21. i g n o r a n t e

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Le vent claquait contre ma peau. Je le tirais encore et encore puis, mes pieds chaussés de sandales rencontrant le sable tiède de la plage, je m'arrêtai nette. Ma main lâcha son bras. Me retournant pour me retrouver face à lui, je me mis à le toiser pendant quelques secondes qui me parurent des heures. Ma main se leva et je lui foutus une claque dont il se souviendra probablement toute sa vie. J'en avais mal à la paume. Il n'eut pas le temps de parler du moins je l'obligeais à ne rien dire en l'attirant brusquement vers moi. Ma langue s'introduisit dans sa bouche entrouverte. Pris par surprise, il mit du temps avant de participer au baiser. Il grogna de manière gutturale et me ramena contre lui en me prenant par les hanches désirant me dominer. J'en décidais autrement en me débattant pour le repousser sèchement. Je mis du temps avant de retrouver ma voix :

"Qui a commencé le baiser ?" demandai-je fébrilement entre deux respirations saccadées.

"C-C'est Doth." Il ne me regardait pas. Est-ce que je le dégoûtais ?

"Tu l'as repoussée ?" Je voyais bien que mes questions le déroutaient.

"J'ai essayé mais..."

"Regarde moi dans les yeux, est-ce que tu l'as repoussée ?" Il m'obéit. Insécure, il essayait de percer mon expression qui n'était que froideur et impassibilité. Après un long moment d'hésitation, il répliqua :

"Non."

Je marquai une courte pause. Mon index se déposa alors sur sa lippe du bas, la pliant vers l'extérieur puis elle reprit sa forme initiale lorsque j'enlevai mon doigt. Ses lèvres étaient encore rouges dues au précédent baiser embrasé.

"Et... as-tu répondu au... au baiser ?" chuchotai-je, la voix cassée. À travers la noirceur à peine éclairée par quelque lumière au loin, les vagues échouant dans un bruit frétillant contre la côte et les rires des autres gens au loin, il répondit sur un ton bas :

"Oui."

Mes yeux se fermèrent, et mes mains se serrèrent pour former deux poings. Le vent léger faisait voler nos cheveux alors que je sentais mon cœur s'alourdir au fur et à mesure des secondes. Finalement, mon faible chuchotement s'éleva pour rejoindre le bruit de l'océan se jetant misérablement sur le sable :

"Dis Harry, pourquoi est-ce que tu me fais tout ça ?" Il allait me répondre mais je levai ma main pour lui ordonner de se taire. "Est-ce que je suis une personne aussi pathétique que ça pour que tu puisses me poignarder aussi souvent dans le dos ? Ai-je fait quelque chose qui aurait un jour pu te blesser ?" Il secouait la tête. Complètement déroutée, je continuai. "T'es vraiment malade. Tu penses qu'embrasser quelqu'un d'autre me fera tomber amoureuse de toi ? Mais putain Harry, quand apprendras-tu donc de tes erreurs ?" Ses yeux luisaient à cause du reflet de la lune à la surface de l'eau qui se projetait dans ses prunelles.

"Je n'ai pas vr—" Il s'arrêta, ferma les yeux, puis eut l'expression la plus détruite que je n'avais jamais vu avant de chuchoter : "J-Je suis désolé." est la seule chose qu'il chuchota. Je vis, dans son regard vitreux, que mes mots l'avaient profondément blessé.

"Tu peux l'être."

Sans un regard, un regret, un mot de plus, je fis demi-tour -- le quittant probablement pour toujours. Le masque tomba alors et mon visage ne devint qu'un tas de ruines, ravagé par les larmes douloureuses qui y tombaient. Mon champ de vision devint flou, mais je réussis quand-même à faiblement distinguer les visages peinés de tous mes amis qui nous avaient certainement écouté. Je n'avais pas la force d'être surprise alors je ne fis que baisser la tête, les dépassant tous.

Et j'ai couru. De toutes mes forces.

L'air frais s'écrasait contre mon visage et, à chaque pas, mes pieds s'enfonçaient de moins en moins dans le sable. Chaque centimètre de ma peau, chaque partie de mon corps souffrait. Encore. Je ne savais pas combien de temps j'avais couru tout ce que je sais c'est que d'un seul coup, mes yeux s'arrêtèrent de pleurer et mes pieds cessèrent de bouger. Je pivotai sur moi même vers la gauche, pour observer l'eau salée qui était assez calme comme chaque nuit dégagée. Je ne m'étais jamais sentie aussi seule qu'à cet instant.

Je devais m'évader de cette prison mentale, me vider de tous ces problèmes qui surpeuplaient mon esprit. Mon sac à main finit au sol. Je jetai mes chaussures, ôtai ma robe et détachai mes cheveux. Au bout de quelques mètres à patauger dans l'eau, je plongeai alors dans l'océan.

Je fis la planche et, portés par le courant peu agité, les quatre membres de mon corps s'étendaient à la surface de l'eau pendant que j'observais les étoiles. Le silence, le ciel et moi. Prise d'une pulsion inexpliquée, je me laissai submerger par l'eau, sombrant dans les fonds marins.

"Je t'aime."

Mes sourcils se froncèrent, mes yeux s'ouvrant en grand. Ma bouche s'entrouvrit dans l'étourdissement. Soudainement, je perdis vite tout l'air de mes poumons ce qui me poussa à remonter à la surface. L'oxygène revint enfin lorsque je sortis ma tête de l'eau. Je toussotai, crachant toute l'eau que j'avais accidentellement bu. J'essuyai nerveusement la bave au coin de ma bouche et nageai jusqu'à la terre ferme.

Dans le hall de l'hôtel, je fus accueillie par les regards de travers de l'hôtesse d'accueil. Je n'avais pas l'air présentable, trempée de la tête au pied, le maquillage dégoulinant et les yeux bouffis. Autant dire qu'on aurait pensé que je sortais tout droit d'un épisode de The Walking Dead.

Devrais-je boire ? Aller me soûler, danser contre des inconnus pour finir dans le lit de ma proie favorite, me réveiller et pleurer à cause des remords qui me dévoreraient parce que je serais de nouveau prise dans une boucle sans fin ?

Je ne peux plus. Ma mère l'apprendrait immédiatement (je ne sais comment mais elle sait tout) et rien n'est pire que de voir la déception sur le visage de ses parents.

Alors j'ai su ce dont j'avais besoin. J'avais besoin de profiter des vacances, de rester à Porto-Rico jusqu'à la reprise des cours, histoire de me changer complètement les idées.

Lorsque je revins à la chambre, je pris un bain long et réchauffant, parfumé à l'odeur enivrant d'une bougie à la noix de coco. Cette ambiance apaisante ne réussit pas à panser mes maux mais mon enveloppe charnelle en ressortit plus relaxée. Je me brossai les dents silencieusement. Le cœur lourd, je revins dans la pièce après avoir enfilé un pyjama et j'éteignis la lumière en me glissant dans mon lit.

Je ne dormis pas de la nuit.

Vers cinq heures du matin, alors que ma somnolence allait enfin aboutir à du sommeil bien mérité, des tambourinements à ma porte me firent sursauter. Je poussai un énorme soupir, me frottant les coins des yeux avant de me relever. La pièce tournait et j'avais une grosse envie de pleurer. La fatigue. Oui, sûrement. J'ouvris la porte.

"Je me sens tellement désolée pour ce qu'il s'est passé entre Harry et toi, je n'aurais jamais du lui proposer ça. Pardonne moi je t'en prie." Doth se trouvait face à moi, l'air déboussolée.

"Écoute, Doth, il est" Je regardai les chiffres indiqués sur le réveil de la table de chevet. "Maintenant cinq heures et demi du matin. Donc laisse moi te dire que je m'en fous, je n'ai même pas entendu ce que tu viens de dire. Je... Je veux juste me reposer et pouvoir rattraper tout ce temps gâché à courir..." Je pris une pause, réfléchissant. "Après quoi déjà ? Je ne me souviens même plus de quoi je parlais." Je baillai, la fatigue toujours aussi persistante.

"Mais écoute moi, c'est important. Je ne veux pas être la cause de votre rupture." m'avoua-t-elle, malheureuse. Ayant réussi à récupérer ma capacité à me concentrer, je remarquai alors que Doth était en pyjama, une crème marron étalée sur son visage formant un masque. Est-ce que c'est de la... ?

Avec un décalage d'au-moins cinq secondes, je compris ce qu'elle venait de me dire. Putain, elle l'avait embrassée, serait-elle en train de venir s'en vanter devant moi, m'empêchant volontairement de dormir ? Je lui souris avec hypocrisie.

"Il est trop tard pour ça, pétasse. Allez salut." Je claquai violemment la porte alors que je me reposai dessus par la suite, trop exténuée pour aller jusqu'à mon lit. Je fondais contre le bois, glissant doucement jusqu'à atterrir contre la moquette. Mes paupières se fermèrent toutes seules. "Anzel !" Mes yeux s'ouvrirent en grand. Je me relevai d'un coup, ma tête heurtant la poignée de la porte. Je lâchai un cri de douleur en frottant le haut de mon crâne. Mes jambes toutes chancelantes me firent perdre l'équilibre et, magistralement, je tombai. Un bruit sourd accompagna la violente collision avec le sol. Je ne bougeai plus, à plat ventre sur le sol. DORMIR. JE VEUX JUSTE DORMIR. J'entendis la porte s'ouvrir derrière moi. "Oh mon dieu, est-ce que je l'ai tué ?"

"Est-ce urgent au point de me priver de sommeil ?" murmurai-je, les yeux toujours fermés.

"Uh... oui, probablement." Elle chuchota le dernier mot, ce qui me laissa penser que je n'étais pas censée l'entendre. Je soupirai lourdement.

A six heures, nous étions au restaurant de l'hôtel qui devait normalement être fermé à cette heure-ci mais puisque Doth en était la propriétaire, elle l'avait ouvert afin que nous puissions être tranquilles pour parler. Je buvais mon café, très amère à cause du taux élevée de sucre et de caféine que j'avais mis. Les bras croisés, un silence pesant régnait entre nous deux. Doth se racla la gorge, gagnant alors mon attention.

"Comme tu as pu le remarquer, j'ai invité Harry et ses amis -- incluant toi, à ce voyage dans le but de passer des vacances amusantes." En voyant mon regard désintéressé, elle arrêta de parler. "Avant que je n'apprenne que vous soyez en couple, j'ai tout fait pour me rapprocher de Harry car, entre nous, c'est quelqu'un d'adorable mais qui ne s'ouvre à personne." Elle me regarda, je crus voir une lueur de jalousie passer dans ses pupilles puis elle murmura : "Enfin presque." Je pris une gorgée du café avant de la regarder dans les yeux, claquant les paumes de mes mains sur la table.

"Tu penses qu'Harry s'est ouvert à moi comme ça, sans aucun effort ? Oui des efforts il y en a eu mais c'est moi qui les ai fait. Un an et demi que je cours après une coquille vide, est-ce que tu sais seulement ce que ça fait d'aimer aveuglément au point d'en devenir complètement dingue ? J'ai vécu des humiliations que tu ne pourrais même pas imaginer, et tout ça à cause d'une obstination qui au final, n'aura servi à rien." Je détestais agir comme une victime mais là, je ne pouvais que constater cette vérité, aussi égocentrique qu'elle soit.

"Je sais que je n'ai pas mon mot à dire sur ce point-là mais j'ai besoin que tu m'écoutes Anzel. Hier, lorsque Harry est entré avec moi dans cette chambre, j'ai essayé de l'embrasser mais il m'a envoyé balader."

Est-ce qu'elle me faisait marcher ? J'allais sourire pour faire comme si ça ne m'atteignait pas mais elle avait l'air on ne peut plus sérieuse.

"Pourquoi aurait-il menti ? Cela ne fait aucun sens." Je ne la croyais pas.

"Laisse moi finir." s'agaça-t-elle. "Il m'a ensuite expliqué qu'il était fou amoureux de toi. Tu n'admettais pas tes sentiments pour lui et il ne savait pas s'il arriverait vraiment à t'en faire prendre conscience un jour. Je lui ai alors proposé de te rendre jalouse." Quelle idée de génie. "Il a d'abord refusé mais j'ai insisté parce que je ne connaissais rien de votre relation et aussi parce que j'en étais moi-même... jalouse. Après, il m'a avoué que vous étiez dans une phase assez ambiguë de votre relation. C'est pour cela qu'il ne savait pas quoi faire. Je ne l'ai pas supporté alors je suis partie. Ensuite, vous vous êtes disputés et tu as disparu. Tout le monde a été demandé des explications à Harry. Il est venu avec moi et m'a dit qu'il avait compris quelque chose... Il s'est rendu compte du mal qu'il t'avait fait enduré, de ce que tu ressentais, de toutes ces putains  de choses qu'il t'avait faite subir et il a craqué. Il s'est blâmé et n'a pas voulu te dire la vérité parce qu'il..." Elle baissa les yeux, empoignant le mug et soufflant dessus à plusieurs reprises. "Il a pris peur. Il a commencé à penser au futur, à toi, à tout le mal qu'il te ferait que ce soit impulsivement ou inconsciemment. Il s'est demandé la première chose qu'il ferait si vous vous disputiez et sa réponse était simple : te faire souffrir. Mais si c'est pour qu'il te brise une bonne fois pour toutes, il préfère abandonner."

Oh. Ce qu'elle me dit est plausible mais un peu trop contradictoire à mon goût. Harry a tout fait pour qu'on soit ensemble... Je n'arrive pas à croire qu'il ait tout laissé tomber à cause de ses doutes.

"C'est vraiment lâche de sa part. Evidemment que je vais être blessée, je suis quelqu'un de susceptible mais ce n'est pas ça qui nous empêchera d'être ensemble. S'il voulait que je parte et bien il se met le doigt dans l'œil." Sur ce, je me levai. "Merci de m'avoir expliquée, maintenant je compte bien aller récupérer mes heures de sommeil et seulement après, j'irai parler à Harry."

"Attends !" m'arrêta-t-elle en attrapant mon poignet. "Harry est en train de rassembler toutes ses affaires, il a déjà acheté son billet. Il veut rentrer à Londres, c'est pour ça qu'il faut que t'y ailles maintenant." me pressa-t-elle avant de relâcher sa poigne.

Il veut s'en aller ? Après tout ça, tout ce qu'on a traversé, il me rejette encore une fois ? Ah non, je refuse de le laisser faire. Cette fois-ci, je ne l'abandonnerai pas.

Je me dépêchai alors, sortant du restaurant, me précipitant telle une dégénérée dans le hall. Je pris quand même l'ascenseur et, sortant de la cabine métallique, me rendis à la chambre d'Harry. Je frappais contre la porte, mes poings heurtant violemment la matière dure. J'attendis, puis repris ma lutte contre cette porte. J'entendis alors un bruit étrange, puis la porte s'ouvrit. A la place d'Harry, une femme habillée comme une employée de l'hôtel me guettait étrangement.

"Quelque chose ne va pas, madame ?" s'inquiéta la femme, avec un fort accent espagnol.

"J-Je cherche la personne qui a loué cette chambre d'hôtel, c'est très important."

"Monsieur Styles ?" hésita-t-elle. "Il est parti il y a un peu moins d'une heure."

Parti ?

"Vous en êtes sûre ?" Elle inclina sa tête de haut en bas.

Encore ?

"Persuadée, Madame."

Ah.

"Est-ce que je peux..." Ma voix cessa d'être. Je déglutis, avalant un sanglot qui me tiraillait la gorge pour sortir. Mes paupières clignèrent maintes fois pendant que je reniflai, priant pour qu'aucune larme ne s'échappe. "Je peux entrer ?" Elle parut prendre en pitié mon air "à-deux-doigt-de-fondre-en-larmes" et se tassa sur le côté pour me laisser entrer dans la pièce.

"Puisqu'il semble vous être familier, je peux vous le dire directement : je pense avoir aperçu quelque chose qui lui appartenait sous le lit, il a certainement du l'oublier."

Je voulus parler mais la seule chose que je réussis à exprimer fut un bruit sourd. Sans aucune émotion apparente, je m'y rendis, m'abaissant et tirant la masse noire qui traînait sous le lit. C'était son manteau noir, il sentait comme lui. Je le serrai contre moi, inspirant doucement ce parfum. C'était l'odeur que j'adorais le plus au monde.

Mon index rencontra quelque chose de pointu et une mince douleur s'immisça. Je saignais légèrement. J'ouvris la veste et mes yeux s'écarquillèrent en voyant l'objet.

C'était une rose rouge épineuse, elle était magnifique. Un ruban lisse et dorée était entortillée autour de la tige et une carte d'un blanc cassé s'accrochait au ruban. Je pris la carte et l'ouvris.

« Parce que des mots ne sont pas assez pour exprimer ce que je ressens pour toi.

- Harry et son romantisme incontestable. »

Et, comme un mauvais coup de théâtre, une bague dorée tomba du centre de la fleur, pour venir s'échouer sur le sol avant de rouler doucement et de ne plus bouger après quelques balancements.

C'est décidé.

Harry est un idiot.

Incontestablement romantique.

Mais un idiot tout de même.

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