6. g o u r m a n d e

Alors que mes yeux commençaient à s'alourdir, le bruit sourd d'un poing frappant contre la porte me fit sursauter. Une voix étouffée parla alors.

"Anzel ? T'es là ? Ouvre cette porte." exigea Harry. Je paniquai un instant, ne sachant pas si je devais aller lui ouvrir la porte. "S'il te plaît, je ne vais te faire aucun mal. J'ai juste eu un excès de colère mais je me suis calmé." Je fixai la porte, toujours allongée dans cette baignoire. Je tendis mon bras, pliai mes doigts pour mimer un pistolet et visai la porte. "Boom" : plus d'Harry, plus de problème. Mais non, c'était loin de la réalité. Je me levai et marchai lentement jusqu'à la porte. Je tournai deux fois le verrou de trois cent soixante degrés puis j'entrouvris la porte. Cette dernière s'ouvrit en grand. Harry s'approcha de moi et claqua la porte derrière lui. Il m'observa, le regard vide, tout comme le mien.

"Je t'ai tant aimé, tu sais." chuchotai-je bassement. Je n'avais aucune idée de la raison pour laquelle je parlais sur un ton si bas. Peut-être était-ce la faute de ces picotements incessants dans mon estomac. Ou bien était-ce à cause de ma peur. J'avais peur d'entendre ce qui allait sortir de sa bouche. C'était nocif, pour moi, pour la fissure qu'il avait créé dans ma carapace. Mais j'allais résister. Je l'espérais du moins.

"Je sais." lâcha-t-il en s'approchant de moi.

"Non !" m'exclamai-je en reculant et il s'arrêta. "S'il te plaît, ne t'approche pas de moi." l'implorai-je faiblement.

"Dis moi que tu m'aimes encore."

- "Harry..."

- "Tu m'as tellement manqué bébé." Je me sentis faiblir pitoyablement. Harry s'avança malgré mes refus et déposa une main sur ma joue. Son pouce effleura mes lèvres. Alerte noire. "Un an a beau être passé, tu as énormément changé. Tu es plus confiante, plus... charismatique." Il descendit son index sur mon cou, laissant une traînée de sensations derrière lui. "Plus sensuelle..." Ses doigts attrapèrent ma mâchoire et il pencha ma tête en arrière. Je vis dans ses yeux qu'il brûlait de désir pour moi. "Plus sauvage." Il me voulait. Son torse se colla à ma poitrine et je sentis mon coeur battre à tout rompre. Les yeux dans les yeux, il posa un simple baiser en dessous de ma mâchoire. Ses dents agrippèrent ma peau et il suça jusqu'à ce qu'une marque rouge-bleuté se forme. Je ressentis une fine douleur mais l'ignorai. J'avais envie de lui putain. Et il me voulait lui aussi. Alors qu'est ce qui nous retenait ? La haine ? L'amour ? Mais non, que suis-je bête, c'était le passé. Le passé, toujours là à tout gâcher hein... Qui sait, peut-être que dans une autre vie, nous aurions pu devenir un nous. Peut-être qu'il ne m'aurait pas brisé le coeur. Peut-être qu'il m'aurait dit qu'il m'aimait. Peut-être m'aurait-il juste, aimer. Peut-être. Mais je ne le saurai jamais malheureusement. Je sentis ma raison prendre le dessus sur mon coeur. Je repoussai doucement Harry. Il me scrutait avec un regard détruit, le même avec lequel je l'épiais présentement.

"On ne peut pas Harry, c'est trop tard. J-Je ne t'aime plus." Ma voix craqua à la dernière phrase et les larmes me montèrent aux yeux. Harry recula, l'air poignardé par mes mots. Il s'assied à une distance respectable de moi, sur la lunette baissée des toilettes. Il posa ses coudes sur ses genoux et enfouit son visage dans ses mains.

"C'est Matthew c'est ça ? C'est lui dont tu es tombée amoureuse." déduit-il en relevant la tête. La réponse sortit toute seule de ma bouche tel un automatisme.

"Oui." Et c'est là, que tout dérapa. Harry se leva et s'en prit à tout ce qui se trouvait sur son passage. Les pots de shampoing, les serviettes, le miroir, le rideau de douche, les savons et même le pot de fleur décoratif. Tout finit au sol, brisé, déchiqueté ou vidé. Il semblait en vouloir à la terre entière. Son carnage se termina mais il paraissait toujours fou de rage. Je réussis quand-même à rajouter une touche d'humour noir à toute cette merde. "Au départ, tu en as pincé pour Calice, tu souffrais ; donc moi aussi. Je t'ai aimé et tu m'as fait souffrir. Tu as embrassé Cody et tu m'as fait souffrir. Tu sors avec Daniella pourtant tu es jaloux de Matthew, et c'est TOI qui souffre. La roue tourne Harry." Je rigolai presque. Son regard sombre fit vite taire ma plaisanterie.

"Je n'ai pas souffert, je ne souffre pour personne Anzel. Retiens bien cela. Tu es juste la seule personne qui a fait ressortir la partie de moi que je déteste le plus." Et j'adore ça, Harry. "Tu n'as aucune idée du nombre de choses qui se sont produites lors de ton absence. Tu m'as aimé. Ce n'est peut-être plus le cas."

"Ce n'est plus le cas." le corrigeai-je. Il me fusilla du regard, désenchanté par mon intervention.

"Mais j'ai complètement perdu les pédales après que Cody--"

"Il t'a largué c'est ça ? J'en étais sûre."

"Non." grogna-t-il. "Cody et moi, ça n'a jamais eu lieu mais grâce à tout ce qui s'est passé, j'ai compris que tu étais la seule l..." Il s'arrêta et parut hésitant.

"Quoi Harry ? Que j'étais la seule quoi ?" Je marchai jusqu'à lui jusqu'à ce que nous soyons face à face, les yeux dans les yeux. Il chercha quelque chose dans mes yeux mais, comprenant que je ne laissais plus rien transparaître dorénavant, il abandonna et concentra son regard sur le sol.

"Rien, tu n'es plus "la seule" et tu n'es plus rien pour moi." chuchota-t-il. C'est bien ce que je pensais. Ma main se posa sur sa joue. Elle était toute douce. Mon pouce caressait ses lèvres. J'avais tant aimé les embrasser. J'avais rêvé de pouvoir les toucher et me voilà, ne ressentant plus rien pour cet individu mais désirant quand-même ses deux lippes. Il venait de dire qu'il ne m'aimait pas, pourtant, j'étais persuadée qu'il mentait. Peut-être y avait-il une part de vérité dans ses mots mais je savais qu'il ne me considérait pas comme n'importe qui. "Arrête s'il te plait, on doit stopper ces conneries." Je mordis ma lèvre inférieure à ses mots. Il avait raison mais il ne bougeait pas et moi non plus. Ses paroles différaient de ses gestes puisqu'il se rapprocha de moi. Nos nez se frôlaient et nos yeux se connectèrent.

"C'est fini, n'est-ce pas ?" soufflai-je contre ses lèvres. Harry remit une mèche de mes cheveux derrière mon oreille et ferma les yeux. Il secoua la tête de haut en bas et on se détacha subitement.

"Nous avons vécu de belles et de mauvaises choses." Je ne dis rien. "Mais le passé est le passé. Maintenant j'ai une petite amie et tu as Matthew."

C'était terminé. Lui et moi n'allions jamais devenir quelque chose car c'était ainsi. Nos routes s'apprêtaient à se séparer.

La porte s'ouvrit en trombe, nous faisant sursauter tous les deux.

"Ah, vous êtes là ! On vous cherchait partout, Daniella a même failli appeler la police." déballa mon meilleur ami, essoufflé. Nous le guettions en silence. "Qu'est-ce qui se passe ? Vous avez vu un cadavre ou quoi ?" Matthew me jeta un regard interrogateur auquel je ne répondis que par un haussement d'épaules. Pendant un instant, j'ai moi-même été prise par mon propre piège. Oui, plus rien de romantique n'allait se produire entre Harry et moi, c'était indéniable. Mais ce qu'il ne savait pas, c'est que je ne comptais absolument pas en rester là. Nous allions forcément nous revoir, que ce soit à l'université ou bien aux fêtes d'étudiants. Je n'irai pas vers lui, ce sera lui qui viendra à moi. Lui et son amour naissant pour moi. "Daniella a refusé toutes mes avances et n'arrêtait pas de me faire chier en disant qu'elle voulait voir Henry."

"C'est Harry." réctifia le bouclé.

"Bref, on a été voir dans la chambre, vous n'étiez pas là. On a vu le vase brisé par terre et Daniella a paniqué. Du coup, on a visionné la vidéo et on s'est précipité à votre recherche." Godzilla a donc pu être au premier rang pour observer le court rapprochement entre Harry et moi. Elle ne l'a sûrement pas bien pris, c'est gagné d'avance pour moi !

"Je dois aller la voir. On se reverra à l'université." décida Harry en passant à côté de moi, le dos de sa main effleurant légèrement mon poignet. Un geste discret mais qui me causa des milliers de frissons. Merde. Matthew s'avança vers moi, attrapa mon menton pour tourner mon visage sur le côté et mieux observer.

"Un suçon ? C'est lui qui te l'a fait ? Je croyais que personne n'avait le droit de t'en faire." s'énerva-t-il sur un ton accusateur tout en grinçant des dents. Je pivotai d'un coup sec ma tête, pour ôter mon visage de sa portée.

"Reste en dehors de ça, Matthew. Tu ne peux pas comprendre." marmonnai-je. Malgré tout, tout au fond de moi, je savais qu'il y avait beaucoup de choses qu'Harry pouvait me faire mais que les autres, non. C'était cela qui m'horripilait le plus ; il y avait deux catégories d'hommes pour moi. D'un côté, c'était la catégorie "Harry" et de l'autre, c'était "Les autres hommes". Je n'ai toujours pas réussi à assembler ces deux catégories pour la simple et bonne raison qu'il était le seul homme Harry. Pas les autres hommes. Si on exceptait Matthew qui était encore un territoire inexploré mais dont la couverture était bien plus qu'attirante. Matthew me faisait sentir plus que bien mentalement. Harry, c'était physique... je crois... Dans tous les cas, je priais pour.

"Anzel, s'il se passe ce que je pense qu'il est en train de se produire, je vais tout faire pour t'empêcher de t'approcher de lui." Il avait l'air d'être sur le point d'imploser.

"Ceci fait partie du plan." Je pointai du doigt le suçon. "Maintenant si tu veux bien m'excuser, il y a des shots d'alcool qui m'attendent impatiemment." Il me suivit du regard alors que je sortis de la salle de bain. Je marchais tranquillement jusqu'à atteindre les escaliers. Je les descendis. La fête n'était plus. Un silence demeurait si on excluait les vomissements d'une personne non loin. Il y avait des gens qui ramassaient des gobelets et d'autres conneries de ce genre tandis que d'autres personnes dormaient au sol. Une horloge accrochée contre un mur indiquait qu'il était trois heures du matin. Le temps était passé si rapidement.

Je pris une bouteille d'alcool et la débouchonnai. Je portai le goulot à ma bouche et ingurgitai de grandes gorgées d'alcool. Je me léchai les lèvres avec gourmandise. Je reprends les bonnes habitudes ~ ! Je poussai un gloussement incontrôlé et repris une gorgée de la bouteille. Dédicace à toi, Harry. Une autre gorgée. En l'honneur de notre amour, Harry. Une gorgée. Je t'adore, Harry. Deux ou trois gorgées de plus. Fais moi l'amour s'il te plait Harry.

Puis je ne me rappelais plus de ce qui se passa par la suite, c'était le trou noir. Le lendemain, je m'étais réveillée, nue, dans les bras d'un inconnu dont je n'avais aucun souvenir. C'était assez rare que je baise des hommes lorsque j'étais ivre. Sûrement la faute à Harry. Puisque tout est toujours la faute à Harry.

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