16. m a l

"M-Mais je..." bafouillai-je en reculant, un peu effrayée par tout ça. La porte de la pièce s'ouvrit.

"Bonjour. Votre amende a été payée." expliqua une policière en me désignant. "J'ai parlé à mon collègue et j'ai réussi à le persuader de ne pas porter plainte mais vous devrez payer des dommages et intérêt." Elle parlait cette fois-ci à Harry.

"Merci Élise." Harry la gratifia d'un sourire. Elle avait beau avoir quelques rides qui m'indiquaient qu'elle possédait une quarantaine d'années, elle semblait en avoir trente.

"De rien Harry, je te le dois bien après tout ce que tu as fait pour ma fille." Elle lui renvoya son sourire même si ses yeux n'exprimaient que de la tristesse. Élise continua : "Vos parents sont arrivés, ne les faites pas trop attendre." Elle s'en alla.

"Tu la connais ?" m'enquis-je avec curiosité.

"C'est la mère de Keithan et Malory." Il gratta l'arrière de sa nuque avec embarras.

- "Oh." murmurai-je simplement. Nos regards se croisèrent mais on les détourna aussitôt, bien trop gênés par tout ce qu'il m'avait racontée avant que nous ayons été interrompus. Harry m'aime putain. Il est amoureux de moi.

L'ancienne Anzel serait en train de sauter dans tous les sens en poussant des cris de joie.

Seulement...

L'Anzel d'aujourd'hui est... Elle est perdue. Il y a quelques jours je souhaitais encore me venger de lui. Mais maintenant, après toutes ces révélations, j'avais l'impression que tout ce que j'avais fait cette année était juste à cause d'un putain de quiproquo. Je suis devenue celle que je suis aujourd'hui parce que je m'étais faite des idées et que je n'avais pas osé lui en parler. Mais non. Non, j'ai eu raison. Ou bien peut-être que c'était lui qui avait raison ? Non. Oui. Je n'en sais rien.

"On y va ?" Il se tourna et me tendit sa main attendant que je la prenne. Je louchais sur ses doigts en mordillant ma lippe. Si je la prenais, est-ce que cela voudrait dire que je suis encore amoureuse de lui ? Il attrapa ma main avant que je n'ai le temps de réagir et entrelaça nos doigts. Nous sortîmes de la pièce, en se tenant la main. J'avais un peu de mal à soutenir son regard. Nos yeux se relevèrent au même moment en voyant nos mères devant la secrétaire d'accueil. Dès que je vis ma mère, mon coeur se réchauffa. Elle m'avait manquée. Elle se décala et je le vis. Son copain, Leevron. Ma mère s'avança, furibonde. Elle se mit à faire des gestes plus ou moins rapides.

"Plus doucement..." murmurai-je mais au contraire, elle accéléra.

"As-tu une seule idée de ce que tu viens de faire, jeune fille ? Comment as-tu osé te saouler jusqu'à te retrouver au commissariat ? Non mais pour qui te prends-tu Anzel ? Je ne te reconnais plus ! Je suis ravie que tu aies gagné en confiance mais il est hors de question que tu deviennes alcoolique ou bien droguée ! Tu sais quoi ? Tu n'auras plus le droit de sortir, de toucher à l'alcool ou bien de participer à une quelconque fête jusqu'à ce que tu aies compris la leçon. Tant que tu ne seras pas un adulte responsable, je te traiterai comme un enfant, est-ce bien clair ?" C'était comme si elle me hurlait dessus et je me sentais toute penaude. Je jetai un oeil à Harry qui n'avait bien sûr rien compris, trop occupé à se faire remonter les bretelles par Anne.

"Oui, maman. Je suis désolée." m'excusai-je sincèrement. Ma mère fronça les sourcils puis de ses yeux larmoyants coulèrent des perles salées.

"Tu m'as tellement fait peur. Viens là ma chérie." Elle ouvrit ses bras et je m'y rendis. Elle me serra de toutes ses forces contre elle, m'étouffant légèrement. Je voyais Leevron me sourire gentiment et je le lui rendis timidement. Mes yeux se fermèrent et je me délectai de l'amour que me portait ma mère.

*

Depuis le jour où nous étions sortis du commissariat, il s'était écoulé un mois. Un mois pendant lequel je n'ai fait qu'étudier, travailler, manger, dormir et faire du sport. Ma mère m'avait forcée à me reprendre en main puis petit à petit, j'y arrivais. L'alcool était remplacé par du thé, les fêtes par les études, le sexe par la nourriture saine (qui me procurait un orgasme nutritif à chaque fois). Je retournais à ce bon vieux quotidien qui m'avait toujours semblé parfait et sous contrôle.
Mais je n'aimais pas cette façon de vivre. Je ne faisais plus rien qui me procurait du frisson. Je vais devoir m'y habituer, j'imagine. Harry me manquait. Matthew me manquait. Isabella me manquait. M'amuser me manquait.

Je poussai un soupir et mes yeux vacillèrent sur mon cahier de notes. Prise d'un ennui extrême, je repoussai le cahier sur le côté. Seule la lampe de mon bureau était allumée. Je me levai et m'étirai les bras en l'air. Un bâillement sortit de ma bouche et je la couvris. J'ouvris ma fenêtre, m'appuyai contre la barrière et observai le ciel noir étoilé. Tellement beau.

"Hey !" Mes yeux se baissèrent et je vis une silhouette noire me faire des signes d'en bas.

"Harry ?" La surprise se faisait sentir dans ma voix.

"Qui d'autre ?" se moqua-t-il et je sus que c'était lui. Il s'approcha un peu plus et je distinguais mieux son visage. Qu'il m'avait manqué. Revoir son visage angélique était un tel soulagement.
Cette scène me rappelait celle dans Roméo et Juliette. Que c'était ironique.

"Qu'est-ce que tu viens faire dans mon jardin ?" Il roula des yeux.

"Je viens voir ta mère." dit-il, sarcastique.

"Tu sais bien que je n'ai pas le droit de sortir ou de te laisser entrer." Harry eut un sourire craquant.

"A vrai dire, ta mère m'a autorisée à te parler et à te côtoyer." se justifia-t-il. "Et je la remercie d'ailleurs d'être une des supportrices de notre couple."

"Attends quoi, quel couple ?" ris-je et il souleva un sourcil inquisiteur.

"On est bien en couple maintenant, non ?" déclara-t-il comme si c'était la chose la plus évidente au monde. J'ouvris la bouche mais la refermai aussitôt, ne sachant que dire. Un silence s'installa.

"Mais si ma mère a accepté que tu me voies, pourquoi tu n'es pas passé par la porte ?" Il s'éclaircit la voix.

"J'trouvais ça plus romantique." Il tritura nerveusement ses doigts et j'éclatai de rire, charmée par sa petite attention.

"Harry, tu... tu veux rentrer ?" le questionnai-je timidement. Harry secoua la tête, ses boucles se balançant de gauche à droite.

"J'avais juste envie de passer te voir mais on se reverra très bientôt, je te le promets." Je penchai la tête de quelque degrés, tentant de comprendre le sens de ses mots.

"Tu sonnes comme un psychopathe, tu le sais ça ?" gloussai-je et il me tira la langue.

"Je suis fou de toi, c'est pour ça." Je rougis et essayai de cacher mes joues.

"Quel beau parleur." soufflai-je. Le visage d'Harry redevint impassible.

"Anzel, je suis plus que sérieux avec toi, je veux être sûr que tout soit bien clair entre nous." Mes yeux retournèrent dans leur contemplation des étoiles, un frêle soupir sortant de ma bouche.

"Je sais ça Harry. Mais je suis un peu perdue en ce moment. Je ne suis pas sûre de la nature des sentiments que je ressens à ton égard. Je t'ai aimé. Je t'ai détesté. Il n'y a qu'une fine ligne entre ces deux sentiments, je veux être certaine de ne pas me tromper, de ne pas me blesser et de ne pas nous déchirer une fois de plus." Harry lâcha un rire jaune.

"Bébé, l'amour est un poison qui te déchire, que tu le veuilles ou non. La haine ne sert qu'à masquer l'affection. Tu sais très bien, qu'il y aura des moments de souffrance mais aussi des moments de joie. On s'aime autant que l'on se déteste." Il me regardait fixement, comme si j'étais la huitième merveille du monde. Mon Dieu.

"Laisse moi juste un peu de temps pour digérer tout ça." l'implorai-je. Son sourire satisfait m'émerveilla.

"Je t'attendrai Anzel." Il mordit sa lèvre pour s'empêcher de sourire encore plus avant de s'en aller. Je le suivis des yeux jusqu'à ce qu'il disparaisse de mon champ visuel. Je fermai la porte et me jetai sur mon lit. Je pris mon oreiller et le serrai fort contre moi. Tout semble tellement parfait que c'en est horrifiant. Aurais-je droit au bonheur pour une fois ?

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