment que je tentais d'éviter par dessus tout. Celui qui m'avait brisée et qui m'avait changée en une mauvaise personne.

Non, tu ne dois pas tomber une fois de plus, me criait mon esprit. Mais les vibrations qui provenaient de mon pauvre coeur à peine réparé m'empêchaient de m'éloigner. Harry lorgnait mes lèvres puis il secoua la tête, essayant de se raisonner. Lui non plus, il savait qu'il ne devait pas. Pas maintenant. Pas après tout ce qu'il s'était passé. Mais rien à faire, nos corps ne répondaient plus. Il s'approcha doucement. Tout doucement. Et je faisais de même. Nos nez se frôlèrent en une caresse électrique. Mes yeux se fermèrent tout seuls et je l'imaginais faire de même. Son parfum masculin effleura mes narines et j'humai discrètement cette odeur si familière. Alerte noire.

Puis, délicatement, ses lèvres se déposèrent sur les miennes. Harry empoigna timidement mes hanches et j'enroulai mes bras autour sa nuque. On s'embrassait. Lentement mais pas de la même façon avec laquelle j'embrassais les autres hommes. Le baiser était doux, mon cerveau ne répondait plus, seul mon coeur jouait de la batterie. Je souris sincèrement à travers le baiser. Et je n'avais pas souri avec sincérité depuis longtemps. J'avais ce léger chatouillement dans mon estomac qui me rendait toute chose. Nos langues se mêlèrent tendrement dans une danse lente et onctueuse. Ses pouces caressaient ma taille. Un soupir de bien-être m'échappa malgré moi. Je me sentais à ma place. Comme si je venais de combler un besoin que je détenais depuis longtemps. Il m'avait manquée. Sa bouche m'avait manquée. Mon dieu que j'aimais l'embrasser. On continua de nous embrasser jusqu'à l'essoufflement. Mes yeux finirent par s'ouvrir. Il fallait bien que le rêve s'arrête.

Mon regard rencontra une paire de cristaux verts aussi clairs que l'eau des caraïbes. Harry sourit presque timidement tout en se mordant la lèvre inférieure. On devait avoir l'air d'adolescents pré-pubères mais qu'est-ce que je m'en foutais.

"C'était..." commença-t-il en effleurant de bout des doigts ma taille.

"Wow." soufflai-je.

"C'est le mot." rit Harry. Nous restâmes ainsi pendant plusieurs minutes, l'un dans les bras de l'autre et trop à l'aise pour se détacher.

"Harry, tu te fiches de moi ? Bah tu sais quoi ? Fais ce que tu veux, on n'est plus ensemble, je m'en fiche." nous interrompit une voix, brisant un instant magique. Harry me repoussa alors automatiquement. Des sanglots sortirent de la bouche de l'ex petite amie d'Harry et elle partit en courant et en pleurant.

"Daniella, attends !" Il s'apprêtait à lui courir après mais je le retins par le bras. Il me regarda brièvement puis ses lèvres articulèrent des mots imaginaires que je compris,  malheureusement.

"C'était une erreur."

Ah. Quelque chose de piquant me traversa la poitrine. Ce pieu. Cette douleur. Tout revint d'un seul coup.

"Je t'aime Harry."

"Je suis amoureuse de toi !"

"Tu es trop mignon, Harry."

"Je t'aime."

"Je resterai toujours à tes côtés."

"Je n'ai qu'à empoisonner ton coeur de la même façon dont tu as fait avec le mien."

"Réchauffe tes mains, sinon ton coeur prendra froid."

"C'est l'amour, n'est-ce pas ?"

... Vous savez quoi ?

Ça mérite un bon verre d'alcool pour fêter ça.