14. a b a s o u r d i e

QUATRE ANNÉES PLUS TÔT.

"Hey, je suis Cody." Je tournai ma tête vers le nouveau puis jetai un coup d'oeil au professeur qui continuait son cours. Il venait d'arriver et, moi qui n'avais pas eu beaucoup d'amis en quatorze années d'existence, j'avais assez de mal à croire qu'il se présentait à moi.

"Tu parles à moi ?" m'étonnai-je. Le blond haussa un sourcil et sourit.

"Bah ouais, à qui d'autre ?" se moqua-t-il. Je roulai des yeux et nous continuâmes de nous chamailler jusqu'à la sonnerie. Le lendemain, il se mit à me coller en cours, dans la récréation et même dans les couloirs. J'étais un peu fermé au début puis petit à petit, je m'ouvrais à lui et nous devînmes de bons amis au fil des jours. Il venait chez moi pour jouer aux jeux vidéos, je venais chez lui pour faire -- eh bien -- exactement la même chose. On s'intéressa aux filles, du moins pour ma part, lui était plutôt très froid avec les autres personnes. Nous eûmes notre premier magazine avec des filles dénudées ensemble, nos premiers fous rires et soirées. On découvrait la fin de l'adolescence ensemble, comme de vieux frères.
Puis un jour où on s'ennuyait terriblement, il me proposa un pari stupide et, comme l'adolescent en quête de soi-même que j'étais, j'ai bêtement accepté.

"On fait semblant d'être en couple pendant un mois. Si tu tombes amoureux de moi, tu me donnes cinquante livres et si c'est moi qui tombe amoureux de toi alors c'est moi qui te donne cinquante livres."

"Mais mec, je ne suis pas gay... Enfin je n'en sais rien." hésitai-je.

"Justement t'as jamais eu envie d'essayer avec un mec ? Comme ça, on saura si t'es homosexuel ou pas. Et puis on s'en fou, t'as pas envie de gagner cinquante livres ?"

"Bah... OK mais alors personne doit le savoir." Cody roula des yeux devant ma lâcheté.

"Bien sûr."

Si seulement j'avais su plus tôt que je venais de commettre une grave erreur. Nous commençâmes donc à faire tous ces trucs niais de couple. D'un côté, on faisait déjà ça en temps que meilleurs amis donc ça ne me dérangeait pas vraiment. Au contraire, ça m'amusait. On allait au cinéma, il me tenait discrètement la main et, même si ça me dérangeait un peu, je le laissais faire. Il se rendait chez moi en ayant dès fois des gestes affectueux et j'avais un certain malaise à les lui rendre. Cody avait plusieurs fois essayer de m'embrasser mais je m'en sortais toujours avec une bonne excuse. Je ne savais pas si j'aimais me faire désirer par quelqu'un et que ce "quelqu'un" soit Cody. Mais je profitais de ces moments car ils m'aidaient à me sentir bien dans ma peau. Puis, quelques jours avant la fin de ce jeu, Cody eut une action déplacée. Il avait réussi à m'embrasser.

- "Putain mais qu'est-ce que tu fous ?" m'emportai-je en le repoussant brusquement. Le blond baissa les yeux puis mordit ses lèvres.

- "Je t'embrasse." Il haussa les épaules, comme si c'était normal.

- "J'ai accepté ce jeu de merde mais j'ai jamais dit que tu pouvais m'embrasser." Je lui jetai un regard de travers et il fit semblant d'être blessé. Je le connais trop bien pour savoir qu'il est un très bon menteur et manipulateur.

- "C'est ce que font les couples." renchérit-il.

"Tu sais bien qu'on n'est pas vraiment un couple." Cody fronça les sourcils et son regard s'assombrit.

"Pas encore, c'est tout." Je levai les yeux au ciel.

"Jamais on le sera Cody, je ressens rien pour toi à part de l'amitié, cette mascarade doit s'arrêter." Il s'approcha de moi, cherchant mon regard.

"Menteur." chuchota-t-il. "Tu m'aimes comme moi je t'aime." Je haussai un sourcil interrogateur.

"Attends, t'es tombé amoureux de moi ?" m'étonnai-je. Il sembla réfléchir puis se lécha les lèvres.

"Oui, je t'aime Harry." Il scrutait ma réaction mais j'étais bien trop sonné pour réagir. "Maintenant nous pouvons réellement ensemble."

"Désolé mais je ne partage pas tes sentiments... On peut rester potes, non ?" Cody ne répondit pas, il ne faisait que d'éviter mon regard.

"Tu crois franchement que j'ai proposé ce jeu par pur intérêt ? Je t'aime depuis le jour où je t'ai vu. Tu as tout de parfait, tu es tout ce que je désire ! Personne ne me comprend comme toi, ne m'écoute attentivement comme tu le fais. On se complète, nous sommes des âmes sœurs Harry, rends toi compte." Il sourit en s'approchant mais je trébuchais en reculant. Rien n'allait, il semblait... terrifiant, ses yeux ne brillaient pas, ils me fixaient sans se détourner. 

"Arrête de dire n'importe quoi, je ne t'aime pas !" Il perdit toute trace de satisfaction et sa mâchoire se verrouilla, comme une haine s'éveillant en lui.

"J'me casse." cracha-t-il. "Mais sache qu'un jour ou l'autre, on finira ensemble." Qu'est-ce qu'il me raconte ? Il partit la seconde d'après, une lueur inquiétante dans le regard. Nous nous évitâmes les semaines suivantes. Puis en entrant au lycée, lors d'une soirée, j'ai rencontré Malory et Hakeem. Malory m'a présentée sa soeur Keithan, une fille super adorable qui venait tout juste d'avoir quinze ans, comme moi. On s'est tout de suite bien entendu. Elle ressemblait beaucoup à Calice, une amie d'enfance ; c'est donc grâce à cela que l'on s'est rapproché. Keithan était une fille très joyeuse de nature, tout comme sa soeur, elle avait un grain de folie et appréciait faire la fête. On s'amusait beaucoup ensemble, on rigolait en cours, on allait à des fêtes. Mais quelque chose changea soudainement notre relation.

Brusquement, elle se mit à s'éloigner de plus en plus de moi. Son sourire disparaissait, sa joie de vivre avec. Ses joues perdaient de leur éclat, des cernes se creusaient sous ses yeux. C'était inquiétant. J'avais demandé à Malory ce qui lui arrivait mais tout ce qu'elle m'a répondu c'est que sa soeur recevait tout le temps des coups de fil qui lui prenaient la majeur partie de son temps. Je n'avais pas répondu et m'étais dit que cela ne devait être qu'une passe. Le temps passait, je n'avais plus aucune nouvelle. Six mois après, je reçus un appel.

"Allô ?"

"Ha-Harry, Keithan a... a..."

"Qu'y a-t-il Malory ? Pourquoi tu pleures ?"

"Keithan, elle e-est m-morte..."

Mes yeux s'agrandirent et ses pleurs s'intensifièrent. Keithan ? Ma précieuse amie ? Décédée ?

"M-Malory, q-qu'est-ce que t... O-Où es-tu ?" Elle me dicta tant bien que mal son adresse et je courus à toute vitesse jusqu'à chez elle, sans reprendre mon souffle, sans m'arrêter et sans prendre compte de la distance. Je zigzaguais dans les rues, la peur et la panique coulant dans mes veines. Arrivée devant sa maison et à bout de souffle, je m'écroulai devant la demeure. Des policiers, une ambulance, des pleurs. Malory était à quelques mètres de moi, pleurant toutes les larmes de son corps. Déchirés, ses parents l'étreignaient en sanglotant. Je n'osai pas venir les accoster et préférai demander fébrilement à un policier :

"Q-Que s'est-il passé ?"

"La jeune Keithan a mis fin à ses jours, aujourd'hui, à seize heures et trente-neuf minutes de l'après midi." Mon monde s'écroula en même temps que mes genoux se fracassèrent sur le gravier du sol. Keithan était morte.

Ma vie perdit ses couleurs, la vie de tous ses proches fut bouleversée. Les questions me rongeaient de l'intérieur, tous comme les remords. Comment avais-je pu ne pas voir qu'elle souffrait ? 

La dépression m'avait attrapé pour ne plus me lâcher. C'était à ce moment là que Cody avait réapparu. J'avais passé des semaines à broyer du noir. Des semaines pendant lesquelles il était mon seul "réconfort." Je le laissais faire ce qu'il voulait de moi, n'étant plus apte à réagir. J'avais trop mal pour protester et j'étais trop vide pour ne pas le laisser combler ce trou dans ma poitrine. Il passait son temps à m'embrasser, à me câliner, à me faire des "gâteries"... Mes journées ne consistaient qu'à broyer du noir en fumant quelques trucs illicites et à flirter avec Cody. Je ne voyais plus mes amis. D'ailleurs, ils pensaient tous que j'étais homosexuel dorénavant même si ce n'était pas vraiment le cas. J'avais du mal à ne pas repenser à Keithan même si le temps commençait à me guérir. Les jours de cours se ressemblaient, ils étaient inintéressants.

Je rentrai en deuxième année de lycée.

C'est alors que Calice fit son entrée dans ma vie. Enfin, elle revenait dans ma vie. Elle avait de si soyeux cheveux blonds, de si beaux yeux verts que je ne pus que la séduire dans le dos de Cody. J'avais enfin trouvé quelque chose à faire. J'ai donc commencé à la séduire petit à petit, jusqu'à ce qu'elle craque. Nous couchâmes donc plusieurs fois ensemble. Personne n'était au courant bien sûr, même pas son fiancé. Mais un jour, elle vint me voir, en pleurs en me disant qu'elle ne pouvait plus supporter la culpabilité qu'elle ressentait en faisant cela à son petit-ami. Elle m'abandonna. Elle m'avait quitté comme Keithan l'avait fait. Elles m'avaient toutes délaissé, je n'en valais sûrement pas la peine. Je jetai alors mon dévolu sur Cody. Une fois de plus. Mais cela ne lui déplaisait pas, au contraire, il adorait cela et, cette fois-ci, je répondais à ses avances. Il avait été le seul qui me comprenait, le seul qui restait à mes côtés.

Le vingt-deux novembre arriva. C'était l'anniversaire de Malory. Elle m'invita à sa fête qui se déroulait chez elle et je m'y rendis bien sûr, accompagné de Cody. Alors que la fête battait son plein, je m'ennuyais et ne cessais de repenser aux moments que j'avais passés avec Keithan dans cette maison. L'accès à l'étage était interdit mais je réussis à m'y faufiler discrètement. Les battements de mon coeur s'accéléraient à chaque pas que je faisais dans le couloir qui menait à sa chambre. La porte de Keithan se trouvait face à moi. J'appuyai sur la poignée et la porte s'ouvrit. Sa chambre paraissait encore en vie, comme si Keithan n'était pas partie. Les posters de divers boysbands étaient épinglés sur les murs ainsi que quelques portraits. Il y avait une photo encadrée sur laquelle il y avait Keithan, Malory, Hakeem, Azkan et moi. On souriait tous. Je me souvenais encore de cette journée. On s'était rendu à un festival de musique. Malory s'était habillée en Harry Potter, Keithan en Hermione Granger, Hakeem en Dumbledore et Azkan en Drago Malefoy. J'avais refusé de me déguiser mais Keithan avait tout de même réussi à m'enfiler une écharpe jaune et rouge. C'était génial, on s'était tous amusé comme des dingues.

En y repensant, un sourire se glissa brièvement sur mon visage mais il disparut aussi vite qu'il était apparu lorsque je focalisai mon attention sur Keithan. Elle paraissait si heureuse, alors pourquoi ? Pourquoi mettre fin à ses jours ?

Je décidai de fouiller un peu, histoire de comprendre. J'avais ouvert tous les tiroirs, fouillé sous son lit, dans son placard mais rien. Il n'y avait rien qui pouvait m'expliquer. J'ai alors ouvert son dressing. Il y avait son beau manteau beige qu'elle portait si souvent. Je le pris et inspirai son odeur. Il avait exactement le même parfum qu'elle. Je caressai légèrement son doux tissu.

Ma main s'immisça dans la poche du manteau et je détectai un objet de forme rectangulaire. Son téléphone. Je le sortis et le déverouillai, connaissant son code par coeur. Je vis qu'elle avait treize appels en absence et quatre messages vocaux provenant d'un numéro inconnu. Je portai le téléphone à mon oreille et écoutai le premier message vocal.

"Keithan, Keithan, ma chère amie, comment vas-tu ? Toujours aussi mal j'imagine. Alors, comment se porte Harry, ton amoureux ? Ah mais j'oubliais, il te déteste maintenant que tu l'as abandonné, n'est-ce pas ? Tu es une telle pute, il a raison de te haïr comme il le fait. Tu l'aimes hein ? Il te manque ? Dommage, il ne ressent rien pour toi à part de la haine. C'est lui-même qui me l'a dit. Tu ne mérites même pas de vivre. Regarde toi, une pauvre petite salope grosse et dépressive. Qui voudrait de toi ? Personne, même pas ta soeur ou Harry." Cody rit sombrement. "Tu es une vache qui ferait mieux de se pointer elle-même à l'abattoir ou bien c'est l'abattoir qui te tombera dessus. Tes parents ont toujours préféré Malory, elle est belle, elle a du talent tandis que tu n'es qu'une salope qui se prend pour je ne sais qui. Vous êtes tellement pathétiques, tes bourrelets et toi. A quand le sport Keithan chérie ? Ou bien tu préfères aller engloutir un fastfood tout entier ? Même le fastfood te refuserait en voyant à quel point tu es à vomir [...]" Et ça continuait. Il continuait de l'insulter, de la rabaisser encore et encore. J'avais par la suite écouté les deux messages suivants qui se trouvaient être encore pires.

J'ai explosé. Tous mes muscles se contractaient au maximum, au point d'avoir presque broyé le téléphone et j'étais alors ensuite sorti de la pièce en furie. Cody, quel fils de pute. J'avais dévalé les escaliers en courant, puis je l'avais cherché dans toute la fête.

Je l'avais trouvé, assis sur une chaise parlant tranquillement avec un autre mec comme s'il était putain d'innocent.

PUTAIN DE MERDE. Je m'étas jeté sur lui et je l'ai frappé jusqu'à ce qu'il ne puisse même plus protester. Personne n'avait réussi à m'arrêter. Je l'ai tabassé, griffé, cassé, battu, déformé. Mes mains étaient en sang, mes yeux s'assombrissaient à chaque coup. C'était comme si un monstre avait pris possession de moi.

"Espèce de bâtard ! Dégage de ma vue sinon j'vais te tuer." hurlai-je mais il ne répliqua pas, trop assommé.

"Harry, qu'est-ce qui te prend ! ?" me cria Malory en me tirant par le biceps.

"C'est lui ! C'est à cause de lui que Keithan est morte !" révélai-je, les larmes dévalant le long de mes joues. J'ai pleuré. J'ai pleuré comme le putain de faible que j'étais. On aurait sûrement dit que j'avais la rage. "J'veux plus jamais te revoir, sinon j'te jure que je ne ferai qu'une bouchée de toi !"

Après cela, je n'avais pas souhaité rester dans le même lycée que ce putain de meurtrier par peur de l'assassiner et donc, en lui disant que je ne supportais plus me trouver dans le même lycée où résidaient les souvenirs avec mon amie Keithan, ma mère accepta de me transférer dans un autre établissement. Il n'y avait que Malory, sa famille et moi qui savions ce qui avait poussé Keithan au suicide. Ni ma mère ni ma soeur n'était au courant de toute cette histoire d'harcèlement.

Et donc un mois plus tard, j'ai rencontré Anzel.

PRÉSENT.

"Tu connais le reste de l'histoire." murmura-t-il en esquivant mes regards.

Je demeurais silencieuse, pendue à ses lèvres. Harry paraissait complètement détruit. Hésitante, je pris sa main et la serrai pour lui montrer que j'étais là pour lui, malgré tout.

"Je suis désolée." ne pus-je que dire. Il intériorisait sa douleur, je le voyais sur son visage crispé. Je m'approchai de lui et le pris dans mes bras. Harry me serra fort contre lui, comme s'il ne voulait pas que je le quitte.

"Je... Je n'ai pas fini." expira-t-il et je cessai de l'étreindre. "Ça n'explique pas pourquoi j'ai... j'ai laissé Cody m'embrasser."

"Tu es sûr que tu veux continuer ? Je ne t'en voudrai pas si tu refusais de me le dire." Il me fit un petit signe de tête affirmatif puis inhala un grand coup avant d'exhaler l'air.

"Je vais tout te dire."

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